Société Générale et l’AFD : Interviews croisées de Jean-Louis Mattei, Directeur de la Banque de détail à l’international - groupe Société Générale et de Jean-Michel Severino, Directeur Général de l’AFD Jean-Michel Severino et Fréderic Oudéa, Président Directeur Général de Société Générale, ont signé le 11 décembre 2009 un protocole d’accord visant à dynamiser l’utilisation de la garantie ARIZ par les filiales de Société Générale en Afrique et en Méditerranée. Avec six implantations en Afrique du Nord, huit en Afrique de l’Ouest et trois en Afrique Centrale, le groupe Société Générale est l’un des plus grands réseaux bancaires du continent Africain où il emploie 15 000 collaborateurs à travers ses filiales. L’Echo des Continents a souhaité mieux connaître ce groupe partenaire, dont les métiers et les zones d’intervention croisent directement ceux de l’AFD, en interviewant Jean-louis Mattei - directeur de la Banque de détail à l’international du groupe Société Générale. Jean-Michel Severino répond également au journal « Sogenews » de Société Générale sur trois questions d’intérêt commun. 1 - L'AFD et Société Générale viennent de signer un protocole visant à renforcer l'offre de garantie ARIZ dans les filiales SG en Afrique et en Méditerranée. Question à Jean-Louis Mattei : Qu'attendez-vous de ce partenariat ? Quels impacts peuvent en attendre les entreprises en 2010 ? Société Générale utilise la garantie ARIZ depuis déjà 2001 sous le format de garantie individuelle. Nous sommes d’ailleurs le premier utilisateur en termes d’encours. La garantie individuelle vise des financements de montants significatifs. Elle n’est pas adaptée aux dossiers de crédit que nous montons en faveur des entrepreneurs de taille plus modeste : les petites et moyennes entreprises, les entrepreneurs individuels et les professionnels. Ces segments de clientèle sont essentiels pour un Groupe comme le nôtre d’un point de vue commercial mais aussi parce qu’ils sont les garants d’une croissance économique harmonieuse en Afrique et en Méditerranée comme partout dans le monde. La plupart de nos filiales ont adapté leur dispositif commercial et d’octroi de crédit pour répondre aux besoins de ces entreprises et mieux en appréhender le risque. L’offre ARIZ « garantie de portefeuille » va stimuler la production de crédits en faveur de ces clients. Elle nous permettra de monter plus vite en capacité et en expérience pour financer les investissements de ce segment de clientèle. Le protocole que nous avons signé porte sur 50 millions d’euros de garantie de portefeuille pour deux ans. 17 pays sont concernés et pourront contractualiser très rapidement avec l’AFD puisqu’une documentation juridique type a été finalisée. Cela correspond à une production de 100 millions d’euros. Je suis très confiant sur la portée et l’impact de ce partenariat pour la clientèle cible. Nous comptons l’élargir rapidement en faveur cette fois des institutions de micro finance. Question à Jean-Michel Severino : A quelle mission de l'AFD correspond ce partenariat ? Qu'en attendez-vous ? Avec le mécanisme ARIZ, l’AFD a pour objectif en partageant avec la banque le risque de contrepartie d’élargir l’accessibilité des petites entreprises au financement intermédié d’actifs amortissables. Améliorer l’accès au crédit d’équipement des petites entités productives dans ces régions est l’un des moyens les plus efficaces pour contribuer au soutien d’une dynamique de croissance et de création d’emplois. Pour ce faire, l’AFD souhaite s’associer à des partenaires solides du secteur bancaire en leur proposant une utilisation large de ses garanties. Depuis 2008, l’AFD a considérablement fait évoluer ARIZ vers plus de souplesse et de réactivité dans l’instruction, la décision et la gestion, et en créant la garantie de portefeuille de prêts aux TPE pour accompagner la dynamique de financement des plus petites entreprises relevant de la mesofinance. Le protocole conclu entre la SG et l’AFD est le premier partenariat de cette ampleur avec l’un des principaux groupes bancaires internationaux très actif en Afrique et dans la Méditerranée. 1 Avec cet accord, l’AFD pourra être en mesure de proposer immédiatement aux filiales de la SG des garanties globales de portefeuille pour leurs crédits d’équipement aux plus petites entreprises africaines et méditerranéennes. Ce premier accord entre nos deux groupes conforte notre volonté d’unir nos moyens pour soutenir avec une efficacité accrue le développement durable dans ces pays. Dans nos réseaux respectifs, il est un signal fort de la conviction partagée qu’en agissant ensemble nous pouvons faire plus et mieux, en particulier en faveur des petites entreprises dynamiques. Nous espérons qu’en 2010 la plupart des 17 filiales concernées par cet accord l’aient conclu et soient pleinement satisfaites de ce partenariat qui s’inscrit pour nous dans la durée. 