Introduction
Il est raisonnable de dire que l’anthropologie française a été fondée en 1859 avec
la fondation de la Société de l’Anthropologie, mais on verra dans cette thèse qu’en fait les
racines de la discipline remontent à beaucoup plus tôt. La figure avec laquelle nous
démarrons nos analyses, c’est celle du voyageur Louis-Antoine de Bougainville (1729-
1811). Bougainville se présente comme le précurseur des ethnologues du 19e siècle. On
étudiera la manière dont il privilégie l’accumulation de détails pour décrire la totalité
d’un peuple. Dans ce sens, il présente une forme « primitive » de ce que nous appelons
l’anthropologie aujourd’hui. Toutefois il reste des différences fondamentales dans la
méthode d’observer et de décrire ces autres par rapport aux méthodes développées dans
le cadre de la discipline.
Vers la fin du 19e siècle, le voyageur Pierre Savorgnan de Brazza décrit ses
rencontres avec les « autres », mais ses représentations des indigènes sont beaucoup plus
avancées en s’approchant ainsi de l’anthropologie contemporaine. Brazza s’est installé
parmi les indigènes pour mieux les comprendre, et par conséquent il se distingue de
l’approche de Bougainville. La perspective changée de Brazza envers l’altérité est le
produit des nouvelles méthodes anthropologiques disponibles par le développement de la
discipline et la fondation de la Société d’Anthropologie même. Cette dernière,
l’épanouissement des sources portant sur l’autre, et la scientificisation du savoir de
l’époque de Brazza, ensemble donnent un encadrement et une orientation particuliers à
son discours, ce qui sera étudié au chapitre premier.