Intégration régionale et attractivité : cas
de l’UEMOA comparé à d’autres
communaus économiques régionaux
d’Afrique et d’ailleurs
2
1. Introduction
Depuis deux décennies, on assiste à une montée en puissance des accords commerciaux
régionaux (ACR). Selon l’Organisation Mondiale du Commerce, près de trois cent étaient
en vigueur en 2010, dont plus de 45% ont été notifiés après 1990. Les pays en
développement participent pour une grande part à cette dynamique par la création de
plusieurs zones d’intégration sus-sud, tels le MERCOSUR
1
, l’ASEAN
2
, l’UEMOA
3
, la CAE
4
,
etc. La création de ces ACR est motivée par la volonté du groupe de pays d’améliorer
leurs positions au sein de la division internationale du travail (Abdoulahi, 2005). En n
réduisant ou supprimant les distorsions commerciales, en élargissant les marchés et en
renforçant la crédibilité des réformes politico-économiques, les ACR permettent
d’accroitre, entre autres, les investissements dans les Etats membres (Krugman 1980,
Motta et Norman, 1993, N’Kodia, 1999, CEA, 2004), notamment les investissements
directs étrangers (IDE).
L’accroissement des IDE, au centre de la stratégique de croissance et de développement
des PED, est ainsi devenu l’un des effets les plus attendus de l’intégration régionale. Pour
cause, les IDE favoriseraient la croissance, créeraient de l'emploi, permettraient des
transferts de connaissance, amélioreraient la productivité, inciteraient aux réformes,
dans une spirale vertueuse où les bons résultats accroissent à leur tour l'attractivité et la
confiance, elles-mêmes à l'origine de nouveaux investissements (de Saint-Laurent,
2010). D’où le volume des IDE reçus est utilisé comme une mesure de résultat de
l’attractivité. Cette dernière se définit simplement comme "la capacité pour un territoire
d’offrir aux investisseurs des conditions d’accueil suffisamment intéressantes pour les
inciter à y localiser leurs projets de préférence à un autre territoire" (Hatem, 2005).
Au plan théorique, les efforts d'intégration régionale conduisent généralement à
l’augmentation de l'investissement direct étranger (IDE) tant à l’intérieur de la zone
qu’en provenance du reste du monde. Cette hausse découlerait de l'effet indirect de la
libéralisation du commerce et de l'intégration des marchés, des efforts d’harmonisation
du cadre de politique générale dans les pays membres, notamment à l'investissement et
à la coopération directe sur les projets d'investissement au niveau régional (CNUCED,
2013). Pourtant, aucun consensus ne semble se dégager dans la littérature empirique
sur un éventuel effet positif significatif des ACR sur l’attraction des IDE, même au niveau
régional (Balasubramanyam et al., 2002; Velde et Bezemer, 2004).
Depuis sa création à 2012, l’UEMOA a su jumeler reformes structurelles et réalisations
tangibles dans le but d’une intégration économique prospère, capable d’induire des
effets sur les IDE. De nombreuses modifications ont ainsi été apportées aux
1
Marché commun sud-américain
2
Association des nations de l'Asie du Sud-Est
3
Union économique et monétaire ouest-africaine
4
Communauté de l'Afrique de l'Est
3
réglementations pour attirer davantage de firmes étrangères. Mais malgré ces efforts
entrepris, l’UEMOA ne constitue pas une destination de choix pour les IDE,
comparativement à d’autres régions dans le monde. En effet, le volume d’IDE reçu
cumulé depuis 1994 s’élève à 20,6 milliards USD, soit environ 18% et 24% des seuls flux
d’IDE reçus respectivement par l’ASEAN et le MERCOSUR au cours de l’année 2012. Par
ailleurs, bien que les flux d’IDE aient suivi une évolution appréciable, passant de 238,6
millions USD en 1994 à 2,3 milliards USD en 2012, l’UEMOA représente moins de 1% des
flux mondiaux d’IDE entrants en 2012 contre 6,3% pour le MERCOSUR et 8,2% pour
l’ASEAN.
