Les rétrécissements de la chaussée
I -Le contexte
Modérer la vitesse est un des leviers pour diminuer l'accidentalité et sa gravité sur les routes et les
rues. Les rétrécissements de chaussée,outils utilisés par les aménageurs, permettent en général
de modérer la vitesse des véhicules motorisés à quatre roues ou plus. Cependant, leur apport sur
le confort et la sécurité des cyclistes n'est pas automatique.
Pourquoi réduire la chaussée ?
Pour se croiser, deux véhicules ont besoin à la fois d’une marge de manœuvre et d’une marge de
sécurité. La première s’applique aux éléments fixes : bordures, véhicules en stationnement,
obstacles; elle induit la notion d’effet de paroi. La seconde concerne la présence des autres
usagers : espaces entre véhicules lors du croisement ou du dépassement. En milieu urbain, ces
marges croissent de façon sensiblement linéaire avec la vitesse. Ainsi en fonction de la
configuration de la rue, en prenant des gabarits moyens de 1,80 mètres pour un véhicule léger et
de 2,50 mètres pour un poids lourd, on peut appréhender différentes largeurs de la chaussée en
fonction de la hiérarchie des voies et de la nature du trafic ; ceci dans les sens d’une minimisation
de l’espace «roulable»et donc d’une vitesse d’écoulement moindre sans compromettre la capacité
La nécessaire prise en compte des cyclistes
Cependant, le différentiel de vitesse entre usagers motorisés et cyclistes associé à la réduction
de la largeur de dépassement induite par ce type d'aménagement peut poser des problèmes de
cohabitation. En traversée d'agglomération ou dans les grands centres urbains, certains dispositifs
séparent les voies, la séparation étant plus ou moins franchissable et ne permettant pas
d'empiéter sur la voie opposée pour effectuer un dépassement. Certaines règles et préconisations
sont donc à respecter pour que ces aménagements restent pertinents pour tous et ne constituent
pas de piège, notamment pour les cyclistes., Cette fiche aborde de nombreux rétrécissements de
la chaussée, en milieu urbain comme interurbain.
II – Approche théorique du profil en travers d'une voie
L’approche théorique du profil en travers d'une voie part du principe qu’un véhicule motorisé, s'il
veut dépasser un cycliste, doit pouvoir le faire sans nuire au confort et à la sécurité de ce dernier.
La réglementation du code de la route (article R414-4) précise que, pour effectuer le dépassement,
le conducteur doit se déporter suffisamment pour ne pas risquer de heurter le cycliste qu'il veut
dépasser. Il ne doit pas en tout cas s'en approcher latéralement à moins d'un mètre en
agglomération et d'un mètre et demi hors agglomération. De plus, avant de dépasser, tout
conducteur doit s'assurer qu'il peut le faire sans danger. Il ne peut notamment entreprendre le
dépassement d'un cycliste uniquement s'il a la possibilité de reprendre sa place dans le courant
normal de la circulation sans gêner. Autrement dit, si le profil en travers de la voie ne permet pas
cette manœuvre, l'automobiliste doit rester derrière le cycliste. Le fait d'affecter une voie à la
circulation des cycles supprime pour les automobilistes le respect de cette distance minimale : en
effet, au sens du code de la route, un dépassement est effectif lorsqu'un véhicule change de voie
pour passer devant un autre véhicule, ce qui n'est pas le cas dans le cas d'un véhicule passant
devant un cycliste circulant sur une bande ou piste cyclable.
Le dimensionnement du profil en travers d'une voie se fonde sur le gabarit de l'usager, c'est-à-dire
sur le volume dont a besoin l'usager pour se déplacer dans de bonnes conditions de confort et de
sécurité. On distingue le gabarit statique qui représente le contour du véhicule à l'arrêt et le gabarit
dynamique lorsqu'il est en mouvement. Ce dernier intègre les variations de trajectoire liées au
comportement de l'usager, à différents mouvements accessoires ou aux sur-largeurs en courbe.
Une marge est également à prendre en considération, l'usager ne se déplaçant pas à quelques
millimètres du bord de l'espace sur lequel il circule ou d'un autre usager (1).
