s’adonne à l’observation rapprochée d’une population spécifique,
généralement restreinte, considérée comme représentative d’une
culture (celle des Jivaro, des Soninké, des Hmong ou des Bretons).
Il est naturel que le chercheur soit porté à exagérer
l’originalité de la culture particulière qu’il étudie, cette
originalité affirmée garantissant du même coup celle de ses
propres recherches. Mais l’originalité, érigée en principe, peut
aboutir à ce que l’on nomme le “relativisme ontologique”’, idée
selon laquelle les cultures sont des réalités incomparables entre
elles, incommensurables les unes par rapport aux autres.
Les ethnologues qui ont soutenu ce point de vue semblent avoir été
directement influencés par leur objet d’étude : l’ethnocentrisme
étant un trait universellement partagé, tout groupe humain tend à
voir sa culture comme profondément originale. Cette originalité
revendiquée est l’expression de son identité. Tout Français, par
exemple, est plus ou moins habité par l’idée que la gastronomie
est un intérêt typiquement “de chez nous”, et que la cuisine
française est la “première du monde”. Cette réaction est un
phénomène social normal, un mécanisme de défense collectif bien
connu des psychologues sociaux. Cependant, confondre le niveau de
la réalité vécue avec celui de l’analyse peut conduire à des
positions idéologiques comme le différentialisme, éloge naïf de la
différence culturelle considérée comme un absolu dans le meilleur
des cas, reconnaissance condescendante de la différence dans
d’autres versions, comme cette forme réactionnelle qu’observait
Geza Roheim : “Vous êtes complètement différents de moi, mais je
vous pardonne “ (1); voire même, dans sa version extrémiste,
assignation à la différence : Vous êtes différents de nous,
restez-le”, autrement dit : “Restez à votre place!”. Une autre
voie dans laquelle s‘est engagée en particulier l’anthropologie
diffusionniste a été la décomposition des cultures en “traits”
techniques, symboliques et sociaux : le portage sur la tête, la
culture sur brûlis, le rite de la couvade, le monothéisme,
l’immolation de veuves ou le mariage avec la fille de l’oncle
maternel. L’accumulation, aussi exhaustive que possible des
“traits culturels” permettait, pensait-on, de définir une culture
particulière. Cette voie, toutefois a été progressivement
abandonnée, les anthropologues ont pris conscience qu’une culture
n’est pas un ensemble d’éléments juxtaposés, mais un système dont
les différents composants sont interdépendants. Ce qui compte donc
prioritairement pour le chercheur, c’est de faire apparaître la
logique du système, autrement dit ce qui lie les éléments les uns
aux autres. En d’autres termes, ceux de Ruth Benedict par exemple,
c’est cherche la configuration, le modèle (le “pattern”) qui
organise l'ensemble en un tout cohérent (2). Ainsi, selon
R.Benedict, la vie sociale des Indiens Pueblo est marquée, dans
toutes les manifestations de la vie courante, par le sens de la
mesure, et organise le comportement de chacun de ses membres.
Celui des Kwakiutl, de la côte occidentale de l’Amérique du Nord
est, en revanche, couramment caractérisé par la violence.
Là encore, une intuition pertinente a abouti, à force d’être
systématisée, à une position théorique rigide et discutable. De
l’idée d’un tout présentant une certaine cohérence, on est passé -
notamment avec Malinowski - à l’idée que toute culture serait un
système en équilibre stable (3). La critique, déjà adressée au
fonctionnalisme naïf, consiste à rappeler que cette proposition
aboutit à une tautologie : si tout élément dans une culture est
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