DOSSIER AUSCHWITZ
Ge
¤ne
¤ralite
¤s
Le camp d’Auschwitz e
´voque a
`lui seul toutes les formes
de la barbarie et de la criminalite
´nazie :
– instrument de re
´pression d’abord, il permet la mise en
œuvre de la politique anti-slave d’Hitler, qui fait jeter dans
les oubliettes concentrationnaires les e
´lites politiques et
religieuses polonaises, puis les re
´sistants de la Pologne
occupe
´e,
haut lieu de la criminalite
´de guerre, il sert a
`massacrer
un grand nombre de prisonniers de guerre sovie
´tiques,
principal centre de « mise a
`mort industrielle », il prend
une part si conside
´rable dans le processus d’extermination
des Juifs d’Europe et des Tziganes qu’il en est devenu le
symbole,
– fournissant aux me
´decins nazis le « mate
´riel humain »
dont ils ont besoin pour satisfaire leur appe
´tit de « recher-
ches », il est un des principaux centres de la criminalite
´
me
´dicale,
– cœur d’un dispositif tentaculaire d’ateliers et d’entre-
prises en tous genres, il s’inscrit dans la logique concen-
trationnaire d’exploitation des de
´porte
´s jusqu’au bout de leur
force.
Auschwitz rassemble sous son nom deux fonctions qu’il
convient de rappeler d’emble
´e, celle de camp de concen-
tration et celle de centre d’extermination. Ces deux fonctions
ge
´ographiquement regroupe
´es se sont croise
´es au gre
´de
circonstances qui ont envoye
´une partie de la population
juive se
´lectionne
´e pour le travail vers le syste
`me concen-
trationnaire, ou a
`l’inverse une partie de la population
concentrationnaire « non juive », juge
´e inapte au travail et
inutile, vers les chambres a
`gaz. A
`cette croise
´e de chemins
se situe la population tzigane, place
´eende
´tention et
finalement promise elle aussi a
`l’extermination.
Apre
`s la libe
´ration, les re
´ve
´lations sur le KL (Konzen-
trationslager) d’Auschwitz, le plus grand des camps de
concentration et d’extermination hitle
´riens, permettent au
monde de mesurer jusqu’ou
`un Etat, mis au service d’une
ide
´ologie mythiquement raciste, ayant e
´rige
´la violence en
principe, avant d’en faire un mode d’action, a pu devenir
acteur d’une barbarie de
´chaı
ˆne
´e, encore ine
´gale
´e.
Pre
´senter ce camp qui, avec ses annexes, fut le cimetie
`re
de plus d’un million d’e
ˆtres humains, hommes, femmes et
enfants, constitue un impe
´ratif moral en me
ˆme temps qu’une
mise en garde contre toute ide
´ologie potentiellement
criminoge
`ne.
Bulletin de la Fondation pour la Me
´moire de la De
´portation
Trimestriel N
o
41 Mars 2004 2,50 e
La re
´
daction de Me
´
moire Vivante a choisi de grouper la sortie des nume
´
ros 41 et 42 de la revue,
consacre
´
sa
`une pre
´
sentation du camp d’Auschwitz, en raison de l’importance du sujet. Pour cette me
ˆme
raison, la mise au point du dossier Auschwitz a e
´
te
´plus longue que celle des pre
´
ce
´
dents dossiers.
SOMMAIRE
Dossier Auschwitz ................................ 1
1
re
partie : Construction et extension . ................... 2
2
e
partie : Organisation et structures de commandement SS . . . . 6
3
e
partie : Le re
´gime des de
´tenus . . . ................... 8
4
e
partie : Les annexes et Kommandos d’Auschwitz . . . . . ..... 13
Budget de la Fondation ............................ 15
Livres......................................... 16
E
ŁTABLISSEMENT RECONNU D’UTILITE
ŁPUBLIQUE (DE
ŁCRET DU 17 OCTOBRE 1990)
PLACE
ŁSOUS LE HAUT PATRONAGE DU PRE
ŁSIDENT DE LA RE
ŁPUBLIQUE
30, boulevard des Invalides ^ 75007 Paris ^ Te
¤l.0147058150^Te
¤le
¤copie 01 47 05 89 50
INTERNET : http ://www.fmd.asso.fr ^ Email : contactfmd@fmd.asso.fr
memoire-vivante41 - 13.7.04 - page 1
Initialement simple camp de transit pour des de
´tenus
transfe
´re
´s des prisons de Haute Sile
´sie et du gouvernement
ge
´ne
´ral en Pologne, le camp se spe
´cialise dans la re
´pression
et la « re
´e
´ducation » des patriotes polonais. Peu a
`peu, a
`
mesure de l’extension de la guerre, il s’agrandit pour devenir
une sorte d’e
´norme combinat international de la mort sans
cesse ravitaille
´par de nouveaux arrivants et servir a
`la
destruction a
`grande e
´chelle des Juifs d’Europe.
