Bulletin Communiste 37 - Bulletin Communiste International

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BULLETIN DE LA FRACTION INTERNE DU CCI
n° 37
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S O M M A I R E
PRESENTATION DU BULLETIN N° 37 ................................................................................................................ 1
DERNIERE NOUVELLE ....................................................................................................................................... 2
A PROPOS DE LA SITUATION INTERNATIONALE
REVOLTE SOCIALE A OAXACA (MEXIQUE) : LE PIEGE DEMOCRATIQUE OUVRE LA VOIE A LA REPRESSION SANGLANTE
- "CONTRE LA REPRESSION : APPUI A L'APPO" (TRACT NON SIGNE)............................................................................... 3
- NOTRE CRITIQUE .......................................................................................................................................... 4
L'INTERVENTION DES REVOLUTIONNAIRES
"UN MONDE EN GUERRE, ET EN GUERRE DE CLASSE !" (TRACT DE "COMMUNISTES INTERNATIONALISTES" AU CANADA) ................ 6
LA GUERRE AU LIBAN : UN "TEST" POUR LES GROUPES DU CAMP PROLETARIEN .................................................................. 7
REUNION PUBLIQUE DU PCI-LE PROLETAIRE A PARIS SUR LA GUERRE AU SUD LIBAN ........................................................ 16
COMBATTRE L'OPPORTUNISME
COMMENT LE CCI TRAHIT, UNE NOUVELLE FOIS, UNE POSITION DE CLASSE :
LA QUESTION DE LA VIOLENCE OUVRIERE ............................................................................................................. 12
DEBAT DANS LE CAMP PROLETARIEN
LA QUESTION DU PARTI
FONDATION DU PARTI ; TRAVAIL DE FRACTION. QUELQUES MOMENTS CLEFS DE L'HISTOIRE DE LA GAUCHE COMMUNISTE
- AUX CAMARADES DE LA FICCI, PARIS-MEXIQUE (BIPR) ........................................................................................ 17
- LE COMBAT DE FRACTION : UNE METHODE EPROUVEE DU COMBAT POLITIQUE ET MILITANT (FRACTION) ............................... 19
NOTES SUR LES TEXTES DU GPR-K DE RUSSIE (FRACTION) .................................................................................... 21
TEXTES DU MOUVEMENT OUVRIER
LA IIIè INTERNATIONALE ET LE PARLEMENTARISME (IL SOVIET – 11/04/1920)............................................................. 25
HOMMAGE AU CAMARADE GOUPIL ...................................................................................................................... 26
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Présentation du bulletin 37
Il y a bien longtemps que la presse et les médias bourgeois en général ne sont plus neutres (s'ils l'ont jamais été !). Les
"informations" qu'ils nous servent et nous serinent sont inéluctablement l'expression de l'idéologie de la classe bourgeoise. Cette
vérité est devenu une évidence, un truisme, pour tout observateur un peu averti et doté d'un minimum d'esprit critique.
Cependant, la façon particulièrement grossière dont ces médias traitent l'actualité, notamment durant ces derniers mois, doit nous
alerter et nous devons, en tant que communistes, mettre en évidence les ressorts de cette propagande de plus en plus orientée.
L'essai nucléaire de la Corée du Nord (à ce jour pas vraiment avéré) ou la volonté active de l'Iran des Mollahs de se doter de
l'arme nucléaire sont présentés de telle façon que l'on voit un monde en danger.
Mais en danger, nous dit-on, à cause de certains "Etats voyous" qui mettraient en péril la radieuse harmonie que nous concoctent
les dirigeants des grandes "démocraties". En danger également à cause de nébuleuses terroristes d'obédience islamiste qui ne
rêvent que destructions et massacres, à l'opposé de nos sages et pacifiques gouvernants qui se démènent pour faire de notre
planète un séjour paradisiaque.
C'est là le cœur de la propagande bourgeoise, faite de mensonges et de grosses ficelles, visant à se dédouaner, à trouver des
boucs émissaires sur qui faire retomber la responsabilité d'un monde de misère, de guerre, de mort.
Oui ! Le monde est bien en danger. Mais le véritable danger n'est pas celui que l'on nous présente aujourd'hui à longueur de
temps et d'images.
Les "Etats voyous" comme la Corée du Nord, l'Iran ou la Syrie sont indéniablement des pays dans lesquels la barbarie capitaliste
s'exprime. Mais à côté des grands Etats impérialistes comme les USA, la France, l'Allemagne ou la Russie, les dirigeants de ces
"Etats voyous" ne sont que de pâles amateurs. En comparaison des politiques US en Amérique Latine depuis des décennies, en
comparaison de la politique française en Afrique, les dirigeants syriens, coréens ou iraniens ont l'air de tyrans d'opérette. Par
contre, ils sont bien utiles aux impérialismes dominants dans le rôle d'épouvantail.
Quant aux "nébuleuses terroristes", dont on essaie de nous faire croire qu'elles sont nées de rien et qu'elles mènent leurs actions
selon leur libre choix, il n'est qu'à se référer à l'histoire des relations entre Ben Laden et les USA, au rôle de pays comme le
Pakistan (allié privilégié des USA, encore) ou bien les liens traditionnels entre la France et certaines puissances du Proche-Orient
(elles–mêmes liées à diverses milices et groupes terroristes), pour comprendre que ces groupes terroristes ne sont "nébuleux" que
pour le commun des mortels ; que ce sont, pour l'essentiel, des créations des Etats impérialistes, notamment des plus grands.
Oui ! Le monde est en danger. Et ce danger, c'est la politique des grandes et moyennes puissances impérialistes qui se mènent
une concurrence acharnée à travers le monde. Dans cette politique, chacun, selon ses moyens, selon les circonstances, utilise et
entretient, plus ou moins discrètement, tout un ensemble de structures et de groupes qui sont tout à fait à même de "remplir des
missions" de nature terroriste. Les véritables terroristes, ce sont les Etats bourgeois. Et les véritables "Etats voyous" ce sont ceux
qui tirent les ficelles des "nébuleuses" et des dictateurs de pays moins développés.
Le danger pour le monde c'est le capitalisme en crise qui ne peut s'en sortir que par la guerre généralisée, par les massacres à
grande échelle. C'est la préparation de cette guerre qui s'opère via l'affrontement économique, diplomatique, stratégique et
militaire entre grandes et moyennes puissances. Et, dans ce combat, "nébuleuses terroristes" et "Etats Voyous" sont des outils
parmi d'autres aux mains des impérialismes.
Mais cette réalité ne doit surtout pas paraître aux yeux des populations. C'est la raison pour laquelle les médias nous présentent
un théâtre d'ombres avec "nébuleuses terroristes" et "Etats voyous" bien visibles.
Derrière la coulisse pendant ce temps, et bien dissimulés aux regards par les rideaux de fumée de la propagande, la classe
régnante gère ses affaires ! C'est la concurrence au couteau, évidemment ! C'est la bataille pour la défense des intérêts bourgeois
les plus terre à terre, c'est la lutte pour les marchés juteux de par le monde au détriment et sur le dos des classes exploitées et,
souvent, réduites à la misère et à la mort par la famine ou dans des conflits guerriers dont elles ne connaissent pas les tenants et
les aboutissants.
Derrière la coulisse, en ce moment, se nouent des alliances entre puissances, se dessinent des lignes de force qui seront demain,
si nous n'y mettons fin par notre lutte de classe, les fronts de guerre opposant les intérêts des différentes bourgeoisies nationales
au prix de notre sang, de notre vie. Les bourgeoisies le savent tellement bien qu'elles s'y préparent concrètement, notamment
dans une folle course aux armements.
"Les fonds déboursés dans le monde pour l’achat d’armements et de matériel de guerre battent les records de la période de la
'guerre froide', affirment les auteurs d’un rapport de la fondation internationale Oxfam. D’après les analystes, cette année les
dépenses de défense atteindront la somme record de $1.059 mds tandis qu’à l’époque de la 'guerre froide', en 1988
concrètement, elles n’ont pas excédé $1.03 mds. Les Etats-Unis et les pays du Proche-Orient sont les plus 'dépensiers' "(D'après
le site Internet "armées.com". Article publié le mardi 3 octobre 2006)
Tandis que la guerre US en Irak n'en finit pas de mettre le pays à feu et à sang, tandis que l'Afghanistan et la Tchétchénie se
transforment en vastes cimetières, sans parler des nombreux autres foyers de massacre et de famine dont les "grands" sont,
directement ou indirectement, responsables, les feux de l'actualité se tournent vers la bombe coréenne ou les rodomontades
iraniennes. Et, pendant ce temps, la réalité des tensions et de la bataille entre les USA et leurs concurrents germano-russofrançais se déplace vers d'autres "théâtres d'opérations" comme le Caucase du Sud et l'Europe orientale. C'est, par exemple, la
Fraction interne du CCI
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Bulletin 37
Pologne où les USA sont en train d'implanter des missiles au grand dam de la Russie 1. C'est l'Ukraine, la Géorgie et les pays et
républiques des environs qui sont des enjeux stratégiques de premier plan entre les 2 pôles impérialistes en formation, l'un
derrière les USA, l'autre autour du trio Allemagne-Russie-France.
C'est ce jeu-là que les médias ont pour fonction de dissimuler en lui donnant les apparences de négociations visant à la sécurité et
au mieux-être des populations concernées.
La planète dans son ensemble est aujourd'hui le théâtre de marchandages, de tensions, de luttes à mort entre les différents
impérialismes. Et, bien sûr, les plus puissants de ces impérialismes (USA, Allemagne, Japon, Russie, France, Grande-Bretagne,
etc.) donnent le la et ce sont leurs conflits d'intérêt qui se traduisent en guerres, massacres, famines et misère à travers le monde.
Plus que jamais les tensions et conflits locaux (au Moyen Orient, en Afrique, dans le Caucase, en Amérique Latine, en Asie, etc.)
sont l'expression de la concurrence acharnée que se mènent ces impérialismes de premier et second ordre ; et le "terrorisme" est
un des moyens par lesquels s'exprime cette concurrence. Le caractère "nébuleux", soigneusement entretenu et mis en avant, des
diverses officines terroristes (qu'elles soient d'obédience islamiste, selon la mode du jour, ou de tout autre ordre) sert précisément
à effrayer les populations pour les inciter à se ranger derrière les Etats "protecteurs" et à dissimuler les politiques de ces mêmes
Etats qui utilisent la terreur aussi bien dans les "points chauds" du globe que dans les banlieues de leurs grandes villes,
notamment.
Pas de "perte de contrôle de la situation" de la part de ces impérialismes ! Pas de désordre ou de "chaos" qui ne soit, pour
l'essentiel, prévu, calculé et mis en oeuvre au service d'une politique déterminée dont les ressorts fondamentaux sont liés aux
intérêts économiques bien compris du ou des pays qui les déclenchent.
C'est bien cette réalité d'affrontements toujours plus ouverts entre les puissances impérialistes et la logique qui en découle en
termes de constitution, à terme, de blocs impérialistes rivaux, logique qui débouche sur une nouvelle guerre mondiale. C'est bien
cette réalité ainsi que sa logique profonde que les communistes ont le devoir de rendre claires aux yeux de leur classe car,
aujourd'hui déjà, le sort de l'humanité est en jeu. L'alternative historique "GUERRE MONDIALE ou RÉVOLUTION
PROLÉTARIENNE" est de plus en plus résolument à l'ordre du jour.
La Fraction
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Dernière nouvelle
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L'intense campagne de presse de la bourgeoisie qui braque tous ses projecteurs sur la "bombe coréenne" (ainsi que sur les
ambitions nucléaires de l'Iran) et cherche à en faire LE véritable danger menaçant la paix du monde, s'est trouvé un relais dans le
CCI.
Dans une pompeuse "Déclaration internationaliste depuis la Corée contre la menace de guerre" publiée tout récemment sur son
site web, ce groupe qui continue de se revendiquer de la Gauche communiste "dénonce sans réserve ce nouveau pas vers la
guerre accompli par l'Etat capitaliste de Corée du Nord" et va jusqu'à dédouaner, d'une certaine manière, les grandes puissances
de leur responsabilité première dans l'aggravation de la situation mondiale, en ne les accusant que... d'hypocrisie. Quand les
campagnes idéologiques actuelles de la bourgeoisie font tout pour déformer la réalité, pour brouiller la conscience de la classe
ouvrière et la désarmer, on trouve des "internationalistes", avec leurs moyens et leur drapeau, prêts à y apporter leur contribution.
De plus, en cherchant un peu sur le site du CCI actuel, on peut trouver cette phrase digne du plus vulgaire pacifiste bourgeois ou
petit-bourgeois :
"Déclaration internationaliste depuis la Corée contre l'explosion d'un essai nucléaire par la Corée du Nord" (souligné par nous)
Le CCI actuel, dans sa logique de dégénérescence en est donc à contribuer à la mise en place des pièges bourgeois les plus
grossiers et les plus dangereux, et qui ne visent que la classe ouvrière.
La triste leçon de cette triste histoire, qui n'est pas nouvelle pour le prolétariat, c'est que la logique opportuniste conduit vers le
camp politique ennemi.
***
1
Il faut croire que les environs de la Baltique sont le lieu idéal pour mener la traque à Al Qaïda, à moins que la portée des missiles à destination
de la Corée ou de l'Iran n'oblige les militaires US à élire domicile au cœur de l'Europe centrale ?
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A PROPOS DE LA SITUATION INTERNATIONALE
Révolte sociale à Oaxaca, Mexique :
Le piège démocratique ouvre la voie à la répression sanglante
Depuis le début de l'année, en pleine campagne électorale présidentielle, la population ouvrière et paysanne du Mexique a subi dans sa chair
plusieurs actes de répression massive et sanglante (1) suite à des luttes sociales. Non seulement la police locale et nationale (fédérale) ainsi
que la police anti-émeute ont été mises à contribution, mais l'armée elle-même est intervenue à plusieurs reprises. Ce qui indique clairement,
que c'est au plus haut niveau de l'Etat, que cette politique de violence répressive a été décidée au point que l'ensemble des forces politiques et
syndicales du pays (jusqu'à l'Eglise catholique), de gauche comme de droite et tout particulièrement les trois "grands" partis (le PAN qui est
au pouvoir, le PRI qui a gouverné le pays durant plus de 60 ans sans interruption, et le parti de gauche PRD) ont soutenu le "maintien de
l'ordre" par l'usage d'une violence et d'une terreur d'Etat d'une ampleur et d'un degré qui ne s'étaient pas vus depuis un certain temps dans le
pays.
A son tour, depuis le printemps, la ville d'Oaxaca connaît une mobilisation importante de la part de secteurs significatifs de la population
ouvrière qui se reconnaît dans la grève des instituteurs de la région. Au départ, en lutte sur des revendications salariales, les instituteurs n'ont
cessé d'occuper le centre de la ville et ont organisé un "plantón" (2) devant le palais du gouverneur de l'Etat d'Oaxaca.
Le 14 juin dernier, celui-ci, Ulises Ruiz, avait lancé la police locale contre le "plantón". La police avait été repoussée par les travailleurs au
prix d'affrontements très violents. Cependant, devant la poursuite de la lutte et son élargissement à des communautés paysannes, et une fois
passée la période électorale présidentielle mexicaine, c'est une répression à plus grande échelle, peut-être un massacre, qui se prépare
aujourd'hui avec la participation non seulement des forces de police locales, fédérales et anti-émeutes mais aussi de l'armée et de la marine
dont les forces ont déjà établi un "plan de guerre" pour prendre la ville d'Oaxaca et imposer l'état de siège dans tout l'Etat. D'ores et déjà, la
campagne idéologique qui la justifie, et surtout les manoeuvres des soldats et des fusiliers-marins dans l'Etat, les barrages sur les routes, le
survol par hélicoptères militaires de la ville où se tient toujours le plantón, annoncent clairement cette répression massive.
La voie vers cette répression, qui sera sans nul doute sanglante, a été rendue possible par l'impasse politique dans laquelle les enseignants et
la population autour d'eux se sont laissés enfermer par le syndicat des instituteurs, par les gauchistes regroupés au sein de l'APPO et derrière
eux par l'ensemble de la gauche mexicaine : abandonnant leurs revendications salariales initiales pour celle de la démission du gouverneur
local coupable d'avoir déchaîné la répression et d'être corrompu. Iils se sont laissés entraînés sur le terrain du jeu démocratique entre
fractions de la bourgeoisie et se retrouvent pris au piège d'une fausse alternative répression ou démocratisation. C'est précisément ce revers
politique qui ouvre la voie au déchaînement de la répression pour les prolétaires et paysans qui sont embarqués et se maintiennent dans cette
impasse.
Nous, révolutionnaires, dénonçons aux yeux de tout le prolétariat du monde cette nouvelle menace qui s'accentue sur un secteur de
travailleurs exploités. De nouveau, le véritable visage de la "démocratie" bourgeoise est mis à nu : un régime dont le seul objectif, en fin de
compte et partout, est de garantir les intérêts de la classe capitaliste, le maintien de l'exploitation salariée à tout prix, peu importe les
massacres, encore et encore, de prolétaires et autres exploités, hommes, femmes, enfants et vieux.