Le présent document se propose d’étudier l’évolution de l’attractivité économique de
l’UEMOA. Il s’agira spécifiquement d’examiner la tendance des flux et stock d’IDE de
l’UEMOA depuis sa création et, de ressortir les principaux facteurs qui en limitent la
croissance en comparaison avec d’autres blocs régionaux dans le monde, notamment le
MERCOSUR et l’ASEAN. Cette analyse permettra de situer l’état de l’attractivité de
l’UEMOA et de proposer des mesures correctives.
Le reste du document est structuré comme suit. La section suivante présente l’évolution
de l’attractivité économique de l’UEMOA. Elle est suivie d’une section 3 sur l’analyse
descriptive et économétrique des déterminants de cette attractivité. La section 4 fait une
conclusion et propose quelques recommandations.
2. Evolution de l’attractivité de l’UEMOA
Selon le tableau de bord de l’attractivité de la France, édition 2012, l’attractivité
économique peut être appréhendée par les indicateurs de résultats que sont : les IDE, la
capacité à attirer les compétences étrangères, les activités stratégiques de Recherche et
Développement (R&D) et l’internationalisation. Pour le l’UEMOA, le principal indicateur
de résultat de l’attractivité économique utilisé est l’IDE et l’internationalisation.
2.1 Amélioration des flux et du stock d’investissements étrangers.
La littérature économique a ressorti ces derniers années le rôle peut jouer l’ACR sur les
mouvements de capitaux, notamment les flux d’IDE à travers les accords
d’investissement et de libéralisation commerciale. Selon la théorie néo-classique, les flux
d'IDE correspondent à une adaptation des firmes aux conditions des marchés nationaux
et internationaux, en termes de coûts des facteurs résultant des dotations factorielles
(Mainguy, 2004). Les capitaux devraient, selon l’auteur, donc aller des pays ils sont
abondants vers ceux ils sont rares car, dans ces derniers, les rendements des
nouveaux investissements devraient être plus élevés. En se constituant en bloc regional,
les pays en développement s’offrent ainsi plus de possibilité de capter les capitaux
4
étrangers, grâce à la taille plus importante du marché et aux économies d’échelle qui en
découlent.
Dans ce sens d’idées et soucieux du bien-être de leur population, les pays de l’UEMOA
ont entrepris d'importantes réformes en vue d’accroître l’attractivité aux IDE de la zone.
Toutefois, il a fallu les années récentes pour constater des flux significatifs d'IDE. Elle
attire en effet de plus en plus d’IDE depuis quelques années. Les flux d’IDE entrants dans
l’espace UEMOA ont atteint 2,3 milliards de dollar US, contre 422,6 millions de dollar en
1995 (figure 1).
Figure 1 : Evolution comparée des flux d’IDE entrants de 1990 à 2012
Source : CNUCED
Selon la BCEAO (2013), les flux nets d'IDE en direction de l'UEMOA ont connu une
progression régulière depuis le début des années 2000, avec une accélération de rythme
au cours des six dernières années, nonobstant le contexte de crise économique et
financière internationale. En effet, ces flux se sont accrus à un rythme moyen annuel de
18,8% sur la période 2006-2011, contre 3,5% entre 2000 et 2005. Il faut dire que le tarif
extérieur commun est entré en vigueur à partir de 2000, mais son effectivité a été
progressive selon les pays, processus qui s’est achevé en 2002 avec le Bénin. De plus,
l’UEMOA s’est doté un programme économique régional ambitieux depuis 2004. Il s’agit
de mesures et des projets d'investissement pouvant servir de levier à
l'approfondissement de l'intégration régionale. Basé sur cinq axes stratégiques, ce
programme semble avoir un effet sur l’amélioration des flux d’IDE dans la mesure
c’est depuis 2004 que la tendance des IDE a radicalement changé. En effet, le taux de
croissance moyen des IDE entre 1995-2003 est de 15,9% contre 28,5% sur la période
2004-2010. Au total, entre 2000 et 2012, les IDE en direction de l’UEMOA ont progressé
de plus de 400%.