L’extermination est entoure
´e du plus grand secret et les
autorite
´s SS tenteront de de
´truire toutes les preuves de leurs
crimes, mais les ruines des chambres a
`gaz et les plans
retrouve
´s ont permis de reconstituer le fonctionnement de
cette industrie de mort, e
´claire
´ee
´galement par les
de
´clarations des rescape
´s et des responsables SS eux-
me
ˆmes, au cours des proce
`s qui vont suivre l’e
´croulement du
III
e
Reich.
L’emplacement du camp d’Auschwitz est classe
´au
patrimoine mondial de l’humanite
´.
Premie
're partie : CONSTRUCTION ET EXTENSION
Auschwitz I, camp d’origine
Le premier camp est ame
´nage
´en mai 1940 dans les
faubourgs de la ville d’O
´swiecim qui ne rec¸oit le nom
d’Auschwitz qu’apre
`s son incorporation au Reich.
Apre
`s l’invasion de la Pologne, l’encombrement des
prisons de Haute-Sile
´sie et du bassin de Dabrowa ne
permet pas les arrestations massives envisage
´es par les nazis
comme moyen de briser la re
´sistance polonaise en Sile
´sie.
Aussi les responsables locaux de la Police et de la Se
´curite
´
du Reich voient dans d’anciennes casernes polonaises
d’O
´swiecim, le moyen d’enfermer rapidement un grand
nombre de personnes. Le site pre
´sente par ailleurs des
possibilite
´s discre
`tes d’agrandissement et paraı
ˆt facile a
`
isoler du monde exte
´rieur.
En avril 1940, un repre
´sentant de la Wehrmacht re
´dige
l’acte de transfert des casernes d’O
´swiecim a
`la SS.
Le 27 avril 1940, Himmler ordonne d’ame
´nager Auschwitz
en camp de concentration et d’accroı
ˆtre sa capacite
´en
utilisant la main d’œuvre constitue
´e par les de
´tenus.
Rudolph Ho
¨ss, alors SS-Hauptsturmfu
¨hrer
1
, est de
´signe
´
comme commandant du camp le 29 avril 1940 et nomme
´
officiellement le 4 mai. Il fait expulser sans me
´nagement
1200 re
´fugie
´s polonais, habitant des baraquements au
voisinage imme
´diat du camp et les envoie au travail force
´.
Le 20 mai, arrive de Sachsenhausen, sous la conduite du
SS Gerhard Palitzsch
2
,unKommando d’une trentaine de
criminels de droit commun allemands destine
´sa
`encadrer les
autres de
´tenus. Le 29 mai, un autre Kommando, constitue
´
cette fois de Polonais, arrive de Dachau et se trouve en
charge de re
´aliser la clo
ˆture de fil de fer barbele
´e
´lectrifie
´du
camp qui devient, peu apre
`s, Stammlager (camp de base ou
camp souche) Auschwitz I. Ces de
´tenus polonais sont remis
en route vers Dachau a
`l’issue de leur travail, et, regrettant
de quitter Auschwitz et la Pologne, ou
`ils pensent recevoir
une aide de leurs compatriotes, s’entendent re
´pondre par le
SS Beck, qu’ils ont bien de la chance de devoir repartir, tant
ce camp serait « l’enfer sur terre ».
