Marxisme et mouvement des chômeurs
La société humilie les chômeurs. Elle fait tout dépendre. Elle ne tient pas parole dans ses rapports avec les
chômeurs. Elle passe son temps à les accuser, à les suspecter de tricher. Il en a toujours été ainsi. Le chômeur,
comme le fou, met la communauté en danger. Enfin, selon cette dernière. Pour le chômeur, c'est évidemment cette
société elle-même qui se met en danger, et en particulier à cause de son organisation du travail, qui la met
elle-même, ou, en tout cas, qui le met en danger.
La société non plus n'a pas tellement envie de changer de mode de fonctionnement. Cela nécessiterait une remise
en question beaucoup trop fondamentale.
Une théorie n'est dialectique que si elle tient compte des évolutions, des faits nouveaux, qu'elle en découvre les
contradictions parfois anciennes, et qu'elle est capable de remettre en question en temps utile ses a priori, mais pas
si elle sert à manipuler une classe ou un groupe social, sauf si, à travers lui, elle parvient à orienter toute la société.
Mais, pour les chômeurs, la question reste ce qu'il en est et ce qu'il en sera éventuellement des chômeurs, et si tout
cela ne sert pas qu'à promouvoir leur disparition, à les jeter en définitive aux orties.
Le marxisme mène un combat au sein du monde du travail contre les erreurs et les mécompréhensions du monde
du travail, alors qu'il se retrouve en réalité dans le même camp que le capital. C'est utile et nécessaire. C'est
courageux. Mais il s'agit de maitriser les contours de ce combat, d'en extirper les schémas tout faits et dogmatiques,
qui reproduisent à leur insu des a priori désastreux, notamment concernant le chômage.
La société humilie certains chômeurs pour certaines raisons : refus de certains ordres, d'accomplir certains travaux,
critiques, points de vue idéologiques différents, lucidité aussi, ou faiblesse insigne. Certains chômeurs ne sont pas
en condition d'aborder le monde du travail parfois dès le début. Ils ont subi trop d'avaries, dépendu de trop de gens
compliqués. La société porte en partie la responsabilité d'une incapacité temporaire. Mais l'administration du
chômage les humilie également. En les humiliant, elle espère parfois les réhabiliter, et mettre la société à l'abri de
leurs critiques. Mais elle aggrave en même temps cette incapacité. Elle n'admet pas le bien-fondé de certaines
critiques qui portent sur des conditions de travail beaucoup trop précaires, ou sur les finalités du travail, ou encore
sur les conditions de vie qui résultent d'un travail. Humilier les chômeurs sert avant tout en fin de compte à justifier
les finalités du travail et de la société, ses méthodes, ses choix, son organisation, alors que bien sûr, c'est cette
organisation que certains remettent en cause, pas forcément pour grimper des échelons.
Pour intégrer aux luttes sociales, le combat pour un statut correct des chômeurs, il suffirait d'expliquer que les
chômeurs sont humiliés par le système, et que cela les empêche de retrouver du travail.
Le chômage, c'est l'exclusion de gens, ou du travail, et la solution, c'est l'ouverture du monde du travail, et un statut
pour les chômeurs.
L'exclusion est probablement due à une incompatibilité d'humeur, de discours, de fonctionnement entre des gens.. à
des traumatismes qu'on cause en licenciant massivement des gens et qui détruisent l'adaptation des personnes à
des conditions de travail déterminées.
Peut-être, un exclu peut-il faire autre chose que chercher du travail. Peut-être pourrait-il accomplir certaines études,
et devrait-on l'aider à atteindre un autre but ? Peut-être peut-il retrouver un équilibre ? Peut-être n'est-ce qu'une
question de contexte, de milieu.
Une fois que quelqu'un est exclu, il faut faire autre chose que lui proposer de suivre des formations bidon, etc..
Mais, probablement, une attitude plus favorable aux chômeurs se heurte-t-elle à un vieux préjugé, à l'idéologie de la
sélection naturelle. Les gens ont intégré en profondeur l'idée qu'ils luttent ensemble pour la survie, mais si cela ne
marche pas, il s'agit de tirer parti de la situation. À certains moments dans l'histoire, les gens se disent aussi qu'il est
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