En même temps, nous devons essayer de comprendre les conditions de ce mouvement et les leçons qu'il peut laisser pour préparer les futures
luttes du prolétariat. En particulier, comment des secteurs importants de la population, des ouvriers combatifs et engagés dans la lutte, voire
même des militants qui se revendiquent du communisme et de la révolution, peuvent-ils se laisser berner et entraîner dans cette impasse
politique et dans cette voie qui mène à la défaite ?
Nous publions ci-dessous des extaits d'un tract qu'un camarade a diffusé en prenant position sur les événements à Oaxaca qui,
malheureusement, illustre cet aveuglement politique. Nous le faisons suivre de nos commentaires critiques.
Contre la répression : appui total à l'Assemblée Populaire des Peuples d'Oaxaca (APPO)
Il y a d'abord eu la tragédie de la mine de Pasta de Conchos, le
19 janvier de cette année à San Juan Sabinas dans l'Etat de
Coahuila, au cours de laquelle 65 mineurs sont morts, un "
accident" qui en réalité a été le produit de la "négligence
criminelle" des patrons de la mine qui n'ont jamais répondu
aux avertissements sur la situation de danger dans laquelle se
trouvait la mine.
Ne se contentant pas de son mépris pour la vie des travailleurs
(qui sont les véritables producteurs de la richesse), le
gouvernement a voulu en profiter pour destituer Napoleón
Gómez Urrutia, dirigeant "charro" [c'est-à-dire historiquement
lié aux 60 ans de pouvoir corrompu du PRI, ndt] du syndicat
des mines et de la métallurgie de la République mexicaine,
sous le prétexte du combat contre la corruption, un discours
d'autant plus faux que le PAN au gouvernement s'est vanté de
l'appui d'autres leaders "charros" comme Victor Flores du
syndicat des cheminots [...].
L'objectif n'était autre que de démanteler le contrat collectif de
travail et de placer un autre leader "charro", Elías Morales,
avec la mission d'introduire, comme il pouvait, la "nouvelle
culture du travail".
Néanmoins, l'action de la bourgeoisie et de son gouvernement
a été contrecarrée par une vague de luttes des mineurs et,
surtout, par l'héroïque défense de la grève dans la sidérurgie
Sicartsa à Lázaro Cárdenas dans l'Etat de Michoacan. Le 20
avril 2006, agissant de manière coordonnée, le gouvernement
fédéral du PAN de Fox et le gouvernement de l'Etat local du
PRD Cuauhtémoc Cárdenas Batel ont orchestré l'assaut de
l'usine sidérurgique dans une opération qui a impliqué la police
fédérale (la PFP) et les forces armées de la marine. L'attaque
fût repoussée par 2500 ouvriers qui sont restés sur le pied de
guerre mais qui a coûté la vie des deux camarades mineurs,
José Luis Castillo Zúñiga et Héctor Álvarez Gómez.
1
Cf. le communiqué de fin juin publié dans le n°36 de notre bulletin et sur notre site internet.
Le "piquet" - "plantón" en espagnol - désigne une "forme de lutte" fréquemment mise en avant par la gauche du capital [tout particulièrement
au Mexique, ndt] et qui consiste à faire rester les gens qui "luttent" sur un lieu, dans la rue, sous le soleil ou la pluie, jour et nuit, pour "faire
pression" sur une quelconque autorité. Les "piquets" se terminent généralement - s'ils ne sont pas avant "délogés" par les forces de répression dans l'isolement, l'épuisement, la démoralisation et la défaite de ceux qui y participent.
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Ensuite, une provocation combinée à tous les niveaux du
pouvoir (le municipal avec le PRD, l'Etat régional avec le PRI
et le fédéral avec le PAN) a transformé un incident mineur
- l'interdiction de vendre des fleurs sur un marché - en un
affrontement ouvert qui a permis à l'Etat de déchaîner sa fureur
vengeresse contre le Front des Peuples en Défense de la Terre
(FPDT) et contre le peuple de San Salvador d'Atenco dans
l'Etat de México.
L'opération a commencé le 3 mai et le jour suivant, 4 mai,
Atenco est devenu un véritable enfer : couvre-feu illégal, et
ensuite état de siège, avec un luxe de violence ; les maisons
ont été détruites ; tout ce qui bougeait, humain ou animal, était
une cible ; les personnes arrêtées ont été physiquement et
psychologiquement torturées ; les agressions sexuelles des
femmes se sont multipliées [...]. La furie fasciste s'est payée
deux vies de plus : celle d'un adolescent d'à peine 14 ans et
celle de l'étudiant de la Faculté d'économie de l'UNAM,
Alexis Benhumea.
Commencé par des revendications salariales, le mouvement
des enseignants d'Oaxaca a fait un bond qualitatif après avoir
surmonté la répression du 14 juin dans une tentative
d'expulsion [du piquet d'Oaxaca, ndt] que les instituteurs
réussirent à repousser. En grande partie sous-estimé par le
reste du pays qui était pris dans la campagne électorale et la
crise post-électorale [...], il est certain que le mouvement a
gagné l'appui d'amples secteurs de la population et a donné
lieu à la création de l'Assemblée Populaire du Peuple d'Oaxaca
(APPO) comme organe de décision du peuple en mouvement.
L'influence de l'APPO s'est étendue à tout l'Etat d'Oaxaca et a
comme revendication actuelle la démission du gouverneur du
PRI, Ulises Ruiz Ortiz, qui ne se maintient que par le service
que le PAN doit rendre au PRI pour l'appui de ce dernier au
"triomphe" électoral rachitique et frauduleux de FECAL
[Felipe Calderón, le nouveau président du Mexique, ndt]. [...]
La fraude électorale grossière et la manipulation éhontée de
l'appareil gouvernemental, les financements publics, les forces
de sécurité et les moyens de communication nous ont fait la
faveur d'exhiber la nature réelle de la démocratie bourgeoise
dans toute sa crudité. Elle n'est rien d'autre que la dictature
masquée des propriétaires du capital et des moyens de
production.[...]
Pour leur propre survie, les travailleurs ne peuvent se laisser
entraîner dans le piège électoral. Ils ne peuvent non plus
attendre d'être sauvés par un individu. Encore moins peuventils attendre d'être "trahis" encore une fois par les partis
politiques. On ne peut crier à la tromperie que la première fois.
Il ne reste d'autre option que la prise de conscience et l'autoorganisation.
Il ne reste plus aux travailleurs mexicains qu'à se regarder dans
le "miroir d'Oaxaca" et à faire leur la défense de l'APPO contre
les volontés répressives et assassines de la droite car c'est la
capacité de résistance active de tout le peuple qui est en jeu.
[Tract sans date qui nous a été envoyé le 14 septembre 2006]
Notre critique
De la prise de position du camarade., nous ne partageons
(même si ce n'est pas avec les mêmes termes) que son souci
d'alerter la classe ouvrière, avec ses propres moyens, contre la
répression que l'Etat capitaliste est en train d'organiser et qui
fait suite à d'autres opérations du même ordre (la répression
des ouvriers de Sicartsa, celle des paysans d'Atenco...(1) :
"Encore moins, pouvons-nous permettre au gouvernement qu'il
étouffe dans un bain de sang l'insurrection d'Oaxaca".
Cependant, nous manquerions à notre devoir si nous laissions
de côté les graves imprécisions et erreurs politiques que le
camarade exprime dans sa prise de position. Nous ne ferions
alors que contribuer à occulter une partie du piège dans lequel
ce secteur du prolétariat et ces paysans pauvres ont été
conduits (ainsi que l'auteur du tract) et qui se trouvent devant
le danger d'être littéralement massacrés.
D'autant que le piège qui a été tendu aux prolétaires mexicains
n'est qu'une variante locale de l'offensive politique que
l'ensemble des bourgeoisies nationales développent contre la
classe ouvrière en essayant de l'enfermer dans des fausses
alternatives qui, toutes, opposent démocratie et répression,
gauche et droite sous une forme ou une autre, mais toutes
adaptées aux conditions historiques d'aujourd'hui, et en
particulier à la perspective d'une marche à la guerre
impérialiste généralisée que tente d'imposer la bourgeoisie.
L'issue du mouvement à Oaxaca, aussi limité et aussi localisé
soit-il, et les leçons politiques qu'il faut en tirer ont une valeur
pour le prolétariat et les communistes du monde entier.
Certes, le camarade dénonce dans son tract la politique de la
bourgeoisie comme un piège pour les travailleurs :
"La fraude électorale grossière et la manipulation éhontée de
l'appareil gouvernemental (...) nous ont fait la faveur
d'exhiber la nature réelle de la démocratie bourgeoise dans
1
Voir notre communiqué cité plus haut en note.
Fraction interne du CCI
toute sa crudité. Elle n'est rien d'autre que la dictature
masquée des propriétaires du capital..."
"Pour leur propre survie, les travailleurs ne peuvent se laisser
entraîner dans le piège électoral. Ils ne peuvent non plus
attendre d'être sauvés par un individu. Encore moins peuventils attendre d'être "trahis" encore une fois par les partis
politiques".
Cependant, loin d'en tirer toutes les implications politiques, le
tract se contredit ouvertement en saluant l'apparition de la
"revendication" démocratique de démission du gouverneur et
en appelant au soutien de l'APPO :
"Commencé par des revendications salariales, le mouvement
de l'enseignement d'Oaxaca a fait un bond qualitatif après
avoir surmonté la répression du 14 juin (...) le mouvement a
gagné l'appui d'amples secteurs de la population et a donné
lieu à la création de l'Assemblée Populaire du Peuple
d'Oaxaca (APPO) comme organe de décision du peuple en
mouvement. (...).
L'influence de l'APPO s'est étendue à tout l'Etat d'Oaxaca et a
comme revendication actuelle la démission du gouverneur du
PRI, Ulises Ruiz Ortiz" (nous soulignons).
Selon le camarade donc, le mouvement dans l'enseignement a
fait un saut qualitatif avec la création de l'APPO, l'extension de
son influence à tout l'Etat, et avec l'abandon de la lutte pour
des revendications salariales en échange de l'exigence de
démission du gouverneur. Mais ce que le camarade appelle "un
bond qualitatif" n'est en réalité que l'entrée du mouvement
dans une impasse qui ne peut conduire qu'à la défaite de ce
secteur du prolétariat. Il s'agit bien d'un "bond qualitatif", oui...
mais vers une défaite cuisante.
En fait, le "saut qualitatif" ne présente de "qualité" que pour la
bourgeoisie : il signifie que le piège politique se referme sur
les prolétaires pris entre ses deux mâchoires : démission du
gouverneur ou affrontements autour du plantón ; démocratie
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ou répression, la gauche et les syndicats prônant la première et
la droite la seconde... Le "saut qualitatif" est un revers
politique pour les prolétaires de la région et du pays qui ouvre
la voie à la répression et à la défaite complète.
Premièrement, faire que le mouvement abandonne (ou même
fasse passer au second plan) les revendications salariales en
échange de la demande de destitution du gouverneur est la
voie spécifique par laquelle, comme en beaucoup d'autres
occasions, le syndicat, les groupes gauchistes et toute la
gauche du capital ont réussi à faire sortir le prolétariat de son
terrain de classe pour l'amener sur un terrain étranger à ses
intérêts propres. Car "lutter" pour un changement de
gouverneur n'apportera aucun bénéfice aux travailleurs. Mais,
en plus de les enrôler dans les rivalités entre différentes
fractions bourgeoises pour la répartition des postes de pouvoir,
cela renforcera surtout l'illusion que, pour améliorer leurs
conditions de vie, il suffit de changer un gouverneur
"corrompu" par un autre supposé "honnête" dans le cadre
même du système capitaliste d'exploitation et de domination
de l'Etat bourgeois. C'est-à-dire que ce que le camarade veut
jeter par la porte (le piège électoral et la démocratie
bourgeoise), il le laisse revenir par la fenêtre (changer un
gouverneur par un autre en laissant intacte, voire en renforçant,
cette même démocratie bourgeoise).
Le prolétariat doit non seulement rejeter consciemment le
"piège électoral" mais aussi savoir que sa lutte doit conduire
non pas à "épurer" les institutions actuelles (syndicats, partis,
gouvernement) mais à s'en détourner pour, demain, abattre tout
le régime bourgeois avec toutes ses institutions.
C'est ainsi que, dans les conditions actuelles, "l'appui d'autres
secteurs de la population" à ce mouvement ne signifie pas une
extension de la lutte des exploités vers une issue favorable à
leurs intérêts mais seulement l'extension du piège des luttes
inter-bourgeoises vers des couches plus larges de la population
travailleuse.
Ensuite, le camarade qualifie l'APPO d'"organe de décision du
peuple en mouvement". Est-ce que cela veut dire que les
travailleurs ont réussi à se libérer, au moyen de l'APPO, du
contrôle du syndicat et des groupes gauchistes ? Non, bien au
contraire : le mouvement est plus que jamais sous le contrôle
de la section syndicale de l'enseignement et les gauchistes sont
les dirigeants de ces organismes qui dictent les mots d'ordre,
les actions à suivre et mènent les "négociations" avec le
gouvernement. Le camarade sait pertinemment que le syndicat
- qu'il soit "officiel" ou "indépendant" - est un des instruments
les plus importants sur lesquels l'Etat capitaliste compte pour
maintenir le contrôle des luttes prolétariennes, les dévier et les
mener à la défaite. Mais au lieu de contribuer à le démasquer,
il salue maintenant cet appendice créé autour du syndicat
comme un "organe de décision du peuple".
Ce sont justement le syndicat et les groupements gauchistes
qui ont formé l'APPO, qui ont entraîné ces secteurs de
travailleurs dans la souricière que constitue le "plantón" : faire
rester sur place semaines après semaines des hommes, des
femmes et des enfants dans les rues de la ville, les épuisant
physiquement et moralement dans l'attente d'une action de
répression de grande envergure (avec des milliers de policiers,
de militaires, des hélicoptères, etc.), n'ayant comme unique
défense que quelques "barricades" de sable et des cocktails
molotovs.
Fraction interne du CCI
Enfin, nous voulons relever l'appel aux travailleurs qui
apparaît dans le document du camarade :
"Il ne reste d'autre option que la prise de conscience et l'autoorganisation" [Nous avons traduit le mot "concientización" par
"prise de conscience", ndt].
Malgré toute la bonne volonté de clarification politique que
peut avoir le camarade, cette phrase, exprimée d'une manière si
abstraite, n'aide pas le prolétariat et les autres exploités. Elle
peut même être acceptée et diffusée par leurs propres ennemis
si, par "prise de conscience", on entend qu'il faut "lutter contre
la fraude électorale" ou "lutter pour destituer le gouverneur
corrompu" ; et si on assimile l'"auto-organisation" du
prolétariat à la "résistance civile" de López Obrador, du
syndicat "indépendant" ou de "l'Assemblée populaire" dirigée
par les groupes de la gauche du capital.
En conséquence, dans la mesure où le tract appelle au soutien
de l'APPO et à la démission du gouverneur, même les
affirmations, justes en soi, du tract sur la démocratie
bourgeoise et sur "l'auto-organisation des travailleurs" se
retrouvent vidées de tout contenu prolétarien et deviennent à
leur tour des facteurs supplémentaires d'enfermement des
travailleurs dans le piège qui leur a été tendu. Ce type de
position est déjà grave en soi et place objectivement leur
auteur du mauvais côté de la barricade politique dans la lutte
d'Oaxaca.
Mais tout positionnement de ce type est encore plus grave
aujourd'hui dans la situation historique que nous vivons. Il est
manifeste, depuis déjà quelques mois, que la bourgeoisie
mexicaine a décidé d'opposer une plus grande répression et
une terreur d'Etat accrue face aux réactions des ouvriers contre
la misère, aussi faibles et limitées que soient encore ces
réactions. Cette politique "mexicaine" n'est que l'expression
locale d'une politique que toutes les bourgeoisies du monde
sont "contraintes" de mener en vue d'imposer au prolétariat
mondial la marche vers la guerre impérialiste généralisée. Or
la répression et la terreur accrues de l'Etat capitaliste, pour être
efficaces contre les ouvriers, doivent s'accompagner
nécessairement d'une alternative "démocratique", en général de
gauche, pour faire que ces derniers abandonnent leur lutte
propre de classe, c'est-à-dire à la fois sur le terrain de la
défense de leurs conditions de vie et de la lutte révolutionnaire.
Et c'est justement dans le faux choix du soutien au mouvement
et aux revendications "démocratiques" que le tract du
camarade tombe, alors même que tout indique que nous nous
rapprochons d'affrontements de classes violents et dramatiques
provoqués par la bourgeoisie. La responsabilité des
communistes pour dénoncer ces pièges et ces impasses et
proposer, le plus clairement possible, des perspectives et des
orientations concrètes de lutte "les plus efficaces" possibles
n'en est que plus grande aujourd'hui.