Le premier camp, comporte a
`l’origine 20 ba
ˆtiments en
dur de l’ancienne caserne d’artillerie polonaise, dont
quatorze a
`un niveau et six a
`deux niveaux. Les ba
ˆtiments
se re
´ve
`lent vite insuffisants et des travaux, destine
´sa
`leur
ajouter un e
´tage, sont entrepris de
`s l’e
´te
´1940 et poursuivis
jusqu’en 1943, par les de
´tenus avec des mate
´riaux re
´cupe
´re
´s
sur les habitations de
´truites des populations polonaises
expulse
´es. Pre
´voyant un taux de mortalite
´important, la SS
commande en outre un four cre
´matoire a
`la firme Topf, dont
la re
´alisation est entreprise en juillet. Implante
´, ainsi que la
morgue, dans une ancienne re
´serve de munitions, sur la
partie gauche de l’axe d’acce
`s du camp, il fonctionne a
`partir
de novembre 1940 et jusqu’en 1943
3
.
Plan d’Auschwitz 1.
De
´tenus occupe
´sa
`la destruction de maisons polonaises
apre
`s expulsion des habitants.
1. Equivalent de capitaine.
2. Passe
´par Lichtenburg, Buchenwald et Sachsenhausen, Palitzsch se
distingue a
`Auschwitz en proce
´dant lui-me
ˆme a
`des centaines d’exe
´cutions
au pistolet devant le Mur de la Mort, dans la cour du Block 11. C’est lui qui
prend la direction du camp des familles de Tziganes. Il s’approprie quantite
´
de biens et fonds appartenant aux victimes des chambres a
`gaz.
3. Apre
`s la construction des quatre chambres a
`gaz et cre
´matoires a
`grande
capacite
´de Birkenau, ce cre
´matoire I du Stammlager est transforme
´en abris
et magasin.
memoire-vivante41 - 13.7.04 - page 2
ME
´MOIRE VIVANTE – NUME
´RO 412
Un plan d’agrandissement ge
´ne
´ral est mis au point a
`la
faveur de la premie
`re tourne
´e d’inspection effectue
´e par
Himmler a
`Auschwitz, le 1
er
mars 1941. Il pre
´voit de porter
la capacite
´du camp a
`30 000 de
´tenus et de cre
´er quatre
secteurs nouveaux :
le premier a
`l’Ouest, concerne une cite
´SS avec espaces
verts, terrains de sport et mane
`ge pour les chevaux,
– le deuxie
`me secteur concerne la Kommandantur et,
dans son prolongement, l’emplacement des ame
´nagements
e
´conomiques et industriels (magasins, conduites d’eau,
ateliers artisanaux et de la DAW
1
),
– le troisie
`me contigu a
`la Kommandantur et aux
ame
´nagements e
´conomiques et industriels concerne le
camp de de
´tention proprement dit. Il se compose de deux
ensembles se
´pare
´s par une place d’appel : un premier
ensemble conc¸u sur la base des ba
ˆtiments en dur, existants
ou pre
´vus, avec au total 33 Blocks d’habitation, une grande
place d’appel projete
´ea
`l’emplacement des actuels ateliers
d’e
´quipement, un deuxie
`me ensemble de vingt ba
ˆtiments a
`un
e
´tage, dont cinq sont destine
´sa
`servir de magasins et ateliers,
et deux a
`e
ˆtre mis a
`la disposition du me
´decin SS Carl
Clauberg
2
pour ses expe
´riences de ste
´rilisation. Au total, les
deux ensembles repre
´sentent potentiellement 78 ba
ˆtiments.
– le quatrie
`me secteur enfin, co
ˆte
´Est, concerne les
casernes de la garnison SS.
Le nouvel agrandissement est entrepris a
`l’e
´te
´1941. Huit
ba
ˆtiments sont effectivement e
´leve
´sa
`l’emplacement de
l’ancien mane
`ge, quatorze sont sure
´leve
´s d’un e
´tage parmi
ceux de
´ja
`existants ; enfin la cuisine et un ba
ˆtiment
d’administration SS sortent de terre. La nume
´rotation
d’ensemble des Blocks est alors modifie
´e, de 1 a
`28 (voir
plan), certains Blocks ayant une destination utilitaire
(entrepo
ˆt des objets confisque
´s aux de
´tenus de
´barque
´s des
trains, local de de
´sinfection, bureaux, etc.). C’est a
`cette
nouvelle nume
´rotation que se re
´fe
`rent les Blocks 10, re
´serve
´
aux expe
´riences me
´dicales, et 11, sinistre Block disciplinaire
surnomme
´«Block de la mort », entre lesquels est e
´leve
´le
mur des fusille
´s, devant lequel sont abattus des milliers de
condamne
´sa
`mort. Enfin les ateliers artisanaux qui existent
au camp et ceux de l’entreprise SS d’e
´quipements DAW font
l’objet d’agrandissements.
