Radioactivité et chimie nucléaire 1) Rappels sur la structure de l’atome et du noyau D’après le modèle lacunaire de Rutherford, l’atome se subdivise en deux parties : - le noyau : minuscule grain de matière situé au centre de l’atome, il renferme la presque-totalité de la masse de l’atome - le cortège électronique : entourant le noyau à grande distance, il détermine le volume de l’atome La structure du cortège électronique détermine le comportement chimique des atomes ; la radioactivité par contre étudie l’ensemble des phénomènes en rapport avec des transformations portant sur le noyau atomique. Lord Ernest Rutherford 1871-1937 prix Nobel 1908 a) structure du noyau Le noyau est constitué de protons et de neutrons (nucléons). Les protons sont responsables de la charge positive du noyau. Vu la répulsion entre particules de même charge, un noyau formé exclusivement par une association de protons n’est pas stable. Pour cette raison, l’existence dans le noyau de particules neutres a été envisagé d’abord hypothétiquement. Cette particule neutre (neutron) a été mise en évidence expérimentalement en 1932 par Sir James Chadwick (physicien anglais, 1891-1974, prix Nobel 1935). Caractéristiques des nucléons proton : masse = 1,6726⋅10-27 kg = 1,0074 u.m.a.1 (1836 fois la masse de l’électron) charge = + 1,602⋅10-19 C (coulomb) neutron : masse = 1,6748⋅10-27 kg = 1,0087 u.m.a. (comparable à celle du proton) charge : nulle Les masses indiquées sont celles des particules libres, non engagées dans le noyau. b) nucléides On appelle nucléide une réalisation déterminée de noyau, formée par l’association d’un nombre caractéristique de protons et de neutrons. A Z X Le nombre de protons indique l’appartenance d’un atome à un élément déterminé. Il est indiqué par le numéro atomique Z. Le nombre total de nucléons (protons + neutrons) est indiqué par le nombre de masse A. Il correspond à la masse atomique arrondie (en u.m.a.) Le nombre de neutrons vaut donc A – Z. c) isotopes L’existence des isotopes fut découverte en 1910 par Frederick Soddy. La plupart des éléments comportent plusieurs nucléides qui diffèrent, dans des limites assez étroites, par leur nombre de neutrons et donc par leur masse. On appelle isotopes (du grec : isos = même et topos = lieu) tous ces nucléides ayant le même nombre de protons (et qui rangent donc dans la même case du tableau périodique). 1 Sir Frederick Soddy 1877- 1957 prix Nobel 1921 1 u.m.a. (unite de masse atomique) ou 1 dalton = 1 g / 6⋅1023 = 1,667⋅10-27 kg 1 On connaît environ 2000 nucléides pour la centaine d’éléments du tableau périodique ; 325 existent dans la nature (isotopes naturels), les autres sont synthétisés au laboratoire (isotopes artificiels) et sont tous instables. Il y a 20 éléments formés d’un seul nucléide naturel (Be, F, Na, Al, P, Sc, Mn, Co, As, Y, Nb, Rh, Rh, I, Cs, Pr, Tb, Ho, Tm, Ta, Au). La majorité des éléments sont formés d’un mélange d’isotopes de fréquence fixe. L’étain compte le plus grand nombre d’isotopes naturels (10). Pour les éléments formés de plusieurs isotopes, souvent un isotope prédomine considérablement sur tous les autres pour ce qui est de sa fréquence : ainsi s’explique que la mase atomique de beaucoup d’éléments est proche d’une valeur entière qui est le nombre de masse de l’isotope le plus fréquent. Seuls les isotopes de l’hydrogène ont reçu des noms et des symboles spécifiques : 1 H = hydrogène « léger » (99,985 %) 2 D = hydrogène « lourd », deutérium (0,015 %) 3 T = tritium, isotope artificiel et instable, se forme pourtant par traces par l’action de radiations solaires sur les isotopes naturels de H. proton neutron électron Les isotopes d’un élément donné présentent de légères différences dans leur comportement physique et physico-chimique, différences d’autant plus insignifiantes que la différence relative de leurs masses est plus petite. C’est grâce à ces différences que les isotopes d’un élément peuvent être séparés. 