ATOS DE PESQUISA EM EDUCAÇÃO - PPGE/ME FURB ISSN 1809-0354 v. 6, n. 3, p. 572-580, set./dez. 2011 INTERVIEW SIROTA, Régine Institut National de Recherche Pédagogique Université René Descartes — Paris V MR: Régine Sirota, j'aimerais que vous nous aidiez à faire le point sur les évolutions de la sociologie de l'enfance qui a beaucoup évolué en France ces dernières années. D’abord comment passe-t-on de la sociologie de l'éducation à la sociologie de l’enfance ? RS: J’ai travaillé d’abord sur l'école primaire au quotidien1, sur la classe et sur la construction de l'échec scolaire dans une perspective complémentaire aux travaux classiques de Bourdieu Passeron et Baudelot-Establet. On avait bien, sur le plan macro-sociologique, une démonstration du caractère sélectif de l'école, -que ce soit en termes de production, ou reproduction de l'échec-, mais on ne savait que peu ce qui se passait à l'intérieur de la classe . Ce qui m'intéressait, c'était de comprendre d’un point de vue, concret, précis, plus microsociologique, comment dans l'interaction maître-élèves, les choses se faisaient, se construisaient ce que les sociologues n'avaient jamais travaillé en France à l'époque. J’en suis venue ainsi à m’intéresser aux élèves. Personne ne s'y intéressait vraiment, surtout au niveau de l’école primaire. On s’intéressait essentiellement aux professeurs. On pensait que celui qui était maître de la situation, le pivot, dans tous les sens du terme, c'était l'enseignant. Ce raisonnement, sur le plan théorique était assez bien construit autour de la notion d’habitus pour expliquer les comportements des élèves, mais nous connaissions peu de choses sur le plan empirique concernant la socialisation réelle des élèves. J'ai rencontré à nouveau cette difficulté en travaillant sur enquête pour la 1 SIROTA , R., A escola primária no cotidiano, Porto Alegre, Artes Médicas, 1994, 168p. HENRIOT , A.,. DEROUET , J.L., SIROTA ,R.,. "Abordagens etnográficas em sociologia da educação: Escola e comunidade, estabelecimento escolar, sala de aula". In: Sociologia da educação, Dez anos de pesquisa, FORQUIN,J.C (Ed,), Petrópolis (Brasil) , Vozes, 1996. p. 205-298. ATOS DE PESQUISA EM EDUCAÇÃO - PPGE/ME FURB ISSN 1809-0354 v. 6, n. 3, p. 572-580, set./dez. 2011 573 bibliothèque enfantine du Centre Pompidou 2 : Qui fréquentait la bibliothèque, comment venait-on en bibliothèque, comment la pratique culturelle de la lecture pouvait être appréhendée ? Il y avait très peu de travaux à l'époque sur ce sujet, et encore moins sur les enfants et le livre. Finalement on ne savait pas grand chose des enfants. C'était donc une véritable nécessité de penser l'éducation dans son ensemble et pas uniquement au sein du système scolaire ou même au sein des institutions culturelles. Il fallait pouvoir la considérer dans sa globalité, passer du « métier d'élève » au « métier d'enfant », et c'est comme cela, que petit à petit je me suis intéressée à une sociologie de l'enfance, dont je me suis rendue compte qu'elle était déjà développée au niveau anglo-saxon avec 10 à 15 ans d'avance sur nous. MR: Comment l'explique-t-on? Pour des raisons historiques ? Est-ce à dire que c'est parce que l'enfant n'avait pas de consistance dans la société, en avait moins il y a quelques années ? RS: En France, on considérait comme suffisant de considérer l’enfant en tant qu’élève ou en tant que membre d’une cellule familiale, c’est-à-dire à partir des structures ou des institutions aux quelles il appartient à divers titres, et qui le prennent en charge. La tradition républicaine faisant disparaître l’enfant derrière l’élève Alors que dans d’autres pays, sur un plan théorique, on constate une ouverture prenant en compte l’enfant comme individu à part entière et comme acteur qui se produit bien avant la sociologie francophone, c’est absolument certain. Ce retour vers l'acteur, cette redécouverte des théories interactionnistes, cette montée des sociologies interprétatives, tout ce courant théorique a existé d'abord dans l'ensemble des pays scandinaves, aux Etats-Unis, et en Angleterre, mais cela se retrouve aussi dans la sociologie allemande. Je pense que cela traduit un rapport