L`homme oublié du travail social - Sociotourmente.fr

publicité
« L’homme oublié du travail social »
par Jean Yves DARTIGUENAVE & Jean François GARNIER
Ed ERES – Coll « Pratiques du champ social » 2003 – 246 p
4° de couverture :
« Cet ouvrage se présente comme un antidote aux dérives instrumentales
et managériales qui affectent aujourd’hui en profondeur le travail social. Face à
la tendance actuelle à réduire le traitement des difficultés et souffrances
humaines à de simples procédures ou dispositifs, il engage les acteurs sociaux à
fonder scientifiquement leurs interventions par une confrontation permanente
entre la façon dont ils appréhendent la réalité sociale qu’ils ont pour tâche de
traiter et un modèle explicatif susceptible d’éclairer les diverses modalités de la
raison humaine.
Le plus souvent, les travailleurs sociaux ont l’impression de ne disposer
que d’un savoir en miettes qui donne à voir un homme morcelé, ce que renforce
la logique atomisante des dispositifs d’actions sociales. Or le travail social,
sous peine de perdre son âme doit s’articuler à un savoir constitué sur l’homme
– sans pour autant renoncer à le discuter, à en éprouver sa pertinence - qui ne
soit pas la somme des apports disciplinaires (sociologie, psychologie, économie
sociale, etc…)
En prenant appui sur des situations concrètes qui nécessitent
l’intervention d’acteurs sociaux, les auteurs de cet ouvrage définissent une
anthropologie qui rend compte de la spécificité des processus par lesquels
l’homme négocie son rapport au monde et aux autres. Face au désarroi actuel
des travailleurs sociaux, ils proposent ici une alternative théorique qui confère
un sens aux pratiques existantes et envisagent des pistes de travail inexplorées.
Leurs ambition est de participer au réenchantement des pratiques d’aide et
d’assistance aux personnes trop souvent décriées en les ancrant dans une
posture épistémologique exigeante. »
Introduction :
« Il s’agit de dégager la dimension proprement anthropologique
du
travail social, autrement dit d’en revenir à l’homme qui, trop souvent, nous
paraît être le grand oublié du travail social. » (p.9)
Car « les orientations idéologiques de l’époque sont centrées sur la
recherche d’une efficacité à court terme…par l’accroissement de la
productivité, d’une optimisation rationnelle, l’adéquation d’une offre à une
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
1
demande sociale ou des besoins sociaux, d’un pragmatisme et d’une technicité
professionnelle » (p.9)
« L’heure est avant tout à la concentration des énergies sur des
questions d’organisation et de management au détriment d’une réflexion sur
les buts et le sens des dispositifs en lien avec une problématique humaine. »
(p.10)
Il est normal que toute forme sociale tende à se réifier c’est-à-dire à se
clôturer sur elle-même : face à quoi il faut proposer une alternative théorique
pour « replacer l’homme au centre de l’intervention sociale » (p.10)
« Même s’ils ne le formulent pas ainsi, les travailleurs sociaux
éprouvent constamment la nécessité de fonder le sens de leur intervention »
(p.13)
1° partie : « AUTOPSIE DU SAVOIR DES
TRAVAILLEURS SOCIAUX »
Chapitre 1 : UN SAVOIR A INTERROGER
Par-delà la fausse querelle entre théorie et pratique
Comme si la théorie était assimilée à une spéculation intellectuelle
gratuite et l’intervention sociale à une obscure alchimie de la relation
d’aide…interdisant toute réflexion …alors que « la théorie est une capacité
proprement humaine à formaliser le monde et que les travailleurs sociaux
sont producteurs d’un savoir qui est l’expression de la formalisation ou de la
théorisation du réel à laquelle ils procèdent… » (p.21)
Quel intérêt peut avoir le travail social à adopter une approche scientifique
des phénomènes humains ? D’abord « en lui permettant d’apprécier ses
missions et la portée de son action autrement que d’un point de vue mythique
(selon l’idée que l’on s’en fait ) voire poétique (sans autre intention que de
l’évoquer). » Ensuite en aidant « le travail social à fonder
anthropologiquement son intervention par une confrontation permanente
entre la façon dont il appréhende la réalité sociale qu’il se donne pour tâche
de traiter et un modèle explicatif susceptible d’éclairer les diverses modalités
de la raison humaine. » Enfin « en lui permettant de conférer une assise et
une légitimité sociale à son travail »…car la spécificité du travail social ne
peut être uniquement fondée sur une technicité professionnelle mais que celleci soit rattachée à un savoir sur l’homme. » (p 24/25)
Un savoir en miettes
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
2
On constate : un désarroi ou une lassitude des TS, une obsolescence du WS par
rapport aux mutations sociales, culturelles et économiques, un désajustement
conjoncturel, un éloignement du WS du contact permanent avec les populations,
une instrumentalisation et une taylorisation des modes d’intervention, une
déligitimation par la classe politique de l’action du WS, un empilement des
dispositifs… « L’heure est actuellement sinon au désenchantement, du moins
au relativisme. On n’a pas tant affaire aujourd’hui à une « crise » du WS en
tant que tel, qu’à une interrogation profonde des travailleurs sociaux sur le
sens de leur contribution sociale » (p 27)
Cette crise du sens ne vient pas uniquement de l’insuffisance de la formation
initiale des travailleurs sociaux en sciences humaines, mais tient aussi de
l’hétérogénéité du savoir auquel ils se réfèrent, sans pouvoir l’articuler… « être
en mesure de composer une partition mariant la diversité et l’homogénéité, la
différence et la complémentarité des points de vue…ne permettant de disposer
que d’un savoir en miettes qui ne donne à voir qu’un homme morcelé »(p.30)
Constat renforcé par la logique atomisante des dispositifs d’action sociale,
renforçant la vision fragmentaire de l’homme et donc l’aspiration à un « sens
global » « Il faut donc une alternative à l’émiettement du savoir des
travailleurs sociaux que la pluridisciplinarité ne peut que reconduire sous le
masque d’une prétendue complémentarité de points de vue. »(p.31)
La langue du travail social
Les travailleurs sociaux élaborent malgré tout un savoir qui leur est propre à
travers les représentations qu’ils se font de leur activité, instruisant ainsi une
« langue » spécifique sur leurs finalités et les conditions de mise en œuvre du
WS, langue qui se manifeste à travers leur « vernaculaire » (leur manière de
parler caractéristique de leur manière d’être) et leur « doxa »(c’est-à-dire leur
manière de penser, renvoyant elle aussi à leur manière d’être) « socialement
caractéristique ou typique ».