Outre l'usage de l'idéologie anti-terroriste - qui est par ailleurs
aussi déjà mise en avant à Oaxaca pour justifier la répression à
venir -, la mystification démocratique (avec notamment sa
fausse opposition gauche-droite sous quelque configuration
que ce soit) est l'arme idéologique et politique par excellence
que l'ensemble des bourgeoisies nationales et de leurs Etats
- surtout les "démocratiques" - vont opposer aux prolétaires
pour les amener à la défaite et à la soumission complète.
Oaxaca n'en est qu'un des derniers exemples en date.
11 octobre 2006
-5-
Bulletin 37
L'INTERVENTION DES REVOLUTIONNAIRES
Nous publions ci-après un tract diffusé par des "communistes internationalistes" - c'est ainsi qu'ils signent - au Canada
dénonçant la situation croissante de guerre impérialiste que connaît le monde capitaliste et dans laquelle la bourgeoisie
canadienne entend bien prendre toute sa part comme l'atteste l'envoi d'un contingent important de soldats en Afghanistan.
Malgré quelques affirmations que nous ne partageons pas, ce tract met l'accent surtout sur la question centrale, et
historiquement dramatique, qui est posée aujourd'hui au prolétariat international et à ses minorités communistes : la
perspective de la guerre impérialiste généralisée au travers d'une bipolarisation croissante en cours entre grandes puissances.
Loin d'être une déclamation abstraite ou "morale" contre la "Guerre", leur dénonciation souligne à juste raison que
"l’accumulation de ces conflits ouverts glissant vers une guerre généralisée s’attaque à tous les aspects de la vie politique et
sociale de notre classe". C'est donc en toute responsabilité militante que les camarades appellent le prolétariat à opposer son
alternative à la guerre impérialiste généralisée, à savoir la révolution prolétarienne, réaffirmant ainsi l'alternative historique
mise en lumière par le marxisme : "Socialisme ou barbarie, il n‘y a pas d‘autres choix". Ils en appellent aussi au regroupement
révolutionnaire dans la perspective de la construction du parti communiste mondial, indispensable au succès historique de la
perspective révolutionnaire du prolétariat.
Nous saluons donc cette prise de position qui, selon nous, situe correctement les enjeux de la période actuelle, guerre ou
révolution, qui dénonce le rôle central et actif, premier, des grandes puissances dans la marche à la guerre généralisée, et qui
en appelle à la responsabilité historique du prolétariat international et de ses minorités révolutionnaires dans cette situation
pour abattre le capitalisme fauteur de guerre.
Novembre 2006
Un Monde en Guerre, et en Guerre de Classe !
À partir de maintenant, « vous êtes pour ou contre nous »,
lançait George Junior après les attentats du World Trade
Center qui avaient secoué le soi-disant monde libre des ÉtatsUnis d‘Amérique. Cette logique binaire et manichéenne est en
application depuis cinq ans avec des politiques qui rendent ce
pôle de l’impérialisme mondiale de plus en plus puissant dans
son agressivité à maintenir ses acquis stratégiques de par le
monde, ou pour museler la critique sur son propre territoire (on
pense par exemple à la Stratégie de Sécurité Nationale des
É.U.A (1) et au Patriot Act).
Cet attentat épouvantable qui, en septembre 2001, provoqua la
mort de milliers de personnes fut ainsi le prétexte d’une
nouvelle guerre pour les États-Unis. L’agression qui fut
perpétrée est complètement étrangère à l’action communiste,
agissant contre la classe prolétarienne en attaquant des édifices
où prolétaires et bourgeois se confondaient dans leurs activités
quotidiennes. C’est ainsi que, pour la plus grande part, ce sont
encore une fois des prolétaires qui ont subit l’assaut guerrier
produit par la polarisation des tensions entre les puissances
impérialistes mondiales. Il faut noter que les moudjahiddines
afghans, les talibans, et le très fantomatique Al-Qaeda, sont
des créatures politiques de la CIA et des services secrets
pakistanais (ISI) ultimement conçus pour lutter contre la
menace de l‘impérialisme soviétique dans les années ’60 et
‘80. Les talibans ont été soutenus en partie par l’armée
pakistanaise et l‘ISI (qui fut lui-même financé par la CIA)
pour être placés à la tête de l’Afghanistan afin de restaurer
brutalement l’ordre dans un pays dévasté par la guerre.
Mentionnons qu’à cette époque, UNOCAL, une entreprise
pétrolière américaine, est en négociation avec le régime taliban
afin de faire acheminer les ressources pétrolifères de l’Asie
Centrale vers le Pakistan au moyen d’un oléoduc qui
traverserait l’Afghanistan. D’ailleurs, le consultant et lobbyiste
employé par la pétrolière pour négocier avec les talibans n’est
nul autre que Hamid Karzai, l‘actuel président du peuple
afghan. En 1996 cependant, l’accord échoue et les relations
entre les deux pays s’enveniment. Aussi, l’attaque contre les
tours jumelles a offert la meilleure excuse aux États-Unis pour
intervenir militairement en Afghanistan et placer ses pions
Fraction interne du CCI
dans une position stratégique pour le contrôle des ressources
de la Mer Caspienne.
Depuis leur intervention en Afghanistan, les États-Unis ont
impliqué davantage leur bloc impérialiste aux Proche et
Moyen-Orient. Récemment, en octobre 2006, devant leur
incapacité croissante à établir l’ordre en Afghanistan, les ÉtatsUnis ont remis le commandement suprême des forces
d’intervention là-bas à l’OTAN (qu’ils contrôlent totalement
(2)). Membre de l’OTAN, le Canada devrait compter près de
3000 soldats sur le territoire afghan en 2007. Harper a exprimé
sa détermination pour que « le rôle du Canada dans le monde
ne se limite pas à ce continent », tout en se vantant auprès de
l‘administration Bush d‘avoir investi des milliards pour le
renforcement de l‘armée canadienne. Des entreprises comme
Bombardier ont d’ailleurs développé des drones et des ponts
mobiles destinés à l’armée américaine. SNC-Lavalin fabrique
de grande quantité de munitions pour les forces d’occupation
en Iraq et en Afghanistan. C’est ainsi que l’impérialisme
canadien se montre lui aussi de plus en plus agressif et se met
en branle vers une déflagration mondiale.
Depuis la chute du bloc soviétique, le repartage de certaines
zones stratégiques mondiale est en train de se déterminer et la
polarisation des blocs impérialistes se précise davantage. Le 11
septembre 2001 n’a fait que confirmer la réalité du capitalisme
qui est une marche perpétuelle vers la guerre pour le contrôle
des ressources en vue de la production de valeurs d‘échange.
Cette réalité n’est pas une option possible avec laquelle peut
jongler les dictats du capitalisme (le choix entre la paix ou la
guerre) mais bien une réalité intrinsèque au mode de
production capitaliste dans laquelle tous les États s’engouffrent
et trouvent leur rôle, du plus grand au plus petit. Et
l’accumulation de ces conflits ouverts glissant vers une guerre
généralisée s’attaque à tous les aspects de la vie politique et
sociale de notre classe. L’excuse du terrorisme - et de la guerre
au terrorisme - permet de plus en plus à la bourgeoisie
d’empêcher toute opposition critique à son ordre économique
et politique. Par exemple, lors de la grève du métro de New
York en décembre 2005, les grévistes ont été traités de
terroristes, de saboteurs de l’effort de guerre américaine, et ont
-6-
Bulletin 37
risqué des sanctions allant jusqu’à 25,000$ sous l’effet de la
loi Taylor (une loi anti-ouvrière en vigueur dans cet état).
Il n’y a pas à l’intérieur du système capitaliste des forces
réellement progressistes. C’est que dans le monde du capital,
la sphère politique est complètement dominée par la sphère
économique. Le capitalisme n’est pas gérable, il a une logique
propre qui est celle de la course aux profits et à l’accumulation
de richesses. Peu importe le parti au pouvoir, peu importe les
aspirations sociales de celui-ci, il devra obéir à l’ordre
économique en vigueur s‘il veut rester en place. Le socialisme
dans un seul pays est hors de question, car il n’est pas
réalisable. De fait, pour survivre, il doit pactiser constamment
avec le capitalisme; et historiquement, il n’a conduit qu’à des
aberrations totalitaires qui ne pouvaient déboucher sur autre
chose que des dictatures capitalistes.
Prolétaires, pour combattre ces guerres fomentées par les
classes dirigeantes, une seule alternative est possible : opposer
à la guerre impérialiste des bourgeoisies nationales, notre
propre guerre, celle du prolétariat international : la guerre de
classe! Ouvriers, ouvrières, il faut envisager des grèves contre
la guerre dans tous les secteurs de la production. Cela voudra
aussi dire pour nous la confrontation avec les corporations
syndicales qui cherchent toujours à nous isoler, usine par
usine, et pays par pays, dans leur volonté d‘être un
intermédiaire du système capitaliste. Contre l’effort de guerre
nationaliste, il faudra opposer la solidarité ouvrière de par le
monde, car il y a plus d’intérêts communs véritables entre le
soldat canadien et le travailleur afghan qu’entre le soldat
canadien et sa propre bourgeoisie. Une longue lutte se poursuit
pour le développement de la conscience de notre classe afin
d’en finir une fois pour toutes avec la logique guerrière du
capitalisme. Prolétaires, nous devons nous unir en participant à
la construction d’un parti prolétarien internationaliste, un parti
anti-stalinien! Pour que triomphe la paix à l’échelle mondiale,
il faut d’abord gagner la guerre de classe. Socialisme ou
barbarie, il n‘y a pas d‘autres choix !
Des communistes internationalistes, Montréal 2006.
--Vous pouvez nous rejoindre à cette adresse pour questions ou
commentaires :
[email protected]
1) The National Security Strategy of the United States of
America est un document émis en 2002.
qui présente la Nouvelle Politique Étrangère Américaine.
Celle-ci affirme que "pour contrer une menace suffisante à
notre sécurité nationale (...) pour empêcher ou prévenir des
actes hostiles de nos adversaires, les États-Unis vont, si
nécessaire, agir de façon préventive."
2) Les pays impérialistes d‘Europe, membres de l’OTAN, sont
en train d’élaborer une Politique Étrangère et de Sécurité
Commune afin d’élaborer une défense à caractère européen
quasiment au sein de l’OTAN.
***
La guerre du Liban : un "test" pour les groupes du camp prolétarien
La guerre entre Israël et le Liban qui a éclaté en juillet dernier,
a constitué un "test" pour les groupes du camp prolétarien
dans la mesure où elle a mis à l'épreuve leur capacité
d'analyser, de comprendre, de clarifier et de dénoncer sa
signification politique dans le cadre des luttes impérialistes
actuelles et l'enjeu qu'elle présente pour la classe ouvrière.
Pour notre part, nous avons publié, au moment des faits, une
rapide prise de position. Nous y relevions comment, derrière
le conflit "régional" entre Israël et ses voisins (Liban, Syrie,
Iran), on trouvait de nouveau, en premier lieu et de manière
déterminante, la lutte entre les plus grandes puissances
impérialistes du monde. Cette lutte, depuis quelques années,
prend la forme d'une préparation et d'une marche vers une
troisième guerre impérialiste mondiale au travers d'une
nouvelle bipolarisation impérialiste de tous les pays du monde
ayant comme axe d'un côté les Etats-Unis et de l'autre
l'Allemagne (accompagnée de la France et de la Russie).
"(...) Le fait premier et déterminant, c'est la réaffirmation de
la tutelle US sur un Liban où l'influence de plusieurs
puissances rivales des USA [...] commençait à se (re)faire
sentir de façon notable. L'armée de l'Etat israélien a été mise
à contribution, non pas essentiellement pour "ramener le
Hezbollah à la raison" mais bel et bien pour mettre à bas
toutes les bases concrètes et tous les éléments matériels du
Liban qui autorisaient et justifiaient la présence et l'influence
des concurrents des USA dans la région.
(...) Ces actes guerriers s'expliquent parfaitement dans
l'optique de faire du Liban une terre brûlée où les
Fraction interne du CCI
impérialismes concurrents n'auront plus de points d'appui
pour mener leur politique régionale. Les femmes, les enfants
et les vieillards libanais qui meurent sous les bombes
israéliennes, de même que les femmes, enfants et vieillards
israéliens qui meurent sous les missiles du Hezbollah le
doivent fondamentalement à l'offensive impérialiste US qui
veut assurer sa main mise sur la région et à la réponse des
impérialismes français, allemand, russe, etc. qui font tout
pour défendre leurs positions stratégiques locales. Encore une
fois, les faits nous montrent que la bipolarisation impérialiste
du monde va son chemin,… son chemin sanglant. (Bulletin de
la Fraction n°36, juillet 2006).
Les événements qui ont suivi n'ont fait que confirmer notre
position. D'un côté, il est devenu évident que les Etats-Unis
non seulement "appuyaient" l'attaque israélienne mais qu'ils
étaient réellement ceux qui commandaient et ordonnaient son
intensité et sa durée . De l'autre côté, alors que les puissances
antagonistes emmenées par l'Allemagne et la France rejetaient
la formation d'une force multinationale "d'interposition" sous
le commandement des Etats-Unis,... ces mêmes puissances se
sont chargé de créer leur propre force de telle manière que,
pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale,
l'Allemagne a pu revenir prendre pied militairement au
Moyen-Orient à la tête d'une force multinationale "modeste"
mais hautement symbolique de ses prétentions.(1)
L'initiative de l'Allemagne face au conflit du Liban est lourde de
signification politique. Au plan international, elle a signalé son intention
d'intervenir activement dorénavant dans des missions militaires "extérieures"
montrant ouvertement sa prétention à devenir un "parapluie" alternatif à celui
1
-7-
Bulletin 37
La dénonciation des grandes puissances
impérialistes
Autre groupe du camp prolétarien, le Bureau International
pour le Parti Révolutionnaire (BIPR) a relevé aussi dans sa
prise de position sur la guerre du Liban cet aspect déterminant
de la politique impérialiste mondiale actuelle : le processus de
"recomposition" d'un nouveau jeu de blocs impérialistes :
"(...) Voilà pourquoi la crise libanaise doit être analysée dans
son contexte moyen-oriental, où elle est née et produira ses
effets dévastateurs, mais aussi au niveau international, avec
ses confrontations inter-impérialistes de dimensions
planétaires.
C’est
justement
l’affaiblissement
de
l’impérialisme américain et l’accélération du processus de
recomposition de pôles impérialistes alternatifs, dont
l’Europe, la Russie et la Chine sont les principaux acteurs,
qui renforcent la tendance à l’élargissement de la guerre
impérialiste permanente aux zones névralgiques d’un point de
vue stratégique et économique" (Les deux niveaux de la crise
libanaise, 1e août 2006, nous soulignons (pages françaises du
site du BIPR : http://www.ibrp.org).
Il est certain que le BIPR ne pousse pas jusqu'au bout son
raisonnement sur "l'accélération du processus de
recomposition de pôles impérialistes alternatifs" aux EtatsUnis et, surtout, qu'il n'arrive pas à relever explicitement que,
derrière cette "recomposition", intervient une tendance
fondamentale du capitalisme dans sa phase actuelle de
décadence, la tendance vers une nouvelle guerre impérialiste
généralisée, en se limitant à parler de "l'élargissement de la
guerre impérialiste permanente" à d'autres aires d'importance
stratégique ou économique. Cependant, l'orientation du BIPR
est claire quand elle souligne que les luttes entre les grandes
puissances impérialistes sont l'élément "clé" pour comprendre
les conflits régionaux actuels et, en général, toutes les tensions
à l'échelle mondiale.
Pour sa part, dans des tracts (cf. Le Prolétaire 481), le PCILe Prolétaire a dénoncé aussi la responsabilité centrale des
grandes puissances impérialistes dans le conflit du Liban et, en
général, l'aiguisement des luttes impérialistes :
"L’attaque israélienne en cours au Liban a reçu, selon
l’expression même de la presse internationale, le “feu vert”
des Etats-Unis et l’“accord tacite” des autres grands Etats
impérialistes (...) Démonstration que ces grands Etats qui
dominent le monde y qui se prétendent les défenseurs de la
civilisation, sont en réalité les terroristes en chef, les
responsables des crimes du capitalisme, même quand ce sont
des Etats plus petits qui se chargent des sales besognes"
(Palestine, Liban: Sionisme assassin, impérialisme français
complice !. 23 juillet 2006, nous soulignons).