2- L’AFD et la Société Générale en Afrique Question à Jean-Louis Mattei : Avec 11 banques filiales en Afrique au sud du Sahara, votre réseau est parmi les plus étendus des groupes bancaires français. Quelles sont vos ambitions pour le continent africain? Société Générale s’est progressivement renforcée en Afrique subsaharienne. Elle a contribué à l’accompagnement des entreprises françaises et multinationales, au développement des entreprises africaines ainsi qu’à la bancarisation des particuliers. A partir d’un noyau historique constitué du Sénégal, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire et de la Guinée, notre réseau s’est considérablement étoffé au cours de la dernière décennie avec l’acquisition de sept nouvelles implantations situées en Afrique francophone avec une exception pour le Ghana. Le groupe Société Générale est devenu un acteur majeur en Afrique subsaharienne avec 11 implantations, 217 agences, 5 000 employés, 850 000 clients particuliers et 51 000 clients entreprises. Il fait figure de banquier de référence dans de nombreux pays avec des parts de marché supérieures à 20% comme c’est le cas au Cameroun, en Côte d’ivoire, en Guinée et Guinée équatoriale, à Madagascar, au Sénégal et au Tchad. En dépit du contexte international, notre réseau africain continue d’enregistrer une progression significative de son PNB et une rentabilité récurrente. Nous sommes donc toujours dans une dynamique de développement. La zone recèle incontestablement de nombreux atouts liés à son dynamisme démographique et à la présence de ressources naturelles importantes. Notre volonté est donc de continuer à nous développer dans cette région de façon sélective Question à Jean-Michel Severino : L'accord conclu vise particulièrement l'Afrique. Quel est le mandat du Groupe AFD sur ce continent et quelles sont ses ambitions ? Présente depuis des décennies en Afrique subsaharienne, forte d'un réseau de 26 agences intervenant dans 43 pays, l'AFD met son expérience au service du développement en Afrique. Les actions de l'AFD sur ce continent ont pour objectif de favoriser une croissance forte, mieux répartie localement, génératrice d’emplois, qui permettent de réduire la pauvreté, tout en mettant en place un environnement favorable au développement : amélioration des infrastructures, renforcement du capital humain, préservation des ressources naturelles. En Afrique, comme dans les autres régions du monde où elle est présente, l’AFD inscrit son action dans la politique de développement menée par la France. L’Agence met en œuvre les initiatives décidées par les autorités françaises en matière de développement, comme par exemple l’initiative présidentielle pour le soutien à la croissance en Afrique, lancée en 2008 au Cap en Afrique du Sud. L'Afrique subsaharienne est une région prioritaire pour l'AFD : non seulement l'Agence y a engagé environ 2 milliards d'euros de projets en 2009, soit près de la moitié de ses engagements, mais ceuxci ont progressé de 60% par rapport à 2008, permettant ainsi à l'AFD de jouer un rôle contra-cyclique alors que la région devait faire face aux conséquences de la crise financière internationale et notamment à la raréfaction des ressources sur les marchés financiers. En 2009, l'AFD est intervenue principalement dans les secteurs des infrastructures, du développement urbain, de l’eau et de l’assainissement, de l'environnement, de la santé, de l’éducation, de l’agriculture et de la sécurité alimentaire. L'AFD dispose d'une palette variée pour ses 2 interventions, ce qui lui permet d'être réactive et de proposer à ses partenaires des instruments adaptés : au-delà des dons et prêts, plus ou moins concessionnels, qui constituent les instruments classiques d'intervention en Afrique, l'AFD a récemment renforcé ses instruments de garanties et de couverture des risques dans cette région. Nous avons par exemple fait évoluer notre fonds de garantie Ariz pour faciliter l’accès des PME africaines au crédit bancaire et au capital dans un contexte économique et financier perturbé par la crise mondiale. 