Chapitre 2 : DES MOTS POUR LE DIRE
Il s’agit de faire l’analyse des termes utilisés « spontanément et quasi
naturellement » par les travailleurs sociaux visant la spécificité et la finalité du
WS, comme :
L’autonomie
Qui est le maître mot du WS signifiant à la fois : « être indépendant, se prendre
en charge, devenir acteur de sa propre vie et être libre de ses propres
choix… », ce qui relève à la fois d’un registre social ( l’indépendance ) et d’un
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
3
registre moral ( la liberté ). De façon générale dans le WS, cette autonomie
« s’apparente à un impératif catégorique qui ne souffre aucune concession
avec la dépendance « institutionnelle », relationnelle et affective. » (p.39) Et
pourtant, « à quoi peut aboutir une autonomie détachée de tout rapport
d’interdépendance… et en dehors des rapports sociaux par lesquels elle
s’institue ? »(p.40)
L’acteur
…notion souvent liée à celle d’autonomie pour qualifier le nécessaire
dynamisme des individus ou tout au moins le fait de « bouger » par opposition à
la « passivité » et à « l’immobilisme de ceux qui se laissent porter par les
événements »… comme si l’usager ou le « client » du TS était doté d’une
sociabilité virtuelle, non encore advenue, que le travailleur social se doit
précisément de faire advenir. »…ce qui « débouche paradoxalement sur un
déni de la personne...car l’usager qui ne fait pas montre de capacité à être
« acteur de sa propre vie » témoigne fondamentalement d’une régression de
son état assimilable à celui de l’enfant. » (p.41)
Ce qui met en évidence, « la tendance du WS à entrevoir l’acteur
exclusivement dans la réalisation d’un devenir ou ce qui revient au même à
dénier la qualité d’acteur à l’usager dans l’ici et maintenant…car le
travailleur social a souvent du mal à envisager l’existence sociale de l’usager
en dehors de la relation de service qui l’unit à lui. »… « en bref, l’usager tend
à être appréhendé essentiellement par ses manques au regard de critères
implicites… »(p.43)
Ceci révèle une forte tendance dans le WS à « l’ethnocentrisme c’est-à-dire à
une projection par les travailleurs sociaux de leur propre univers social de
référence sur celui de populations qu’ils prennent en charge »… « révélant
une visée « autocentrée » de la relation sociale au cours de laquelle on tend à
ramener l’autre à soi-même...en tentant de nier la différence irréductible de
l’autre que nous nous employons par ailleurs à fonder implicitement. » (p.44)
Il est vrai que « C’est ce dernier ( leur « client ») qui leur (les travailleurs
sociaux) confère un statut et un rôle de paternité sociale qui participent à la
reconnaissance sociale de leur profession. »…Et cependant « c’est cette
« mort » de soi, cette capacité de créer en nous-mêmes du « vide » qui permet
à l’autre de se frayer un chemin » (p.45).
L’usager
« C’est un terme qui désigne une sorte de « type moyen » auquel sont attachés
des comportements attendus au regard des normes sociales standardisées.»
(p.46)
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
4
Aussi c’est une notion souvent associée à celle de « besoin » que l’on postule
implicitement chez l’usager, « induisant un comportement préétabli et
immédiat dans la relation à autrui ».