Dans un second tract, le PCI souligne clairement l'alternative
historique actuelle, guerre ou révolution :
"Prolétaires de France, d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne, de
Russie, d’Europe et d’Amérique : nos bourgeoisies, toutes
impérialistes, cherchent à nous exploiter de façon toujours
plus grande, mais aussi à exploiter de façon encore plus
bestiale les prolétaires des pays et régions moins développés.
des Etats-Unis sous lequel d'autres Etats pourraient "s'abriter". Au plan
national, la bourgeoisie allemande en a profité pour accélérer ses campagnes
idéologiques sur la "reconstruction de l'orgueil national" (gommer la honte de
la défaite et du nazisme) et la "nécessité" de son nouvel expansionnisme sur
des bases "différentes", "humanitaires", "démocratiques", etc., comme partie
de ses efforts pour faire accepter à la population travailleuse ses prétentions et
actions impérialistes y inclus au plan militaire.
Fraction interne du CCI
Poussées à s’allier ou s’affronter entre elles suivant
l’evolution de leurs intérêts nationaux, elles utilisent les
conflits dans les pays plus faibles comme exutoire des
contradictions qui s’aggravent dans le capitalisme mondial et
des oppositions interimpérialistes qui mûrissent au rythme des
crises économiques toujours plus incontrôlables. La guerre
est la solution vers laquelle se tourne toujours la bourgeoisie
lorsque les difficultés économiques et politiques deviennent
insurmontables.
A la guerre entre Etats, à la guerre entre bourgeoisies, le
prolétariat a une seule perspective à opposer : la guerre de
classe, la lutte de la classe prolétarienne contre la classe
bourgeoise (...).
Seule la lutte de classe peut transformer la guerre en
révolution (...). Pour faire les premiers pas dans cette
direction, il faut revenir aux méthodes et aux moyens de la
lutte anticapitaliste, à commencer par la lutte de défense
immédiate. Cela implique de rompre avec les partis politiques
et les organisations syndicales qui sont les agents de la
collaboration entre les classes, les forces réformistes qui
soutiennent en fait l’impérialisme, hier en demandant à
Chirac que la France soit “plus présente”, aujourd’hui en
soutenant l’envoi prétendument pacifique de soldats au Liban,
demain dans une nouvelle guerre mondiale – et toujours en
sabotant la lutte ouvrière" (Non à l’envoi de soldats français
au Liban !. 14 août 2006, nous soulignons).
Cependant, cette position qui mentionne la tendance actuelle
de l'impérialisme vers une nouvelle guerre mondiale et la lutte
de classe du prolétariat comme seule alternative à cette
tendance, se trouve contredite par l'association constante que
fait le PCI de celle-ci avec les restes de sa position
traditionnelle d'appui aux "luttes nationales" ou aujourd'hui
aux "peuples opprimés" :
"L’attaque d’Israël au Liban s’inscrit dans la continuité de
ses attaques contre les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie
(...). Leur objectif est en réalité d’une part d’écraser toute
velléité de résistance à l’oppression permanente subie par les
Palestiniens et d’autre part d’accentuer la pression sur les
Etats de la région (Syrie, Iran) qui rechignent à se plier aux
pressions des Etats-Unis et des impérialismes occidentaux
(...)" (Palestine, Liban : Sionisme assassin, imperialisme
français complice !. 23 juillet 2006, nous soulignons).
La guerre d’Israël au Liban a plusieurs aspects : certains
relèvent de ses intérêts territoriaux propres, d’autres de la
politique impérialiste américaine (...), d’autres enfin sont liés
à “l’instabilité” du Liban et à l’insoumission des populations
palestiniennes qui n’arrivent cependant pas à s’emanciper de
l’oppression nationale". (Non à l’envoi de soldats français au
Liban !, 14 août 2006, nous soulignons).
De fait, cette seconde position sur "l'attaque d'Israël au Liban
pour écraser la résistance à l'oppression nationale des...
palestiniens" (sic) contredit complètement la précédente qui
voit le conflit interimpérialiste et l'alternative historique. En
effet, le PCI exprime simultanément deux positions sur le
conflit Israël-Liban, ce qui nous amène à lui poser les
questions suivantes : est-ce une lutte impérialiste des deux
côtés ? Ou bien est-ce une "agression" d'Israël l'impérialiste
contre une "nation opprimée" qui ne fait que se "défendre" ?
La première position implique la reconnaissance
qu'actuellement
toutes
les
bourgeoisies
nationales
- indépendamment de leur force - sont également impérialistes
et, donc, que la seule alternative pour le prolétariat est dans sa
lutte de classe contre toutes les bourgeoisies nationales. La
-8-
Bulletin 37
seconde, au contraire, tend à reconnaître la "justesse" des
"luttes" de certaines bourgeoisies nationales contre
"l'oppression nationale" dans lesquelles serait impliqué le
"peuple", y compris le prolétariat, ce qui amenerait à ce que
celui-ci doive appuyer "certaines" bourgeoisies. Cela
signifierait qu'une "seule alternative de classe" n'existe pas
encore.
En outre, cette seconde position fait partie des pièges de
l'idéologie bourgeoise pour enrôler le prolétariat dans les
guerres impérialistes, dans ce cas, au nom d'une supposée
"défense nationale" ; piège dans lequel le PCI lui-même tend à
tomber. C'est ainsi qu'en dénonçant le conflit comme une
"agression d'Israël contre le Liban et la Palestine" - et cela
malgré la reconnaissance que le Hamas et le Hezbollah ne sont
que des instruments d'autres impérialismes -, qu'il le veuille ou
non, le PCI répand la notion que, malgré tout, le prolétariat
devrait appuyer le Liban et la Palestine contre Israël. C'est-àdire que le prolétariat devrait, en fin de compte, s'enrôler...
dans les luttes interbourgeoises.
L'incohérence et l'opportunisme du CCI actuel
Ce qui caractèrise la position du CCI actuel sur le conflit au
Liban (comme en général sa position sur les luttes
impérialistes d'aujourd'hui), c'est en premier lieu une
incohérence croissante. Elle est le produit de ses efforts, non
pour essayer d'analyser les faits concrets et réels pour, à partir
de là, préciser et approfondir son cadre théorique, mais au
contraire pour essayer de "tailler" la réalité à la mesure de son
idéologie apocalyptique de la "décomposition, du chaos et de
l'irrationnalité sociale".
Ainsi, sa position initiale face au conflit du Liban de juillet
dernier apparaît comme le corollaire de la position qu'il avait
déjà développée auparavant sur le Moyen-Orient, et en
particulier sur l'attitude du gouvernement israélien comme
exemple le plus évident de "l’irrationalité la plus totale,
l’enfoncement irrémédiable et irréfléchi dans la barbarie" (1) :
"En bref, la situation dans tout le Moyen Orient démontre que
les Etats-Unis ne contrôlent pas la situation et se trouvent
devant le développement d’un chaos incontrôlable. La fuite en
avant dans l'aventure militaire est la seule réponse que
chaque clique ou chaque puissance, des plus grandes aux plus
petites, puisse apporter pour défendre ses prétentions
impérialistes face à ses rivaux. C’est ce que montre l’attitude
ultra agressive d’Israël" (Moyen Orient: contre l'enfoncement
dans la guerre, la lutte de classe est la seule réponse, CCI,
17 juillet 2006, http://fr.internationalism.org/book/print/2277).
Selon le CCI donc, Israël agissant de manière "ultra
agressive" a lancé son offensive contre le Liban pour son
propre compte et hors du contrôle des Etats-Unis (2). C'est-à1
CCI. Moyen-Orient : le gouffre sans fin de la barbarie guerrière. 30
juin 2006. http://fr.internationalism.org/ri370/conflits.html .
2
La version espagnole de ce paragraphe n'est pas la traduction exacte
de la version française. Elle va plus loin encore en affirmant qu'Israël
non seulement agit "sans contrôle" mais qu'en plus c'est Israël qui
"entraîne" et "pousse" les Etats-Unis ! "No es Israel quien sigue las
orientaciones norteamericanas sino que son estos quienes se ven
arrastrados por las aventuras del Estado Sionista. Particularmente,
los gestos provocadores de Israel hacia Irán parecen tener como
objetivo empujar a USA hacia un conflicto abierto con Teherán" (
http://es.internationalism.org/book/print/999 ) : "Ce n'est pas Israël
qui suit les orientations nord-américaines mais ceux-ci qui sont
entraînés par les aventures de l'Etat sioniste. En particulier, les
provocations d'Israël envers l'Iran paraissent avoir comme objectif
de pousser les Etats-Unis vers un conflit ouvert avec Teheran" (nous
Fraction interne du CCI
dire que le CCI exonère le premier responsable, à savoir
l'impérialisme nord-américain, de la guerre au Liban. Mais le
CCI, continue :
"En ce qui concerne les autres grandes puissances, [...elles]
ne s’intéressent pas à la paix mais au maintien de leur propre
sphère d’influence dans la région. Elles essaieront
certainement de profiter de la faiblesse de l’impérialisme
américain, mais aucune d’elles n’est en position d’assumer le
rôle de gendarme du monde, de plus leurs intérêts
impérialistes conflictuels rendent impossible leur évolution
vers une quelconque politique commune cohérente" (CCI.
idem).
Derrière l'apparente condamnation des "autres" grandes
puissances car elles "ne s'intéressent pas à la paix", il y a en
réalité la dissimulation de leur caractère impérialiste, un
embellissement de leur politique. Les grandes puissances,
voyez-vous, auraient renoncé à toute prétention "d'expansion"
ce qui, évidemment dans un monde déjà réparti, ne pourrait se
faire qu'au détriment des Etats-Unis. Et encore moins rêventelles d'occuper la place de ce pays ; la seule chose qu'elles
veulent est le "maintien de leur propre sphère d'influence".
Cette position est complètement étrangère au marxisme. Pour
celui-ci, la lutte pour une nouvelle répartition du monde est
permanente ; elle est dans la nature du capitalisme
impérialiste.
Nous avons donc ici un nouvel exemple des conséquences de
la malheureuse "théorie de la décomposition". Non seulement
elle se cogne contre la réalité concrète - par exemple le retour
de l'Allemagne au Moyen-Orient ne cadre pas avec la théorie
du "maintien des zones d'influence" - mais aussi, comme nous
l'avons déjà dénoncé en plusieurs occasions, elle ouvre la
porte à l'opportunisme politique et à la collaboration de
classes : en présentant les grandes puissances comme des
forces opposées au chaos et à la décomposition (plutôt portés
par les "petits" pays comme Israël), elle nourrit la notion
idéologique diffusée par la bourgeoisie selon laquelle
"l'intervention" ou "l'interposition" des armées des grandes
puissances auraient effectivement comme objectif de
maintenir ou de rétablir "l'ordre et la paix" dans telle ou telle
région soumise au chaos. Cette notion cache précisément les
manoeuvres stratégiques actuelles des grandes puissances dans
leur marche vers une nouvelle boucherie mondiale.
Mais le texte du CCI nous réserve encore d'autres
incohérences et contradictions. Nul doute que le CCI est
confronté à la multiplication de faits qui mettent chaque fois
plus en évidence les manoeuvres diplomatiques,
commerciales, politiques, et surtout les préparatifs guerriers de
toutes les bourgeoisies, à commencer par ceux des grandes
puissances, qui visent à leur culmination dans une nouvelle
guerre impérialiste généralisée - et, sans doute, est-il aussi
"stimulé" par notre critique constante (3) - au point qu'il
soulignons).
Les anglophones, plus pratiques, ont opté pour une version plus
concise en coupant la phrase la plus problèmatique : "In short, the
situation throughout the Middle East is demonstrating not America’s
control of the situation, but the spread of uncontrollable chaos. This
is shown graphically by Israel’s ultra-aggressive attitude" (
http://en.internationalism.org/book/print/1860 ) : "En bref, la
situation au Moyen-Orient ne démontre pas le contrôle de l'Amérique
sur la situation mais l'extension d'un chaos incontrolable. Cela est
illustré par l'attitude ultra-agressive d'Israël".
3
Voir par exemple notre article La position du CCI actuel sur la
guerre impérialiste dans les bulletins 34 et 35 de notre fraction.
-9-
Bulletin 37
s'aventure à une nouvelle formulation pour sa théorie de
l'irrationalité :
"Tous les Etats et toutes les forces impliquées dans ce conflit
sont très occupés à élaborer des plans militaires et
diplomatiques qui correspondent à leurs propres intérêts. Ils
utilisent certainement les méthodes de calcul les plus
rationnelles pour élaborer ces plans, mais tous sont englués
dans un processus fondamentalement irrationnel :
l’enfoncement inexorable du système capitaliste dans la
guerre impérialiste qui prend aujourd’hui, de plus en plus, le
caractère de la guerre de tous contre tous. Même le puissant
Oncle Sam est happé par ce gouffre.(...). Le fait que le
capitalisme soit devenu un système vivant dans la guerre
permanente est la preuve la plus évidente que lui aussi est
dans un état de pourriture avancée et que sa survie même est
devenue un danger mortel pour l’humanité" (CCI. idem).
Dans une simple phrase d'un texte qui traite d'autre chose, le
CCI nous donne en passant, en catimini, sans avertir ses
lecteurs, une interprétation complètement différente,
contradictoire, avec ce qu'il affirme depuis déjà quelques
années. En effet, dans de nombreux textes, il défendait que
surgissaient des camarillas, des fractions bourgeoises et même
des Etats qui agissaient de plus en plus de manière
"irrationnelle". Par exemple, dans un article de 2004, il disait
que :
"(...) plus le capitalisme plonge dans sa phase finale de
déclin, la phase de décomposition, plus le terrorisme est
appelé à devenir plus sauvage et irrationnel (…). Plus la
décomposition de son système avance, plus elle engendrera
des fractions irrationnelles et irresponsables, nourrissant les
groupes terroristes, les seigneurs de la guerre et les gangsters
locaux" (CCI, 19/03/04).
A la fin juin 2006 encore, le CCI parlait d'Israël dans les
termes suivant :
"Parce que l’attitude du gouvernement israélien, dans la
parfaite lignée de celle de Sharon, montre l’irrationalité la
plus totale, l’enfoncement irrémédiable et irréfléchi dans la
barbarie. (...) .Ce qui caractérise toute la situation actuelle,
c’est le "no future", les destructions toujours plus violentes et
sans but. Chaque jour voit un pas en avant de plus vers le
néant". -30 juin 2006 (nous soulignons).
(http://fr.internationalism.org/ri370/conflits.html)
On ne peut être plus clair. Le CCI nous a parlé durant des
années
"d'irrationalité
totale",
de
"sauvagerie",
"d'irresponsabilité", de "plongée irréfléchie dans la barbarie",
de "destruction dépourvue de sens"... Mais maintenant,
soudain, il nous dit le contraire ! Maintenant il apparaît que les
Etats et les "forces impliqués" utilisent "les méthodes les plus
rationnelles" pour élaborer les "plans militaires et
diplomatiques" en accord avec leurs intérêts !
Comment le CCI se sort-il de cette incohérence ? Au moyen
d'une autre encore plus grande : "Ils utilisent les méthodes de
calcul les plus rationnelles pour élaborer ces plans, mais tous
sont englués dans un processus irrationnel". En d'autres
termes, l'activité des bourgeoisies, des fractions, des Etats, est
rationnelle et planifiée... mais ce qui est irrationnel, c'est le
"processus" de cette même activité ! C'est du pur mysticisme.
C'est comme le refrain mexicain qui dit que "l'homme propose
mais Dieu dispose". C'est-à-dire que cela suppose l'existence
d'une volonté éthérée - le "processus irrationnel" - au-dessus
de l'activité concrète, réelle - et planifiée - des hommes, des
classes sociales.
Fraction interne du CCI
Mais encore plus grave, derrière ce mysticisme, nous trouvons
à nouveau la tendance à "exonérer" les grandes puissances de
leur politique impérialiste actuelle et en particulier de leur
marche vers la guerre. Selon le CCI, ces puissances pourraient
agir "rationnellement" (ce qui, dans le langage particulier du
CCI signifie qu'elles cherchent le maintien de l'ordre actuel),
mais "malheureusement", elles seraient immergées dans un
"processus" étranger à leur raisonnement, à leur plans, qui les
conduirait à la guerre. Les grandes puissances ne seraient plus
responsables des guerres actuelles, ni de la préparation à une
possible guerre mondiale. L'unique "responsable" serait ce
fameux "processus fondamentalement irrationnel".
Un mois plus tard, le CCI a publié un autre texte sur le Liban.
Nous y trouvons, de nouveau, sans la moindre manifestation
de pudeur de sa part, sans avertir le lecteur, une série de
positions qui contredisent non seulement la première prise de
position mais aussi sa position sur les conflits impérialistes
adoptée à son 16° congrès international.
Ainsi, alors qu'en juillet 2006 il nous affirmait que "les EtatsUnis ne contrôlent pas la situation", en août il nous dit que
"cette guerre n'a pu se déclencher sans le feu vert des EtatsUnis (...). L'offensive israélienne (...) démontre la parfaite
convergence d'intérêts entre la Maison Blanche et la
bourgeoisie israélienne" (Guerre au Proche-Orient : peut-on
en finir avec la barbarie du capitalisme ? 28 août,
http://fr.internationalism.org/ri371/edito.html ).
