Radioactivité et chimie nucléaire
1) Rappels sur la structure de l’atome et du noyau
D’après le modèle lacunaire de Rutherford, l’atome se subdivise en deux
parties :
- le noyau : minuscule grain de matière situé au centre de l’atome, il
renferme la presque-totalité de la masse de l’atome
- le cortège électronique : entourant le noyau à grande distance, il
détermine le volume de l’atome
La structure du cortège électronique détermine le comportement chimique
des atomes ; la radioactivité par contre étudie l’ensemble des phéno-
mènes en rapport avec des transformations portant sur le noyau
atomique.
a) structure du noyau
Le noyau est constitué de protons et de neutrons (nucléons).
Les protons sont responsables de la charge positive du noyau. Vu la répulsion entre
particules de même charge, un noyau formé exclusivement par une association de protons
n’est pas stable. Pour cette raison, l’existence dans le noyau de particules neutres a été
envisagé d’abord hypothétiquement. Cette particule neutre (neutron) a été mise en évidence
expérimentalement en 1932 par Sir James Chadwick (physicien anglais, 1891-1974, prix
Nobel 1935).
Caractéristiques des nucléons
proton : masse = 1,672610-27 kg = 1,0074 u.m.a.1 (1836 fois la masse de l’électron)
charge = + 1,60210-19 C (coulomb)
neutron : masse = 1,674810-27 kg = 1,0087 u.m.a. (comparable à celle du proton)
charge : nulle
Les masses indiquées sont celles des particules libres, non engagées dans le noyau.
b) nucléides
On appelle nucléide une réalisation déterminée de noyau, formée par l’association d’un
nombre caractéristique de protons et de neutrons.
Le nombre de protons indique l’appartenance d’un atome à un élément
déterminé. Il est indiqué par le numéro atomique Z.
Le nombre total de nucléons (protons + neutrons) est indiqué par le nombre de
masse A. Il correspond à la masse atomique arrondie (en u.m.a.)
Le nombre de neutrons vaut donc A – Z.
c) isotopes
L’existence des isotopes fut découverte en 1910 par Frederick Soddy.
La plupart des éléments comportent plusieurs nucléides qui diffèrent, dans
des limites assez étroites, par leur nombre de neutrons et donc par leur
masse. On appelle isotopes (du grec : isos = même et topos = lieu) tous
ces nucléides ayant le même nombre de protons (et qui rangent donc dans
la même case du tableau périodique).
1 1 u.m.a. (unite de masse atomique) ou 1 dalton = 1 g / 61023 = 1,66710-27 kg
X
A
Z
1
Lord Ernest Rutherford
1871-1937
prix Nobel 1908
Sir Frederick Soddy
1877- 1957
prix Nobel 1921
On connaît environ 2000 nucléides pour la centaine d’éléments du tableau périodique ; 325
existent dans la nature (isotopes naturels), les autres sont synthétisés au laboratoire (isotopes
artificiels) et sont tous instables.
Il y a 20 éléments formés d’un seul nucléide naturel (Be, F, Na, Al, P, Sc, Mn, Co, As, Y, Nb,
Rh, Rh, I, Cs, Pr, Tb, Ho, Tm, Ta, Au). La majorité des éléments sont formés d’un mélange
d’isotopes de fréquence fixe. L’étain compte le plus grand nombre d’isotopes naturels (10).
Pour les éléments formés de plusieurs isotopes, souvent un isotope prédomine
considérablement sur tous les autres pour ce qui est de sa fréquence : ainsi s’explique que la
mase atomique de beaucoup d’éléments est proche d’une valeur entière qui est le nombre de
masse de l’isotope le plus fréquent.
Seuls les isotopes de l’hydrogène ont reçu des noms et des symboles spécifiques :
1H = hydrogène « léger » (99,985 %)
2D = hydrogène « lourd », deutérium (0,015 %)
3T = tritium, isotope artificiel et instable, se forme pourtant par
traces par l’action de radiations solaires sur les isotopes
naturels de H.
Les isotopes d’un élément donné présentent de légères différences dans leur comportement
physique et physico-chimique, différences d’autant plus insignifiantes que la différence relative
de leurs masses est plus petite. C’est grâce à ces différences que les isotopes d’un élément
peuvent être séparés.
