qu'il y a une séance d'étude de textes anciens, choisis dans tous les genres de la littéra-
ture chinoise. Tout au fil de ces trois années il y a deux séances hebdomadaires avec un
répétiteur chinois, soit un total de six à huit heures de cours. Un tel parcours assure donc
une connaissance de base de la langue chinoise, orale et écrite, ainsi qu'une découverte
des textes anciens.
Zhuangzi (Tchouang-tseu)
Dès son arrivée au Collège de France en 1945, Demiéville commencera la lecture du
Zhuangzi 庄子 en se penchant donc sur l'antiquité chinoise, celle d'avant le bouddhisme.
Zhuangzi est l'auteur le plus fécond et le plus pertinent de cette époque lointaine, et qui
surtout sera le plus proche des moines de l'époque Tang. Aussi son influence sera consi-
dérable dans la sinisation du bouddhisme et dans l'élaboration du chan. Demiéville expli-
que les trois premiers chapitres du Zhuangzi (de 1945 à 1951) sans jamais pouvoir publier
la somme de ce travail qui n'apparaîtra qu'au fil des résumés des cours publiés à la fin de
chacune des années. Il rédigera néanmoins l'article de l'Encyplopædia Universalis et gar-
dera le Zhuangzi comme une référence privilégiée.
Le Zhuangzi, Lacan ne l'évoque que pour parler du fameux rêve du papillon (situé à la fin
du deuxième chapitre du Zhuangzi) lors de la séance du 19!février 19647, puis, à nouveau,
le 25!janvier 19678. Mais la connaissance que Lacan a de cette pensée est certaine.
Le miroir spirituel9 (1947)
En 1947, il publie Le miroir spirituel, un article dans lequel il enquête sur la métaphore du
miroir et de l’esprit, sur le miroir comme symbole de l’irréalité de ce monde ou de la réali-
sation immédiate de l’absolu, image dont il montre le retour insistant dans le bouddhisme
indien et chinois ainsi que chez les auteurs taoïstes des IVe-IIe siècles avant notre ère. Il
met ces références en balance avec Plotin ou Al Ghazzâli, Grégoire de Nysse ou Maris de
l’incantation. Dans cette suite de comparaisons entre la mystique occidentale et la philo-
sophie chinoise, il met en lumière l’image du miroir comme symbole ambivalent de l’irréali-
té du monde phénoménal et de la possession de l’absolu.
Un autre enseignement de ce texte est que le désir est en toi et nul besoin d'un autre mi-
roir. Comme la surface de l'eau, la pureté du miroir spirituel sera corrélée à la passivité, au
détachement du Saint sans pensée, sans désir. Ceci afin de conduire à un état où la con-
naissance est comme un miroir reflétant spontanément les choses (cf. subitisme). L'objet
de connaissance, de désir est en toi. Tu es miroir. L'autre miroir est «!sans éclat!», «!une
surface où ne se reflète rien!».
En 196310, Lacan parle de ce «miroir sans surface dans lequel il ne se reflète rien!». Il
rappelle alors cette autre référence directe à cet article de Demiéville qu'il avait déjà écrite
en 1946!: «!Quand l'homme cherchant le vide de la pensée s'avance dans la lueur sans
Guy Flecher — Demiéville, le bon maître de Lacan — 3
http://www.lacanchine.com/
7 Lacan J. (1964). Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Le Séminaire livre!XI, Paris, Éd.
du Seuil, 1973, p. 72-73.
8 Lacan J. (1966-1967). La logique du fantasme, séminaire inédit.
9 Demiéville P.,«!Le miroir spirituel!», Sinologica, I, 2, Basel, 1947, p.!112-137 — Choix d'études bouddhi-
ques, p.!131-156 — in Choix d'études bouddhiques 1929-1970, 1973, p. 131-137
10 Lacan J. (1962-1963). L'angoisse, Le Séminaire livre!X, Paris, Éd. du Seuil, 2004, p. 258.