Méditerranée. Cette visite officielle voit son aboutissement en décembre 1893 par la signature
d’un traité d’assistance militaire, qui restera en vigueur jusqu’à la Révolution russe.
A l’annonce de la venue d’une escadre russe, plusieurs ports se proposent pour l’accueillir6.
C’est Toulon qui est choisie. En effet, la municipalité est très activement intervenue auprès
du gouvernement pour recevoir l’escadre russe7. Le conseil municipal publie une
“ proclamation aux habitants ”8 les exhortant à manifester leurs sentiments de patriotisme afin
d’accueillir “ chaleureusement nos frères russes ” les membres de l’escadre. Toute la presse
locale prépare le public à l’arrivée de l’escadre et aux festivités. Il est décidé que chacun porte
les couleurs russes. Les femmes s’habillent d’un châle aux couleurs de l’empire des tsars, les
hommes fument la pipe russe. Tout est devenu franco-russe. Il y a des médailles, des insignes,
des rouleaux de serviettes, des encriers, des chapeaux... Les cravates sont tricolores avec un
aigle bicéphale sur fond d’or. On vend également des porte-monnaie avec un Kopeck dedans.
Des collectes sont lancées dans toute la France et de nombreuses municipalités envoient leurs
dons en numéraire et en nature : vin, champagne, cigares, tapis de table, et même des bijoux
destinés aux femmes russes. On associe également les enfants : les garçons font des dessins
pour leurs camarades russes, les écolières des ouvrages brodés, et tous ont appris l’hymne
russe. Lorsque la municipalité de Toulon reçoit, par dépêche officielle, la confirmation de la
visite, le conseil décide qu’il sera seul chargé de l’élaboration du programme officiel des
fêtes9. Il prévoit des réceptions à la mairie, une fête vénitienne dans la vieille darse, des
illuminations des jardins publics, de la place de la Liberté et du boulevard de Strasbourg, des
galas au grand théâtre, des banquets au musée, ainsi que des spectacles et des divertissements
au jardin de la ville, sur le boulevard et dans les rues10. “ Rien ne sera négligé pour que la
ville de Toulon, représentant la France tout entière, rende dignement à nos amis de Russie les
manifestations qui eurent lieu à Cronstadt ”11.
Et c’est en collaboration avec la préfecture maritime que la ville organise ces festivités. En
effet, comme il est prévu d’organiser des ascensions aérostatiques, celles-ci se dérouleront sur
le terrain militaire de Lagoubran, et la marine fournira le gaz pour le gonflement des
aérostats12. Pour sa part, le préfet maritime, le vice-amiral Vignes, organise, au nom de la
République, un ensemble de réceptions. Coups de canon, musique militaire et bals sont
destinés à honorer la marine russe. Il est également prévu de loger le président de la
République à la préfecture maritime13, et d’organiser le lancement, à la Seyne, du cuirassé
Jauréguiberry.
Les dépenses sont considérables. Elles sont comparables à celles qui ont été effectuées par les
Russes lors de la réception de l’escadre de l’amiral Gervais14. Cela coûtera 448 077 F à la
commune de Toulon15 et 2 404 455,21 F à l’Etat, sur le budget de la Marine16.
6
Le Petit Var, 8 septembre 1893, “ La Marine Russe ” p. 1
7 AMT, série 1 DI 75, délibération du conseil municipal du 30 août 1893
8 AMT, série 1 DI 75, délibération du conseil municipal du 10 octobre 1893
9 AMT, série 1 DI 75, séance publique du 6 septembre 1893
10 AMT, série 5 R 11, actions culturelles, festivités (1875-1899), n° I 23 : festivités France-Russie
11 Le Petit Var, 8 septembre 1893, “ Les préparatifs ”, p. 1
12 SHMT, série 2 A6 686, lettres diverses et pétitions, note du 6 octobre 1893
13 La Préfecture maritime, ancien hôtel de la Marine édifié en 1788 sur le champ de bataille (l’actuelle place
d’Armes) et détruit pendant la guerre de 1944
14 SHMT, série 170 C 29, dépêches ministérielle, note en date du 22 septembre 1893 qui présente un tableau
synoptique des fêtes et des dépenses de Cronstadt
15 AMT, délibérations du conseil municipal des 22 novembre 1893, 6 décembre 1893, 20 décembre 1893,
12, 15 et 16 février 1894, 1er mars 1894, 30 mai 1894
16 SHMT, série 2 A6 682, Port de Toulon, Correspondances, Commissariat de la marine, année 1893