
ÉVÈNEMENT
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Santé-MAG
N°19 - Juin 2013
Il n y a, donc, pas un programme bien
précis, en l’occurrence?
En eet, Il n’y a aucun programme pré-
cis pour cela, aucune systématisation, ni
organisation à l’échelle nationale.
Ainsi, le dépistage du cancer du col de
l’utérus a été, jusque-là, fait grâce à la
bonne volonté des médecins prescrip-
teurs. En tout état de cause, un groupe
de volontaires, pour certains, d’experts
et pour d’autres, travaillant avec l’Insti-
tut National de Santé Publique (INSP)
et la Direction de la population du mi-
nistère de la Santé, ont mis en place
un programme, avec l’aide - il faut le
dire - des Nations Unies (FNUAP), qui a
financé une partie de l’opération, à son
début.
Ainsi, depuis 1998, les bases de cette
campagne de dépistage sont lancées;
à savoir: la formation des spécialistes,
qui doivent lire les frottis (screeneurs),
a permis la mise en place de plus 100
centres de screening, sous la direction
du Dr Benaissa, admise à faire valoir -
à son corps défendant - ses droits à la
retraite; toutefois, retraite bien méritée.
Le Dr Benaissa a été remplacée par le
Dr Chaoui, à la tête du laboratoire de
référence de cytologie de l’INSP, où une
nouvelle promotion de cytologistes est
en cours de formation. Le nombre de
colposcopistes formés (sous la coor-
dination du Dr Boudriche n.d.l.r), pour
tout le territoire national a atteint près
de 250, dont une vingtaine de diplômés,
représentant la dernière promotion, est
sortie le mois passé. Il faut préciser que
l’actuelle Direction de la population du
ministère de la Santé et la Direction de
la santé et de la population de la wil-
laya d’Alger sont parties prenantes, avec
l’INSP, dans la relance de ce programme.
Cette fois-ci, cela semble, donc, bien
parti?
Oui, certes ! Et c’est le bémol à appor-
ter à cette évolution; car, à ce jour, cette
campagne peine à atteindre sa vitesse
de croisière, pour des raisons finan-
cières, en l’absence de budget.
Cela veut dire que nous sommes tribu-
taires du directeur d’hôpital et de ce
qu’il a d’argent pour le frottis, comme
on est, du reste, tributaires, également,
pour le planning familial et pour bien
d’autres programmes; car, ce sont les
structures ‘’hospitalières’’ qui sont bud-
gétées, pas les programmes de santé…
A contrario, dans une campagne budgé-
tée, l’argent est aecté directement et
uniquement pour l’objet visé. Malheu-
reusement, ce n’est pas encore le cas,
au jour d’aujourd’hui et l’implication
du ministère de la Santé, dans la mise
en place prochaine d’un ‘’Plan Cancer‘’,
nous laisse penser que les choses vont,
peut-être, bien démarrer.
Le nerf de la guerre demeure, donc,
l’argent. Pouvez-vous nous en dire
plus; notamment, si d’autres obstacles
existent et comment se doit d’être la
bonne stratégie du dépistage du cancer
du col utérin?
Le nerf de la guerre, cette fois, contre
le cancer, demeure l’argent. La budgé-
tisation de cette campagne nationale
est son maillon le plus important; mais,
les autres maillons n’en sont pas moins
importants; en particulier, l’organisation,
maintenant que les moyens humains
sont réunis.
A la lumière des dernières évolutions,
dans le monde et dans notre pays,
d’autres techniques de dépistage,
complémentaires au frottis classique,
peuvent être introduites, après avis des
experts, qui doivent définir leur place
dans les nouvelles stratégies de dépis-
tage et ce, en fonction des moyens
qui seraient dédiés à cette campagne.
Il s’agit, en particulier, des tests ADN,
HPV, HR qui amélioreraient la sensibi-
lité, qui fait défaut au frottis, permettant
de diminuer les faux négatifs. D’autres
marqueurs peuvent être proposés, par
les experts, en complément de ces pre-
miers tests, pour améliorer le diagnostic
et la connaissance du potentiel évolutif
des lésions précancéreuses, qui seront
diagnostiquées.
Par ailleurs, Il faut repenser, aussi, l’asso-
ciation des cabinets privés, qui peuvent
apporter un plus, dans cette campagne.
Il faut les intégrer dans les formations
dispensées en cytologie et surtout, en
colposcopie, pour améliorer leur perfor-
mance; à l’instar de ce qui se fait, pour
les médecins du secteur public.
La prise en charge des lésions diagnos-
tiquées et leur traitement, dans les plus
brefs délais, doivent être le premier sou-
ci des décideurs et des experts. Il faut
doter en moyens adéquats et imposer,
alors, à tous les services de gynécologie,
de prendre en charge les lésions pré-
cancéreuses et améliorer, ainsi, les per-
formances des centres anti-cancéreux,
pour prendre en charge, dans de meil-
leures conditions et dans de meilleurs
délais, les cancers avérés et permettre,
également - par exemple - aux spécia-
listes de santé publique, impliqués dans
ces programmes, de rester en poste,
s’ils le désirent, jusqu’à 65 ans.
Le vaccin, contre ce cancer, n’est-il pas
superflu, en raison des tests d’ADN et
des examens de frottis; lesquels de-
meurent incontournables?
Ce volet ne doit pas être négligé. Plus
de 120 pays, dont nos voisins immé-
diats, que sont la Tunisie et Le Maroc,
ont introduit le vaccin anti-HPV, chez
eux. Nous avons sollicité les deux mi-
nistres de la Santé précédents, à travers
de nombreuses réunions de sociétés
savantes, de réunions à l’INSP et enfin,
des recommandations sur des revues de
santé, pour l’introduction de ces vaccins
anti-HPV.
A ce jour, aucun des deux vaccins exis-
tant n’est disponible, en Algérie.
Ce vaccin, qui est une prévention pri-
maire, ne s’oppose pas au dépistage,
qui est une prévention secondaire, tout
comme le test ADN, HPV et les autres
marqueurs. Ils se complètent et c’est
ensemble, une bonne synergie, avec une
couverture, par le vaccin, des nouvelles
générations de jeune filles et la pour-
suite du dépistage, amélioré avec les
nouvelles techniques, pour les femmes
déjà mariées, ou ayant une activité
sexuelle.
Après l’introduction de ce vaccin, à
quand peut-on espérer des résultats
positifs?
Les résultats attendus de la vaccination
seront appréciés dans 15 à 20 ans, avec
le recul de l’incidence du cancer du col
et de sa mortalité. Il va falloir dépister,
encore, la nouvelle cohorte des filles
vaccinées, quand elles seront mariées.
On verra, alors, les lésions précancé-
reuses et cancéreuses reculer, avant de
disparaître, si les programmes sont bien
exécutés.
Le vaccin quadrivalent luttera, aussi
contre l’apparition des condylomes (ou
verrues génitales), qui sont dues aux
HPVs de type 6 et 11, qui représentent
un fléau, dans notre pays et un lourd
poids psychologique, pour les couples
qui en sont atteints.
Il faut rappeler que chaque année qui
passe, sans l’introduction du vaccin,
c’est près de 1400 femmes, le plus sou-
vent des mamans, que nous condam-
nons à la mort.
Un mot pour conclure?
Nous remercions la presse d’exister,
pour porter haut notre voix
* Dr Arab Boudriche,
gynécologue et chef d’unité du service
de gynécologie, à l'hôpital de Zéralda.