Paralle
`lement a
`cette se
´rie de travaux affectant le camp, la
ville d’Auschwitz subit des transformations destine
´es a
`lui
donner un caracte
`re plus germanique.
Pendant la dure
´e des travaux, les de
´tenus sont regroupe
´s
dans les ba
ˆtiments restants, ou
`ils doivent s’entasser tant
bien que mal.
En septembre 1941, neuf Blocks, situe
´sa
`gauche de
l’entre
´e du camp, sont isole
´s par du barbele
´e
´lectrifie
´(Blocks
1, 2, 3, 12, 13, 14, 22, 23,24), une pancarte indiquant a
`
l’entre
´e de cette zone « Camp de travail pour prisonniers de
guerre russes ». Pratiquement de
`s les de
´buts de l’offensive
de 1941 contre l’URSS, 15 000 prisonniers de guerre
sovie
´tiques destine
´sa
`e
ˆtre liquide
´s y sont enferme
´s. Ce camp
est finalement vide
´le 1
er
mars 1942. Les 945 prisonniers
restant (tous les autres sont morts), et une partie des de
´tenus
du camp principal sont alors transfe
´re
´sa
`Birkenau, encore
en travaux. Les e
´critures sur le registre des de
´ce
´s des
prisonniers de guerre russes sont arre
ˆte
´es. La clo
ˆture
provisoire est enleve
´e le 8 mars 1942 et les de
´tenus affecte
´s
aux Kommandos du camp entreprennent la construction d’un
mur en be
´ton le long des Blocks 1a
`10, ou
`une section de
femmes est cre
´e
´e.
Au printemps 1942, le 27 avril, cette section (Frauenab-
teilung), rattache
´e d’abord a
`la Kommandantur de Ravens-
bru
¨ck avant de passer sous celle d’Auschwitz, voit arriver les
premie
`res de
´tenues polonaises. Elles sont transfe
´re
´es a
`
Birkenau en aou
ˆt 1942
3
.
Entre mars 1941 et fe
´vrier 1942, l’agrandissement du
Stammlager et des ateliers artisanaux, l’ame
´nagement de la
zone d’inte
´re
ˆt du complexe Auschwitz, la construction des
Buna-Werke et celle enfin du camp de Birkenau, entrepris
presque simultane
´ment, cou
ˆte la vie a
`des milliers de
de
´tenus polonais et de prisonniers de guerre sovie
´tiques.
Quels qu’en soient les ale
´as, la conception autant que le
stade de re
´alisation atteint en 1945 par l’agrandissement du
camp et de ses annexes permettent d’affirmer qu’Auschwitz est
conc¸u pour durer et servir a
`l’internement et a
`l’ane
´antisse-
ment des ennemis du Reich pour de nombreuses anne
´es.
Auschwitz II ^ Birkenau
Envisage
´e fin 1940, comme en atteste la classification des
camps publie
´e par le RSHA en janvier 1941, qui mentionne
de
´ja
`« Auschwitz II » alors que le camp n’existe pas encore,
l’extension du complexe d’Auschwitz vers Birkenau entre
dans les faits, en janvier 1942, a
`trois kilome
`tres du camp
principal.
Elle fait suite aux directives donne
´es par Himmler lors de
son inspection du 1
er
mars 1941 a
`Auschwitz d’implanter sur
le territoire de Birkenau un camp pour « 100 000 prisonniers
de guerre »
4
.
En novembre 1941, un nouvel organisme, la Zentralbau-
leitung der Waffen SS und Polizei in Auschwitz centralise les
travaux.
A
`partir du 8 octobre 1941, apre
`slade
´molition des
ba
ˆtiments ruraux de Brzezinka (Birkenau), la construction du
camp proprement dit est entreprise dans la ha
ˆte, sur un
terrain sans infrastructure
5
.