Mais le plus intéressant est que, accablé par l'accumulation
d'événements internationaux qui clarifient la tendance actuelle
de l'impérialisme mondial, le CCI contredit maintenant, de
manière empirique, les prémisses qu'il posait à son
16° congrès pour conclure qu'une nouvelle guerre mondiale
était devenue impossible. Par exemple, en établissant que face
au pouvoir inconstestable des Etats-Unis, les autres grandes
puissances ne pouvaient plus espérer remettre en question
l'hégémonie nord-américaine, ne pouvant dorénavant que la
contester "indirectement", le CCI soulignait en particulier
l'offensive américaine pour immobiliser l'Europe et la Russie :
"En même temps, ces guerres ont de plus en plus révélé une
stratégie globale précise de la part des Etats-Unis : arriver à
une domination totale sur le Moyen-Orient et sur l’Asie
Centrale, et encercler ainsi militairement tous ses principaux
rivaux (Europe et Russie), en les privant de débouchés et
rendant possible la fermeture de toute source d’énergie pour
eux" (point 5 de la Résolution sur la situation internationale du
16º congrès)
Mais maintenant, il doit reconnaître "l'échec patent" de cette
"stratégie globale" (qu'il réduit maintenant à une simple
"tactique") :
"Enlisés jusqu'au cou dans le bourbier de la guerre en Irak en
Afghanistan, et après l'échec de leur "plan de paix" pour
régler la question palestinienne, les Etats-Unis ne peuvent que
constater l'échec patent de leur tactique d'encerclement de
l'Europe dont le Proche et le Moyen-Orient étaient
stratégiquement des cartes-maîtresses. (...)
Tous ces échecs et cette impuissance témoignent de
l'affaiblissement historique de la bourgeoisie américaine dans
la région, qui, par contrecoup, voit son leadership de plus en
plus contesté dans le monde entier. C'est d'ailleurs la raison
pour laquelle de nouvelles prétentions impérialistes d'autres
Etats s'affirment de plus en plus (...).
L'échec patent d'Israël et des Etats-Unis représente un
nouveau pas important dans l'affaiblissement de l'hégémonie
américaine. Mais loin d'être un facteur d'atténuation des
- 10 -
Bulletin 37
tensions guerrières, il ne fait qu'accroître celles-ci. Il
constitue un encouragement pour décupler les prétentions
impérialistes de tous les autres Etats" (Guerre au ProcheOrient : peut-on en finir avec la barbarie du capitalisme ?,
28 août 2006).
Très bien ! Mais alors que faut-il déduire de cette importante
modification dans le rapport des forces entre les Etats-Unis et
les autres grandes puissances impérialistes antagoniques
(Allemagne, France, Russie) ? Hé bien, ni plus, ni moins que
la confirmation d'un processus de bipolarisation impérialiste
en marche de la part de toutes les bourgeoisies vers une
nouvelle guerre mondiale. Mais que conclut le CCI de cette
constatation empirique ? Sa résolution sur la situation
internationale du 16° congrès complètement réduite en
lambeaux, il ne réussit qu'à continuer à balbutier dans la
confusion la plus complète :"Il n'annonce aucune autre
perspective qu'une déstabilisation et un chaos croissants"
(idem).
L'alternative historique : "guerre impérialiste
mondiale ou révolution prolétarienne mondiale"
Cette revue des positions des principaux groupes du camp
prolétarien montre que, s'il y a une tendance à converger dans
la compréhension de la marche vers une nouvelle guerre
mondiale engagée par la bourgeoisie, les positions sont très
loin d'être homogènes. En particulier, il nous semble que le
maintien de positions théoriques "dogmatiques" qui ne
correspondent pas à la réalité concrète actuelle sont un
obstacle pour une compréhension juste.
D'une part, le PCI-Le Prolétaire continue à souffrir du fardeau
historique de la défense des "luttes de libération nationale"
bien que cette position ait été au centre des crises politiques du
courant de la Gauche communiste dont il est l'un des
représentant. La fausseté de cette position se révèle dans
l'affirmation absurde qu'Israël a attaqué le Liban pour contenir
la lutte de libération... des palestiniens ! Cependant, le fait que
le PCI soit capable de dénoncer aussi les forces qui soit-disant
représentent la libération nationale dans cette zone (le Hamas
et le Hezbollah) comme instruments de l'impérialisme est une
preuve que cette organisation peut être capable un jour de se
dégager de sa position "historique".
Le cas du CCI d'aujourd'hui est bien plus dramatique car toute
son analyse et son cadre théorique se trouvent emprisonnés
dans la triste "théorie" de la décomposition et du chaos. Une
compréhension de la situation réelle ne peut avoir comme
point de départ que la critique de cette théorie ce qui
impliquerait une lutte politique interne dont nous doutons
fortement qu'elle puisse encore avoir lieu. Dans l'absence de
cette critique, le CCI s'achemine chaque fois plus au plan de
l'analyse de la situation internationale vers l'incohérence pure,
la confusion... et l'opportunisme.
Pour notre part, nous ne pouvons que maintenir l'appel que
nous faisions à l'ensemble du camp prolétarien à la fin de
2002 :
"Depuis le 11 septembre 2001 l'alternative « Socialisme ou
Barbarie » (...) est, à nouveau, immédiatement et pleinement
d'actualité. Le prolétariat international se retrouve, une
nouvelle fois, face à des responsabilités historiques qu'il est le
seul capable d'assumer, c'est-à-dire empêcher le capitalisme
d'imposer sa « solution » et, pour cela, mener le combat
jusqu'à la destruction de celui-ci. (...) Cependant, au-delà des
projets bellicistes de la classe dominante, la période que nous
vivons se caractérise par une classe ouvrière non défaite, qui
conserve toutes ses potentialités de lutte. De plus, cette
période met en relief la convergence de deux facteurs
essentiels : la crise et la guerre, convergence qui est à la fois
source de prise de conscience et puissant stimulant de la lutte
prolétarienne. Plus que jamais, dans la conscience et dans la
pratique ouvrière, le lien entre les revendications
économiques immédiates et les questions politiques se pose.
Face à cette situation qui contient de terribles enjeux mais
aussi de formidables potentialités, la responsabilité des
révolutionnaires est immense et leur intervention
déterminante. Concernant le danger de guerre, la question
centrale, première, à laquelle ils doivent répondre n'est pas
celle des « raisons de la guerre » : pétrole pour les uns,
guerre « sans raison », « irrationnelle » ou « géostratégique » pour les autres. La première question à laquelle
ils doivent répondre est celle-ci : oui ou non la bourgeoisie
met-elle tout en œuvre pour imposer sa solution guerrière et
en premier lieu pour l'imposer au prolétariat ?. Autrement dit,
la guerre est une donnée centrale dans la situation, un péril
que les révolutionnaires doivent ensemble dénoncer haut et
fort face à leur classe. Mais ils doivent en même temps
appeler celle-ci à assumer sa tâche historique, la révolution
prolétarienne, parce que c'est la seule réponse à apporter au
capitalisme qui est aujourd'hui plus que jamais générateur de
misère et de mort" (Une nouvelle période s’ouvre, bulletin 14,
novembre 2002).
Octobre 2006
***
Fraction interne du CCI
- 11 -
Bulletin 37
COMBATTRE L'OPPORTUNISME
Comment le CCI trahit, une nouvelle fois, une position de classe :
La question de la violence ouvrière
Dans un texte au titre on ne peut plus pédant – Thèses sur le
mouvement des étudiants du printemps 2006 en France (1) les soi-disant gardiens de l'intégrité politique du CCI
prétendent exposer les enseignements essentiels que l'on doit
tirer de cet épisode de lutte.
Le titre, à lui seul, n'évoque-t-il pas en effet un document
historique ? Un document théorique d'exception proposant de
tirer les leçons d'un mouvement majeur pour l'avenir du
prolétariat ? Un document destiné à marquer les consciences, à
les inspirer et contribuer plus largement à faire avancer la
conscience des travailleurs ?
Ce texte parle beaucoup, et avec une grande émotion, des
"jeunes générations" ; il flatte sans retenue ces "jeunes filles
étudiantes" qui sont moins "politisées" mais tellement plus
douées pour la non-violence et qui, grâce à cela, ont joué un
rôle prédominant dans la "très grande maturité du mouvement
actuel" ; il parle de "l'intuition" de ces "jeunes étudiantes"
qu'il oppose, plus loin, au comportement "violent et aveugle"
des "bandes de lascars de banlieue" (en référence aux
mouvements des banlieues en France à la fin 2005, dont le
CCI, soit-dit en passant, a oublié qu'ils avaient été déclenchés
par la mort par électrocution de deux gamins pourchassés par
la police). Et si, selon le CCI actuel, "la profondeur" (?) d'un
mouvement de lutte peut s'évaluer "en partie à la proportion
des ouvrières qui s'y impliqu(ai)ent", alors celle du
mouvement de 2006 est "historique" du fait de "la très grande
participation des étudiantes et des lycéennes".
Nous ne retiendrons pour l'instant que l'extrait ci-dessous, l'un
des plus démonstratifs de ce que nous venons de résumer :
"Une des raisons de la très grande maturité du mouvement
actuel, notamment vis-à-vis de la question de la violence,
réside dans la très forte participation des étudiantes et des
lycéennes dans ce mouvement. Il est connu qu'à ces âges, les
jeunes filles ont généralement une plus grande maturité que
leurs camarades du sexe masculin. De plus, concernant la
question de la violence, il est clair que les femmes se laissent
en général moins facilement entraîner sur ce terrain que les
hommes.
Dans les assemblées générales et les différentes commissions,
même si, le plus souvent, les étudiantes sont moins « grandes
gueules » et moins engagées dans des organisations politiques
que les garçons, elles constituent un élément de premier ordre
dans l'organisation, la discipline et l'efficacité de celles-ci de
même que dans leur capacité de réflexion collective. L'histoire
des luttes du prolétariat a mis en évidence que la profondeur
d'un mouvement pouvait être évaluée en partie par la
proportion des ouvrières qui s'y impliquaient. En « temps
normal » les femmes prolétaires, du fait qu'elles subissent une
oppression encore plus étouffante que les prolétaires hommes
sont, en règle générale moins impliquées qu'eux dans les
conflits sociaux. Ce n'est qu'au moment où ces conflits
atteignent une grande profondeur, que les couches les plus
opprimées du prolétariat, notamment les ouvrières, se lancent
dans le combat et la réflexion de classe. La très grande
participation des étudiantes et des lycéennes dans le
mouvement actuel, le rôle de premier plan qu'elles y jouent,
1
Ces "Thèses" ont été adoptées par le nouveau CCI lors du 17e
congrès de la section en France, en avril 2006.
Fraction interne du CCI
constituent un indice supplémentaire non seulement de sa
nature authentiquement prolétarienne, mais aussi de sa
profondeur."
Nous ne nous étendrons pas sur un premier et grave problème
que pose ce document du point de vue marxiste : pour
analyser et évaluer un mouvement de lutte, il fait davantage
appel à des critères de sexe, de classes d'âge, voire à des
critères biologiques et psychologiques qu'à des critères
caractérisant le terrain de classe, c'est-à-dire essentiellement
des critères d'organisation et de conscience politique. Et c'est
là un signe tangible d'un éloignement progressif du marxisme
et d'une tendance de plus en plus affirmée à mettre en avant (et
à défendre) des valeurs bourgeoises et petites bourgeoises en
vogue (le "jeunisme", le féminisme et surtout la "nonviolence").
Ayant mis de côté - sinon définitivement écarté - toute notion
de classe et de confrontation de classe entre bourgeoisie et
prolétariat, les représentants en titre du CCI actuel ont ainsi la
voie libre (et pas seulement dans ce texte mais dans toute leur
intervention tout au long de ce mouvement du printemps 2006
pour nous limiter à cela) pour trahir, travestir ce que sont et
ont toujours été les véritables positions de notre organisation à
propos d'une question aussi fondamentale pour le prolétariat
que la violence de classe.
C'est aujourd'hui à la question de l'importance, de la nécessité
de la violence de la classe ouvrière qu'il font un sort. Car dans
ce document, comme dans de nombreux autres actuellement
publiés par cette organisation, tout est fait pour dénaturer,
détourner, réduire l'importance et finalement nier la question
de la violence de la classe ouvrière à propos de laquelle tous
les révolutionnaires du passé n'ont eu de cesse d'apporter des
clarifications, pour laquelle ils ont mené des combats sans
concession et qu'ils ont tous défendus comme une nécessité
incontournable.
Ceux qui, aujourd'hui, prétendent représenter le CCI ne font
qu'exprimer des points de vue parfaitement contraires, opposés
à ceux développés par notre organisation depuis plus de 30
ans.
En quoi a consisté en effet le positionnement de l'actuel CCI
durant les mouvements sociaux du printemps dernier et quelle
fut son intervention concernant la question de la violence dans
ces mouvements ? Quelle position a-t-il défendue face à la
répression exercée par l'Etat bourgeois ? Quelle perspective
concrète a-t-il proposée pour faire face à cette répression ?
Le CCI d'aujourd'hui face à la répression
bourgeoise
Comment s'est positionné le CCI actuel au moment où l'Etat
bourgeois a envoyé massivement ses CRS et ses forces antiémeutes contre les étudiants mécontents du printemps 2006,
au moment où ces mêmes hordes policières ont attiré les
étudiants et les ouvriers dans des pièges, ont frappé les plus
isolés à coups de matraques, allant jusqu'à envoyer plusieurs
d'entre eux à l'hôpital, tandis que des centaines d'autres ont été
envoyés aux postes de police avant d'être remis aux mains de
- 12 -
Bulletin 37
la justice bourgeoise ? Et bien le CCI a soutenu… les
manifestations de "solidarité avec les CRS blessés", il a salué
ceux qui "reconnaissent que les enfants des CRS qui sont mal
payés sont eux-mêmes touchés par les attaques du
gouvernement", il a encensé, comme ayant fait "preuve de
maturité et de conscience" (alors que ce n'était, au mieux,
qu'une preuve de naïveté extrême), ces jeunes étudiants qui,
selon l'expression du CCI, "savent que derrière leurs
boucliers et leurs matraques, ces hommes armés jusqu'aux
dents (les forces anti-émeutes, les CRS !) sont aussi des êtres
humains, des pères de famille". En d'autres termes, les bras
armés de la répression bourgeoise ne sont eux-mêmes que des
"opprimés" et des "exploités" qu'il faut comprendre et
défendre. Sous cet angle, leurs intérêts ne sont-ils pas les
mêmes que ceux du prolétariat ?
Que ce discours écoeurant et mystificateur soit tempéré, par
ailleurs, par quelques phrases passe-partout destinées à
simuler une dénonciation "radicale" de l'Etat bourgeois et de
sa répression, ne change rien à la prise de position centrale ;
celle qu'aura laissée filtrer le CCI actuel dans son intervention
et qui se trouve à l'exact opposé de celle qu'a toujours
défendue le CCI dans la tradition du mouvement ouvrier.
Quelle est, quelle a été, dans des circonstances similaires, la
véritable position défendue par notre organisation ?
D'abord et de manière centrale, elle a toujours exposé la réalité
du système capitaliste, de sa violence permanente légitimée
par des lois et institutions au service de la classe exploiteuse,
la bourgeoisie, contre les classes exploitées, en particulier
contre le prolétariat. Elle a constamment rappelé et dénoncé la
mystification démocratique destinée à faire croire que les
institutions de l'Etat bourgeois auraient comme fonction
d'arbitrer équitablement les conflits entre les classes. Et
surtout, elle n'a jamais cessé de mettre en avant les
perspectives claires pour le renversement indispensable et
violent d'un tel système d'exploitation et d'inhumaine barbarie.
Il en fut ainsi, à la fin des années 1970, quand une vague
importante de mouvements sociaux s'est développée, au cours
de laquelle la classe ouvrière a joué un rôle central : ce sont la
lutte des sidérurgistes en France et particulièrement à Longwy
et Denain, la lutte des dockers en Belgique et Hollande, les
grèves en Italie notamment à la Fiat etc., vague de luttes qui
culminera avec la lutte en Pologne en 1980. A cette vague de
lutte, la bourgeoisie, dans tous les pays, a répondu par une
répression policière et syndicale coordonnée et impitoyable.
Notre organisation, au-delà d'une participation active, partout
où elle pouvait se faire entendre , orienter et proposer des
perspectives d'action, est intervenue sans ambiguïté,
notamment à travers sa presse internationale et d'une seule et
même voix, sur la base d'une seule et même orientation, pour
dénoncer sans concession les tentatives de remise en selle des
pseudo-valeurs "démocratiques" auxquelles médias, syndicats
et gauchistes donnaient de l'écho.
Le vrai CCI face à la répression bourgeoise
En décembre 1978, à l'occasion d'une dénonciation en règle de
la CGT, cette dernière volant au secours de la police pour
réclamer plus de moyens policiers, notre organisation
affirmait : "Est-ce qu'on voudrait nous faire croire que nos
ennemis, ce sont les délinquants et les cambrioleurs ?