Ainsi est-on renvoyer à « l’image d’un usager susceptible de coïncider avec un
environnement institutionnel, puisque l’usager n’existe pas indépendamment
des situations sociales qui le définissent et par lesquelles il se définit , et des
attentes sociales que l’on formule à son égard. » (p.47)
Le client
Terme qui dénote la prise en compte dans le WS d’une « démarche qualité »,
dans le cadre de l’élaboration d’une « offre » articulée à une « demande »
d’insertion, où « à l’encontre de l’ancien schéma paternaliste, il s’agit de
traiter d’égal à égal avec le « client ». Incontestablement ce terme marque une
relation personnalisée, voire « appropriative », ce qui peut être pour le
travailleur social, « une façon de légaliser la légitimité de son statut et de son
rôle de paternité sociale…ce qui rend ce terme inséparable d’une autre
notion : celle de « référent »
Le lien social
Actuellement c’est le véritable sésame de l’action sociale , mélangeant tout ce
qui tourne autour de la convivialité, avec « une nostalgie de la communauté
débarrassée de sa conflictualité », mais aussi dans certains cas avec une réelle
« prégnance de l’approche individualiste qui sépare la personne de son
inscription sociale et de son histoire. » Or « c’est une logique proprement
humaine, paradoxale et conflictuelle qui nous paraît devoir être intégrée dans
la problématique du lien social. » ( p.51/52)
Chapitre 3 : DES MOTS POUR FAIRE
Le projet
Comme pour la notion d’autonomie, on retrouve l’ambiguïté qui mélange
« deux registres : l’un qui concerne l’axiologie du désir, l’autre qui renvoie
aux conditions sociales de la réalisation d’un devenir…mais dont la
signification s’éclaire lorsqu’elle est couplée avec la notion d’autonomie ou
d’acteur…le projet devenant le moyen par lequel « l’acteur » peut réaliser
l’autonomie…cette notion de projet tend alors à revêtir le sens restrictif d’une
projection dans le temps amenant à réaliser des démarches, c’est-à-dire à
s’extirper des pesanteurs et de l’inertie du quotidien…comme pour réaliser
son être dans un avenir chargé de promesses d’émancipation…la notion la
plus achevée étant celle de « projet de vie » - « cette expression ne manque
pas de sel lorsqu’elle s’applique à des personnes empêtrées dans une précarité
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
5
des conditions d’existence ou lorsqu’elle s’adresse à des personnes âgées
arrivées au crépuscule de leur vie. »… « N’est-ce pas évacuer tout simplement
l’humain avec tout ce qu’il comporte d’imperfections, d’ambivalences et
d’incertitudes ?…là encore par prégnance d’ethnocentrisme ? » ( p.54/56) ...la
notion d’évaluation en étant son corollaire naturel.
Le contrat
A 1° vue il semble un outil privilégié du WS pour « mesurer le chemin
parcouru »… », pour rétablir un équilibre des termes de l’échange social
rompu par la logique unilatérale de la relation d’aide…permettant de se
démarquer d’une logique d’assistance…source d’humiliation ou
d’avilissement, sous tendue par un rapport de domination… » - « En réalité,
tout comme le projet et l’autonomie, le contrat ne se décrète pas …et est-on
assuré, que le « client » est toujours en mesure d’instituer un rapport de
parité, d’égal à égal, avec son « référent »…et quelle est sa marge de
manœuvre…sous peine de ne plus bénéficier de l’aide demandée ? » (p.56/58)
Importance du décentrement !
L’accompagnement
Souvent il s’agit d’un souci de « faire avec » , de « partager une responsabilité
et non d’en déposséder totalement l’autre. » Mais n’y a-t-il pas là un « déni du
rôle structurant de la prise en charge d’autrui au nom du respect de la
personne et de sa liberté individuelle ? »
« Or, il y a lieu d’insister à l’encontre des idées reçues sur le fait qu’il n’est
pas d’accompagnement de l’autre sans prise en charge d’autrui. L’accès à la
parité sociale ne peut se faire que si la confrontation à la paternité sociale, à
la loi du Père, diront d’autres, a eu lieu…On ne devient compagnon, c’est-àdire l’égal des autres membres d’une corporation que si l’on était capable de
s’émanciper d’un maître auprès duquel on s’était entièrement formé. »(p.60/61)
L’écoute
« se présente comme un moyen d’asseoir la relation d’aide…mais les
travailleurs sociaux tendent à céder à une conception magique de la parole
…Ils ont tendance à occulter ou tout au moins à sous-estimer l’importance de
la dimension sociologique de l’interlocution dans laquelle ils sont eux-mêmes
pris. » - « Et tout échange verbal non seulement comporte mais se fonde sur
du malentendu c’est-à-dire d’une non-coïncidence entre le dire et
l’entendu » : ce qu’ils ont entendu ce n’est jamais ce que « l’autre » a dit mais
ce qu’ils lui font dire. On ne peut ignorer que la relation du travailleur social à
son client se pose dans des termes de « rapports de pouvoir ». De plus dans
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
6
l’entretien individuel le client ne vient jamais seul : « il est peuplé de tous ceux
qu’il porte en lui, dont il retraduit singulièrement les usages jusques et y
compris dans sa manière de s’adresser à son « référent ». (p.62/65)
L’action individuelle et l’action collective
« En rabattant le collectif exclusivement sur le groupe et l’individuel sur l’être
psychique, les notions d’action individuelle et d’action collective achoppent à
rendre compte précisément de l’enchevêtrement de « l’individuel » et du
« collectif » dans les conduites sociales et les modes d’intervention. » ( p.69)
L’insertion
On en a fait un moyen privilégié de lutte contre l’exclusion. « Le terme
d’insertion (introduire) désigne l’action qui consiste à faire une place parmi
les autres, à côté des autres. On suppose donc qu’une collection d’individus
posés les uns à côté des autres suffit à faire société. »
Ce terme d’insertion s’est substitué à celui d’intégration « qui signifie
« articuler à un tout » qui suppose donc l’interdépendance fonctionnelle d’un
ou plusieurs éléments à un ensemble. L’intégration vise l’action qui consiste à
faire une place parmi les autres , non seulement « à côté » mais aussi en