2) La stabilité du noyau atomique Comment l’association des protons et des neutrons peut-elle conduire à un noyau stable ? a) le défaut de masse D’après la théorie de la relativité restreinte d’Einstein, il y a équivalence entre énergie et masse ; on entend par là que la masse peut être transformée en énergie et inversement. La formule d’interconversion s’écrit : E = m⋅c2 E = énergie (en joule) m = masse (en kilogrammes) c = vitesse de la lumière = 3⋅108 m/s Albert Einstein 1879-1955 prix Nobel 1921 Considérons un noyau d’hélium formé par l’association de 2 protons et 2 neutrons : masse des 2 protons isolés : 2⋅1,0074 = 2,0148 u.m.a. masse des 2 neutrons isolés : 2⋅1,0086 = 2,0172 u.m.a. somme des masses des particules isolées : 4,032 u.m.a. masse réelle du noyau d’hélium : 4,002 u.m.a. Par rapport aux particules qui le constituent, le noyau d’hélium présente donc un défaut de masse de 4,032 – 4,002 = 0,03 a.m.u. Pour une mole de noyaux d’hélium formés à partir des particules constitutives, le défaut de masse vaut 0,03 g ou 0,03⋅10-3 kg. Cette masse annihilée correspond à l’énergie libérée au moment où les particules élémentaires s’associent en noyaux : E = 0,03⋅10-3⋅(3⋅108)2 = 2,7⋅1012 J/mol de noyaux 4He 2 Inversement, pour dissocier les noyaux d’une mole (4 g) d’hélium et en séparer les protons et neutrons, il faudrait fournir cette énorme quantité d’énergie (l’équivalent de l’énergie libérée lors de la combustion de 90 tonnes de charbon !) C’est dire à quel point protons et neutrons sont solidement reliés dans le noyau, donc à quel point le défaut de masse assure la stabilité du noyau. Remarque : Lors de l’étude de la structure fine de la matière (passage aux quarks), nous allons voir une autre interprétation de la stabilité du noyau. b) BEPN : binding energy per nucleon L’énergie libérée lors de la formation du noyau depend évidemment du nombre de nucléons associés. Afin de pouvoir comparer la stabilité des différents nucléides, on rapporte dans chaque cas l’énergie libérée à un seul nucléon. exemple de calcul pour 42 He : énergie libérée par noyau : 2,7 ⋅ 1012 = 4,5 ⋅ 10 −12 J 6 ⋅ 10 23 4,5 ⋅ 10 −12 BEPN = = 1,12 ⋅ 10 −12 J 4 Comparaison de la stabilité des nucléides : BEPN en fonction du nombre de masse La courbe présente un pic marqué pour He ; à partir de Li, la stabilité augmente rapidement avec le nombre de masse ; la courbe affiche la valeur la plus élevée pour le fer, puis la stabilté diminue progressivement pour les nucléides lourds. Puisqu’un nucléide est d’autant plus stable que davantage d’énergie a été libérée au cours de sa formation, le diagramme fait apparaître 3 processus de stabilisation : - la décomposition radioactive qui consiste en une stabilisation par étapes - la fission nucléaire qui consiste en la séparation d’un noyau lourd en 2 noyaux plus légers - la fusion nucléaire qui consiste en la réunion de 2 noyaux légers Remarque : en atomistique, les énergies sont souvent exprimées en électron-volt (eV). L’électron-volt est l’énergie qui correspond à l’accélération d’un électron (charge absolue = 1,6⋅10-19 C) dans un champ électrique de 1 volt : 1 eV = 1,6⋅10-19 C x 1 V = 1,6⋅10-19 J inversement: 1 J = 1 eV / 1,6⋅10-19 = 6,25⋅1018 eV 3 3) La radioactivité naturelle a) préliminaires Les alchimistes s’épuisaient en vains efforts pour transformer les métaux vils en or. Avec l’avènement de la chimie moderne, la nature des éléments chimiques fut considérée comme immuable. Dans cette optique, la chimie se définit comme étant la science qui transforme les molécules en réarrangeant les atomes, sans