Serions-nous assez stupides pour ne pas distinguer ceux qui,
privés de tout moyen de vivre, poussés au désespoir, sont
acculés de la délinquance à la prison ? Car c'est bien ainsi
Fraction interne du CCI
qu'est la réalité : un système d'exploitation en pleine faillite
qui marginalise des couches de plus en plus importantes de la
population et qui appelle à la délation contre ceux qu'il réduit
à la misère."
"… La police qui ne peut être autre chose que ce pourquoi
elle a été conçue : un corps spécialisé au service des patrons
et de l'Etat chargé de réprimer tout ce qui met en cause
l'exploitation et l'oppression quotidiennes…. Car défendre les
conditions de "travail" des policiers, c'est œuvrer au
renforcement d'un organe dont le rôle fondamental est la
répression contre les travailleurs. Faire croire aux
travailleurs que ce ne sont pas les mêmes personnages qui
font la circulation ou qui protègent les facteurs (comme le
réclame la CGT) que ceux qui répriment les manifestations de
ces mêmes postiers, c'est faire croire que le système
capitaliste n'est pas le système capitaliste et que les
travailleurs peuvent marcher la main dans la main avec ceux
qui les matraquent et les assassinent. Entre les faux-frères
syndicaux et les CRS, le prolétariat n'a pas d'autre choix que
de détruire l'appareil syndical et l'appareil policier." (...)
"Affronter les CRS est un acte politique par excellence. C'est
un pas dans la marche qui conduit à la destruction du pouvoir
des classes exploiteuses.." (Révolution Internationale n° 66
octobre 1979)
"Comme nous l'avons affirmé auparavant, la répression sera
chaque fois plus ouverte, massive et systématique. Le
problème de la lutte contre la répression et la violence de
classe va se poser d'une façon aiguë. Sur ce point, et partant
des expériences vivantes de ces derniers temps, on peut
dégager (…) : contre les mystifications que sans aucun doute,
la bourgeoisie d'opposition lancera, la meilleure défense
contre la répression n'est et ne sera jamais les garanties
légale et juridiques du "droit de grève" mais la lutte propre
du prolétariat. Ce ne sera pas une police "démocratique",
"nationale" et "fille du peuple" comme le clame aux quatre
vents le PCF, mais les assauts ouvriers de masse contre les
commissariats, pour arracher les détenus des griffes
policières ; ce ne sera pas un gouvernement de gauche qui
sera "moins répressif" qu'un gouvernement de droite, mais le
débordement dans la lutte de tous les carcans syndicaux,
légaux et de gauche". (Revue internationale 18 – 3è trimestre
1979 "L'évolution de la lutte de classe").
Voilà pour la position authentique et sans équivoque du CCI
concernant d'abord la nature des forces de répression
bourgeoises et surtout la claire et vigoureuse politique que
toute manifestation ou lutte de la classe ouvrière doit leur
opposer. C'est cette position que nous continuons à défendre
C'est la position de notre courant face à la répression
bourgeoise et à ses différents serviteurs. Mais il est vrai que
cette position trouve une solide assise dans le mouvement
ouvrier, dans l'expérience historique qu'il s'est forgé au cours
des luttes et des affrontements avec la classe ennemie.
Et pour éviter toute ambiguïté, l'intervention du véritable CCI
a toujours consisté à mettre en garde la classe ouvrière contre
toutes les valeurs démocratiques qu'on tente de lui faire avaler,
contre les "garanties légales et juridiques" du "droit de
grève", par exemple, derrière la défense desquelles les forces
bourgeoises tenteront toujours d'entraîner les ouvriers. C'est ce
que le positionnement adopté par le CCI actuel ne fait plus. Il
fait même le contraire quand il n'hésite pas à appeler les
manifestants de 2006 à défendre dans la rue ces mêmes droits
démocratiques : "Nous appelons les étudiants à faire entendre
- 13 -
Bulletin 37
leur voix, à participer massivement et dans le calme à la
manifestation du samedi 18 mars contre le travail précaire et
le chômage, contre la répression, contre les atteintes au droit
de grève. Le droit de grève, la liberté d'expression sont des
acquis des luttes de la classe ouvrière au 19è siècle" (Tract du
CCI du 16 mars 2006 – Nous soulignons) (Idem)1.
Le vrai CCI est une organisation révolutionnaire
de combat, au service de la classe ouvrière
En mars 1979, notre journal en France, Révolution
internationale (n° 59), donnait le ton en saluant ainsi les
travailleurs de Longwy qui s'opposaient à la répression
coordonnée de la police et des syndicats :
"… Nous tenons à saluer la riposte active des ouvriers de
Longwy à l'évacuation du ré-émetteur de télévision par les
forces de police. Dés l'évacuation, … des ouvriers d'une usine
voisine réoccupent, les ouvriers de permanence battent le
rappel par haut parleur dans les rues de la ville et
déclenchent les sirènes d'usine et le tocsin. Des ouvriers au
travail débrayent et s'arment de barres de fer, d'autres se
lèvent et les rejoignent. Hommes et femmes, tous se
regroupent en une manifestation qui décide l'attaque du
commissariat. Armés d'un bulldozer plus de deux cent
manifestants attaquent deux heures durant les policiers qui
ripostent à la grenade lacrymogène. Il faudra toute la matinée
au cours de laquelle l'union patronale sera mise à sac par des
manifestants et le commissariat de nouveau attaqué, pour que
les syndicats et le maire (PC) parviennent à calmer la colère.
L'intersyndicale fera lever le siège du commissariat…. "
Le CCI s'appuyait alors sur cet exemple, non pour dénoncer
les manifestants armés de barres de fer, non pour mettre en
garde contre cette violence légitime, mais pour dénoncer le
rôle anti-ouvrier de l'intersyndicale, de la gauche qui agissait
main dans la main avec la police, pour dénoncer le battage fait
contre les prétendus "groupes incontrôlés". Il profitera de cette
situation pour dénoncer l'ornière pacifiste des manifestations
de reprise en main de la lutte par les forces politiques et
syndicales unies de la bourgeoisie.
"Le maire dénoncera les "groupes incontrôlés" pour
demander que l'affrontement soit évité. La riposte ouvrière
collective et vivante regroupant jusqu'à deux mille personnes
en fin de matinée, se retrouvera ainsi égarée dans l'ornière
d'une manifestation mascarade et d'une tentative d'une
nouvelle opération "ville morte"".
"De cet événement, deux leçons immédiates sont à tirer : cette
fois encore, les ouvriers de Longwy ont montré qu'il est
possible d'opposer à la violence étatique et policière une
VIOLENCE DE CLASSE qui, grâce à l'action collective, à la
solidarité, au regroupement d'un maximum de forces, sait
trouver les moyens du combat contre la répression de l'Etat
bourgeois. Tous ceux qui n'ont de cesse de dénigrer la
violence ouvrière et de l'imputer à des éléments "étrangers"
mentent et se rangent aux côtés des défenseurs de la violence
capitaliste. La classe ouvrière PEUT et DOIT organiser sa
violence face aux attaques de la bourgeoisie. Les
"provocateurs" quand il y en a de vrais, la classe ouvrière sait
les éliminer. Les "incontrôlés", les "autonomes" sont un
1
A quand l'appel à défendre "le droit de vote" à l'approche de la
campagne électorale qui sévit actuellement en France, "droit" qui fut
aussi un "acquis des luttes de la classe ouvrière au 19ème siècle" et
qui n'est aujourd'hui qu'un piège permettant à la bourgeoisie
"démocratique" de la désarmer ?
Fraction interne du CCI
paravent que les syndicats utilisent pour tenter de ramener les
ouvriers au respect de leur contrôle, de leur ordre public,
l'ordre capitaliste, pour les désarmer face à la répression.
(…) "
La violence est une arme de la lutte
prolétarienne
Suite aux affrontements de rues avec la police, aux attaques de
commissariats, de sous-préfectures assiégées, aux saccages
des chambres patronales à Denain, Caen, Nantes, Longwy,
notre organisation a soutenu l'expression de la colère ouvrière
manifeste derrière ces actions à l'époque massives,
généralisées à plusieurs villes de France.
Contre la bourgeoisie qui présentait ces événements comme le
fait d'une poignée de provocateurs, nous mettions en avant :
"les premières lueurs d'une flambée prolétarienne
renaissante, bénéficiant du soutien de la population de toute
une ville, mobilisant la solidarité de régions entières peuvent
difficilement être assimilées aux "actions exemplaires
"d'éléments "autonomes" déboussolés."
Nous parlions alors de "l'exemplarité de ces luttes et de cette
violence ouvrière", saluée comme un "important pas en avant
dans la détermination au combat de la classe ouvrière",
comme un "saut qualitatif accompli par le mouvement
prolétarien dont la colère a balayé un vent de démoralisation
et de défaite insufflé depuis des années par les syndicats". (RI
n° 60, avril 79 "La violence ne suffit pas : organisons nos
luttes").
Nous interrogions : "Est-ce à cause de la seule violence des
affrontements" qu'on doit saluer cette lutte ? "Non. Depuis que
les effets de la montée de la crise se manifestent, il n'est pas
nouveau de voir les ouvriers s'affronter à la police…" Car
l'élément nouveau, "c'est que la classe ouvrière ne craint plus
de passer à l'offensive devant les attaques de la bourgeoisie…
c'est ainsi que s'ébauche une prise en charge de la lutte qui
amène les ouvriers non seulement à lutter pour la défense de
leur emploi et de leur salaire, mais à lutter par rapport à
l'ensemble de leur vie sociale et à directement remettre en
cause des rouages de l'Etat bourgeois (occupation de
tribunaux administratifs, de centres des impôts, lutte pour la
réduction des loyers dans les cités HLM…). Quant à la
violence ouvrière, elle ne fait qu'exprimer une forme
nécessaire de sa lutte. Elle traduit de fait le caractère
antagonique et inconciliable de deux classes sociales dont le
conflit inéluctable polarise l'évolution de la société dans son
ensemble. En cela, les affrontements même ponctuels et
sporadiques d'aujourd'hui annoncent l'affrontement direct et
généralisé de demain et portent en eux la nécessité même qui
refait surface dans la conscience ouvrière : le renversement
violent de l'Etat bourgeois."
Nous précisions que, bien qu'elle ne puisse représenter un but
en soi, "dans la réalité de la lutte de classe, la violence
ouvrière n'est jamais gratuite, elle s'exprime toujours comme
une réponse à une attaque directe du capitalisme", attaque qui
prend la forme d'attaques économiques drastiques mais
également "le renforcement même de la terreur étatique
utilisée comme moyen d'intimidation par la bourgeoisie (qui)
ne peut agir à terme que comme facteur de radicalisation des
luttes prolétariennes. " (Idem)
Cette position d'origine de notre organisation sur la question
de la violence est ouvertement trahie et liquidée aujourd'hui
dans les "Thèses" adoptées en avril 2006 par le nouveau CCI.
- 14 -
Bulletin 37
Là où le véritable CCI conjuguait au présent et revendiquait,
clairement et immédiatement, l'usage de la violence par la
classe ouvrière, y compris dans "les affrontements même
ponctuels et sporadiques d'aujourd'hui", les "Thèses" usent du
futur pour "repousser" à un lointain et hypothétique lendemain
cet usage, en le conditionnant au développement préalable de
"tout un processus de développement de sa conscience et de
son organisation" : "Contrairement aux classes exploiteuses,
la classe porteuse du communisme ne porte pas avec elle la
violence, et même si elle ne peut s'épargner l'utilisation de
celle-ci, ce n'est jamais en s'identifiant avec elle. En
particulier, la violence dont elle devra [emploi du futur] faire
preuve pour renverser le capitalisme, et dont elle devra se
servir avec détermination, est nécessairement une violence
consciente et organisée et doit donc être précédée de tout un
processus de développement de sa conscience et de son
organisation à travers les différentes luttes contre
l'exploitation. La mobilisation actuelle des étudiants,
notamment du fait de sa capacité à s'organiser et à aborder
de façon réfléchie les problèmes qui lui sont posés, y compris
celui de la violence, est de ce fait beaucoup plus près de la
révolution, du renversement violent de l'ordre bourgeois que
ne pouvaient l'être les barricades de Mai 1968." (Thèses sur le
mouvement des étudiants du printemps 2006 en France
adoptées au 17e congrès de RI, avril 2006, nous soulignons).
Proposer et donner des perspectives
Mais, nous dira-t-on, cette défense de la violence ouvrière
n'expose-t-elle pas le CCI à vanter par là même les mérites de
l'action minoritaire censée donner l'exemple, celle du
"terrorisme ouvrier" cher à des groupes tel le PCI-Le
Prolétaire ?
Cette défense s'appuie, au contraire de l'action isolée, sur la
lutte organisée et étendue à de larges franges du prolétariat.
Ainsi dans la même presse citée plus haut, nous affirmions en
1979 : "En France, quelle était la meilleure défense des
ouvriers d'une usine occupée devant le siège en règle de la
police et des milices patronales ? C'était précisément la
grande manifestation des ouvriers des autres usines qui ont
entouré les attaquants."
Après Longwy et Denain, les ouvriers ont hésité à pousser
plus loin leur lutte "parce qu'ils ressentent les limites de
l'action violente en soi, parce que cette action aboutit à une
impasse si elle ne surmonte pas le caractère local des
affrontements et ne débouche pas sur des perspectives pour
l'organisation de la lutte."
(…) "Leur lutte ne peut aller de l'avant que dans la mesure ou
elle rompt l'isolement, apporte une généralisation, où elle
franchit le pas d'une unité plus grande de la classe. Le
problème de la classe n'est pas de trouver une expression
violente car elle n'a pas d'autre choix, mais de réaliser un
renforcement de ses luttes". (RI n° 60, déjà cité)
Tirant les enseignements des luttes de cette période des années
1980, notre organisation a souligné le fiasco des mouvements
qui se laissent enfermer dans les manifestations pacifistes, qui
croient à l'efficacité de pétitions implorantes, au respect de la
légalité bourgeoise et de l'encadrement syndical, fiasco qui ne
conduit qu'à la démoralisation et à la défaite.
Par voie de tract, nous dénoncions le désarmement des
ouvriers par les syndicats, leur sabotage, notamment lors de la
manifestation du 23 mars 1979 à Paris, dans laquelle police et
syndicats agissaient main dans la main contre les ouvriers.
Fraction interne du CCI
"Pour s'imposer dans la manifestation nos camarades de
Longwy ont d'ailleurs dû bousculer à plusieurs reprises le
service d'ordre de la CGT… Bien pire, dès les premières
attaques policières, c'est la CGT qui a protégé les CRS de la
colère ouvrière !
Et nous proposions : "C'est nous mêmes qui devrons prendre
en mains nos actions et les mener avec la plus ferme volonté,
y compris sur le plan de la violence. Il ne peut y avoir de
réelle organisation de nos manifestations et de leur défense si
déjà nous n'organisons pas nos luttes sur les lieux de travail.
Combien de personnes ont été bousculées, piétinées, écrasées
dans la fuite face aux CRS ? C'est notre responsabilité d'être
organisés et équipés face à la violence de l'Etat. Nous devons
être capables de préparer la défense de nos manifestations
mais aussi de ne pas tomber dans la logique du seul
affrontement militaire en nous enfermant sur ce terrain."
(24/03/79)
"Longwy et Denain sont venus confirmer que, pour la classe
ouvrière, il n'y a pas de méthodes de lutte différentes suivant
qu'il s'agisse d'un pays dit "démocratique" ou d'un pays à
régime "dictatorial". Les méthodes de luttes auxquelles ont dû
recourir les sidérurgistes en France - opposer la violence
ouvrière à la violence policière, défier la 'légalité étatique', et
imposer leurs propres besoins de lutte sans tenir compte du
"respect des lois de l'Etat" -, ces méthodes sont les mêmes que
celles employées au même moment par les métallurgistes
brésiliens."
"La première des violences qu'a et aura à exercer la classe
ouvrière c'est celle qui consiste à s'organiser par elle-même et
pour cela elle aura à se heurter violemment aux forces
syndicales et gauchistes. C'est ce dont témoignent les luttes de
cette période. Dans les assemblées, c'est par la force du
nombre et des poings que les ouvriers arracheront les micros
des mains des syndicalistes ; dans la rue, ils forceront les
cordons syndicaux et ceux des CRS pour prendre la tête des
manifestations et aller de porte en porte appeler les autres
travailleurs à la lutte. C'est encore par la force qu'ils
imposeront la poursuite de la lutte lorsque celle-ci s'avèrera
nécessaire, contre les syndicats qui tentent de leur imposer
des marches enterrement, des manifestation de fin de lutte
sous les mots d'ordre de "défendre l'acier français", "la
lorraine vivra" (RI n° 63, juillet 79).