cohérence ou en congruence avec les autres. »
Il est absurde d’opposer insertion sociale et insertion professionnelle car
l’insertion sociale ou plutôt l’intégration sociale renvoie au processus par
lequel nous rétablissons du rapport social dans le jeu de l’interdépendance
des rôles et des positions, là où l’insertion professionnelle désigne l’une des
modalités concrètes de ce processus d’intégration. »
« L‘insertion est souvent érigée en véritable impératif catégorique…dont la
seule responsabilité revient au sujet. »
« Face à cette impossibilité de mettre en œuvre leur désir, certains jeunes
n’ont d’autres alternatives que de s’abolir comme sujets pour s’offrir
exclusivement comme objets. » (p.69/73)
Chapitre 4 : DES MOTS POUR CODIFIER
…C’est-à-dire satisfaire à la capacité proprement humaine à légaliser le
légitime, « à délimiter les frontières du permis et du défendu, à évaluer les
aspects positifs et les négatifs… »
La déontologie
Seule la profession d’assistante dispose d’un code de déontologie qui représente
« deux ordres de réalité confondus sous un même vocable : soit se prémunir
contre ce qui apparaît comme une intrusion abusive dans le champ de son
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
7
intervention professionnelle,( ce qui renvoie à la responsabilité et à la
compétence ) soit établir de la règle dans la relation à autrui (ce qui renvoie à
la codification, donc à la légalisation du légitime) – enjeu de pouvoir dans le
1° cas et problème d’autorité dans le 2°, c’est-à-dire de limites que l’on
s’impose à soi-même et dans la relation à autrui : or le pouvoir sur autrui ne
se conjugue pas forcément avec autorité qui suppose une capacité à
restreindre ses désirs et sa volonté de puissance. » (p.75/77)
Le respect et la liberté de la personne
Cet attachement au respect et à la liberté de la personne peut « rendre
problématique l’exercice de la responsabilité des travailleurs sociaux au
regard de la mise en œuvre sociale d’une autorité visant à interdire ou à
autoriser, ce d’autant que le contexte social ne les y aide guère…où la
question cruciale est devenue, selon Marcel Gauchet celle de l’autorité dans le
monde démocratique. Cette incompréhension serait due à un déficit de
reconnaissance sociale de la fonction de paternité symbolique…et à l’inverse
de la difficulté des travailleurs sociaux eux-mêmes, parfois, à reconnaître
l’autorité de la hiérarchie. » (p.78/82)
L’évaluation
Le plus souvent elle est mise en place avec une visée exclusivement
instrumentale ( tableaux de bord, observatoires…) « parce que les présupposés
ne sont pas interrogés », alors qu’une évaluation doit être « nécessairement
orientée par la représentation sociale que l’on se fait du phénomène évalué,
par la position que l’on occupe et le rôle que l’on joue dans un ensemble
social et par l’habilitation à juger que l’on se donne »(p.82/85)
En conclusion de cette 1° partie :
« on perçoit l’obstacle majeur auquel se confronte le WS : son savoir tend à
se clôturer sur lui-même, dans une perspective mythique et ethnocentrique, à
défaut d’être confronté à un modèle conceptuel pour interroger ses
approximations et ses impasses et interroger ses croyances » (p.86)
2° partie : VERS UN CHANGEMENT DE REGARD
« Nous savons, depuis Emmanuel Kant, que la réalité en soi ne se livre pas
comme cela à l’appréhension humaine : il existe plusieurs manières de la
« construire ». Ici les auteurs vont donc s’inspirer du modèle élaboré par Jean
Gagnepain dans sa « Théorie de la médiation » (p.91/92)
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
8
Chapitre 5 : « LES SITUATIONS SOCIALES »
Les situations sociales telles qu’elles se présentent :
« Las des discussions théoriques ( en référence à Marx, Freud ou Lacan ), les
travailleurs sociaux sont aujourd’hui plus que jamais en quête d’outils
performants pour régler les situations auxquelles ils doivent faire face. Nous
sommes pourtant persuadés qu’aider l’homme, exige une connaissance de son
fonctionnement et de ses dysfonctionnements et que seule une approche qui
répond aux exigences scientifiques peut apporter la connaissance
opérationnelle nécessaire au travail social. » (p.93)
En fait, on repère vite et fréquemment sur le terrain : découragement, incapacité
face aux difficultés des personnes, impression de fatalité et de déterminisme face
à la répétition et à la multiplicité des problèmes, impuissance, refuge dans la
routine…bref, nécessité de casser ce cercle vicieux !
L’appel aux procédures :
Que de politiques sociales, que de publics cibles, que de programmes, au point
« qu’on pourrait décliner toutes les situations sociales prévisibles et noter les
dispositifs susceptibles d’y répondre et nous aurions ainsi un guide parfait des
procédures utiles au bon travailleurs social. Aurions-nous pour autant les clés
pour lire et répondre aux problèmes sociaux soulevés… Or l’accumulation des
procédures a pour effet pervers de construire les critères de dénomination des
populations concernées qu’au travers de ces mesures administratives. » ( p.96)
Chapitre 6 : A PROPOS DU MODELE : « De l’héritage à la rupture »
Les sciences humaines ne sont pas exemptes d’anthropomorphisme, ce qui
oblige à rester modeste quant à leur objectivité mais tout autant à travailler avec
rigueur. Il y a plusieurs façons de dire le monde selon le regard que l’on porte
sur lui, selon les points de vue que l’on adopte comme :
 la visée mythique qui ramène les choses aux mots (la plupart du temps
mots-valises, concepts flous, fourre-tout de la « pensée »)
 la visée poétique, qui peut parfois être aussi un support de
conscientisation et un moteur d’action ( cf Zola ou Charles Dickens)
 la visée scientifique – ici choisie à travers la théorie de la médiation de
Jean Gagnepain « qui est parti de la clinique du langage pour spécifier
l’humain, c’est-à-dire pour caractériser dans le monde du vivant
« l’exception culturelle » qu’est l’homme »
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
9
La séparation du corps et de l’esprit.