Le plan pre
´voit de diviser le terrain en deux parties
se
´pare
´es par une alle
´e principale, en paralle
`le de laquelle
viendra s’inscrire ulte
´rieurement une voie ferre
´e.
Le camp de quarantaine
6
est pre
´vu a
`gauche de l’entre
´e,
deux autres camps (I et II) le sont a
`droite. L’ensemble
constitue selon ses concepteurs, un rectangle compact
de 720 m de long sur 130 m de large et comporte au total
174 baraques d’habitation en dur.
Dans les faits, le camp de quarantaine est remplace
´par
deux sous-camps distincts appele
´s BIa et BIb
7
. Le camp BIb
est destine
´aux hommes et entre en fonction en mars 1942,
1. Deutsche Ausru
¨stungswerke, sorte de me
´lange d’ateliers d’e
´quipements
divers et d’armement le
´ger, appartenant a
`la SS.
2. C’est la
`qu’en 1944, sont transfe
´re
´es les de
´tenues du Block 10, destine
´es a
`
des expe
´riences de ste
´rilisation.
3. Une nouvelle section pour femmes compose
´e de sept Blocks est mise en
service plus tard a
`Auschwitz I, le 1
er
octobre 1944 pour les de
´tenues
employe
´es dans les usines Weichsel Union Metallwerke. La surveillante-chef
en devient l’Oberaufseherin Volkenrath.
4. Kriegsgefangenenlager (KGL), appellation que conserve le camp de
Birkenau jusqu’au 31 mars 1944, date a
`laquelle il devient camp II de
Birkenau.
5. A ce moment les effectifs du Stammlager de
´passent 20 000 de
´tenus, avec
en particulier l’afflux de 10 000 prisonniers de guerre sovie
´tiques arrive
´sdu
Stalag de Lamsdorf entre les 7 et 25 octobre 1941.
6. La quarantaine e
´tait le lieu de regroupement et de mise en condition des
nouveaux de
´tenus avant leur re
´partition dans les baraques et Kommandos.
7. Bauabschnitt Ia ou secteur de construction Ia, Bauabschnitt Ib ou secteur
de construction Ib, etc.
memoire-vivante41 - 13.7.04 - page 3
ME
´MOIRE VIVANTE – NUME
´RO 41 3
mois au cours duquel quelques milliers de de
´porte
´s sont
transfe
´re
´sduStammlager a
`Birkenau, tandis que le camp
BIa devient camp de concentration pour femmes (Frauen-
konzentrationslager), a
`partir d’aou
ˆt 1942.
*
De
´fini en octobre 1941, ce plan ne se re
´alise finalement
que partiellement et subit des modifications au cours de l’e
´te
´
1942. Un nouveau plan, date
´du 15 aou
ˆt 1942, pre
´voit a
`
Birkenau la cre
´ation d’un complexe de camps pour 200 000
personnes et des installations d’extermination. Aux secteurs
I et II du plan pre
´ce
´dent, s’ajoutent, sur la droite, le secteur
III (BIII) nomme
´plus tard par les de
´porte
´s « Mexique »
1
,un
secteur IV (BIV), programme
´a
`gauche du secteur I, pre
´vu
pour 60 000 personnes (ce secteur ne voit jamais le jour). Le
secteur I (BIa et BIb) est pre
´vu pour 20 000 personnes, les
secteurs II et III pour 60 000 personnes chacun.
Chaque secteur est lui-me
ˆme cloisonne
´en parties
distinctes, se
´pare
´es par une clo
ˆture dans laquelle est
me
´nage
´un portail d’acce
`s. Un poste de garde SS
(Blockfu
¨hrerstube) comple
`te ce dispositif.
L’ensemble du camp forme un rectangle re
´gulier de 720 m
sur 2 340 m. En juillet 1943, les de
´tenus du secteur BIb sont
transfe
´re
´s au secteur BIId qui devient le « camp des
hommes », le secteur BIb servant a
`l’extension du camp
des femmes. La compagnie disciplinaire se voit affecter le
Block 11 et le Sonderkommando le Block 13 voisin. Ces deux
baraques sont comple
`tement isole
´es du reste du camp de
fac¸on a
`interdire tout contact entre les de
´tenus de ces deux
formations et les autres.
