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Remarques sur l’assiette tensive du rythme/2001
l’espace tensif pour autant qu’il conjugue l’intensité et l’extensité et procure, à ce titre, des
profondeurs et des directions qui les parcourent.
Enfin, l’affectivité n’est pas l’obstacle que l’on dit pour l’analyse, mais sa condition
même : «Sans le fait qu’un sens expressif se manifeste dans certains vécus perceptifs, l’exis-
tence resterait muette pour nous2.» Les sèmes, grandeurs différentielles, conviennent à
l’analyse du lexique qui s’attache à la caractéristique, mais ils conviennent mal à l’analyse des
discours. La solution imaginée par Greimas consiste, au nom du principe de pertinence, ou de
redondance, à privilégier certains couples de sèmes à vocation anthropologique, [nature vs
culture] et [vie vs mort], mais cette prépondérance reste de fait et non de droit. Quelque para-
doxale que l’entreprise apparaisse, la résolution analytique des affects et des émotions ponc-
tuant les vécus des sujets demande des unités discrètes : ce sont pour nous les valences3, dont
le rassemblement constitue le point de vue valenciel. Sans entrer ici dans toutes les explici-
tations nécessaires, les valences, parce que leur inventaire, dans l’état actuel de la recherche,
est restreint, prétendent à la direction du discours. À dire vrai, la pertinence des valences est
médiate : elles prétendent à la direction du discours non par leur contenu même, mais en vertu
de leur petit nombre ; ce même petit nombre autorise leur interdéfinition rigoureuse, et celle-
ci, à son tour, répond de leur grammaticalité, c’est-à-dire de leur autorité, ce qui ne peut se
dire des sèmes pour ainsi dire en surnombre. Sous ces précautions, les valences sont
comparables à des particules élémentaires de signification : tantôt les valences précisent l’in-
tensité de l’affect éprouvé, ce sont alors des valences dites intensives ; qu’est-ce que dire : je
suis triste, sinon mesurer d’abord soi-même sa propre tristesse ? tantôt les valences fixent le
degré de conjugaison, de compatibilité, d’harmonie ou d’inharmonie que nous croyons devoir
2 E. Cassirer, La philosophie des formes symboliques, tome 3, Paris, Les Editions de Minuit, 1988, p. 90.
3 Il semble, sous bénéfice de vérification, que l’on doive cette acception à Cassirer : ainsi, dans le second
volume de La philosophie des formes symboliques, on peut lire : «Il y a des différences de “valences” propres
au mythe, de même qu’il y a des différences de valeur pour la logique et l’éthique.» (Paris, Les Editions de
Minuit, 1986, p. 105) ; de même, dans le tome 3 : «Cette transformation a lieu lorsque des significations – ou
des “valences” – différentes sont attribuées aux différents moments du devenir fuyant.» (op. cit., p. 178.)