à l'individu différent, en termes de philosophie politique. Dans la sociologie française, les théories marxistes ont été dominantes pendant longtemps et ont produit ce que l'on a appelé une "glaciation théorique" . La sociologie de l'éducation a été longtemps globalement dominée par ce type d’approche et la question des rapports de classe et de l’inégalité des chances, ce qui était moins vrai dans d'autres sociologies. Dans le 2 EIDELMAN, J., SIROTA ,R., "Des petits rats en bibliothèque : pratiques culturelles à la bibliothèque des enfants du Centre G. Pompidou", Bulletin des Bibliothèques de France, tome 32, n° 5, 1987, pp. 420429. ATOS DE PESQUISA EM EDUCAÇÃO - PPGE/ME FURB ISSN 1809-0354 v. 6, n. 3, p. 572-580, set./dez. 2011 574 cadre d’un travail de comparaison internationale sur la naissance et l’évolution de la sociologie de l’enfance dans une dizaine de pays 3 , nous avons pu constater que d’autres chantiers théoriques ont joué. Dans la sociologie anglo-saxonne, par exemple le féminisme a pris sa place beaucoup plus tôt et une des racines de l'intérêt pour l'enfant a trouvé sa source paradoxalement, entre autre, dans les analyses qui ont été produites par le féminisme, notamment par les gender studies. Elles ont réintroduit la femme et à partir de cette réintroduction, c'est l'ensemble des minorités qui retrouvent une place et un langage. Dans un premier temps les théories féministes mettent un voile sur la place de l'enfant, dans la mesure où l'enfant est d’abord considéré comme une charge, qui participe à la dépendance voire à l’aliénation féminine, puis dans un deuxième temps on prend en compte l’ensemble des membres de la cellule familiale , non seulement les femme , mais aussi les enfants pour s’intéresser à leurs statuts et vécus respectifs .. Ce fut le cas par exemple avec Lina Alanen qui est une sociologue féministe finlandaise, une des initiatrices du groupe de sociologie de l’enfance de l'Association Internationale de Sociologie, qui va s’inspirer de la sociologie critique féministe. En participant aux travaux de l'AIS, je me suis donc rendue compte que l'on était très en retard, et que l’intuition que j'avais de la nécessité d'une sociologie de l'enfance, était pertinente. Il y a 10 ans, c'est relativement récent, il m'a semblé nécessaire de créer au niveau francophone un réseau spécifique sur la sociologie de l'enfance, au sein de l’AISLF, l’Association Internationale des Sociologues de Langue Française, car il y avait peu d'échanges et les anglo-saxons ne lisent pas ce qui est écrit en français. Précédemment personne ne se proclamait de la sociologie de l'enfance, l’enfant était véritablement un fantôme, et nous étions tellement peu nombreux que c'est automatiquement au niveau européen que le travail s’est fait puisque la toute première publication qui est sortie est un numéro de l'institut de sociologie de l'Université libre de Bruxelles qui avait été coordonné par Suzanne Mollo, et qui s'appelle « Enfance et Sciences sociales .4 3 préparé dans le cadre du comité de recherche Sociology of Childhood de l’Association Internationale de Sociologie, nous avions confronté au travers de rapports nationaux commandités sur une grille commune, l’évolution de la sociologie de l’enfance dans une dizaine de pays : Allemagne, Angleterre, Australie, Brésil, Finlande, France, Italie, Pays-Bas, Roumanie, USA BUEHLER-NIDERBERGER, D.& SIROTA, R. (eds.) (2010). Marginality and Voice, Children in Sociology and Society, Current Sociology, 58 (02). 4 SIROTA, R. (1994). « L’enfant dans la sociologie de l’éducation un fantôme ressuscité? » Enfance et sciences sociales Revue de l’Institut de sociologie , p 147-163. ATOS DE PESQUISA EM EDUCAÇÃO - PPGE/ME FURB ISSN 1809-0354 v. 6, n. 3, p. 572-580, set./dez. 2011 575 MR: Ce n'est donc pas étonnant que lorsque l'on travaille sur ce thème "les enfants dans la ville", on ait énormément de mal à trouver des travaux de recherches. En France, c’est Marie-José Chambard de Lauwe qui a initié les choses. RS: Oui, mais c'était un travail relativement isolé et qui restait en sociologie tout à fait embryonnaire, dans la mesure où la discipline noble par excellence