Quatre cre
´matoires
2
e
´quipe
´s de chambre a
`gaz sont
pre
´vus sur le flanc ouest, au bout de l’alle
´e principale et de
la voie ferre
´e. Ils entrent en service entre mars et juin 1943
et constituent le centre de mise a
`mort industrielle
proprement dit
3
. Ces installations permettent d’acce
´le
´rer le
massacre des populations juives en provenance des camps de
transit et des ghettos ame
´nage
´s en France, aux Pays-Bas, en
Belgique, en Gre
`ce, en Allemagne, en Yougoslavie, en
Tche
´coslovaquie, en Pologne, en Russie et en Italie.
Le 28 juin 1943, le directeur de la Zentralbauleitung der
Waffen-SS und Polizei d’Auschwitz, le Sturmbannfu
¨hrer Karl
Bischoff, informe le chef de l’Amtsgruppe C du WVHA
4
,
Heinz Kammler, que la construction du cre
´matoire III s’est
acheve
´e le 26 juin et que de ce fait tout le programme pre
´vu
des cre
´matoires est acheve
´. Il pre
´cise que, de
`s ce moment la
capacite
´des cre
´matoires par 24 heures est, selon les
estimations dont il dispose, de 4 750 corps
5
.
Le secteur BII est termine
´dans le courant de l’anne
´e
1943. Il comporte six parties : BIIa, camp de quarantaine,
de 16 baraques de type e
´curies (lire descriptif plus bas),
BIIb, BIIc, BIId, BIIe, de chacun 32 baraques, BIIf
ame
´nage
´en camp ho
ˆpital
6
pour les de
´tenus hommes, dont
les premiers sont admis le 23 juillet 1943. Il a d’abord pour
but d’isoler les malades contagieux, pour e
´viter l’extension
des e
´pide
´mies. L’acce
`s est interdit aux de
´tenus valides qui
ne peuvent s’y rendre que pour raison de service, et s’ils
sont malades, apre
`s accord du me
´decin SS ou d’un me
´decin
mandate
´par lui.
Le secteur BIIb ou Familienlager est re
´serve
´aux familles
envoye
´es entre septembre et de
´cembre 1943, puis a
`nouveau
en 1944, du camp-ghetto de Theresienstadt.
Les baraques du secteur BIIc servent initialement de lieu
d’entrepo
ˆt des affaires des de
´porte
´s juifs envoye
´s en chambre
a
`gaz, avant l’entre
´e en service des ba
ˆtiments de la zone D,
baptise
´e « Kanada » par les de
´tenus, et qui occupe environ
2 000 personnes.
Une station d’e
´pouillage et de de
´sinfection est ame
´nage
´e
dans un secteur situe
´dans le prolongement du secteur BIIf.
Un secteur a
`cheval sur les secteurs BIIc et BIII (ou
« Mexique »pour les de
´tenus) est utilise
´plus tardivement
comme zone de transit (Durchgangslager ou Depotlager) pour
les femmes juives hongroises non immatricule
´es et en attente
de se
´lection.
*
Deux types de Blocks sont destine
´sa
`loger les de
´tenus a
`
Birkenau : les Blocks en dur et les baraques-e
´curies en bois.
Les Blocks en dur sont construits a
`la ha
ˆte dans le secteur BI
sur un terrain de
´trempe
´, qui devient par la suite le camp des
femmes. Les ba
ˆtiments correspondants, d’environ 36 m sur
11, sont perce
´s de dix-sept fene
ˆtres, de deux vasistas et
d’une porte. A
`l’inte
´rieur de chaque Block, sont construits 60
compartiments, comparables a
`des clapiers a
`trois niveaux,
me
´nageant au total 180 couchettes, mais ou
`, suivant les
instructions des autorite
´s SS, quatre de
´tenues doivent
dormir, ce qui porte en fait la capacite
´globale a
`720.
Deux poe
ˆles en fonte sont installe
´s pour sauvegarder les
apparences, rien n’e
´tant pre
´vu pour leur fonctionnement. Le
sol, en terre battue, est recouvert plus tard d’une couche de
briques pose
´es a
`plat ou d’une mince couche de be
´ton sur
laquelle dorment les de
´tenues du premier niveau.