toutefois modifier la structure du noyau atomique. Depuis la découverte de la radioactivité, on sait que les transformations portant sur le noyau, donc sur la nature des éléments, sont possibles. Ces transformations sont liées à l’émission de radiations. C’est le domaine de la transmutation radioactive. b) historique 1896 Henri Becquerel découvre la radioactivité naturelle ; il observe que les minerais d’uranium émettent un rayonnement capable de noircir les plaques photographiques Photo : Henri Becquerel, physicien français, 1852-1908 prix Nobel de physique en 1903) 1898 Pierre et Marie Curie Sklodowska isolent à partir de la pechblende (un minerai d’uranium) deux éléments hautement radioactifs : le radium (Ra) et le polonium (Po) Photos : Pierre Curie, physicien français, 1859-1906 prix Nobel de physique en 1903 Marie Curie, d’origine polonaise, 1867-1934 prix Nobel de physique en 1903 prix Nobel de chimie en 1911 1899 Ernest Rutherford découvre les rayonnements α et β 1902 Ernest Rutherford et Frederick Soddy découvrent que la décomposition radioactive transforme un élément chimique en un autre (transmutation) 1903 Ernest Rutherford découvre les rayons γ 1910 Frederick Soddy découvre l’existence des isotopes c) les 3 types de radiations Si on fait passer dans le vide un faisceau de radiations émis par une source radioactive par le champ électrique existant entre 2 plaques métalliques chargées respectivement + et -, le noircissement d’une plaque photographique placée sur la trajectoire des radiations révèle 3 points d’impact. On en conclut que : - les rayons α, attirés par la plaque chargée -, sont constitués de particules porteuses de charges positives β γ α - les rayons β, attirés par la plaque chargée +, sont constitués de particules chargées - les rayons γ, non déviés, ne sont pas constitués de particules chargées bloc en plomb avec source radioactive plaques chargées plaque photographique 4 d) propriétés des radiations Les deux propriétés principales sont : - le pouvoir de pénétration de la matière : les radiations ont une tendance plus ou moins grande à traverser les obstacles placés sur leur chemin Grâce à leur pouvoir ionisant, les radiations rendent les gaz conducteurs de l’électricité. Ainsi un électroscope chargé, exposé à une source radioactive, se décharge. pouvoir de pénétration les charges s'écoulent vers la Terre - le pouvoir ionisant : la matière traversée est plus ou moins fortement ionisée le long de la trajectoire des radiations : sous l’impact des collisions, certains atomes perdent des électrons et se transforment en cations ; les électrons arrachés sont captés par d’autres atomes qui deviennent anions. sel d'uranium + + + + + + + + + ++ + + + + + électroscope chargé trajectoire Terre rayons α rayons β rayons γ très faible assez grand très grand les rayons α sont arrêtés par une dizaine de centimètres d’air ou par une mince feuille de papier les rayons β peuvent traverser une plaque en aluminium d’une épaisseur de l’ordre du centimètre les rayons γ peuvent traverser un blindage en plomb épais de 20 centimètres très élevé nettement inférieur à celui des rayons α faible par rapport à celui des rayons α pouvoir ionisant e) nature et origine des rayons α, β et γ rayons α nature origine principe : exemple : rayons β noyaux d’hélium 42 He électrons rayons γ 0 −1 e vitesse jusqu’à 20 000 km/s vitesse jusqu’à 290 000 km/s expulsion de 42 He (formé de 2 protons et 2 neutrons) décomposition d’un neutron en proton et électron A-4 A X → Y Z Z-2 226 88 Ra → 222 86 4 + 2 He 4 Rn + He 2 1 n → 1p + 0e -1 0 1 A A X → Z +1 Y Z 228 88 Ra → 228 89 0 + -1 e Ac + 0 e -1 ondes électromagnétiques de très petite longueur d’onde suite à une décomposition α ou β, un noyau excité se stabilise par émission