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Ton Kaptein
marina.ch mars 10
nature
froide et salée, plus elle est dense (et donc
lourde). L’eau lourde coule jusqu’à ce qu’elle
rencontre une couche d’eau ayant la même
densité. Ce mécanisme explique l’activité que
l’on observe au large des côtes du Groenland.
Le Groenland, dont la calotte glaciaire conti-
nentale atteint près de trois kilomètres à ses
endroits les plus épais, fournit aux océans un
refroidissement constant. La dérive atlantique
nord (la continuation chaude du Gulf Stream)
est très rapidement refroidie dans les océans
du nord de l’Europe et au large de la côte sud
du Groenland. Ses eaux deviennent donc plus
lourdes. La formation de glace sépare de plus
le sel de l’eau. L’eau liquide devient donc plus
salée et encore plus lourde. Apparaît alors un
imposant remous tirant les eaux salées froi-
des au fond des océans à une vitesse incroya-
ble. Pour pouvoir sortir des eaux du nord de
l’Europe et arriver dans l’océan Atlantique, les
eaux de profondeur doivent franchir le seuil
Groenland-Ecosse. Ici, elles s’écoulent comme
une chute d’eau sous-marine de plusieurs
centaines à milliers de mètres. La circulation
thermohaline peut commencer son voyage.
Les eaux des fonds océaniques coulent le long
de la côte est de l’Amérique vers le sud où el-
les finissent par rencontrer le courant antarc-
tique. Les masses d’eau partent alors vers l’est
et se séparent: une partie arrive dans l’océan
Indien où le climat est beaucoup plus chaud.
Les masses d’eau se réchauffent, leur densité
diminue et elles reviennent pour la première
fois à la surface. Pendant ce temps, l’autre
partie des masses d’eau fait le tour de l’Aus-
tralie et arrive dans le Pacifique Ouest où le
même sort l’attend: l’eau se réchauffe en ef-
fet au large des côtes japonaises et remonte
également à la surface.
C’est alors que le vent entre en jeu: à la hau-
teur des latitudes tropicales de l’Atlantique,
les alizés repoussent les masses d’eau
chaude vers l’ouest. Elles traversent l’Atlan-
tique sud et atteignent les côtes de l’Amé-
rique du nord qui, à l’image d’une digue, re-
dirigent l’eau en direction du nord. Grâce à
la force de Coriolis, l’eau est ensuite déviée
en direction de l’Europe: il s’agit là de la
naissance du Gulf Stream. Ce dernier cou-
rant est directement attiré par les masses
d’eau chutant au fond des océans près du
Groenland, alimentant ainsi la circulation
thermohaline. Un tel tour de la planète dure
environ 1000 ans, les eaux retrouvent alors
les côtes du Groenland et recommence leur
petit manège.
Etant donné ses dimensions, le système de la
circulation thermohaline influence le climat
sur toute la planète. Avec le changement cli-
matique, un scénario fatal pourrait très bien
se réaliser: le réchauffement climatique pour-
rait ainsi entraîner une fonte de la calotte gla-
ciaire du Groenland. L’eau douce et légère née
de cette fonte affaiblirait alors (ou mettrait
même hors service) le puissant moteur du
Groenland permettant la formation d’eaux
froides de profondeur. Cette bande de mas-
ses d’eau en mouvement en souffrirait inévi-
tablement. Pour les Européens, cela signifie-
rait qu’ils devraient dire au revoir au Gulf
Stream. Les recherches de ces dernières an-
nées ont permis de connaître les conséquen-
ces d’une telle disparition: le processus des
glaciations qu’a connues l’Europe est forte-
ment dépendant de l’intensité du Gulf Stream.
Sa disparition entraînerait ironiquement un
scénario futur pour le moins triste: le début
de la glaciation suivante.
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