3- La RSE et la lutte contre le changement climatique Question à Jean-Louis Mattei : votre banque a développé une approche originale de la responsabilité environnementale et sociale à l'international. Pouvez-vous nous en résumer la philosophie et les principales actions dans votre réseau? En matière de responsabilité sociale et environnementale, il nous appartient de rehausser les pratiques de nos filiales au meilleur niveau pour qu’elles soient en tous points exemplaires. . Notre premier objectif est de faire en sorte qu’elles appliquent la politique et les directives de responsabilité sociale et environnementale Groupe. Toutes nos banques aujourd’hui par exemple se conforment aux Principes de l’Equateur. Ensuite nous engageons les chantiers, concrets, qui nous paraissent mériter des efforts spécifiques. Nos premiers projets ont porté sur la réorientation des actions de mécénat local vers la solidarité, la protection sociale de nos collaborateurs d’Afrique sub-saharienne, la prévention contre le VIH-sida et le financement du secteur de la micro finance. Ces actions s’inscrivent dans la durée. Je suis particulièrement fier par exemple de la couverture sociale élargie dont bénéficient aujourd’hui l’ensemble des collaborateurs africains et leurs familles. Egalement de notre intervention très efficace en micro finance : les capitaux engagés en micro finance par Société Générale - en financement et en capital - représentent plus de la moitié des fonds investis par toutes les banques françaises confondues ; c’est d’autant plus remarquable que nous visons quasi exclusivement l’Afrique. Si notre action est peu « médiatisée », elle est fortement appréciée de la quarantaine d’institutions que nous soutenons. Aujourd’hui, c’est la thématique de l’environnement qui est très prégnante. Pour compte propre, nous accompagnons notamment toutes nos filiales vers un objectif commun de réduction des émissions carbone. Cet effort se traduit par un travail d’assistance technique particulièrement orienté sur les « bâtiments ». D’ores et déjà, deux filiales (en Polynésie et au Burkina Faso) sont équipées en installations photovoltaïques. Le montant de nos financements « verts » va augmenter significativement, c’est un des axes forts de notre politique RSE pour 2010. Question à Jean-Michel Severino : L'AFD est l’un des bailleurs de fonds les plus actifs contre le changement climatique. Quelles sont ses principales initiatives en la matière ? Les engagements de l’AFD dans la lutte contre le changement climatique sont en forte croissance et la positionnent effectivement comme l’un des principaux soutiens aux pays du sud dans ce domaine. Les interventions de l’AFD sont principalement centrées sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Elles concernent également les transports urbains, les collectivités locales, les forêts et l’agriculture. Une première innovation apportée par l’AFD a été de développer l’implication du secteur privé dans la lutte contre le changement climatique par des lignes de crédit bancaire, par exemple en Chine, au Brésil, en Turquie ou en Afrique. La seconde approche innovante est le soutien budgétaire à des pays qui décident d’adopter une ambition nationale d’intégration du climat dans leur stratégie de développement. L’AFD a ainsi réalisé des « premières » mondiales en cofinançant les plans climat de l’Indonésie (2008 et 2009), Maurice (2009), le Mexique (2009). Enfin, l’AFD est le seul bailleur de fonds à avoir développé un instrument simple de quantification des réductions d’émissions de gaz à effet de serre engendrés par ses financements qui permet de rendre compte de l’impact attendu dans la lutte contre le changement climatique. Cette avancée française est importante car le caractère MRV (Mesurable, Restituable, Vérifiable) des actions qui doivent être financées est au cœur du débat de la négociation climat. 3 Le renforcement de la garantie ARIZ en faveur de l’accès au financement des entreprises du Sud ARIZ est le dispositif de garantie de l’AFD destiné à encourager l’accès au crédit bancaire des petites entreprises et des Institutions de micro-finance des pays de la Zone d’intervention de I’ AFD. Il permet de partager 50% du risque du crédit avec les institutions financières. Dans le cadre des initiatives françaises de soutien à la croissance en Afrique Sub Saharienne et en Méditerranée, ARIZ s’est rénové, assoupli et consolidé dans ses capacités d’interventions en Afrique et dans le pourtour méditerranéen. Les engagements d’ARIZ sont passés de 25 M€ en 2008 à plus de 100 M€ en 2009. Pour 2010, les objectifs sont fixés à 275 M€ d’engagements ARIZ. Le renforcement de l’offre de garantie ARIZ aux filiales de la Société Générale avec l’accord du 11 décembre 2009 En application de cet accord, l’AFD garantira à hauteur de 50% le risque assumé par Société Générale dans son activité de financement des entrepreneurs à l’intérieur d’une enveloppe globale de 50 MEUR, pour des crédits d’investissements de montant unitaire inférieur à 300 000 euros. Ce nouveau partenariat permet ainsi de favoriser le changement d’échelle d’une offre de financement adaptée aux besoins des petites entreprises. 4