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Le nouvel Economiste - n°1710 - Du 18 au 24 avril 2014 - Journal d’analyse & d’opinion paraissant le vendredi
Vu d’en haut
Thierry Amar, président fondateur d’Offremedia
“Notre modèle repose surtout sur notre capacité à
générer de fortes audiences qualifiées”
Retour d’expérience d’un pure-player de l’information professionnelle sur le marché de la publicité et des medias
Business model
“J’ai créé le journal que j’aurais voulu avoir
sur mon bureau quand j’étais un décideur.”
Avec le pure-player en ligne OffreMédia,
Thierry Amar relate l’actualité B to B de
l’univers des médias et de la publicité :
tarifs publicitaires, offres, nominations,
études et données sur la télévision, la radio
la presse ou l’Internet. En quelques années,
son journal 100 % Web s’est fait une place
sur le marché de la presse pro de son
secteur. Un marché, qui, malgré des enjeux
passionnants, n’échappe pas aux
difficultés du secteur. Un handicap pour
tout nouvel entrant, mais ce nouveau venu
dans la presse media est parvenu à trouver
son modèle économique, et dégage à
chaque exercice suffisamment d’argent
pour financer le suivant. Et pour innover,
avec, par exemple, le prix de l’agence
média de l’année. L’équivalent français du
“Media Agency of the Year”, une
récompense qui existe depuis bien
longtemps outre-Atlantique...
“J’ai créé le journal que j’aurais
voulu avoir sur mon bureau quand
j’étais un décideur”
En lançant en 2005 le pure-player sur Internet
Offremedia, j’ai voulu fournir au marché l’infor-
mation dont j’avais besoin quand j’étais opéra-
teur : des contenus opérationnels, rapides et utiles
sur l’actualité de l’univers de la publicité et des
médias. Notre premier produit ? Une base de
données tarifaire. A l’époque, nous devenions
concurrents de Tarif Média, seul acteur du marché
depuis près de 50 ans. Ironie de l’histoire, depuis
l’an dernier, nous gérons la marque Tarif Média.
La base de données a en effet été rachetée par le
fonds Startinvest en 2012. Or Startinvest est action-
naire d’Offremedia à hauteur de 20 %. Nous avons
trois activités : la base de données tarifaire, les
actualités avec le site et la newsletter, et pour
terminer l’événementiel. L’information n’est pas
vraiment une valeur montante. La tendance chez
les éditeurs médias B to B est à la multiplication
des services.
Le modèle économique
Nous avons un modèle du type “Pages Jaunes” :
gratuit pour l’utilisateur, payant chez l’annonceur
pour figurer dans la base de données des tarifs
publicitaires. Nous référençons environ 80 % du
marché en valeur et sommes efficaces sur les prin-
cipales régies et agences médias. Nous devons
nous renforcer sur les plus petites structures. Nous
ne cherchons pas la puissance absolue. Notre
objectif est d’être le plus pertinent possible en
adressant la bonne cible. La France compte entre
50 000 et 60 000 personnes décideurs publicitaires
et communications, dont moins de la moitié
travaillent sur les sujets média. L’OJD nous quali-
fie de 80 000 visites et de plus de 200 000 pages
vues par mois. Notre modèle repose surtout sur
notre capacité à générer de fortes audiences quali-
fiées.
L’économie du gratuit
Dans le gratuit, l’éditeur vit de la publicité, aussi
est-il impératif d’innover pour les annonceurs.
L’idée ? Valoriser les marques tout en gardant nos
compétences rédactionnelles d’expertise. Nos
annonceurs font partie des sujets que nous trai-
tons comme dans toutes les autres familles de
presse professionnelle : l’automobile, les féminins,
le sports. Le marché B to B de l’information média
ne vit que grâce aux régies publicitaires qui finan-
cent les titres... Pour autant, gratuité ne signifie pas
soumission à la publicité. Nous ne cachons rien aux
lecteurs. A l’heure d’Internet et du Web social, ce
n’est plus possible ! Nous préférons mettre en
avant ce qui fonctionne, les innovations, les créa-
tions, bref le dynamisme du marché.