Exemple de gabarits pour le cycliste
Gabarit statique Gabarit dynamique Gabarit de sécurité
NB : la marge de 0,25 m est portée à 0,50 m en présence d'un stationnement longitudinal ou d'un
mur1
Le gabarit statique d'un véhicule léger est de 1,80 m hors rétroviseurs et de 2,00 m avec
rétroviseurs. Il est de 2,50 m hors rétroviseurs et 3,00 m avec rétroviseurs pour un véhicule lourd.
La largeur maximale des véhicules est décrite dans l'article R312-10 du code de la route. Les
marges à prendre en compte pour le déplacement de ces deux derniers véhicules dépendent des
vitesses pratiquées (voir le guide « le profil en travers, outil du partage des voiries urbaines »).
Ces gabarits sont utilisés pour calculer la largeur utile de la bande de circulation permettant au
conducteur d'un véhicule de doubler un cycliste au droit d'un rétrécissement de la chaussée. Elle
ne sera pas la même suivant le type de véhicule effectuant le dépassement (véhicule léger ou
véhicule à grand gabarit).
Ainsi, à titre d'exemple, le dimensionnement de la largeur utile de la bande de circulation
permettant au conducteur d'un véhicule léger de doubler un cycliste au droit d'un rétrécissement de
la chaussée (cas d'une voie de circulation urbaine, un seul sens de circulation, entre bordures non
agressives, un caniveau propre, des pentes faibles...) est de l'ordre de 4,00 m (0,20 m de marge
avec la 1ère bordure + 1,80 m de largeur du véhicule léger + 1,00 m de distance latérale minimale
de dépassement + 1 m de gabarit dynamique).Cette largeur utile ne correspond nullement à la
largeur recommandée d'une voie de circulation, le dépassement du cycliste par le véhicule léger
pouvant en effet s'effectuer en utilisant l'autre partie de la chaussée.
Par ailleurs, on peut distinguer 3 types de profils correspondant à trois situations distinctes de
dépassement dans le cas d'une voie isolée:
Le profil large : on sort de la problématique du rétrécissement de chaussée ; l'emprise disponible
inciterait à des vitesses excessives, notamment en l'absence de cyclistes sur la chaussée.
Le profil critique : le dépassement est physiquement possible mais ne permet pas le
dépassement en confort, ce qui provoque une situation d'insécurité fortement perçue par le cycliste
susceptible de le dissuader d'utiliser le vélo. Il est alors souhaitable que la longueur du
rétrécissement ne soit pas trop longue.
Le profil étroit : il correspond à la largeur utile sans la distance latérale minimale de dépassement.
1
(1) cf guide « le profil en travers, outil de partage des voiries urbaines », certu, 2009, pages 108 à 109)
Dans ce cas, il devient impossible de doubler le cycliste Le conducteur du véhicule motorisé étant
tenu de rester derrière le cycliste, il est également souhaitable que la longueur du rétrécissement
de la chaussée ne soit pas trop longue.
Tableau récapitulatif :
Largeur utile pour un véhicule léger Largeur utile pour un véhicule à
grand gabarit
Profil large P>4 m P>5 m
Profil critique 2.8 m<P<4 m 3.8 m<P<5 m
Profil étroit P<2.8 m P<3.8 m
III Mise en œuvre pratique dans le profil en travers d'une voie
Pour la réalisation d’un rétrécissement de la chaussée, il est important de garder en tête les
données précédentes en sachant qu'une étude reste nécessaire pour trouver et mettre en œuvre la
meilleure solution, prenant en compte le niveau hiérarchique de la voirie dans le réseau, les
vitesses pratiquées par les usagers, les flux en présence, le type de trafic....
Issu de l'article 20 de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie de 1996, l'article L.228-2 du
code de l'environnement stipule qu'« à l'occasion des réalisations ou des rénovations de voies
urbaines, à l'exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires
cyclables pourvus d'aménagements sous formes de pistes, marquages au sol ou couloirs
indépendants, en fonction des besoins et contraintes de la circulation. L'aménagement de ces
itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de déplacement urbain lorsqu'il
existe ». Cet article s'impose à toutes les zones agglomérées, quelle que soit leur taille, et sur tout
le réseau viaire urbain délimité par les panneaux d'entrée et de sortie d'agglomération. La notion
d'itinéraire implique une certaine continuité cyclable.
La prise en compte des cyclistes dans les rétrécissements de la chaussée est différente suivant le
type de profil.