Les responsabilités des révolutionnaires dans
le mouvement actuel face à la question de la
violence ouvrière
"La tâche d'un parti révolutionnaire, disait Trotsky dans
Terrorisme et communisme, consiste à prévoir le danger en
temps opportun et à le prévenir par l'action".
Il appartient aux révolutionnaires, s'ils veulent se préparer à
jouer un rôle central, actif, dans le processus qui mène la
classe ouvrière à la révolution, d'être particulièrement clairs
dans tout ce qui concerne les méthodes, les moyens de lutte
que leur classe est et sera amenée à utiliser dans son combat
en vue de se défendre et de renverser le système capitaliste.
Et dans ce processus, la question de la violence de la classe
ouvrière demeure, comme elle l'a toujours été, un élément
central sur lequel il importe d'avoir une position claire,
tranchée, sans équivoque. Et si elle est loin d'être une garantie
de victoire, elle n'en reste pas moins un facteur inévitable,
- 15 -
Bulletin 37
indispensable dans tous les moments de lutte prolétarienne
jusqu'à la révolution.
"Le prolétariat n'a pas peur d'affirmer sans détours la
nécessité de la violence pour briser le carcan capitaliste qui
enserre la société, de l'appliquer farouchement et ouvertement
contre les forces de la contre révolution. L'expérience même
montre qu'il est impossible au prolétariat de réaliser son but,
le socialisme, sans employer la violence organisée, sans
briser la résistance de la bourgeoisie" (RI n° 56, décembre
1978 "Dictature du prolétariat et démocratie ouvrière") : telle
est la position que notre organisation, le CCI, a toujours
affirmée, revendiquant haut et fort l'usage de la violence par la
classe ouvrière, non seulement durant la période
insurrectionnelle, mais également dans chaque étape de la
lutte de classe, dans chaque moment où, pour les propres
besoins de son combat, la classe ouvrière doit affronter les
forces qui s'opposent à ce dernier.
Revendiquer l'usage de la violence par la classe ouvrière c'est
aussi le prévoir, s'y préparer, l'organiser.
Au contraire, "nuancer" et, à plus forte raison, remettre en
cause le caractère indispensable de celle-ci, c'est
immédiatement déposséder la classe ouvrière d'une de ses
armes essentielles de lutte, c'est participer de la livrer aux bras
armés de la classe ennemie et c'est participer activement à sa
défaite.
Septembre 2006
***
Réunion Publique du PCI à Paris sur la guerre au sud Liban
Lors de la réunion publique que le PCI-Le Prolétaire tenait à Paris le 20 octobre dernier, on a vu ressurgir un vieux démon que
l'on aurait pu croire disparu depuis quelques décennies : une forme de nationalisme qui, sous le couvert d'un "appui aux masses
en lutte", se fait le défenseur d'un camp impérialiste. En se revendiquant de la Gauche communiste et du "bordiguisme", de
surcroît !
Si une première partie de cette réunion s'est tenue de façon correcte, centrée sur des désaccords mais sur des bases politiques
communistes, la discussion en est vite venue au soutien - exprimé par quelques éléments ayant apparemment milité au sein du
PCI voilà plusieurs années - " aux masses libanaises en lutte contre l'Etat colon d'Israël " (sic !!!).
Les camarades du PCI et notre fraction avons réagi vivement à ces élucubrations nationalistes mais il est malheureusement
apparu qu'un certain nombre de personnes présentes se sont laissées entraînées par ce discours clairement bourgeois.
Notre souci de défendre un des rares lieux de débat des positions communistes dans la région parisienne nous conduit à appeler à
la plus grande clarté, à la rigueur et à la cohérence politique.
Les positions nationalistes défendues par certains au cours de cette réunion et surtout l'ambiguïté manifestée par d'autres face à
ces positions bourgeoises doit nous servir de leçon pour nous convaincre, les uns et les autres, de la nécessaire fermeté à
observer face à de tels débordements.
Il s'agit ni plus ni moins que de la lutte contre des positions étrangères à la classe ouvrière.
La Fraction, 28 octobre 2006
***
Fraction interne du CCI
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Bulletin 37
DEBAT DANS LE CAMP PROLETARIEN
LA QUESTION DU PARTI
Fondation du Parti ; travail de Fraction.
Quelques moments clef de l'histoire de la Gauche Communiste
Nous donnons ci-dessous un document des camarades du BIPR à propos d'un texte que nous avions publié dans notre bulletin
(voir les n°34 et 35 du bulletin). Ce texte est la réédition d'un article de 1946 du groupe "Internationalisme" et traite de la
fondation du PC Internationaliste en Italie.
La republication de ce texte de 1946 correspondait à la nature des question débattues, en lien avec l'avance des discussions que
nous menons depuis plusieurs années avec les camarades du BIPR. Ce débat est une nécessité pour l'ensemble du camp
prolétarien et nous le poursuivons en apportant, à notre tour, une réponse au texte des camarades du BIPR.
Notre réponse est publiée à la suite du texte ci-dessous, que nous a envoyé le BIPR.
La Fraction
Aux camarades de la FICCI, Paris-Mexique
Chers camarades,
Nous vous envoyons nos observations sur le vieil article du
camarade Marc à propos de la naissance de notre parti.
Nous avons essayé d’être le plus clair possible en toute
franchise, avec une position fraternelle, de camarades à
camarades.
Selon votre point de vue, le document montre “clairement que
l’accord était par contre total sur la nécessité de fonder le
Parti. Non seulement d’accord de façon théorique et générale
mais d’accord pratiquement, politiquement et de façon
immédiate”. En réalité, le cheminement théoricométhodologique qui amène Marc à exprimer son accord partiel
et conditionné à la naissance du Partito Comunista
Internazionalista est profondément différent du notre, comme
nous avons eu l’occasion de le souligner de nombreuses fois
dans les trente dernières années au moins. Pour cette raison,
nous ne nous étendrons pas dans la réponse mais nous
tenterons d’exposer ce que nous disons depuis toujours, vous
renvoyant, pour un examen plus approfondi, aux textes que
nous avons publié il y a longtemps1.
La critique que nous faisons du positionnement
méthodologique de Marc (et donc du CCI dont vous
revendiquez les position originelles) concerne les conditions
qui devraient amener la naissance du parti et le rôle de la
Fraction.
Pour Marc (mais aussi pour le Bordiguisme) le parti
révolutionnaire ne doit surgir que dans les phases montantes
de la lutte de classe, voire même pré-insurrectionnelles, alors
que dans les phases de reflux et de contre-révolution il doit se
replier sur la forme-Fraction qui a essentiellement pour tâche
de faire le bilan politico-théorique de la défaite. Comme vous
le savez puisque nous l’avons plusieurs fois réaffirmé lors de
nos rencontres, pour nous les choses sont très différentes : la
présence du parti, qui est l’instrument indispensable pour le
dépassement révolutionnaire du capitalisme, ne peut et ne doit
pas être liée aux hauts et bas (plus bas que hauts) de la lutte de
classes. Ce fonctionnement alterné peut exprimer – et exprime
1
Les textes auxquels nous nous référons sont Frazione-Partito
nell’esperienza della sinistra italiana, Prometeo n. 2, 1979 (il est sur
notre site); Il ruolo della Russia nella II guerra mondiale, Prometeo
n.3, 1979 (en particulier sur la Fraction des années 30 et la critique de
Vercesi: très important pour les développements que nous discutons
ici); Rassegna Internazionale, Prometeo n. 3, 1979, Frazione-Partito
nel corso della II guerra mondiale; Introduzione alla nascita del
P.C.Int., in Resoconti: Convegno di Torino, Congresso di Firenze. Si
vous ne les avez pas, nous pouvons vous les envoyer.
Fraction interne du CCI
– son plus ou moins grand enracinement dans le prolétariat
(jusqu’à pouvoir être, comme aujourd’hui, pratiquement nul)
c’est à dire ses dimensions numériques, mais son existence est
liée à l’antagonisme historique entre bourgeoisie et prolétariat,
qui comme tel est permanent et ne peut être dépassé que par la
disparition de la société de classe. Donc les camarades qui,
entre 1942 et 1943 fondèrent le parti ne le firent pas tant parce
que la classe ouvrière italienne secouait le régime fasciste de
grèves imposantes, mais parce que le passage des partis
staliniens de l’autre côté de la barricade était désormais
définitif. Pour dire vrai, ce parcours contre-révolutionnaire
était arrivé à son terme depuis longtemps, mais auparavant nos
camarades avaient étés dans l’impossibilité d’agir à cause des
persécutions fascistes. Indubitablement la reprise de la lutte
des classes constitua un élément supplémentaire
d’encouragement pour nos camarades, il facilita, si on peut
dire, le travail de propagande et de recrutement, il élargit la
sphère d’influence du parti mais, nous le répétons, il ne
constitua pas la motivation principale. Le noyau fondateur du
parti – constitué de camarades qui avaient passé les vingt ans
du régime fascisme entre prison et relégation et d’autres
camarades de la Fraction rentrés en Italie en 43 – était arrivé à
cette conclusion après avoir fait la critique du processus
contre-révolutionnaire commencé au début des années 20. De
plus, de ce point de vue, pour le parti – à la différence de la
Fraction – “l’énigme” de la nature sociale de l’URSS – qui
avait animé à juste raison la discussion à l’intérieur de la
Fraction – était résolue. Dès les premiers numéros de
Prometeo clandestin, l’Union Soviétique est définie pour ce
qu’elle était : un régime à capitalisme d’État.
Il est donc évident que nous partons de points de vue, Marc et
nous, très différents et qui amènent Marc à tomber dans une
lourde contradiction avec ses propres énoncés. En fait,
analysant le processus qui amena à la formation des partis
communistes dans les “années rouges”2 et de notre parti durant
la deuxième guerre mondiale, il relève un décalage entre le
mouvement des masses et l’action des révolutionnaires ainsi
qu’une faiblesse programmatique de fond dérivant de
l’improvisation et de la frilosité avec laquelle on est arrivé à
ces constitutions, dues – à leur tour – à l’urgence des luttes
montantes. À cette faiblesses s’oppose au contraire la
2
Le “Biennio Rosso” c’est ainsi qu’on nomme les années 19-20 en
Italie. La référence s’applique ici sur ces années 19-21 qui ont vu
naître les PC, en Europe et dans le monde entier (USA, Canada,
Argentine, etc.).
- 17 -
Bulletin 37
cohérence du parti bolchevik qui sut faire une œuvre sérieuse
de sélection des militants, excluant périodiquement les
courants qui pouvaient polluer la cohérence révolutionnaire de
l’organisation.
C’est juste : le parti bolchevik, durant de longues années,
sélectionna les meilleures forces du prolétariat et des
intellectuels russes ; la Troisième Internationale, au contraire,
poussée par l’ébullition du prolétariat mondial, accueillit des
forces qui, bien qu’animées par de sincères intentions
révolutionnaires, avaient fait une lecture du marxisme
révolutionnaire très souvent très approximative que les
précautions mises en œuvre (les 21 conditions1) ne furent
suffisantes à faire apparaître au grand jour. Mais alors, tout
cela démontre que la force qui se révéla seule capable de
diriger politiquement les masses vers l’objectif révolutionnaire
s’était préparée depuis longtemps et depuis des années agissait
comme parti et non pas comme courant d’opinion à l’intérieur
de partis réformistes.
C’est tellement évident que cela paraît banal, mais Marc – et
avec lui ceux qui se réfèrent à la même méthode – ne réussit
pas à voir l’importance de tout cela.
C’est vrai, les partis communistes naquirent souvent d’une
manière précipitée, sans la clarification nécessaire et sans la
sélection, tout aussi nécessaire, des forces qui allaient le
construire. Mais c’était pratiquement inévitable dans la
situation où le prolétariat poussait et où les révolutionnaires
devait préparer en vitesse et avec furie l’outil qu’ils n’avaient
pas préparé avant. De plus, souvent les partis surgirent –
comme en Italie- quand l’onde était en train de refluer et alors
il ne s’agissait plus de guider la classe à l’attaque du système
bourgeois, mais de gérer le retrait. Les effets négatifs de la
hâte, de l’approximation et des ambiguïtés non résolues
allaient ensuite s’amplifier avec l’essoufflement progressif de
l’élan révolutionnaire, jusqu’à submerger, comme nous le
savons, l’Internationale et ses partis.
D’un certain point de vue, le PCInt aussi naquit en “décalage”
partiel avec le mouvement des masses. Mais, dans notre cas,
ce déphasage n’a rien à voir avec les hésitations et les
incompréhensions théorico-politiques qui stérilisèrent les
forces politiques à l’intérieur de la IIième Internationale, avec
les très graves conséquences que Marc a souvent justement,
mais de façon incohérente – avec ses prémisses – mises en
évidence. Nous l’avons déjà dit, nous le répétons, ce furent les
conditions dans lesquelles se trouvaient nos camarades qui on
interdit au parti de surgir plus tôt et, bien que les lignes
programmatiques fondamentales nécessitaient des mises au
point, elles ne contenaient pas de faiblesses ou d’incohérences
telles qu’elles puissent amener une rupture : elles ne furent pas
à la base de la scission de 1952. ce ne fut pas non plus la
“fusion, l’adhésion de groupes et tendances” opportunistes qui
a fait éclater l’organisation pour le simple motif que
l’adhésion des militants se fit sur une base individuelle et non
collective.
La parti ouvrit les portes a des camarades qui avaient eu , dans
le passé, des positions erronées ? Mais pourquoi les refuser
s’ils avaient dépassé en les critiquant ces positions ? Si ensuite
quelqu’un cultivait – comme effectivement cela arriva – des
réserves mentales, cela pouvait rester un problème individuel,
si le “facteur-Bordiga” n’était pas intervenu, qui revitalisa de
vieilles positions en grande partie endormies. Comme nous le
1
Note du Traducteur : quand on voit que Marcel Cachin (qui pendant
la guerre fut envoyé par le gouvernement français financer la création
par Mussolini de son journal belliciste pro-français) était parmi les
dirigeants du PCF, ça laisse un peu rêveur sur les capacités des 21
conditions à barrer la route aux opportunistes …
Fraction interne du CCI
savons, les grandes personnalités ont leur poids dans l’histoire
surtout si elles se trouvent agir dans de petites “communautés
humaines” comme était (et est hélas toujours) le parti. Le
prestige de Bordiga, dans la très grande majorité des militants,
était énorme (certains, au contraire, voulaient lui botter les ...)
et, bien qu’il n’était pas inscrit, il contribua puissamment à
introduire des points de vue et des pratiques politiques
contrastant progressivement avec les positions d’origine de
l’organisation, regagnant et donnant légitimité à certaines
thèses saugrenues présentes dans la Fraction avant guerre. Le
résultat est connu : la scission de 1952...
Donc,
de
présumées
insuffisances
et
faiblesses
programmatiques du parti à sa naissance n’ont rien à voir avec
la rupture suivante, bien qu’il soit évident que sans cohérence
et clarté du programme, on ne peut aller nulle part. D’autre
part, et Marc le relève aussi, il n’y a pas de programme, même
“parfait”, qui puisse donner des garanties absolues contre le
danger de dégénérescence. Il est certain, en revanche, que les
ambiguïtés, les incohérences, les insuffisances théoriques
d’une organisation la rende plus vulnérable au contre-coups
dérivant de la marche en va et vient de la lutte de classe et
donc aux ruptures, comme en témoigne l’histoire du CCI,
littéralement traversé de scissions pratiquement depuis sa
naissance et jusqu’à la “folie” abyssale actuelle.
Un passe-partout (2)appelé fraction
Pour ce qui concerne l’analyse détaillée du rapport FractionParti, nous renvoyons aussi aux documents indiqués plus haut.
Ici, nous nous limitons à quelques brèves considérations.
Du document de Marc émerge une sorte de mysticisme de la
Fraction ; toute l’histoire du mouvement ouvrier-communiste
est relue à travers cette espèce de passe-partout qui devrait
encadrer tout chose. En réalité, selon nous, ça n’explique rien,
ou peu, sinon – selon les justes observations des RKD – que
les fractions, quand elles existent réellement, n’ont jamais
redressé le cours dégénératif du parti d’où elles sont nées. À
notre connaissance, il n’existe aucun cas historique où elle
serait parvenu à un tel résultat. Au contraire : comme nous
l’avons souligné précédemment, le fait que des courants plus
ou moins organisés – comme pouvaient l’être les Spartakistes
durant la première guerre mondiale ou la Fraction
Abstentionniste dans le PSI – soient restés inutilement dans
les vieux partis a été un frein objectif à l’apparition des partis
révolutionnaires, avec tout ce que cela a entraîné. Soyons
clairs, il ne s’agit pas de donner du haut d’une chaire des
médailles ou des torts à qui que ce soit – dans ces conditions
historiques, nous aurions probablement fait de même – mais
simplement de constater des faits.