Le modèle éditorial
Nous nous intéressons à ce qui fait le quotidien du
secteur : les nouvelles offres, les études, les nomi-
nations, etc.Nous publions entre 10 et 15 articles
par jour. Du flux. Nous nous efforçons de donner
de la perspective à l’actualité à travers du décryp-
tage. C’est notre côté magazine. Nos contenus
s’adressent à la fois à l’expert média, aux princi-
paux annonceurs, voire à l’étudiant en marketing
et communication qui apprend le métier. Nous ne
sommes pas encore dans l’analyse et la réflexion.
C’est plus difficile. Je ne connais pas notre part de
marché exacte sur le segment de l’information.
Mais je nous considère comme co-leader avec
Stratégies. La communication génère entre 3 000
et 6 000 euros de chiffre d’affaires par semaine.
L’enjeu est donc de valoriser l’offre à travers des
espaces premium. Il faut respecter le lecteur et
l’annonceur. Je ne vais pas publier trois newslet-
ters par jour parce que j’ai de la publicité à diffu-
ser.
Le print
Ce n’est pas notre modèle. Mais le papier a un côté
magique : entretenir et faire vivre une marque.
Pour des acteurs venus du Web, éditer un journal
papier est tentant mais très compliqué : comment
financer ? Actuellement, nous ne pouvons pas
nous le permettre économiquement. Le support
imprimé reste pour beaucoup une référence. Dans
l’univers B to B de la publicité et des médias, la
dernière page du Figaro Economie est encore une
institution. Je crois que c’est un peu dans les gènes
de tout média de considérer que le papier a
quelque chose en plus.
Les nouveaux médias
Côté contenus, nous avons été innovants en inté-
grant le format vidéo. Depuis plus de deux ans,
nous organisons un rendez-vous vidéo hebdoma-
daire : une interview d’une personnalité de l’uni-
vers des médias avec des vrais moyens de produc-
tion. Le Web permet de créer de la valeur et des
marques. Côté support, pour la presse je crois
beaucoup en l’avenir des tablettes. Elles se démo-
cratisent à grande vitesse. Sur nos publics, les taux
d’équipement avoisinent les 70 %. Cet écran sera
celui qui réunira tous les médias. En terme
d’usages, je vois une vraie perspective. La question
maintenant est de savoir si cette évolution va se
traduire en chiffre d’affaires et revenus.
Aujourd’hui ce n’est pas le cas. Mais j’ai bon
espoir : du fait de la taille de l’écran et de la qualité
de l’appareil, un journal sur tablette est attractif
pour le lecteur et valorisant pour l’annonceur.
Les newsletters
C’est un peu notre vaisseau amiral. En 2007, nous
avons lancé une newsletter sur le rythme hebdo-
madaire. Une périodicité adaptée pour assimiler
et prendre du recul par rapport au flux du quoti-
dien d’information disponible. En 2010, date des
premières difficultés de CB News, j’observe un trou
d’air sur le marché. L’occasion d’accélérer en
passant la lettre d’information au rythme quoti-
dien. Le résultat est satisfaisant, même si nous
avons mis plus d’un an à assimiler cette évolution
en interne : recrutement, distribution, etc. L’enjeu
d’une newsletter, c’est aussi le routage. Si l’annon-
ceur n’est pas visible chez ses clients, la gratuité ne
sert à rien !
Les réseaux sociaux
Dans l’univers des médias, les réseaux sociaux
occupent une place de plus en plus importante.
D’abord, ils rapportent du trafic aux sites Web.
Ensuite, ils contribuent à la notoriété des marques.
Les réseaux sociaux permettent enfin de dialo-
guer en direct avec lecteurs, auditeurs ou téléspec-
tateurs. On change d’échelle par rapport au bon
vieux courrier des lecteurs. Reste un enjeu de
taille : comment valoriser ces fameux réseaux
sociaux ? Pour l’instant, ils ne rapportent pas
grand- chose. Le social ne se monétise pas. Et pour-
tant, les médias sont contraints de passer du temps
et d’investir de l’argent sur ces nouveaux carre-
fours d’audience.