d’un photon γ A ZX A X* → Z 137 56 137 Ba* → 56 + hν Ba + h ν 5 f) visualisation des trajectoires des particules ionisantes Le dispositif dit « chambre de Wilson » fut mis au point par le physicien écossais Wilson en 1911. La chambre raccordée à un cylindre à piston est saturée en vapeur d’eau et d’alcool. En tirant brusquement sur le piston mobile du cylindre, on provoque une chute brutale de la température qui induit la condensation des vapeurs. Les ions formés le long des trajectoires des particules ionisantes servent de grains de condensation aux vapeurs : des traînées de brouillard apparaissent le long des trajectoires des particules émises par la source radioactive. Charles Wilson 1869-1959 prix Nobel en 1927 source Les radiations ionisantes se laissent encore visualiser : - à l’aide de la chambre à bulle (1952, D. Glaser). Cette chambre renferme un liquide (p. ex. dihydrogène liquide) à une température juste inférieure à la température d’ébullition. Au moment du passage des radiations, une courte diminution de pression réduit momentanément la température d’ébullition : les bulles apparaissent de préférence aux endroits où se trouvent les ions produits par le passage des particules - à l’aide d’émulsions photographiques épaisses : révélées par le noircissement de sels d’argent les trajectoires des radiations sont g) comptage des particules ionisantes L’appareil dit « compteur Geiger » fut inventé en 1925 par le physicien allemand Geiger. Le détecteur est constitué par un cylindre métallique ayant en son axe une tige métallique isolée par rapport au cylindre. La tige (anode) est portée à travers une résistance électrique à un potentiel positif d’environ 500 V par rapport au cylindre (cathode). Lorsqu’une radiation ionisante traverse le tube, elle ionise le gaz de remplissage du tube. Les anions sont attirés par la tige et entraînent une chute temporaire du potentiel. Ces pics de dépolarisation sont enregistrés par un compteur électronique raccordé au détecteur. potentiel 500 V + 500 V ionisation par une radiation + 500 V Hans Geiger 1882-1945 recombinaison des ions + 500 V pic de dépolarisation h) décomposition radioactive en fonction du temps ; la période d’un radionucléide L’intensité des radiations émises par un échantillon constitué d’un type déterminé de radionucléide diminue au cours du temps, puisque chaque émission de radiation provient de la désintégration d’un noyau. 6 La vitesse de décomposition suit le principe fondamental : Le nombre de désintégrations par unité de temps est à tout moment proportionnel au nombre de noyaux instables présent dans l’échantillon du radio-nucléide. noyaux instables N0 période = intervalle de temps pendant lequel la radioactivité de l’échantillon d’un radio-nucléide diminue de moitié période = intervalle de temps pendant lequel la moitié des noyaux instables de l’échantillon d’un radio-nucléide se désintègre N0/2 N0/4 N0/8 N0/16 0 période T période 2T période 3T période 4T temps La valeur de la période est une grandeur caractéristique et non influençable de chaque type de radio-nucléide. Selon le type de radio-nucléide considéré, elle se situe entre plusieurs milliards d’années et des fractions de seconde. i) séries de décompositions radioactives Les nouveaux nucléides issus de la désintégration d’un radio-nucléide lourd sont instables à leur tours. Ils continuent à se désintégrer en des radio-nucléides de moins en moins lourds jusqu’à ce que, à la fin d’une longue série de transmutations, apparaisse un nucléide stable, non radioactif (généralement un isotope du plomb). * Au cours d’une décomposition α, un noyau perd 2 protons du fait de l’émission de la particule α ( 42 He ) : il en résulte que le noyau recule de 2 cases dans le tableau périodique ( de Z à Z-2). Au cours d’une décomposition β, le noyau gagne un proton du fait de la transformation d’un neutre en proton (reste dans le noyau) et électron (émis comme radiation β ( −01e )). Il s’en suit que le noyau avance d’une case dans le tableau périodique (de Z à Z+1). ⇒ Une décomposition α suivie de deux décompositions β transforment un nucléide en isotope d’une masse atomique inférieure de 4 unités. * Une décomposition α fait chuter le nombre de masse d’un noyau de 4 unités, alors qu’une décomposition β n’affecte pas le nombre de masse. Il en résulte que, d’après les masses des nucléides qui y interviennent, il faut distinguer les 4 séries de décompositions radioactives 4n, 4n+1, 4n+2 et 4n+3. 7 A 238 92 91 90 89 88 86 85 84 83 82 81 Z A 238 U série de l'uranium 4,5. 109 a 234 87 Pa U 2,7. 105 a Th Th 230 234 4n +2 1,14 m' 24,1 j 230 8. 104 a Ra 226 226 1620 a 222 222 Rn 3,8 j décomposition: α 218 218 Po β 3,1 m' 214 Po 1,5. 10- 4 s période: 210 a = ans j = jours Bi Po m' = minutes s = secondes 138,4 j Bi Pb 5j 22 a 206 Pb stable 92 91 90 89 88 87 86 85 214 Pb 19,7 m' 26,8 m' 84 83 82 210 206 Tl 4,2 m' 81 Z 4) Radioactivité artificielle En 1934, le couple de savants Joliot – Curie découvrent que l’aluminium, soumis au bombardement de rayons α, se transforme en un isotope radioactif du phosphore. photos : Frédéric Joliot (1900-1958) et Irène Curie (1897-1956) prix Nobel de chimie en 1935 Une plaque en aluminium soumise au bombardement de particules α émet des neutrons ( 01n ) et des positrons ( +01e ) pendant le bombardement … 27 4 30 1 Al + 2 He → P + n 15 0 13 particule alpha neutron positron … et continue à émettre un rayonnement de positrons après suppression de la source de rayons α : 30 30 0 P → 14 Si + +1 e 15 8 En bombardant des noyaux-cibles judicieusement choisis avec des noyaux-projectiles appropriés, on synthétise des isotopes radioactifs des éléments les plus importants. Ces isotopes radioactifs servent de traceurs et marqueurs en médecine et dans la recherche scientifique. 18 1 1 18 exemple : synthèse du radio-fluor 18F par bombardement F + O + p → n 18 9 0 8 1 de O avec un faisceau de protons 18 le radio-fluor se désintègre avec émission de F → 18 O + 0 e 0 9 8 +1 positrons ( + 1e ) : Le radio-fluor sert en tomographie par émission de positrons (PET), un puissant outil diagnostique qui permet d’explorer le métabolisme d’un organe. photo : image du cerveau en tomographie par émission de positrons. L’intensité des radiations émises permet d’apprécier l’état d’activité des différentes régions du cerveau. Pour produire les faisceaux de noyaux-projectiles, on se sert d’accélérateurs de particules, notamment du cyclotron inventé en 1929 par le physicien américain Ernest Orlando Lawrence (1901-1958, prix Nobel de physique en 1939). Le cyclotron comporte deux électrodes creuses semi-circulaires, appelées dés (dees en anglais) placées dans un champ magnétique perpendiculaire (flèches rouges) qui force un faisceau de particules Ernest Lawrence chargées sur une orbite circulaire. Les électrodes sont reliées à une source de courant alternatif de fréquence telle qu’un paquet de particules chargées est accéléré (flèche jaune dans les représentations ci-dessous) chaque fois que les particules passent d’un dé dans l’autre. 