Psychoweb L'ouverture du scaphandre et l'envol du Papillon? Soumis par Aurelie Lamberet L’un des aspects les plus dramatiques de paralysies étendues ou locales, touchant la motricité buccale, est certainement la perte de la production de la parole. Cette incapacité à communiquer verbalement entrave gravement les liens sociaux du patient jusqu’à l’isoler profondément. Lorsque la paralysie affecte une partie importante de la motricité, comme c’est le cas chez les patients Locked-in syndrome, la communication ne peut dans le meilleur des cas, trouver de substitut que dans l’élaboration d’un code basé sur le mouvement des yeux ou des paupières*... L'interface Cerveau-MachineUne récente approche dite BMI (Brain Machine Interface), envisage cependant de câbler le cerveau à un ordinateur, via des électrodes implantées dans le cortex ou à sa surface, enregistrant les signaux qui parcourent celui-ci afin de les envoyer et les interpréter comme des commandes, à une machine. Débutant à partir du début des années 90, cette approche a montré d’impressionnants résultats dans le contrôle moteur de membres artificiels, dans le contrôle d’un curseur à l’écran… Le contrôle du curseur permis par ailleurs de redonner partiellement la parole et rétablir la communication : le patient pouvait désormais former des mots en sélectionnant les lettres (en déplaçant le curseur) par la seule volonté de sa pensée (Wolpaw et al, 20002004)(1). D’autres techniques alliant la détection de pic d’attention visuelle avec un classement heuristique de lettres ont été testées. Néanmoins, cette communication est particulièrement laborieuse et bien loin d’égaler la richesse et la rapidité d’une conversation classique… Le retour à la paroleUne équipe internationale(2) s’est penché sur le problème du rétablissement de la communication, non plus en tentant de réorganiser un système de production de communication basé sur la sélection de lettres, mais de sons : il ne s’agissait plus seulement de réinventer un système de communication mais de reformer un lien direct entre la commande motrice cérébrale et la production de son. Un volontaire de 26 ans souffrant de paralysie profonde type Locked-in syndrome, provoquée par un accident vasculaire cérébral au niveau du tronc cérébral, s’est vu implanter une électrode Neurotrophic** sur le bas du gyrus précentral, suspecté d’être le centre de planification motrice des mouvements produisant la parole (cortex prémoteur ventral gauche)(3). Après un temps d’adaptation durant lequel des neurites ont pu coloniser les cônes de l’électrode, l’apprentissage a commencé. L’activité corticale enregistrée par l’électrode était alors transmise par onde radio à un récepteur relié à un ordinateur, qui comprenait en sortie un synthétiseur vocal. Le temps de latence entre l’enregistrement de l’activité corticale et la production synthétique de son comptait environ 50 ms. Le patient disposait donc d’un retour auditif quasi direct aussi rapide que celui qu’il aurait eu par sa propre parole. Testé sur plus de 5 mois lors d’épreuves d’imitations (de sons de voyelles), le patient montra une nette amélioration du contrôle des sons, passant de 40% de sons correctement imités à 75 %, avec un maximum de 89% à la dernière session. A noter également, l’électrode implantée générait elle-même le signal radio, ce qui limitait les risques d’infection du fait qu’aucun trou dans le scalp n’était nécessaire pour « relier » le cerveau à la machine. La machine elle-même se limitait à un système d’exploitation courant sur un ordinateur classique. Cette expérimentation constitue donc une avancée notable dans le développement de prothèses neurales qui permettront à terme, à des paralysés profonds, de converser quasi normalement avec l’aide d’un simple portable. * Le titre de cet article fait bien entendu référence à l'oeuvre de Jean-Dominique Bauby, ainsi que le film du même nom, Le Scaphandre et le Papillon, qui dépeignent la vie et la vue de l'intérieur d'un Locked-in Syndrome. Est également présentée dans ces oeuvres la technique de communication basée sur le mouvement des yeux et des paupières et l'utilisation d'un alphabet des lettres, rangées par ordre de fréquence dans la langue.** Une électrode neurotrophique est conçue spécifiquement pour être implantée dans le cortex. Elle présente plusieurs pics ou cônes destinés à constituer un contact avec les neurones, dont les prolongements peuvent s'y connecter. Dans cette expérimentation, l'électrode comportait très peu de cônes, d'autres expérimentations utilisant des électrodes plus élaborées implantées sur le cortex de singes, ont montré de meilleurs résultats dans le contrôle moteur d'une prothèse synthétiques, au fur et à mesure que le nombre de capteurs s'accroît. Ceci laisse suggérer une raisonnable possibilité d'affinement de la technique évoquée ici. (1) Wolpaw J, McFarland D, Vaughan T (2000) Brain-computer interface research at the Wadsworth Center. IEEE Trans Rehabil Eng 8: 222–226. Wolpaw JR, McFarland DJ (2004) Control of a two-dimensional movement signal by a noninvasive brain-computer interface in humans. Proc Natl Acad Sci USA 101: 17849–17854. (2) Guenther FH, Brumberg JS, Wright EJ, Nieto-Castanon A, Tourville JA, et al. (2009) A Wireless Brain-Machine Interface for Real-Time Speech Synthesis . PLoS ONE 4(12): e8218. doi:10.1371/journal.pone.0008218 (3) Guenther FH, Hampson M, Johnson D (1998) A theoretical investigation of reference frames for the planning of speech movements. Psych Rev 105: 611–633. http://www.psychoweb.fr Propulsé par Joomla! Généré: 21 April, 2017, 01:04