2) La stabilité du noyau atomique
Comment l’association des protons et des neutrons peut-elle conduire à un noyau stable ?
a) le défaut de masse
D’après la théorie de la relativité restreinte d’Einstein, il y a équivalence
entre énergie et masse ; on entend par là que la masse peut être
transformée en énergie et inversement. La formule d’interconversion
s’écrit :
E = mc2 E = énergie (en joule)
m = masse (en kilogrammes)
c = vitesse de la lumière = 3108 m/s
Considérons un noyau d’hélium formé par l’association de 2 protons et 2 neutrons :
masse des 2 protons isolés : 21,0074 = 2,0148 u.m.a.
masse des 2 neutrons isolés : 21,0086 = 2,0172 u.m.a.
somme des masses des particules isolées : 4,032 u.m.a.
masse réelle du noyau d’hélium : 4,002 u.m.a.
Albert Einstein
1879-1955
prix Nobel 1921
proton
neutron
électron
Par rapport aux particules qui le constituent, le noyau d’hélium présente donc un défaut de
masse de 4,032 – 4,002 = 0,03 a.m.u.
Pour une mole de noyaux d’hélium formés à partir des particules constitutives, le défaut de
masse vaut 0,03 g ou 0,0310-3 kg. Cette masse annihilée correspond à l’énergie libérée au
moment où les particules élémentaires s’associent en noyaux :
E = 0,0310-3(3108)2 = 2,71012 J/mol de noyaux 4He
2
Inversement, pour dissocier les noyaux d’une mole (4 g) d’hélium et en séparer les protons et
neutrons, il faudrait fournir cette énorme quantité d’énergie (l’équivalent de l’énergie libérée lors de la
combustion de 90 tonnes de charbon !)
C’est dire à quel point protons et neutrons sont solidement reliés dans le noyau, donc à quel
point le défaut de masse assure la stabilité du noyau.
Remarque : Lors de l’étude de la structure fine de la matière (passage aux quarks), nous allons
voir une autre interprétation de la stabilité du noyau.
b) BEPN : binding energy per nucleon
L’énergie libérée lors de la formation du
noyau depend évidemment du nombre
de nucléons associés. Afin de pouvoir
comparer la stabilité des différents
nucléides, on rapporte dans chaque cas
l’énergie libérée à un seul nucléon. J1012,1
4
105,4
BEPN
J105,4
106
107,2
:noyauparlibéréeénergie
:Hepourcalculdeexemple
12
12
12
23
12
4
2
=
=
=
Comparaison de la stabilité des nucléides : BEPN en fonction du nombre de masse
La courbe présente un pic marqué pour He ; à partir de Li, la stabilité augmente rapidement
avec le nombre de masse ; la courbe affiche la valeur la plus élevée pour le fer, puis la stabilté
diminue progressivement pour les nucléides lourds.
Puisqu’un nucléide est d’autant plus stable que davantage d’énergie a été libérée au cours de
sa formation, le diagramme fait apparaître 3 processus de stabilisation :
- la décomposition radioactive qui consiste en une stabilisation par étapes
- la fission nucléaire qui consiste en la séparation d’un noyau lourd en 2 noyaux plus légers
- la fusion nucléaire qui consiste en la réunion de 2 noyaux légers
Remarque : en atomistique, les énergies sont souvent exprimées en électron-volt (eV).
L’électron-volt est l’énergie qui correspond à l’accélération d’un électron (charge
absolue = 1,610-19 C) dans un champ électrique de 1 volt :
1 eV = 1,610-19 C x 1 V = 1,610-19 J
inversement: 1 J = 1 eV / 1,610-19 = 6,251018 eV
3
3) La radioactivité naturelle
a) préliminaires
Les alchimistes s’épuisaient en vains efforts pour transformer les métaux vils en or. Avec
l’avènement de la chimie moderne, la nature des éléments chimiques fut considérée comme
immuable. Dans cette optique, la chimie se définit comme étant la science qui transforme les
molécules en réarrangeant les atomes, sans toutefois modifier la structure du noyau
atomique.