sur l’enfance, c'était la psychologie, avec ses deux pendants, la psychologie du développement et la psychanalyse. Considérer que la sociologie avait à s'intéresser à l'enfance constitue en ce sens une véritable rupture. Dans un premier temps j'ai coordonné la publication de deux numéros de la revue Education et Société 5 sur la sociologie de l'enfance qui sont les deux premiers numéros qui portent directement sur cet objet et j'ai essayé dans l'éditorial de retracer l’historique de cet intérêt pour la sociologie de l'enfant, tandis que Cléopâtre Montandon faisait dans le même numéro un bilan de la littérature anglo-saxone sur le sujet pour les lecteurs francophones. Puis dans un deuxième temps à la suite de la mise en place des Journées annuelles de sociologie de l’enfance6 nous avons produit un ouvrage collectif, qui rassemble les travaux de 28 chercheurs de 8 pays intitulé « Eléments pour une sociologie de l’enfance » paru en 2006 7 . Une des difficultés importantes et une des ambitions de ce réseau, c'est de rassembler les perspectives des uns et des autres et de faire converger les champs, car on ne peut pas dire qu'il n'y ait aucun sociologue qui s'intéresse à l'enfant, mais chacun s'y intéresse en fonction de problématiques tout à fait spécifiques. Rassembler est donc nécessaire mais rassembler sur quoi ? Premier problème comment délimiter cette catégorie d’âge ? Une sociologie de la jeunesse et d'autre part une sociologie de la petite enfance se sont déjà largement développées comme le manifestent les travaux de synthèse d’Olivier Galland, par 5 SIROTA , R., (dir.), (1998) Education et sociétés, Sociologie de l’enfance (1), n° 2, 3, Introduction« L’emergence d’une sociologie de l’enfance, évolution de l’objet , évolution du regard », p. 9-16. Traduit dans SIROTA , R.,"Emergência de uma sociologia da infância: evolução do objeto e do olhar‖, Cadernos de pesquisa, Fundação Carlos Chagas, São Paulo, Mai 2001, n°112, p.7-31. 6 Les premières ont eu lieu tout d’abord à l’université Paris V, en 2001, puis successivement à Genève, en 2002 ; Lisbonne, en 2003 ; Tours, en 2004 ; Roma Tre, en 2005 ; Strasbourg, en 2006 ; Istanbul, en 2008 ; Québec, en 2009 ; Paris en 2010, Lisbonne, en 2011 ; les prochaines auront lieu à Rabat en juillet 2012, lors du prochain congrès de l’AISLF . 7 SIROTA, R.( ed), 2006, Eléments pour une sociologie de l’enfance, Rennes , PUR ATOS DE PESQUISA EM EDUCAÇÃO - PPGE/ME FURB ISSN 1809-0354 v. 6, n. 3, p. 572-580, set./dez. 2011 576 exemple. Mais on reste là sur la période de l'entrée dans la vie qui soulève beaucoup de discussions théoriques : est-ce que la jeunesse est un groupe social homogène par exemple ? Cette période de la vie est largement étudiée avec des problématiques essentiellement centrée sur la transition avec la vie adulte, l'insertion dans le marché du travail ou encore le passage à l'Université . La sociologie des étudiants qui n’avait pendant 25 ans rien produit, face à la massification de l'enseignement supérieur a donné lieu à de nombreux travaux récemment. Autre thématique, le report du mariage, donc l’installation du concubinage, toutes les formes d'entrée dans la vie de couple, etc. Sur l'autre versant, la sociologie de la petite enfance s'est essentiellement développée au niveau de la prise en charge institutionnelle des enfants, ainsi que le montre Eric Plaisance. Mais, rien sur ce qui se passe entre la petite enfance et la jeunesse. Le vide total. Or on ne peut pas penser uniquement l'enfant en devenir, il faut bien le penser aussi au présent ! L'idée c'est de combler ce vide. Bien sûr, on butte sur le problème des limites de l'âge de l'enfance. Je pense à cet égard qu'il ne faut pas faire d'exclusive ni en aval, ni en amont et que ce qui nous intéresse de fait c'est tout l'âge de la vie qui est sous le statut de minorité, ce qui se passe au niveau de ce que nous sociologues appelons cette forme structurelle qu’est l'enfance. Comment la société va penser cette forme-là ? Les travaux des historiens ont été novateurs et initiateurs de ce point de vue, comme ceux de Philippe Ariès qui on montré que le sentiment de l'enfance bouge, même si cela