Elle est dès le départ réfutée dans la théorie de la médiation qui affirme au
contraire que « L’homme est un corps spirituel ou un esprit corporel. »…à tel
point que « nous acculturons sans cesse notre nature et nous naturalisons
sans cesse notre culture. »
L’obstacle de l’historicisme
Il consiste à vouloir prendre le principe de « l’origination » comme hypothèse
unique d’explication de toute chose…qui est toujours prégnant en psychologie
comme en sociologie « et le travail social hérite de ce mode de penser…Or il
faut plutôt envisager la causalité en réincorporant l’histoire à l’homme au
lieu d’en faire un déterminisme exogène… » ( p.104)
L’abstraction comme spécificité de la raison humaine
« Nous partageons avec l’animal l’appartenance à la nature…mais nous nous
en extrayons pour « humaniser » cette nature par un mouvement
d’abstraction, d’ « acculturation » qui est définitoire de l’humain. » (p.106)
« L’abstraction est bien cette capacité de s’interdire, propre à l’humain,
capacité « éthique » qui balisera par la morale interposée tout ce qui reste
dans la sphère du permis » ( p.108)
La dialectique entre implicite et explicite
L’homme oscille sans cesse entre deux pôles contradictoires : acculturation de la
nature et naturalisation de la culture ; distinction/homogénéité ; appartenance à
un ensemble/ singularisation; contestation de notre condition animale/ recherche
de réintégration de notre condition naturelle contestée…Or dans le langage,
« analyser c’est être capable de distinguer ce qui est différent et de rassembler
ce qui se ressemble », ce que J.G. appelle « instance » - « ce processus qui
nous fait abstraire l’état de nature et nous distingue de l’animal » ; mais
chacun le fait à travers sa propre langue ; ce pôle de réinvestissement étant
désigné par J.G sous le terme de « performance »
La déconstruction en 4 plans
« si la capacité du langage est strictement humaine, elle ne rend pas compte à
elle seule de l’intégralité de la raison humaine. » Ceci est une ligne de partage
importante de J.G. par rapport à ses illustres prédécesseurs que sont Freud ou
Lacan. Car la raison humaine se diffracte en 4 modalités, ou 4 « savoirs dire »,
ou encore 4 manières d’être rationnels. « L’homme est un être logique,
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
10
technique, social et éthique »… « Ainsi, dans le langage j’use de grammaire
(logique), d’écriture (technique), d’une langue (social), et d’une manière de
dire qui tend à la fois à cacher et à trahir (éthique). Ce que révèle la clinique
neurologique et psychiatrique lorsqu’elle isole respectivement des troubles de la
grammaticalité, de la technique, de la communication et du comportement. Or
plus largement, le plus souvent, dans le travail social se propage une forte
tendance à associer des phénomènes qui ressortissent de plans différents.
Exemple 1 : la prise de drogue : acte de délinquance ou maladie ? Exemple 2 :
l’alcoolisme : fait moral ou fait social ? (p.109/110)
Chapitre 7 : LE SOCIAL : UNE DES MODALITES DE LA RAISON
HUMAINE
L’homme émerge au social = « acculturation » : c’est une transformation
radicale de l’état de nature qui est un processus de séparation et qui incite
l’homme à faire société.
« Tout ce qui est de l’ordre de la nature est donc acculturé chez l’homme. »
(p.112) C’est ainsi que les 2 fonctions fondamentales qui sont liées à la
reproduction de l’espèce, la sexualité (accouplement) et la génitalité (faire des
enfants) sont transformées par l’instance fondamentale de l’ordre culturel.
« L’enfant ne peut accéder à la capacité rationnelle sociale qu’à partir du
moment où l’acculturation de la sexualité et de la génitalité est rendue
possible… » (p.112) car l’enfant ne vit que dans le social des autres ( parents,
éducateurs, copains…parce qu’il n’a pas encore accès à la réciprocité du lien. Si
« l’enfant est d’emblée dans le social dont il subit l’influence à tous niveaux,
pour autant, il ne peut y apporter son concours mais seulement y puiser ses
références. » (p.113)
Individuel et collectif
Les sciences de l’homme sont fondées sur cette distinction individuel/collectif
(cf Ferdinand de Saussure en linguistique pour lequel la parole relève de
l’individuel et la langue du collectif. Cf Durkheim fondant la sociologie sur la
distinction entre individus et sociétés.) Idem pour J.G. invitant à dépasser
l’individuation pour accéder à la personne, qui ne se réduit pas à l’individu pas
plus qu’au collectif.
L’implicite du social : la socialité
La conception que J.G. a de la personne n’est pas celle des personnalistes,
puisqu’il s’agit d’opérer une rupture en passant du sujet à la personne pour qu’il
y ait émergence de la socialité. Cette acculturation passe par du vide et de la
mort puisqu’il s’agit de la négation de la communauté au sens de troupeau. Car,
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
11
« l’homme naît à la personne que lorsque s’opposant à lui-même il devient en
tant qu’autre capable de négocier son moi » (p.115)
Les deux faces de la socialité
La personne «s’acculture » donc en dépassant les 2 fonctions naturelles que sont
la sexualité et la génitalité :
 la sexualité transformée dans la parité (pôle instituant) : »Nous
transformons le rapport entre mâle et femelle en rapport entre homme
et femme…car la loi fondamentale, la constante anthropologique est
celle de la différenciation, de la séparation d’avec ceux qui me sont
semblables…en créant l’autre en tant que pair sous la double loi de la
distinction/homogénéité, de la différence/ressemblance…L’accès au
pair est donc l’accès au « même » et au tout autre que soi, dans le
double mouvement de l’appropriation et de l’exclusion, de l’homogène
et de l’hétérogène,, du même et du différent, du semblable et de
l’étranger…C’est pourquoi cette institution du « pair » est déterminante
dans le problématique du lien social. » (p.116) « On voit, ici, combien la
représentation d’un lien social sans conflit relève d’un non-sens
puisque le lien social émerge de cette capacité de rupture qui nous fait
Homme… : voir en quoi je suis semblable et en quoi je suis différent.