1 3 2 _ _ _ _ _ _ _ + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 4 6 5 _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + _ _ _ _ _ _ _ 9 5) Fission nucléaire En 1938, Otto Hahn, Liese Meitner et Fritz Stassmann découvrent que le bombardement de l’uranium avec des neutrons peut induire la fission (rupture) du noyau d’uranium en deux noyaux plus légers, comme par exemple le baryum (Ba) et le krypton (Kr). En 1939, Frédéric Joliot démontre que cette fission du noyau d’uranium s’accompagne de la libération de 2 ou 3 neutrons. Otto Hahn 1879 – 1968 prix Nobel 1944 Liese Meitner 1878 - 1968 Fritz Strassmann 1902 - 1980 56Ba instable 92U 36Kr Comme les neutrons libérés peuvent induire la fission d’autres noyaux d’uranium, il en résulte que la fission de l’uranium peut conduire à une réaction en chaîne. Puisque les produits de la fission ont une masse légèrement inférieure à celle du noyau initial, la fission s’accompagne d’un défaut de masse qui, en vertu de la relation d’Einstein E = mc2, est transformé en énergie. L’uranium naturel est constitué d’un essentiellement des 2 isotopes suivants: • 238 92 235 92 formé U (99,27 %), non fissile. (Par bombardement avec des neutrons rapides, il peut se transformer en 239 94 • mélange Pu , un isotope fissile de l’élément plutonium) U (0,72 %), fissile ♦ l’enrichissement de l’uranium naturel Comme l’uranium naturel ne renferme que 0,72 % de l’isotope fissile 238 92 U , il doit être soumis à un procédé de séparation des isotopes dans le but d’obtenir un mélange plus riche en l’isotope fissile. La séparation des isotopes est réalisée en phase gazeuse. L’oxyde d’uranium U3O8 renfermé dans les minerais uranifères est transformé en le composé volatil hexafluorure d’uranium UF6 par un traitement au difluor F2 et au fluorure d’hydrogène HF. La séparation isotopique se fonde sur la faible différence de masse des molécules 238 UF6. 235 UF6 et S’appliquent les 2 procédés suivants : 10 a) séparation par diffusion (procédé le plus ancien) Le gaz UF6 est introduit sous pression dans une chambre subdivisée en 2 compartiments par une membrane poreuse. Puisque les molécules 235UF6, plus légères, se déplacent plus rapidement que les molécules plus lourdes 238UF6, elles traversent la membrane poreuse plus facilement et se trouvent enrichies (par rapport au mélange initial) de l’autre côté de la membrane poreuse. 235 238 Puisque la différence des masses moléculaires est faible, le taux d’enrichissement après un seul passage à travers la membrane poreuse est faible également. Pour obtenir un enrichissement important, il faut mettre en série des milliers de chambres individuelles. UF6 UF6 enrichi mélange appauvri b) séparation par ultra-centrifugation (procédé plus récent) Le gaz UF6 est introduit dans un cylindre en rotation très rapide. Les molécules plus lourdes 238UF6 s’enrichissent près des parois du cylindre. Le chauffage des parois produit un mouvement de convection qui transporte le mélange enrichi vers le haut du cylindre. Comme le taux d’enrichissement atteint par une seule opération de centrifugation est très faible, des milliers d’ultracentrifugeuses doivent être placées en série. A la fin d’un chacun de ces 2 procédés d’enrichissement, l’hexafluorure d’uranium UF6 est transformé en oxyde d’uranium UO2 . Applications de la fission a) la bombe atomique de fission (bombe A) plo ex Une bombe atomique contient une quantité de matériel fissile (235U ou 239Pu) supérieure à la masse critique, mais non disposé en bloc sphérique compact. Au moment de la « mise à feu », des charges d’un explosif chimique projettent le matériel fissile initialement subdivisé sur une source à neutrons, de sorte à constituer un bloc sphérique compact de masse supérieure à la masse critique. s i f c h i m iq ue On appelle masse critique la masse minimale d’un bloc sphérique de matériel fissile nécessaire pour qu’en moyenne plus d’un des neutrons libérés par la fission d’un noyau provoque la fission d’un autre noyau avant de sortir du bloc. C’est blocs de Pu donc la masse minimale nécessaire pour que la réaction de fission s’entretienne et s’accélère. La valeur de la masse critique dépend fortement du taux d’enrichissement du matériel fissile1. source à