Un profil large laisse une emprise qui permet souvent la mise en place d'aménagements cyclables.
Le profil critique est à éviter, vue son ambiguïté sur la faisabilité du dépassement.
Un profil étroit est acceptable sur de courtes longueurs mais implique de ne pas doubler le cycliste.
Considéré comme court lorsque sa longueur est inférieur à 50 m environ, le temps d'attente pour un
automobiliste derrière le cycliste sera inférieur à 10 secondes, ce qui peut être considéré comme
acceptable.
Dans tous les cas, un aménagement ne doit pas piéger les cyclistes, notamment dans les zones où
le différentiel de vitesse entre cyclistes et usagers motorisés est important. Il doit également être
particulièrement clair sur la possibilité ou la non possibilité de dépassement.
IV Les solutions préconisées pour les rétrécissements de la chaussée
en interurbain
Les îlots centraux au droit d'une intersection
Ce type d'aménagement permet de gérer le trafic tourne à gauche lorsqu'il devient important. Les
cyclistes qui circulent sur l'accotement revêtu avant le carrefour ou sur un aménagement cyclable
peuvent être pris en charge au droit de l'aménagement, soit par la continuité de l'accotement revêtu,
soit en empruntant un aménagement cyclable.
Les préconisations du guide « Aménagement des Carrefours Interurbains » garantissent une
largeur minimale « roulable » par sens de circulation, en recommandant :
de maintenir la largeur de voie de section courante (avec un minimum de 3m)
de maintenir une largeur minimale de 1m pour l'accotement revêtu (bande dérasée de droite), le
mieux étant entre 1,25 m et 1,50 m.
de prévoir une bande dérasée de gauche (côté ilot) de largeur 5u (marquage ligne continue 3u
délimitant les bordures de l'ilot + un espace non peint de largeur 2u)
de veiller à la compacité du carrefour ( longueur maximale d'îlot de 70m correspondant à
l'alignement droit et au déport)
d'assurer la continuité des aménagements cyclables
de prévoir le revêtement de l'accotement en l'absence d'un aménagement cyclable
en urbain (voir le futur guide « Les chicanes et les écluses en milieu urbain »)
1 Les chicanes
La chicane consiste en un décalage de l'axe de la chaussée avec une déflexion significative de la
trajectoire et un déport latéral supérieur à 2m.
Photos Certu
Il s'agit de s'assurer que le cycliste n'est pas mis en danger lorsqu'il emprunte la chicane. Le
cycliste risquant de se trouver piégé entre la bordure latérale et le véhicule le dépassant, il est
souhaitable qu'il puisse contourner la chicane, par un aménagement cyclable adapté (piste cyclable
ou voie d'évitement).
Dans le cas ou une bande cyclable est maintenue dans la chicane, il est recommandé de la
protéger par un ilot séparateur pour éviter que l'automobiliste ne chevauche la bande en entrée
d'aménagement pour lisser sa trajectoire.
L'aménagement d'une chicane ne doit pas dans la mesure du possible interrompre un itinéraire
cyclable déjà existant. Toutefois, quand la configuration des lieux l'exige (emprise insuffisante...), il
peut être admis d'interrompre ponctuellement un aménagement cyclable au voisinage immédiat des
chicanes, lorsque la chicane est implantée dans une zone en cohérence avec une limitation à 30
km/h (zones 30, voiries de desserte à faible trafic...)
Photo CETE Méditerranée
Chicanes en entrée d'agglomération
Pour ce type de chicane, pistes cyclables ou voies d'évitement sont recommandées.
Si un aménagement cyclable existe de part et d'autre de la chicane, il est nécessaire d'assurer sa
continuité autour de la chicane. Les bandes cyclables déjà existantes au niveau de la chicane
seront transformées en pistes cyclables avec séparation de la chaussée.
Dans le cas contraire, il est recommandé de créer une voie d'évitement autour de la chicane avec
création d'un biseau en amont de la chicane, permettant aux cyclistes d'y accéder.
La lecture de la trajectoire doit se faire sans ambiguïté. Pour cela, il faut que l'aménagement
cyclable soit lisible et bien différencié de la voie de circulation automobile.
Après la chicane, la réinsertion des cyclistes sur la chaussée est à aménager avec soin, pour que le
cycliste soit en sécurité, et que cela l'incite à utiliser cette voie d'évitement.
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