a été discuté ultérieurement. On peut dire que l'idée générale est de prendre en considération cette forme structurelle et d’essayer d’en comprendre la spécificité dans la modernité par rapport à son évolution historique. Il n'y a donc pas de raison de reprendre ces découpages, puisque pour nous, les découpages sont aussi une forme de construction sociale dont des arbitraires vont évoluer au long du temps. Ce sont des découpages essentiellement institutionnels provoqués par la forme scolaire, et qui font que, quand on pense enfance, on pense formes de prises en charge : l'âge de la crêche, l'âge de la maternelle, l'âge de l'école primaire, l'âge du collège, l'âge du lycée, l'âge de l'enseignement supérieur. C’est une forme ponctuelle, c'est une manière de voir les choses mais c’est une construction institutionnelle que nous proposent les modes de prises en charge sociales essentiellement organisés autour de la garde ou de la scolarité. Il s’agit d’une forme comme une autre, à nous de la déconstruire pour en ATOS DE PESQUISA EM EDUCAÇÃO - PPGE/ME FURB ISSN 1809-0354 v. 6, n. 3, p. 572-580, set./dez. 2011 577 comprendre les enjeux. Ce qui implique un questionnement sur les âges de la vie. Des sociologues anglo-saxons disent alors avec raison, comme Jens Qvortrup, que les enfants sont les minorités les moins bien défendues parce qu’elles n'ont pas leur propre porte parole. La vieillesse, le papy-boom arrivant, suscitent des enjeux bien plus forts en termes de prestations sociales par exemple. Il va falloir opérer des arbitrages sociaux de ce point de vue là, entre premier âge et puis troisième, quatrième, cinquième âge, etc. Mais ainsi que montre Esping Andersen, ces problématiques sont liées car les uns produiront et paieront pour les autres. MR: En préparant ce numéro, et en discutant notamment avec des élus, les adjoints à l’éducation des villes notamment, j’ai été frappée par leurs difficultés à se faire entendre sur cette question de la place des enfants dans la ville. C'est très difficile pour eux car ce n'est pas du tout une question politique majeure. On leur demande de s'occuper des écoles, des crêches, mais comme vous le dîtes, dans des sortes « d’intercalaires » structurels et temporels. Quand ils essaient de penser l'organisation de la ville de façon plus ambitieuse, ils rencontrent encore peu d’échos. C’est comme si on attendait que les enfants aient fini de grandir ! RS: On pense seulement l’enfant en devenir mais ils sont pourtant tous en train d’exister. L’enfance est une forme structurelle permanente dans la société. Les enfants vont passer dans cette forme structurelle et devenir des adultes, mais toute société organise cette forme. Il faut donc s'intéresser à la manière dont elle est organisée et dont elle peut varier. Des sociologies différentes s'en occupent de manière très parcellaire. On va avoir par exemple une sociologie des médias qui va s'intéresser aux enfants, aux jeunes, et à leur rapport à la télévision dans un premier temps puis devant le tournant numérique pris face à l’apparition de l’internet, aux nouveaux comportements de la tribu des « digital natives »8 . Et d’autre part on peut avoir une sociologie de l'éducation qui s'intéresse aux jeunes à l'intérieur de l’école et à leur rapport à la scolarité. Mais encore une fois il faut rassembler ces regards dans un même réseau en montrant combien c’est l’ensemble des modalités de la 8 SIROTA , R., «Les métiers de l’enfant à l’âge de l’internet, métier d’enfant, métier d’élève », Childhood, Children and the Internet : Challenges for the Digital Age, Nunes de Almeida, A., (ed.), Fondation Calouste Gulbenkian, Lisbonne, à paraître en portugais ATOS DE PESQUISA EM EDUCAÇÃO - PPGE/ME FURB ISSN 1809-0354 v. 6, n. 3, p. 572-580, set./dez. 2011 578 socialisation de l’enfance qui change , chaque aspect réagissant sur l’autre, c’est un enfant bien différent qui rentre à l’école aujourd’hui, dont les modes de sociabilités et le contexte culturel sont en forte évolution. C’est un objet qui a beaucoup changé aussi dans l'intérêt qu'il suscite. On ne le regarde jamais frontalement et en même temps il est composé d’un mélange d'images