C’est le principe d’identité. » (p.117)
 la génitalité naturelle est acculturée en paternité, ce qui est bien un déni de
la nature, en transformant l’élevage en éducation, car « il ne peut y avoir
confusion entre le géniteur et le père…car l’homme ressent la nécessité
de faire don à un autrui a priori indéterminé : il s’agit bien là de
paternité sociologique, un « pour autrui » (Sartre) qui contient la notion
de réciprocité. C’est ici que se situe la citoyenneté et, de manière plus
large, la responsabilité. »
Ainsi donc « le rapport de parité et la relation de paternité sont imbriqués l’un
dans l’autre. Identité sociale et utilité sociale vont de pair. C’est en redonnant
son utilité sociale que l’on peut agir sur l’affirmation identitaire de la
personne privée d’emploi. Car des difficultés identitaires entraînent des
difficultés de responsabilité, d’utilité sociale. Il n’y a donc pas d’identité sans
responsabilité, ni de responsabilité sans identité. Ce système à deux faces,
nous l’appelons « Institution de la personne »…qui se décline en instituant –
capacité à créer de l’identité et de l’unité – et en institué – capacité à créer du
« métier », de l’utilité sociale, du partage des tâches à accomplir pour faire
société. » (p.119)
L’explicite du social : la sociabilité
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
12
« J.G. utilise le terme de « politique » pour désigner le mouvement dialectique,
dans le sens d’une mise en œuvre perpétuelle du contrat social qui tente
d’organiser les relations des hommes entre eux. Le lien social n’existe que
parce qu’il y a cette irrémédiable impuissance à la réunification de l’espèce, à
cette tentative de combler, d’universaliser ce que l’ethnie divise et
atomise…d’où cette recherche continuelle de la communauté – dans une
sociabilité paisible, « constructive » et complémentaire – et cette faculté
simultanée à générer la différence, l’exclusion, le conflit : travail de
balancement sans fin entre la division et la convention » (p.120/121)
Chapitre 8 : L’ETHIQUE : UNE AUTRE MODALITE DE LA RAISON
HUMAINE
Le social et la morale
J.G. dissocie le plan de la personne et celui de la norme, car « la morale ne
ressort pas d’une quelconque pression, d’une autorité extérieure…elle est
essentiellement un mode d’analyse de notre propre désir, une capacité que
nous avons d’auto-contrôler notre propre désir…parce que l’enfant porte en
lui ce sens du bien et du mal…mais cependant toute capacité de norme
s’inscrit dans des codes sociaux que la société met en place » (p.124)
Il est donc important de savoir différencier – surtout dans le WS – ce qui relève
du « social » de ce qui relève de la « morale », « afin de pouvoir différencier ce
qui est de l’ordre de la responsabilité et ce qui est de l’ordre de la culpabilité ».
Le traitement naturel des affects
C’est ce que J.G. nomme « le projet » = cette capacité naturelle à différer la
satisfaction immédiate.
La dialectique éthico-morale
Nous avons vu que la rationalité humaine s’exerce selon une modalité :
 logique au plan du langage
 technique au plan de l’outil
 ethnique au plan de la personne
 éthique au plan de la norme.
Celle-ci est la capacité de « noloir », de ne pas vouloir, de s’abstenir, de refuser
une jouissance comme voie d’accès à un autre plaisir, à une valeur : « La valeur
( ou désir) est cette capacité à renoncer à un plaisir immédiat pour un autre
qui satisfait davantage. Ces éléments sont le prix et le bien…Dans le plan de
la norme on distingue ainsi deux faces de l’analyse éthique qui fonde le
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
13
noloir : le réglementant qui est l’analyse du prix et le réglementé qui est
l’analyse du bien ». (p.128)
Chapitre 9 : POUR UNE RELECTURE DES « PROBLEMES SOCIAUX »
« Tous les problèmes qui se présentent aux TS dont inscrits
socialement…Mais cela ne veut pas dire pour autant que ces problèmes aient
leur source dans le processus humain du social. » (p.129)
Les troubles structurels ou une des limites du TS
Parmi les personnes aidées les TS rencontrent des pathologies qui ne sont pas
sans les désemparer…car elles relèvent plus de la clinique que de l’aide sociale,
car elles sont de l’ordre de la carence ou de la détérioration, la carence étant
« l’absence d’émergence de la rationalité concernée » et la détérioration de «la
disparition d’une capacité rationnelle qui a émergé mais qui n’existe plus ».
Si l’analyse est trop prégnante on parlera de troubles autolytiques, c’est le cas du
schizophrène chez lequel le processus d’édification de frontière l’emporte au
détriment de la relation…et si l’on parle au contraire d’absence d’analyse on
parlera de troubles fusionnels, c’est le cas du paranoïaque qui souffre de manière
paroxystique de la présence des autres, ne lui permettant plus de prendre
suffisamment de recul par rapport à la situation.
