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travail personnel. La transformation des façons de travailler et l’utilisation d’Internet
comme outil d’apprentissage et d’accès aux connaissances facilitent le recours au
plagiat dont l’augmentation est sensible ces dernières années (Audet 2011).
Si le plagiat et la tricherie scolaire et universitaire sont souvent évoqués dans les
media, la production scientifique sur le sujet est limitée et les politiques universitaires
visant à encadrer ces pratiques sont balbutiantes. Le retard dans la prise de conscience
du phénomène et dans la recherche de mesures visant à lutter contre le plagiat est
caractéristique de la situation française. Longtemps tabous la fraude et le plagiat sont
considérés par les universités comme difficiles à endiguer et risquant, si on les dévoile,
de porter atteinte à leur réputation et à la qualité des diplômes délivrés. Malgré tout,
sous l’impulsion d’acteurs qu’on peut appeler des “entrepreneurs de morale” (Becker
1963), la triche et le plagiat sont de plus en plus perçus comme des déviances remettant
en cause les principes et le fonctionnement des évaluations de la formation. De
nombreux blogs dénonçant les plagiaires ou prônant la lutte contre le plagiat sont
apparus ces dix dernières années. Des démarches de même type émanent d’entreprises
qui dénoncent, à des fins commerciales, l’ampleur de ces pratiques. Des “enquêtes clé
en main” ont été proposées aux universités (Lyon, Nantes, Barcelone…).
Cet article ne se situe ni du côté de la morale, ni de la justice, encore moins de la
dénonciation à but commercial ou de réorganisation institutionnelle, mais interroge
sociologiquement le plagiat comme pratique estudiantine. L’objectif de l’analyse est de
comprendre et de mesurer la place de ces pratiques et des réponses apportées. L’article
vise à prendre l’ampleur des différentes formes de plagiat universitaire à partir de
déclarations d’étudiants et à examiner, toutes choses égales par ailleurs, l’effet des
caractéristiques individuelles sur le plagiat. Les pratiques sociales déviantes pouvant
être délicates à déclarer, il fallait garantir l’anonymat et exclure toute enquête en face-
à-face (Ogien 1999). Mais aussi atteindre une taille critique pour évaluer l’influence de
différentes variables sur le plagiat dans chaque catégorie d’étudiants. Ce qui a conduit
au choix du questionnaire en ligne, qui, outre son faible coût, permet de toucher un
public accoutumé aux outils informatiques plus que le traditionnel questionnaire
papier. Un courriel a été adressé à tous les étudiants d’une université pluridisciplinaire
française (N = 32000), via leur messagerie universitaire, les invitant à répondre à un
questionnaire en ligne hébergé sur un serveur. Constitué de 108 questions fermées et
de 5 questions ouvertes, le questionnaire aborde sept thèmes : pratiques,
représentations et justifications des tricheries scolaire et universitaire ; connaissance
des sanctions ; conditions de surveillance des examens ; pratiques extra-universitaires
de fraude (fausse déclaration administrative, utilisation de transport en commun sans
titre de transport, téléchargement illégal, etc.) ; scolarité antérieure, formation suivie
et manières d’étudier ; conditions de vie et pratiques culturelles ; caractéristiques
sociodémographiques.
1815 étudiants (soit 5,7% de la population) ont répondu à l’enquête. Nous n’avons
gardé que ceux (N= 1485) qui ont eu à remettre au moins un document à valider
(dossier, exposé rédigé, mémoire, rapport de stage, etc.). La diffusion en ligne pouvant
engendrer des biais de sélection conséquents, il fallait rapporter les caractéristiques de
l’échantillon à celle de la population. Malgré un taux de réponse relativement faible –
sans doute lié à l’absence de consultation de la messagerie universitaire par partie des
étudiants– la validité des résultats est garantie par la représentativité de l’échantillon.
Les caractéristiques sociales (âge, sexe et origine sociale) et scolaires (série du