contradictoires : à la fois l'enfant roi, devenu un bien rare dans les familles, comme Irène Théry l’a bien montré en étudiant le rapport de filiation et la distinction entre conjugalité et parentalité ; ou l'enfant victime, soumis à des maltraitances - en partie nouvelles mais pas forcément du tout- comme l’attestent les travaux par exemple de Georges Vigarello sur l'histoire du viol ou les travaux de Laurence Gavarini sur la fabrique de l'enfance maltraitée. On a bien une idée de la centration sur l'enfant mais dans les images éclatées des spécialistes et contradictoires. On peut résumer les choses en considérant deux visons différentes successives 9: dans un premier temps , on considère un enfant en devenir selon une perception durkeimienne d’une transmission de génération en génération qui faisait advenir l’être social, être fragile dont il fallait construire l’éducation. C’était la tâche des générations antérieures. Dans un deuxième temps, on considère l’enfant comme un être au présent, comme un acteur ,partie prenante de sa propre socialisation et qui réinterprète l’éducation qui lui est donnée. On va s’intéresser à sa propre perception, à ses compétences, en le considérant comme un acteur individuel et collectif, et donc à la production de cultures générationnelles, aux cultures de l’enfance dans le contexte d’une société globale et marchande qui a aussi beaucoup changé. De plus, on peut observer une sorte de réverbération : des savoirs experts sur l’enfant psychologie, psychanalyse- se sont constitués et largement diffusés, vulgarisés et médiatisés, ce qui est sûrement une spécificité de la modernité. C’est donc une enfance en miroir qui se propose au regard du sociologue qui a de quoi travailler pour comprendre quelles sont les conceptions idéologiques de ces savoirs experts, comme le fait par exemple Gérard Neyrand, d’autant que ces savoirs ont développé des cadres normatifs qui produisent aussi des réglementations et des changements juridiques. Il est par exemple très intéressant d’aller voir d’une part du côté de la sociologie du droit comment la position de l’enfant va bouger, en témoigne la 9 SIROTA, R., 2007. ―A indeterminação das fronteiras da idade‖, Perspectiva, Florianópolis, Brasil, UFSC, v. 25, n°1, jan/jun, p.41-56. ATOS DE PESQUISA EM EDUCAÇÃO - PPGE/ME FURB ISSN 1809-0354 v. 6, n. 3, p. 572-580, set./dez. 2011 579 convention internationale des droits de l’enfant, et d’autre part du côté de la biologie et de la bio-éthique, comment la constitution de l’apparition de l’enfant dans les éprouvettes de la science change aussi notre regard sur le statut de l’enfant. Les disciplines connexes comme la philosophie politique ont aussi beaucoup travaillé ces questions , que ce soit en termes d’ « ego paradoxal » ou d’ « enfant du désir ». Rassembler ces travaux et essayer de donner un regard articulé est donc un enjeu. Si l’école est en difficulté actuellement, c’est aussi parce que l’enfant qui rentre dans cette école a changé, parce que la place qui lui est accordée a changé, que les rapports d’autorité, les rapports entre l’école et la famille ont changé. Il s’agit de comprendre les désaccordements qui se sont produits, pourquoi l’enfant est-il devenu un problème et comment pourrait se faire ce réaccordement autour de l’enfant. MR: La boucle est bouclée. L’enfant victime, problème, l’enfant roi : on voit resurgir la question de l’enfance sous des angles très contradictoires. RS: Le chérissement de l’enfance va de pair avec l’importance accordée au malmenage de l’enfance. C’est une contradiction qu’il importe de mieux comprendre, car les figures de l’enfance se sont multipliées, circulant entre sphères scientifiques, politiques et médiatiques, reflétant et suscitant à la fois émotion, compassion et passion 10. L’investissement sur cet enfant « pseudo –roi » s’est accru au sens de la circulation de l’affectivité dans la sphère privée, sur le plan institutionnel au sens des politiques sociales, et aussi sur le plan de la consommation. La société marchande a pris l’enfant prescripteur comme un véritable acteur. On s’adresse directement à lui, il est doté d’argent de poche et la société produit pour lui des objets spécifiques, jouets vêtements, alimentation, et prend appui sur la culture du groupe de pairs. Or, il n’y a quasiment pas de travaux sur l’enfance ordinaire. Je travaille par exemple sur l’anniversaire comme rituel de socialisation 11. C’est impossible d’obtenir des 10 SIROTA, R., 2011, « Les figures de l'enfance, de la sphère médiatique à la sphère scientifique », in HAMELIN-BRABANT, L.