Suit la présentation du cas de Jérôme : avec couple parental éclaté,
relations difficiles avec le père, foyer d’accueil source de conflits avec l’équipe
éducative, engagement dans l’armée d’où il est renvoyé sans solution
d’hébergement et sans « repère familial » : Les TS émettent le diagnostic
d’ « instabilité psychologique » et de « tendance à la délinquance » mais les
tentatives d’insertion sont vouées à l’échec, car « l’insertion c’est en effet
inscrire un élément dans un texte existant. Or, ce qui manque pour J. c’est
justement le « texte », faute de sphère d’appartenance…Autrement dit, J.
n’accède pas à sa propre histoire, étant dans l’incapacité de faire des liens,
d’en donner la cohérence et un sens. Il reste dans une succession d’histoires
sans fil d’Ariane pour en faire un « récit ». C’est en quelque sorte un homme
« introuvable » (p.134/5)
Suit encore la présentation du cas de Mauricette analysée comme un
trouble fusionnel de l’institué, pour conclure sur ce point : « Il s’agit de
construire une compréhension de l’humain qui serve de cadre à l’intervention
sur l’humain.(p.142)
Les problèmes de conformité ou le rapport au code
Dans ce que nous appelons « la crise de la parentalité », nous constatons que
l’exercice de la parentalité est de plus en plus délégué aux instances spécialisées
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
14
sans que cette délégation soit totalement assumée puisqu’elle est imposée. D’où
« l’imposition de plus en plus prégnante de codes sociaux qui est l’expression
d’un ethnocentrisme auquel nous ne pouvons échapper totalement du fait des
constructions administratives des problèmes sociaux et des populations
« cibles » allant dans le sens d’une vision uniforme, surplombante du
social. »- Car « la politique tend toujours vers l’uniformité, comme recherche
d’une communauté à jamais perdue…qui exige une quête incessante
d’universalité ». (p.145)
Les désaffiliations ou le travail de la conjoncture
L’étendue des dégâts
La désaffiliation ( en tant que concept qui indique non pas une absence
d’affiliation mais un relâchement total ou partiel des liens sociaux )n’est pas
une carence, puisque les facultés culturelles existent mais ce sont les conditions
sociales dans lesquelles elles s’investissent qui limitent leur « rendement ».
C’est pourquoi J.G. distingue 2 faces de désaffiliation ( correspondant aux 2
faces de la structure de la personne) :
 la désaffiliation sociale identitaire est une difficulté à exercer sa
singularité et à mettre en œuvre des processus d’appartenance ce qui fait
que tout ce qui lie ou sépare devient problématique : c’est l’exercice de la
parité dans l’échange social qui est mis à mal.
 La désaffiliation sociale contributive exprime la difficulté à exercer sa
contribution sociale, car la force du don et du contre-don est compromise
au profit de la soumission et de l’assistance, d’où la difficulté à participer,
échanger, servir et édifier puisque c’est l’exercice de la paternité dans
l’échange social qui est mis à mal.
Quelques problèmes récurrents
L’alcoolisme dans tous ses états
« La détermination principale est d’ordre axiologique : il s’agit souvent d’un
problème de dépendance dans le sens d’une incapacité à « se prendre en
main », à accéder à la maîtrise de soi, à la liberté. » - « C’est une
maladie »(p.159), celle de l’incapacité à accéder au « noloir », une dépendance qui
est dans l’ordre de la restriction du désir…
L’argent en manque ?
Etant donné que les problèmes d’argent peuvent recouvrir diverses formes de
difficultés, il est important d’aller voir jusqu’à ces problèmes plus fondamentaux
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
15
car « ne pas accéder à ce niveau de compréhension c’est se priver des
possibilités d’accompagner efficacement les personnes. » (p.165)
Y a plus d’enfants !
Partant du constat du nombre important de demandes d’aides concernant les
problèmes d’éducation, force est de constater que « c’est sur tout ce qui fait
autorité que le discrédit est porté…et consécutivement c’est l’ordre des places
sociales, qui est, de ce fait, contesté. » (p.170)
Jean Pierre Lebrun énumère les différentes figures de pères :
 le géniteur : père biologique
 le père réel : placé près de la mère et ayant la charge de transmettre la Loi
 le père imaginaire représentant l’autorité, dans l’ordre social hiérarchisé
 la fonction paternelle dans la structure, renvoyant à la tiercité incluse dans
la parole
Ainsi, « le déclin de la place du père dans le social prive de sa légitimité
l’exercice réel de la fonction paternelle dans la famille, le nouage réelmaginaire-symbolique qui est indispensable à son fonctionnement. » ce qui
se traduit souvent par l’enfant à qui plus rien n’est interdit car le père ne peut
plus lui mettre de limite : comment alors, l’enfant « sans père » pourra-t-il à
son tour assumer son rapport à la limite ? « Il faut toujours, dit JPL, que
l’église soit au milieu du village, c’est-à-dire que toute société a besoin de
son repère organisateur, commun à tous, qui fasse centre, même s’il est
contesté. » (p.172)
« Conférer une légitimité à la parole d’un père (sociologique) nous paraît
devoir être une ambition pour les TS. Réhabiliter c’est redonner la place et
du même coup, redistribuer les autres places…en réinstituant une tiercité
perdue…Car le laxisme dans l’éducation des enfants revient à refuser
d’imposer la frustration à l’enfant et du coup à en faire un esclave de luimême. Il faut donc contraindre l’enfant à la liberté. L’interdit est interdit
parce qu’il est interdit : il ne se justifie que par-là ! » (p.174/175)
3° Partie : VERS UNE DEMARCHE EXPERIMENTALE
Chapitre 10 : DE LA METHODE A UNE ANTHROPOSOCIOLOGIE
RECIPROQUE
La méthode en service social est clinique en ce sens qu’il intervient en vue d’un
traitement ; elle s’apparente donc à la méthode scientifique dont les étapes sont :
- 1° investigation ou observation des faits,
- 2° énonciation d’une hypothèse, laquelle imagine un lien jusqu’ici
inaperçu entre les réalités observées
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
16
- 3° expérimentation permettant de contrôler la validité de l’hypothèse
explicative émise
Cette démarche suppose d’avoir recours à un modèle conceptuel ; c’est une
condition fondamentale pour instaurer une visée scientifique au sein du WS pour
ne pas le réduire à une pure technicité de l’intervention au mépris d’une
connaissance de l’homme sur laquelle elle entend agir.