Depuis la découverte de la radioactivité, on sait que les transformations portant sur le noyau,
donc sur la nature des éléments, sont possibles. Ces transformations sont liées à l’émission
de radiations. C’est le domaine de la transmutation radioactive.
b) historique
1896 Henri Becquerel découvre la radioactivité naturelle ; il observe que
les minerais d’uranium émettent un rayonnement capable de noircir
les plaques photographiques
Photo : Henri Becquerel, physicien français, 1852-1908
prix Nobel de physique en 1903)
1898 Pierre et Marie Curie Sklodowska isolent à partir
de la pechblende (un minerai d’uranium) deux
éléments hautement radioactifs : le radium (Ra) et
le polonium (Po)
Photos : Pierre Curie, physicien français, 1859-1906
prix Nobel de physique en 1903
Marie Curie, d’origine polonaise, 1867-1934
prix Nobel de physique en 1903
prix Nobel de chimie en 1911
1899 Ernest Rutherford découvre les rayonnements α et β
1902 Ernest Rutherford et Frederick Soddy découvrent que la décomposition radioactive
transforme un élément chimique en un autre (transmutation)
1903 Ernest Rutherford découvre les rayons γ
1910 Frederick Soddy découvre l’existence des isotopes
c) les 3 types de radiations
Si on fait passer dans le vide un faisceau de radiations émis par une source radioactive par
le champ électrique existant entre 2 plaques métalliques chargées respectivement + et -, le
noircissement d’une plaque photographique placée sur la trajectoire des radiations révèle 3
points d’impact. On en conclut que :
β
γ
- les rayons α, attirés par la plaque chargée
-, sont constitués de particules porteuses
de charges positives
- les rayons β, attirés par la plaque chargée
+, sont constitués de particules chargées - α
- les rayons γ, non déviés, ne sont pas
constitués de particules chargées plaques
chargées
bloc en plomb
avec source
radioactive
plaque
photographique
4
d) propriétés des radiations
Les deux propriétés principales sont :
- le pouvoir de pénétration de la matière : les radiations ont une tendance plus ou moins
grande à traverser les obstacles placés sur leur chemin
- le pouvoir ionisant : la matière
traversée est plus ou moins fortement
ionisée le long de la trajectoire des
radiations : sous l’impact des collisions,
certains atomes perdent des électrons et
se transforment en cations ; les électrons
arrachés sont captés par d’autres atomes
qui deviennent anions.
électroscope
sel d'uranium
Terre
chargé
+++++
++
++++ + +++
les charges s'écoulent vers la Terre
trajectoire
+
Grâce à leur pouvoir ionisant, les
radiations rendent les gaz conducteurs
de l’électricité. Ainsi un électroscope
chargé, exposé à une source radioactive,
se décharge.
rayons α rayons β rayons γ
pouvoir de
pénétration
très faible
les rayons α sont arrêtés
par une dizaine de
centimètres d’air ou par
une mince feuille de papier
assez grand
les rayons β peuvent
traverser une plaque en
aluminium d’une épaisseur
de l’ordre du centimètre
très grand
les rayons γ peuvent
traverser un blindage en
plomb épais de 20
centimètres
pouvoir
ionisant très élevé nettement inférieur à
celui des rayons α
faible par rapport à
celui des rayons α
e) nature et origine des rayons α, β et γ
rayons α rayons β rayons γ
nature noyaux d’hélium
4
2He
vitesse jusqu’à 20 000 km/s
électrons
0
1e
vitesse jusqu’à 290 000 km/s
ondes électromagnétiques de
très petite longueur d’onde
origine
principe :
exemple :
expulsion de (formé de
2 protons et 2 neutrons)
4
2He
décomposition d’un neutron
en proton et électron
suite à une décomposition α ou
β, un noyau excité se stabilise
par émission d’un photon γ
X
A
Z
A - 4
Z - 2 Y + He
2
4
Ra
226
88
Rn +
222
86
He
4
2
X
A
Z
A
Z +1 Y + e
-1
0
Ra
228
88
Ac +
228
89
e
0
-
1
n
1
0p +
1
1 e
0
-1
X*
A
Z
A
Z
Ba*
137
137
56 56
X + h ν
Ba + h ν
5
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