& TURMEL, A., (eds.), Les figures de l’enfance d’hier à aujourd’hui: continuité, discontinuité, rupture, traduction. ( 5-16) Québec : Presses interuniversitaires, sous presse SIROTA, R. ,1994, . « L’enfant dans la sociologie de l’éducation un fantôme ressuscité? » Enfance et sciences sociales Revue de l’Institut de sociologie : 147-163. 11 SIROTA, R. "As civilidades da infância contemporânea: o aniversário ou a descodificação de uma configuração", Fórum Sociológico "Cores da Infância: realidades fragmentadas", nº 34, 2000-2001, p. 49-70. ATOS DE PESQUISA EM EDUCAÇÃO - PPGE/ME FURB ISSN 1809-0354 v. 6, n. 3, p. 572-580, set./dez. 2011 580 financements dans ce cadre. Quand vous réfléchissez sur l’enfance banale, ordinaire, voire heureuse il y a peu de travaux. Les travaux ssur les objets de l’enfance tels que les jouets, comme ceux de Gilles Brougère, ou la littérature enfantine sont assez récents. Le cadre ordinaire de la vie des enfants, dans le cadre d’une vie majoritairement urbaine n’est souvent pas pris en compte. L’enfance est longtemps restée en quelque sorte invisible. Petit à petit les recherches permettent de disposer de données. L’enfant fut longtemps un oublié de la statistique. Pour la première fois en 2004, le ministère de la culture français a publié un recensement des pratiques culturelles sur les enfants de 6-14 ans ce qui est très révélateur. Puis il a fallut attendre 2010 pour que les deux thématiques Enfance et Culture se rejoignent 12 et deviennent l’objet d’un important colloque international.13 Il importe pour un sociologue de considérer l’enfant comme acteur mais pas simplement dans une visée ethnographique. Il faut considérer l’enfance dans sa forme structurelle et la réintroduire comme variable statistique pour que l’enfance soit visible dans la description sociologique et qu’on la réintroduise dans l’interprétation du monde. RÉGINE SIROTA Diretora do Departamento de Ciências da Educação da Faculdade de Ciências Humanas da Universidade Paris Descartes (Sorbonne). Professora de Sociologia da Educação e de Sociologia da Infância e pesquisadora do Centro de Estudos de Relações Sociais (CERLIS) da Universidade Paris Descartes e do Centro Nacional de Pesquisa Cientifica (CNRS/FR). 12 13 SIROTA, R. « Primeiro os amigos: os aniversários da infância, dar e receber » Educação e sociedade, n° especial Sociologia da infância: pesquisas com crianças, 91,v. 26, 2005, p.535-562. SIROTA, R. "As delícias do aniversário: uma representação da infância", Revista Eletrônica de Educação, www.reveduc.ufscar.br, 2008, v.2, n.2, 16p. SIROTA, R. « Idas e vindas no caderno de campo: o trabalho de sociólogo em família – A observação de um rito de socialização da infância » in Educação infantil e ensino fundamental: contextos, práticas e pesquisa, A. Monteiro do Nascimento, (org.), p.207-238, Nau Editoria, EDUR, Rio de Janeiro, 2011. SIROTA, R. (2010). « De l’indifférence sociologique à la difficile reconnaissance de l’effervescence culturelle d’une classe d’âge », in S. OCTOBRE , Enfance et culture Paris , Ministère de la culture et de la communication, . p.17-36 Ce qui a donné lieu à l’organisation d’un colloque intitulé Enfance et Culture sous l’égide du ministère de la culture et du comité de recherche sociologie de l’enfance de l’AISLF . Celui-ci vient de paraître sous forme informatique sur le titre suivant : OCTOBRE, S.& SIROTA, R., (eds.) (2011). Enfance et cultures sous le regard des sciences sociales. Actes du colloque international, Ministère de la culture et de la communication – Association internationale des sociologues de langue française – Université Paris Descartes, 9ème journées de sociologie de l’enfance, Paris, 2011. http://www.enfanceetcultures.culture.gouv.fr/