Il y a réciprocité dans cette démarche par l’étroite association du chercheur et
des partenaires sociaux dans « la coproduction d’un savoir » en même temps
que la reconnaissance de l’irréductible différenciation des rôles et des positions
de chacun. « C’est dire que cette anthroposociologie réciproque repose
fondamentalement sur une dialectique de l’appropriation et de la
désappropriation du savoir…permettant d’aller à contre-courant de toute
tendance ethnocentriste par un constant effort d’excentration, par la présence
permanente du « tiers » et par la recherche constante à mettre des mots sur les
choses. » (p.186/187)
Chapitre 11 : UNE MISE A L’EPREUVE DU TRAVAIL SOCIAL
A travers la présentation d’une expérience
…qui concernait un éclairage sociologique apporté à des univers sociaux de
jeunes placés en situation de rupture par rapport au monde du travail et des
institutions sociales. « La confrontation des différents points de vue émis à
permis de tendre vers une objectivation des situations examinées. Elle
acculait constamment chaque professionnel à la précision dans l’exposé
des « faits » et dans leur argumentation et à revisiter en permanence leur
propre point de vue compte tenu des informations délivrées par les
autres … » (p.195)
L’expérience a montré l’importance d’un cadre conceptuel, réduisant les
polysémies des termes du WS, décryptant les situations intégrant des
déterminismes sociologiques, tempérant un ethnocentrisme prégnant,
nommant et ordonnant ce que les partenaires ressentaient intuitivement et
parfois confusément.
La réflexion s’est faite à partir de l’utilisation de la technique du
génogramme qui sert en analyse systémique, permettant de visualiser les
relations de parenté entre les membres de la famille…avec le risque réel de
réduire cette approche aux seuls rapports interpersonnels entre membres
d’une même famille.
« Seule la référence permanente au cadre conceptuel ( pour les auteurs,
c’est la théorie de la médiation de J.G.) peut permettre de lier ce qui est
séparé et inversement de séparer ce qui n’est pas démêlé, dans la
présentation des situations familiales » (p.208)
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
17
Ce détour par un cadre conceptuel permet d’affiner le diagnostic initial et
d’interroger ou de repenser les perspectives d’intervention du WS, car il
oblige « à aller au-delà du simple relevé des manifestations sociales des
difficultés des personnes pour les rapporter à un principe explicatif qui
objective les situations en réduisant le champ des conjectures et par-delà,
de l’incertitude…On peut y voir une façon de réenchanater l’intervention
sociale en contrant son sentiment d’impuissance tout en évitant le piège de
la toute-puissance. » (p.230)
Conclusion ou éloge de la subversion
« Il faut opposer de la résistance et inverser ce qui nous paraît être à
l’envers dans le WS aujourd’hui…
 l’instrumentalisation du WS par les politiques
 le remplacement du « tiers » par les « experts » qui détiennent le pouvoir
au service des élus
 le chiffre et la statistique convoqués comme légitimations scientifiques
 les effets de mode ( dénominations, publics cibles, méthodes, objectifs)
qui tiennent lieu de traitement des « problèmes sociaux »
Or « toutes les approches ne sont pas équivalentes…ces opérations de
construction du réel nécessitent d’être interrogées » - « Ce positionnement
épistémologique est fondamental pour replacer l’homme au cœur du WS
sous peine de laisser celui-ci dériver vers une simple fonction d’exécution
de politiques publiques. » (p.232/233)
« La réhabilitation du WS passe par une reconnaissance active de sa
fonction de diagnostic et d’entremise sociale (au sens de faculté d’agir en
faveur de l’établissement ou du rétablissement des termes de l’échange
social dans les situations de désaffiliations identitaires et/ou contributives »
« C’est en renversant certaines aberrations du WS actuel, en réhabilitant
l’homme non pas à la manière des humanistes de la Renaissance mais en
révélant le plus scientifiquement possible ses capacités et ses facultés que
nous mènerons cette « subversion »…qui doit commencer dès la formation
où il y a « oubli de l’homme »… en raison de certaines prévalences :
tendance managériale, vacuité des valeurs de référence, reproduction
professionnelle renforcée par le magique « référentiel de compétences »…
hypertrophie des apports méthodologiques au détriment des sciences
humaines… pauvreté d’analyse… manque de mise à distance… et tout ce
qui œuvre dans le sens d’une instrumentalisation de l’intervention sociale
au nom d’un pragmatisme donnant aux décideurs l’illusion d’une
maîtrise ». (p.236)
« En bref, il faut apprendre aux futurs travailleurs sociaux à envisager
l’Homme en tant qu’objet de leur préoccupation professionnelle ». (p.239)
St Grégoire ce 25 juin 2009 J.B.
Notes sur « L’homme oublié du travail social » / JB – mai/juin 18 2009
18
Téléchargement