Plan de Birkenau.
1. Au cours de l’anne
´e 1944, le WVHA, a
`court de mate
´riaux, de
´cide de
re
´duire les investissements destine
´sa
`l’ame
´nagement du KL Auschwitz et
suspend les travaux du secteur BIIc.
2. En juillet 942, l’administration qui s’occupe de la construction du
complexe de camps d’Auschwitz engage des pourparlers avec diverses firmes
pour la construction non plus de deux mais de quatre fours cre
´matoires avec
chambre a
`gaz. C’est la firme JA Topf und So
¨hne d’Erfurt qui emporte le
marche
´et se charge de la construction des fours et des installations de
gazage.
3. La firme Topf met au point les plans du troisie
`me four cre
´matoire
d’Auschwitz fin septembre 1941. Les travaux commencent le 19 novembre.
Pour permettre simultane
´ment d’effectuer les re
´parations ne
´cessaires sur
ceux de
´ja
`en service, la Kommandantur fait cesser les incine
´rations et
transporter les corps des de
´tenus et prisonniers morts au camp ou dans les
Kommandos, dans les fosses communes de Birkenau, elles-me
ˆmes
supprime
´es ulte
´rieurement apre
`sde
´terrement et incine
´ration des cadavres.
4. Wirschaftsverwaltunghauptamt.
5. Insuffisant, il sera comple
´te
´lors de l’arrive
´e et du gazage de convois trop
rapproche
´s, par des fosses d’incine
´ration.
6. Ce secteur est de
´signe
´officiellement par le sigle HKB-camp BIIf.
memoire-vivante41 - 13.7.04 - page 4
ME
´MOIRE VIVANTE – NUME
´RO 414
Aucune installation sani-
taire n’est pre
´vue avant 1944
et les baraques ne sont initia-
lement pas e
´claire
´es.
Le second type de
baraque, de type e
´curie
pour 52 chevaux, est com-
pose
´d’e
´le
´ments pre
´fabrique
´s
en bois. Une range
´ede
lucarnes dans la partie supe
´-
rieure, de chaque co
ˆte
´, tient
lieu de fene
ˆtre. Les murs
sont faits de plaques de
planches minces, sommaire-
ment ajuste
´es. Le toit (e
´ga-
lement plafond) comporte
une couche de planches
couverte de carton gou-
dronne
´et repose d’une part
sur les murs exte
´rieurs, d’au-
tre part sur une double
range
´e de poteaux qui
divise la baraque en trois
dans le sens de la largeur.
L’ensemble n’assure qu’une
e
´tanche
´ite
´et une protection
tre
`s relatives. Les murs des
pignons d’extre
´mite
´sont
perce
´sdeportesa
`deux
battants.
L’inte
´rieur de chaque
baraque est divise
´en dix-
huit compartiments qui, a
`
l’origine, constituaient les
stalles des chevaux. Dans
chaque baraque, une partie
est re
´serve
´eaude
´tenu (ou dans le camp des femmes a
`la
de
´tenue) faisant fonction de chef de bloc (Blocka
¨ltester).
Cet immense chantier de
´bute par le nivellement et le
drainage d’un terrain largement insalubre et mare
´cageux.
Puis les de
´tenus entreprennent la construction d’une route
allant du pont au-dessus des voies ferre
´es, au portail du futur
camp, proce
´dant a
`l’extraction du sable de la sablie
`re (voir
plan du Stammlager), au de
´chargement des mate
´riaux,
traı
ˆnant l’e
´norme rouleau compresseur, enfin proce
´dant a
`la
re
´alisation des fondations des baraques.
Le rythme impose
´est tre
`s rapide. Des milliers de de
´tenus
polonais et de prisonniers de guerre sovie
´tiques pe
´rissent
dans ce chantier, sous les coups et les vocife
´rations, dans des
conditions sanitaires et d’alimentation excluant toute possi-
bilite
´de re
´cupe
´ration. Toutes les firmes participant a
`la
construction du camp « ache
`-
tent » a
`la Kommandantur la
main d’œuvre des de
´tenus.
Des ba
ˆtiments « latrines »
et des lavabos entrent en
service en 1943. Leur
conception est rudimentaire :
de simples rigoles d’e
´coule-
ment, recouvertes d’une
plaque de be
´ton avec une
centaine de lunettes circu-
laires pour les latrines ou
90 robinets, dans le cas des
lavabos.
