L’obligation à la rétroaction historique est en même temps arme pour crédibiliser les transferts de
technologie, et confirmation de cette universalité à effets différés : « Il me semble capital, disait-il en
1985, de retrouver la grandeur artistique et technique de chaque pays, car il faut beaucoup de
courage pour se lancer avec sérieux et fermeté dans la modernisation si on n’a pas l’impression
d’être issu d’une grande civilisation ancienne » [25, p. 98].
Il s’agit d’opérer la remémoration des moments où tel peuple a « sorti » ses cartes maîtresses, attestant
par là même qu’il est capable comme tout autre de s’approprier celles maîtrisées par des peuples
différents de lui, à un moment ultérieur de l’histoire. « Les artisans pratiquant au Maghreb la
technique du cuivre repoussé, ou celle des teintures de laine ou encore en Asie du Sud-Est les
spécialistes de la laque ou du papier huilé sont, sans doute, parfaitement aptes à travailler dans
l’industrie électronique et chimique » [25, p. 98]. La prodigieuse conquête des technologies de l’ère
Meiji au Japon, après deux siècles d’isolement, est un cas d’école qui impose, pour comprendre, de
telles rétroactions historiques [26, pp. 11-13 ; 27, p. 124].
Cette égale répartition des ressources intellectuelles et industrieuses chez les divers peuples de la
planète, est très certainement enracinée, Wisner y revient souvent, dans des capacités cérébrales,
neuronales, identiques5, et ensuite plus ou moins spécialisées dans des directions variables. On arrive
donc à cette affirmation un peu paradoxale de l’universalité qui se manifeste partout par des
5 Voir par exemple [27, pp. 14-15, 114-115, 119]. Il se réfère souvent à Vygotski sur ce point, par exemple p. 20.