L’événementiel
L’événementiel est un élément clé de croissance
des groupes et éditeurs médias. Nous organisons ,
nous aussi, plusieurs événements. Depuis 2007,
nous avons les rencontres du club des directeurs
marketing de régies. Cette année nous innovons
avec le prix de l’agence média de l’année, l’équi-
valent français du “Media Agency of the Year”
remporté par ZénithOptimédia du groupe
Publicis. Dans tous les pays anglo-saxons, les
agences médias sont récompensées. C’est un
métier qu’il faut valoriser. Les agences médias
brassent 90 % du budget publicitaire en France.
Ces acteurs méritent d’être davantage mis en
avant. En France nous n’avons pas de culture des
“awards” comme dans les pays anglo-saxons. Et
pourtant un prix c’est aussi un label. Les agences
américaines sont ravies de présenter ces récom-
penses. Elles les valorisent comme moteur pour la
société, pour l’interne et pour la prospection.
Le paysage média
Le marché est tendu. Nous sommes en bout de
chaîne. Quand un secteur éternue, ses éditeurs B to
B s’enrhument. Les perspectives ne sont pas
réjouissantes. Notre objectif est de conserver
notre part de marché. Nous sommes arrivés à
mettre notre économie à la mesure de notre
modèle. Plus généralement, le digital accélère la
restructuration des groupes médias. Par de l’inves-
tissement pour moderniser l’appareil et la produc-
tion d’une part, et par des politiques de réduction
des dépenses d’autre part. Ces ajustements sont
coûteux financièrement et socialement. Tous les
groupes de presse passent par là. Ces mutations
créent des chocs qui font que les positions chan-
gent. Côté publicitaire, les régies sont dans l’obli-
gation d’innover, de publier toujours plus d’études,
de faire preuve d’imagination, d’essayer de s’adap-
ter aux structures des agences médias. Ces
dernières changent aussi. Elles essayent de se
différencier par leurs stratégies d’intégration du
digital. Pas évident. Les agences médias et les
régies publicitaires sont dans le même bateau. En
terme de process et de valorisation des métiers,
elles doivent fonctionner ensemble. Il n’y a pas
d’antagonisme.
PROPOS RECUEILLIS PAR EDOUARD LAUGIER
Professionnel du conseil média et de l’achat
d’espace, Thierry Amar, 51 ans, est diplômé en
économie à La Sorbonne. Nourri aux pages
médias du Libération de Philippe Gavi, rattrapé
par la bosse des stats, il s’intéresse au côté quanti
des sujets médias, apprend les fondamentaux
du métier dans l’agence Grey en 1986. Passé par
le groupe Havas (Bélier) puis Carat jusqu’en
1995, il devient ensuite directeur marketing et
médias de Walt Disney France. En 2002, il crée
l’Agence Cap T spécialisée dans les opérations
de communications transversales, le partenariat
et la communication B to B. En 2005, il lance le
premier pure-player Web d’information profes-
sionnel à destination des médias.
Bio express
Industriel des médias
ROMUALD MEIGNEUX
“
Nous nous intéressons à ce qui fait le quotidien du secteur : les nouvelles offres, les études,
les nominations, etc
”
“Pour la presse, je crois beaucoup
en l’avenir des tablettes. Sur nos
publics, les taux d’équipement
avoisinent les 70 %”
Chiffre d’affaires : Moins d’un million d’euros
Résultat net : positif
Audience : 80 000 visites & 200 000 pages vues
par mois (OJD)
Newsletter : 35 000 envois quotidien
Actionnariat : Thierry Amar et Startinvest,
société d’investissements détenue par Olivier
Chapuis et Jean-Jacques Raynaut, à hauteur de
20%
CHIFFRES CLÉS (MS €)