Les conditions sanitaires s’ame
´liorent quelque peu tout en
demeurant tre
`s insuffisantes, avec la construction et la mise en
service :
– des ba
ˆtiments douches, ou « sauna »
1
, rarement acces-
sibles et auxquels les de
´tenus doivent se rendre nus en
courant depuis leur Block,
des installations de de
´sinfection pour les ve
ˆtements. Un
ba
ˆtiment de ce type est construit dans chacun des secteurs
B1a, B1b et BII.
La voie ferre
´e de garage et la rampe de de
´chargement de
Birkenau, immortalise
´eparlesprisesdevuesdeSS
proce
´dant a
`la se
´lection de convois de Juifs de
´barque
´sle
long des rames, sont acheve
´es a
`la mi-mai 1944. Elles
longent l’alle
´e principale, entre les ba
ˆtiments des se
´ries BI et
BII.
Auschwitz III ^ Buna-Monowitz
L’Aussenlager-Auschwitz III, dont fait partie le camp de
Monowitz construit pre
`s d’une usine de caoutchouc et
d’essence synthe
´tique, la Buna-Werke du groupe IG-
Farbenindustrie, englobe une quarantaine de filiales situe
´es,
pour la plupart, en Haute Sile
´sie.
En janvier 1941, le groupe IG-Farben e
´tudie en effet
diffe
´rents sites possibles d’implantation d’une quatrie
`me
usine Buna en Haute-Sile
´sie, repre
´sentant une capacite
´
potentielle de production de 30 000 tonnes de caoutchouc
synthe
´tique par an.
L’implantation de ces unite
´s de production a
`Dwory
re
´pond a
`un souci strate
´giquedemisea
`l’abri des
bombardements. Elle prend e
´galement en compte la
proximite
´du charbon et la possibilite
´de disposer d’une
main d’œuvre conside
´rable puise
´e dans le camp de
concentration voisin.
Le 18 fe
´vrier 1941, Hermann Go
¨ring de
´cre
`te la
construction des usines Buna a
`Auschwitz et demande a
`
Himmler les mesures suivantes :
– expulsion rapide des Juifs d’Auschwitz afin de libe
´rer
des logements pour les ouvriers affecte
´sa
`la construction des
usines Buna,
– maintien provisoire du maximum d’ouvriers qualifie
´s
polonais, les besoins e
´tant e
´value
´sentre8et
12 000 ouvriers.
L’accord de principe de fournir au consortium IG-
Farbenindustrie 10 000 de
´tenus pour la construction des
e
´tablissements industriels de Dwory pre
`s d’Auschwitz est
donne
´par Himmler aux autorite
´s locales, a
`l’occasion de sa
premie
`re tourne
´e d’inspection a
`Auschwitz, le 1
er
mars 1941.
De
`s lors tout va tre
`s vite entre les repre
´sentants de
l’IG-Farbenindustrie, le WVHA, et la Kommandantur.On
proce
`de a
`l’expropriation de familles polonaises en mars et
avril 1941 ; les logements re
´cupe
´re
´s sont attribue
´s aux familles
des SS et aux ouvriers spe
´cialistes allemands venus travailler a
`
la Buna-Werke, tandis que les populations e
´vacue
´es sont
envoye
´es aux mines de charbon de Brzeszcze et Jawiszowice.
Le 27 mars 1941, au cours d’une confe
´rence convoque
´ea
`
la Kommandantur d’Auschwitz, les autorite
´sducamp
s’engagent a
`fournir 1000 de
´tenus pour la construction de
l’usine de Dwory pour l’anne
´e en cours, entre 3 000 et 8 000
Une baraque du camp de femmes.
Une baraque e
´curie du camp des hommes.
Des latrines au camp de Birkenau.
1. Appellation donne
´e par les de
´tenus en raison de la pratique courante
consistant, pour les SS, a
`faire varier par jeu et sans pre
´avis la tempe
´rature
de l’eau des douches et a
`battre les de
´tenus qui tentent d’e
´chapper a
`l’eau
bru
ˆlante ou a
`l’eau glace
´e.
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