neutrons Les Américains ont utilisé l’arme atomique contre le Japon pour terminer radicalement la deuxième Guerre Mondiale : - 6 août 1945 : explosion de « Little Boy » (235U) sur Hiroshima : 150 000 morts - 9 août 1945 : explosion de « Fat Man » (239Pu) sur Nagasaki : 70 000 morts Photo : Little Boy et Fat Man 1 La masse critique vaut 56 kg pour 235U pur et 11 kg pour 239Pu pur. Elle peut être réduite respectivement à 15 et 5 kg par un revêtement réflecteur de neutrons en uranium naturel disposé autour du matériel fissile. Pour l’uranium faiblement enrichi utilisé dans les réacteurs nucléaires, la masse critique est de l’ordre de la tonne. 11 b) le réacteur nucléaire L’énergie dégagée par la fission nucléaire est libérée sous forme de chaleur convertie ensuite en énergie électrique. Il existe de nombreux types de réacteurs : - réacteurs à matériel fissile hautement enrichi (pour les sous-marins à propulsion nucléaire) - réacteurs à 235U faiblement enrichi (3 - 5%): * au graphite (1re génération, réacteurs du type « Tschernobyle ») * à eau légère pressurisée (type le plus courant1) - réacteurs à uranium naturel et eau lourde D2O - surgénérateurs à neutrons rapides (convertissent 238U, non fissile, en 239Pu, fissile) Nous nous limiterons à exposer le fonctionnement du réacteur à eau légère pressurisée, utilisé dans la plupart des centrales nucléaires. Vue de l’extérieur, la centrale nucléaire apparaît subdivisée en 3 zones : a) le bloc réacteur disposé dans une enceinte blindée et hermétiquement fermée b) la salle des turbines et générateurs électriques c) les tours de refroidissement Cette subdivision correspond essentiellement aux 3 circuits (primaire, secondaire, tertiaire) du schéma de fonctionnement représenté ci-dessous : circuit primaire circuit secondaire circuit tertiaire enceinte blindée régulateur générateur de courant échangeur de chaleur pompe turbine combustible réacteur pompe condenseur tour de refroidissement ad a) : bloc réacteur Le réacteur est alimenté en uranium 235U enrichi à 4 % sous forme de pastilles d’oxyde d’uranium UO2 (photo ci-contre). Ces pastilles sont introduites dans des tubes en acier reliés en faisceaux2. 1 2 Le réacteur de la centrale nucléaire de Cattenom est de ce type Remarquez la différence avec le principe de la bombe atomique : le faible taux d’enrichissement et la subdivision du matériel fissile garantissent que ce type de réacteur ne peut jamais faire explosion ! 12 Le réacteur est parcouru par la circulation d’eau du circuit de refroidissement primaire fermé. L’eau du circuit primaire joue 2 rôles : - l’eau intervient comme modérateur en freinant les neutrons produits par la fission nucléaire : le neutron peut déclencher la fission nucléaire seulement si sa vitesse ne dépasse pas une certaine valeur limite - l’eau intervient comme transporteur de la chaleur produite par la fission nucléaire vers un échangeur de chaleur intercalé entre le circuit primaire et secondaire. Comme le circuit de refroidissement primaire est pressurisé à 150 atm., l’eau reste liquide à une température supérieure à 300°C. faisceau de tubes ← réacteur en coupe barres en cadmium→ La progression des réactions de fission dans le réacteur est contrôlée par le régulateur. On utilise des barres de cadmium qui absorbent les neutrons. Si ces barres sont introduites entre les faisceaux de tubes, le flux des neutrons à l’intérieur du réacteur diminue et les réactions de fission se ralentissent. ad b) : salle des turbines et générateurs électriques Afin de réduire les risques de contamination radioactive, la chaleur produite par la fission nucléaire dans le réacteur (1) est transmise au circuit secondaire par un échangeur de chaleur (4) qui permet l’échange de l’énergie mais interdit l’échange