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du trajecteur. L'adjectif rouge, par exemple, est une relation atemporelle qui a un objet
comme trajecteur, et comme site une région dans un espace de couleur désigné par le
nom rouge . Un adverbe comme (rapidement) demande comme trajecteur un processus
et comme site une région à travers une échelle de comparaison des vitesses. Son site est,
par conséquent, construit comme un objet. Le connecteur (before) en anglais est une
relation atemporelle qui prédique un lien temporel entre deux événements, comme dans
(She left before I arrived (Elle est partie avant que je n'arrive)) 6. Ainsi son trajecteur et
son site sont des relations processuelles. On peut aussi avoir un processus comme
trajecteur et un nominal comme site, comme l'exige (pendant) dans (Pendant sa
promenade quotidienne, Pierre a trouvé un serpent). Le verbe (paraître) a dans (Sa sœur
paraît intelligente) un objet comme trajecteur et une relation atemporelle comme site.
1.2.2. Le trajecteur comme figure de la relation 7
L'asymétrie des participants dans les prédications relationnelles n'est pas réductible aux
rôles sémantiques des participants, ou autrement dit à la nature de l'implication de
chacun des participants dans la relation mise en profil.
Premièrement, cette asymétrie est observable même dans les prédications qui
désignent des relations symétriques. Les deux phrases (Pierre ressemble à Jacques) et
(Jacques ressemble à Pierre) ne sont pas sémantiquement équivalentes puisque la base
de référence n'est pas la même dans les deux phrases ((Jacques) dans la première et
(Pierre) dans la seconde). Ce qui revient à dire que des relations identiques peuvent être
représentées avec des alignements opposés. Du point de vue du contenu sémantique, les
rôles de x et y sont les mêmes dans (x est sur y) et (y est sous x) , mais une différence
subsiste entre les deux expressions, à savoir que le point de référence n'est pas le même
: ou x est situé d'après sa relation avec y , ou l'inverse. Deuxièmement, la distinction
trajecteur / site est plus générale et plus largement applicable que la distinction
sujet/objet. Ces deux derniers sont normalement réservés aux nominaux pleins (i. e. aux
syntagmes nominaux), tandis que l'opposition trajecteur / site relève de la structure
interne des prédications relationnelles qu'elles soient temporelles ou atemporelles. D’un
autre côté, le trajecteur et les sites n'ont pas besoin d'être systématiquement explicités,
et sont souvent des relationnels plutôt que des nominaux. La structure interne d'un
prédicat doit être distinguée de ses propriétés combinatoires, malgré leur mutuelle
influence. Le verbe (lire), par exemple, a deux emplois, l'un transitif et l'autre intransitif
(dans les deux phrases : (Marie lit son nouveau livre) et (Marie lit rapidement), mais un
site caractérisé schématiquement est inclus dans son profil relationnel indépendamment
de la présence ou de l'absence de l'objet direct. L'adjectif (rouge) a un trajecteur et un
site indépendamment du fait que son trajecteur est spécifié par une expression
nominale, et malgré le fait que son site ne peut pas être explicité.
2. Les structures multi-propositionnelles 8
Il existe deux stratégies de base pour construire des représentations complexes : la
première est paratactique (ou asyndétique) et consiste à juxtaposer des représentations
simples. La seconde consiste à lier deux ou plusieurs représentations par le biais de
6. Nous avons traduit systématiquement les exemples de Langacker en français sauf
dans les cas où cette traduction estompe ou ne met pas en relief le point évoqué par la
structure de la phrase anglaise.
7. Cf. Langacker, vol. I : chap. 6, p. 231-233.
8. Voir Langacker, vol. II : chap. 10, p. 417 - 463, et chap. 11, p. 464 - 506.