0.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
3.0
0.0
20.0
40.0
60.0
80.0
100.0
120.0
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
Milliards USD
Milliards USD
ANASE MERCOSUR UEMOA (axe de droite)
5
Malgré cette relative performance, le volume des flux entrants reste néanmoins faible,
voire dérisoire, en comparaison avec les flux entrants dans les communautés
économiques régionales (CER) comme l’ASEAN, et le MERCOSUR. Ces derniers ont reçu
respectivement 111,3 et 85,2 milliards USD en 2012. Avec cette réalisation, l’ASEAN et le
MERCOSUR font partie des blocs régionaux les plus dynamiques en matière d’attraction
d’IDE derrière la zone Euro et l’ALENA (respectivement 146,2 milliards USD et 225,
milliards USD en 2012).
L’impact des ACR sur les flux d’IDE dépendrait, entre autres, des caractéristiques des
pays de la zone intégrée, de la nature de l’accord, du type d’IDE et des politiques
économiques implantées dans chaque pays avant et après l’accord (Blomström et Kokko,
1997). En effet, si l’ASEAN et le MERCOSUR sont différents selon la nature de l’accord les
régissant, ils présentent toutefois des caractéristiques communes différentes de celles
de l’UEMOA. L’ASEAN est une zone de libre échange, tandis que le MERCOSUR est une
union douanière comme l’UEMOA. Mais les deux premières CER comptent en leur sein
des pays émergents très dynamiques sur le marché international tels que le Singapour,
le Brésil, l’Argentine ou la Malaisie. De plus, ces pays sont de gros producteurs de pétrole
et autres matières premières (soja, maïs, sucre, riz, jus d’orange, viande bovine, volaille,
etc.) ; ce qui n’est pas le cas de l’UEMOA, qui ne regroupe que de pays à faible revenu et
dont la production de matières est concentrée sur quelques produits (coton, café, etc.).
Cette configuration pourrait expliquer la faiblesse des flux d’IDE vers l’UEMOA.
L’augmentation des IDE par l’intégration régionale est de deux ordres : une au sein de la
zone (IDE intra régional) et l’autre en provenance du reste du monde (IDE extra
régional). On peut s’attendre en ce qui concerne les IDE intra-régionaux, qu’un ACR, se
traduisant par une suppression des barrières aux échanges, conduise à une baisse des
IDE horizontaux. Dans ce cas, la libéralisation commerciale rend les exportations plus
attractives que l’implantation de la firme sur le territoire. Toutefois, l’ACR peut stimuler
les IDE, de nature verticale, entre les pays membres, si les firmes à la recherche de coûts
de production compétitifs, opère une fragmentation du processus de production
(Blomström et Kokko, 1997). Toujours selon ces auteurs, s’agissant des flux d’IDE extra
régional, ils devraient augmenter dans la zone d’intégration, notamment si le niveau
moyen de tarification augmente, conséquence de l’ACR, ou s’il ya des craintes d’une
protection future. Les IDE extra régional vont également augmenter si le volume des IDE
entrants était initialement restreint par la taille limitée des marchés nationaux.
Contrairement aux marchés nationaux, un marché « commun » intégré peut être assez
large pour supporter les coûts fixes pour la création de nouvelles filiales à l'étranger.
Dans le cas de l’UEMOA, 95% des IDE proviennent de l’extérieur. La zone Euro est la
principale source des IDE entrants. Mais depuis 2010, elle est concurrencée par l’Asie,
en l’occurrence la Chine qui investit beaucoup dans de nombreux projets miniers dans la
sous-région. De 57,4% des flux d’IDE en 2007, la part de la zone Euro est passée à
32,9%, pendant que celle de l’Asie a atteint 32,4% contre 10,4 en 2007.
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