de l’eau des 2 circuits. Dans cet échangeur, l’eau du circuit secondaire est portée à ébullition et la vapeur produite actionne des turbines (2) couplées à des générateurs de courant électrique (3). Pour prévenir la contamination radioactive, le circuit secondaire est également fermé. A la sortie des turbines, la vapeur d’eau est condensée dans un condenseur (5), puis l’eau liquide est réinjectée dans l’échangeur de chaleur par une pompe (6). ad c) : tours de refroidissement Le condenseur du circuit secondaire est refroidi par l’eau du circuit tertiaire ouvert. Sauf si l’on dispose de quantités d’eau quasiment illimitées (centrales nucléaires construites au bord de la mer), l’eau du circuit tertiaire est partiellement recyclée après avoir été refroidie par ruissellement du haut d’une tour de refroidissement. A mesure que la réaction de fission se poursuit dans le réacteur, le «combustible nucléaire » s’appauvrit progressivement en 235U et doit être remplacé. Le combustible usé, hautement radioactif, est dirigé vers une usine de retraitement où l’on sépare l’isotope fissile (recyclable) 239 Pu formé dans le réacteur des déchets radioactifs que l’on se propose de stocker sous terre dans d’anciennes mines de sel. Remarquons que le sérieux problème du stockage des déchets radioactifs est loin d’être résolu de façon satisfaisante ! 13 6) La fusion nucléaire Vu la répulsion entre noyaux chargés positivement, la fusion nucléaire exige des températures extrêmement élevées. A ces températures, les électrons sont détachés des noyaux atomiques : la matière se présente dans l’état appelé plasma. + + a) fusion nucléaire dans les étoiles La contraction d’un nuage de gaz interstellaire sous l’effet de la gravitation échauffe le gaz jusqu’au démarrage des réactions de fusion entre noyaux d’atomes d’hydrogène. Le défaut de masse qui accompagne la fusion des noyaux d’hydrogène en noyaux d’hélium est à la base des énormes quantités d’énergie rayonnée par les étoiles. 1 1 H + 11 H 2 1 H + 10e 2 1 H + 11 H 3 2 He + h ν 3 2 He + 32 He 4 2 He + 2 11H b) la bombe à hydrogène (bombe thermonucléaire, bombe H) Il s’agit d’une bombe à fission avec un noyau constitué de deutérure de lithium 63 Li 21D . Au cours de la fission nucléaire, la température peut atteindre 50 millions de degrés Celsius et faire démarrer alors la réaction de fusion 6 3 Li + 2 1 D → 2 42 He (présentation simplifiée) qui permet à une bombe H d’avoir une puissance explosive 1000 fois supérieure à celle d’une bombe A. c) recherche sur la fusion nucléaire contrôlée L’énorme intérêt de cette recherche consiste en ce que la réalisation contrôlée de la fusion nucléaire ferait disposer l’humanité d’une source d’énergie inépuisable. Il faut réussir à échauffer un plasma suffisamment dense à des dizaines de millions de degrés Celsius tout en l’empêchant de s’échapper par diffusion. Comme aucun matériel ne résiste à des températures aussi élevées, le problème est de taille. La recherche est engagée essentiellement sur 2 voies : * l’approche par confinement magnétique dans l’appareil TOKAMAK Un plasma formé à partir de deutérium et de tritium est enfermé et comprimé dans un champ magnétique toroïdal et chauffé par ondes électromagnétiques de très haute fréquence. * l’approche par confinement inertiel (fusion au laser) A l’aide d’un faisceau laser d’une extrême puissance, on essaie de chauffer des granules d’un mélange de deutérium et tritium solide à partir d’une température de – 260°C jusqu’à des dizaines de millions de degrés Celsius en un temps inférieur (quelques nanosecondes) à l’évaporation de la granule. Les optimistes sont d’avis que la production d’énergie par fusion nucléaire sera opérationnelle à partir de 2030. _____________________________________ 14