Pour en revenir au lunettes “fractionnistes” déformantes avec
lesquelles Marc regarde l’histoire, il suffit de prendre un
exemple, parmi beaucoup d’autres, quand, parlant du PCd’I du
début des années 20, il voit une “lutte entre la Fraction
communiste de gauche et le centre et les droites” . En réalité,
la gauche n’était pas une fraction du parti, elle était le parti, et
c’est seulement avec le Comité d’Entente que l’on peut parler,
d’un certain point de vue, d’une activité fractionniste même si
les camarades qui donnèrent vie au Comité n’avaient pas
l’intention d’agir comme fraction.
Enfin, Marc insiste sur le fait que la fraction serait devenue la
véritable “âme” du PCInt parce qu’elle avait été la seule
expression organisée de la Gauche dans les années 30. Sans
rien enlever au précieux et énorme travail politique déployé
2
En français dans le texte original italien
- 18 -
Bulletin 37
par les camarades de la Fraction, on ne comprend pas
pourquoi les camarades restés dans les frontières italiennes
(c’est à dire souvent dans les prisons italiennes) n’auraient pas
dû, eux aussi, donner leur apport fondamental, étant donné
que, nous l’avons vu, sur plusieurs questions essentielles, ils
avaient déjà dépassé certains écueils théoriques sur lesquels la
Fraction s’était échouée. N’oublions pas d’autre part que
plusieurs parmi les plus actifs des camarades de l’émigration
étaient rentrés d’exil avec leur très riche patrimoine
d’expériences politiques.
Mais ensuite, pour conclure véritablement, quelle Fraction
aurait dû présider à la naissance du nouveau parti ? Elle n’était
absolument pas homogène, comme vous le savez bien, à
l’intérieur s’agitaient des positions très diverses voire
opposées : tout le contraire, en somme, de la cohérence, de
l’homogénéité, conditions sine qua non comme plusieurs fois
Marc l’a indiqué avec raison, de l’existence du parti.
Espérant avoir donné une contribution utile au débat en cours,
nous vous envoyons le salut le plus fraternel.
C, pour le BIPR
Le combat de fraction :
Une méthode éprouvée du combat politique et militant
Nous relevons d'abord que les camarades du BIPR
commencent en signalant qu'en essayant "d’être le plus clair
possible en toute franchise", ils s'adressent à nous "avec une
position fraternelle, de camarades à camarades."
S'il s'agit de pousser la critique jusqu'au bout, d'affirmer ses
positions sans fioritures, nous ne pouvons que saluer ce souci
puisque c'est la méthode traditionnelle au sein de la classe
ouvrière, la méthode que nous mettons en œuvre, le BIPR et
notre Fraction, depuis que nous avons engagé les débats voilà
quelques années.
Mais, manifestement, il s'agit de tout autre chose avec ce texte
du camarade C. (au nom du BIPR) : à notre tour, nous devons
"être le plus clair possible en toute franchise", et "avec une
position fraternelle, de camarades à camarades". Et nous
affirmons que le document des camarades nous semble bien
être une fin de non-recevoir, la conclusion définitive d'une
discussion dont de nombreux points étaient (et sont encore) en
cours d'élaboration et de clarification.
En effet – à moins que nous n'ayons pas saisi la démarche du
texte des camarades – il s'agit pour eux de réaffirmer des
thèses datant de plusieurs décennies et qui ont été très
largement mises en question sur des points cruciaux, entre
autre lors des discussions que nous avons eues avec les
camarades du BIPR au cours de réunions (dont nous avons
donné des comptes-rendus dans notre bulletin).
La démarche est déjà curieuse et ressemble fort, selon nous, à
un "repli stratégique" dont nous ne comprenons pas le sens.
Mais, de plus, l'argumentation des camarades se fonde sur un
point bien précis : les conditions de la fondation du parti et le
rôle que jouent les différents organismes politiques qui y
concourent, notamment la Fraction1. Voilà comment le texte
du BIPR pose la question :
"La critique que nous faisons du positionnement
méthodologique de Marc (et donc du CCI dont vous
revendiquez les position originelles) concerne les conditions
qui devraient amener la naissance du parti et le rôle de la
Fraction.
Pour Marc (mais aussi pour le Bordiguisme) le parti
révolutionnaire ne doit surgir que dans les phases montantes
de la lutte de classe, voire même pré-insurrectionnelles, alors
que dans les phases de reflux et de contre-révolution il doit se
replier sur la forme-Fraction qui a essentiellement pour tâche
de faire le bilan politico-théorique de la défaite."
1
L'exemple de la formation du PCInt. en 1943 est, évidemment, au
cœur de la question.
Fraction interne du CCI
Comment les camarades peuvent-ils écrire cela ? Mystère !
Car il ne s'agit pas seulement, de leur part, d'un "oubli" des
points de vue et positions que nous avons défendus en leur
présence ou à travers nos publications, comme dans le passage
suivant :
"Sur la question du parti, il y a eu de très nombreux et très
importants points d'accord comme celui de la nécessité vitale
du parti, de l'organisation politique de la classe ouvrière ;
accord sur le fait que cet organisme n'est pas automatique et
ne surgit pas spontanément à la "chaleur" des luttes. Il y a eu
aussi un plein accord sur le fait que toutes les forces
communistes d'aujourd'hui doivent canaliser leurs efforts pour
favoriser l'apparition du parti avant la vague
révolutionnaire."
Bulletin n°33 déc. 2005 "Discussion avec le BIPR les 30 et 31
juillet 2005".
Il s'agit aussi d'un oubli d'une ampleur bien plus importante
puisque c'est de leurs propres écrits qu'ils ont perdu le
souvenir… ou qu'ils passent discrètement à la trappe. Ainsi,
dans le même bulletin 33, la Fraction publiait un document du
BIPR intitulé "La question de la conscience :bases de
discussion" ; les camarades écrivaient :
"….. Ce qui ne veut pas dire que le parti puisse vivre une vie
autonome, indépendante de tout le contexte social alentour.
Dans les phases lourdement contre-révolutionnaires, il arrive
que les rapports ténus qui les lient soient rompus, que la
classe en vienne à être battue par l'adversaire et que le parti
soit littéralement annulé. Mais cela n'empêche pas que les
avant-gardes continuent l'effort de se donner un minimum de
continuité politique et organisative en fonction de ce que la
situation permet. Ce n'est pas le parti qui choisit les
conditions dans lesquelles il intervient, naît ou disparaît. Au
contraire, ce sont les conditions économiques et sociales qui
définissent les rythmes de la lutte de classe et la possibilité
d'intervention du parti qui ne peut pas se dispenser d'essayer
d'être le point de référence de la lutte de classe quel que soit
le niveau de celle-ci"
Dans le premier passage cité, notre fraction clarifie un point
qui pouvait paraître ambigu dans les textes de notre courant
politique : le Parti est un outil indispensable à la classe et sa
fondation ne se fait pas à la chaleur de la lutte, c'est à dire dans
les périodes insurrectionnelles (voir pré-insurrectionnelles).
C'est dès maintenant qu'il faut travailler aux conditions de la
naissance du parti communiste. Voilà la position que nous
avançons et qui est une précision et une clarification. Nulle
- 19 -
Bulletin 37
part dans ce passage comme dans les textes de la fraction (ni
même du CCI avant 2000) il n'est question d'attendre une
quelconque "phase montante de la lutte de classe" avant
d'envisager la fondation du parti et de se replier sur la forme
fraction dans les phases contraires.
Que, par contre, il puisse exister des périodes de recul
tellement profond que "le parti soit littéralement annulé" ce
sont les camarades du BIPR eux-mêmes qui le disent et
l'écrivent. Et nous sommes en parfait accord avec ce jugement.
Dans ces "phases lourdement contre-révolutionnaires", le
processus qui amène à "l'annulation" du parti lui-même passe
non seulement par la rupture des liens entre le parti et la classe
mais aussi par une dégénérescence politique et organisative du
parti.
Au fil de ce processus, dans un premier temps, les militants
(ou plutôt les secteurs du parti) ont pour tâche prioritaire de
combattre au sein de l'ancien parti pour tenter de le redresser si
la situation le permet, de garder un maximum de forces
militantes au prolétariat, de sauvegarder les principes
cardinaux du programme. Cela consiste aussi à faire le bilan, à
tirer les leçons de la défaite1.
Dans un second temps, quand il devient clair et évident que le
parti est passé à l'ennemi, le rôle des minorités qui restent sur
le terrain politique de la révolution consiste à préserver l'acquis
politique et programmatique, à former les cadres du futur parti,
à travailler ainsi à sa future fondation quand les conditions le
permettront. Il y a donc un lien et même une continuité
politique évidente entre le travail fait par ces minorités et le
nouveau parti.
Avec l'ensemble de la Gauche communiste –et, sur ce point
précis, avec la Gauche italienne qui, seule, a défini et mis en
œuvre cette stratégie politique– nous nommons cette pratique
politique "le travail de fraction".
Si les camarades du BIPR jugent que cette appellation est
sujette à caution ou porteuse d'ambiguïtés, ils peuvent toujours
proposer une autre dénomination, nous n'avons pas le goût des
fétiches. Mais qu'ils nous expliquent clairement où ils ont vu
un "passe-partout". Ni dans le groupe "Internationalisme" des
années 1940, ni dans le CCI d'avant 2000, ni dans la FICCI, il
n'a jamais été question d'exalter la "forme" fraction comme
étant "la solution enfin trouvée" de l'organisation dans les
phases de recul et de contre-révolution.
Aussi bien dans ce courant politique (dont nous nous
revendiquons) que dans les groupes qui, dans l'entre-deuxguerres, ont combattu la dégénérescence stalinienne des PC et
de l'I.C., la notion de fraction s'est imposée comme le nom
donné au combat pour la sauvegarde des principes
communistes au sein de partis en cours de dégénérescence.
Dans ce combat, les camarades de la Fraction des années 1920
à 1940 ont été amenés à montrer que, dans la vie des
organisations politiques du prolétariat, dans les Partis
révolutionnaires, la pression de l'idéologie bourgeoise se
faisait sentir à travers des concessions politiques et théoriques
de la part de certains secteurs des partis et organisations.
Contre ces abandons, toute l'histoire de la classe le montre, des
militants et des courants se sont levés pour conserver au parti
son intransigeance programmatique. C'est peut-être un
1
Cette tâche prioritaire ne peut et ne doit se faire qu'en lien avec la
classe dans son ensemble. Ce qui signifie l'intervention des militants
au sein des luttes de la classe qui, même dans les phases contraires,
continuent de résister aux attaques de la bourgeoisie.
Fraction interne du CCI
raccourci que de nommer cela un combat de fraction mais
l'idée essentielle de Bilan et d'Internationalisme hier, de la
FICCI aujourd'hui –et les camarades le savent bien !– est
d'affirmer qu'au sein même des organisations politiques, au
sein des partis, se déroule une lutte politique qui exprime la vie
de ces organismes et leur combat contre l'influence
idéologique de la classe ennemie.
Nul "mysticisme de la Fraction", donc, de notre part ! Quant à
dire, comme le font les camarades du BIPR, que "les fractions,
quand elles existent réellement, n’ont jamais redressé le cours
dégénératif du parti d’où elles sont nées.", pardonnez-nous,
camarades, mais cet argument est stupide !
D'abord, s'il était vrai qu'aucune fraction n'ai réussi à redresser
un parti, cela n'enlèverait rien à l'absolue nécessité de mener le
combat. Faudrait-il laisser le terrain à l'ennemi ? Faudrait-il
renoncer à mener la bataille parce que l'on n'est pas sûr de
vaincre ? Ce n'est pas un point de vue communiste, vous le
savez bien ! Ce n'est pas ce que l'on dit quand on intervient
dans une lutte ouvrière où l'on sait que le résultat, ne serait-ce
qu'au plan revendicatif, est bien peu assuré.
D'autre part, qui a jamais prétendu que le travail de fraction se
donnait comme seul et unique objectif de redresser le parti ?
Comment peut-on ignorer que dans ce travail, justement, se
clarifient et se précisent les orientations politiques et
programmatiques qui permettront demain de donner naissance
à une organisation, un parti, mieux armé pour jouer son rôle
dans la classe ? Que serions-nous, nous les "héritiers" de la
Gauche, sans ce combat qui n'a certes pas redressé les partis de
l'I.C. mais nous a légué un patrimoine politique
incomparable ?
Mais surtout les camarades passent allégrement sous silence le
combat de la fraction bolchevik du POSDR2 qui n'a peut-être
pas "redressé le cours dégénératif" du parti ouvrier social
démocrate russe (encore que cela reste à démontrer !) mais est
parvenu, grâce à un travail de plusieurs années, à créer les
bases qui ont permis la fondation du Parti Communiste Russe.
L'important à souligner dans ce contexte c'est bien qu'au sein
d'un parti ou d'une organisation politique qui connaît un cours
dégénérescent, la responsabilité première des communistes est
de combattre pour tenter de le redresser puis, si cela s'avère
impossible, d'en sauver les principes fondamentaux (et le
maximum de forces militantes). Et c'est sur la base de ces
principes programmatiques, des leçons tirées de la défaite et,
éventuellement, des forces militantes qui ont pu être dégagées
du cours dégénérescent que sera fondé le nouveau Parti, en
fonction des conditions sociales et historiques car, comme le
disent les camarades dans leur texte : "Ce n'est pas le parti qui
choisit les conditions dans lesquelles il intervient, naît ou
disparaît."
2
Que les camarades nous pardonnent cette précision, mais le terme de
fraction bolchevik n'est pas le fait de notre "mysticisme de la
Fraction", c'est la dénomination que Lénine et ses camarades se
donnaient. Quand on connaît le souci de Lénine pour ce genre de
chose (voir son combat pour l'appellation de " Parti Communiste " en
mars 1918) on comprend que ce n'est pas un hasard s'il parlait de
fraction bolchevik.
- 20 -
Bulletin 37
Processus de regroupement : une clarification déjà
obtenue et que nul ne peut ignorer
Cela étant dit, on peut s'interroger sur la démarche des
camarades du BIPR.
Depuis quelques années, les discussions entre le BIPR et la
FICCI avaient abouti à dégager un cadre commun sur lequel il
était possible de poursuivre la clarification. Sur de nombreux
sujets des incompréhensions mutuelles avaient été levées, des
pas en avant avaient été faits, notamment sur la question de la
décadence, sur la conscience, sur les conditions d'émergence et
de fondation du Parti
Nous ne pensons pas nous faire des illusions en disant que ces
discussions - dont nous rendons compte dans notre bulletin ont eu un effet bénéfique, non seulement pour nos deux
organisations mais aussi pour les groupes et individus en
recherche de clarification politique.
Beaucoup de questions nous semblent encore devoir et pouvoir
être clarifiées. Les conditions de la fondation du Parti
communiste internationaliste en 1942/43 et les débats auxquels
cela a donné lieu sont une de ces questions (et certainement
pas la seule, ni la principale). Mais, à la différence des
camarades du BIPR, ce qui nous importe n'est pas de donner
des bons et mauvais points à ceux-ci ou ceux-là mais de
prendre en compte les questions qui sont restées, à l'époque,
sans réponse satisfaisantes, de les reposer dans un cadre défini
en commun afin de cerner précisément où étaient les
désaccords, d'essayer de les dépasser.
Encore une fois, il nous paraît évident que la clarification sur
ces questions ne concerne pas seulement la FICCI et le BIPR.
C'est, selon nous, un travail qui va dans le sens de la
préparation du futur Parti de la classe ouvrière et cela concerne
donc l'ensemble du camp prolétarien. Quelle que soit la
conscience que celui-ci en prenne ou n'en prenne pas
aujourd'hui.
D'autres points restent à clarifier, sur la questions du parti entre
autre. Mais aussi sur le rôle des minorités communistes dans
les luttes dans la période actuelle, sur le combat contre les
formes que prend l'opportunisme aujourd'hui, sur l'analyse de
la situation politique de la bourgeoisie et les perspectives que
les révolutionnaires se doivent de donner à leur classe, sur le
mode du processus de regroupement/sélection des énergies
révolutionnaires dans la perspective du Parti.
Sur toutes ces questions, nous affirmons que le BIPR a un rôle
central à jouer en tant que pôle de regroupement. L'énorme
responsabilité que ce rôle confère au BIPR doit être clairement
saisie et prise en charge. Et nous regrettons profondément
qu'avec une attitude telle que leur texte la révèle, les
camarades ne jouent pas ce rôle et, pire encore, courent le
risque d'y faire obstacle.
Pour sa part, la fraction poursuit et poursuivra le travail de
clarification et continuera d'en appeler au BIPR pour qu'il
assume son rôle de pôle de regroupement.
La Fraction, octobre 2006
***
NOTES SUR LES TEXTES DU GPR-K DE RUSSIE
Gruppa proletarskikh revolyutsionerov-kollektivistov
[Groupe des Collectivistes Prolétariens Révolutionnaires]
Ce groupe participe au forum de discussion internationale en Russie. La presse du CCI a déjà mentionné l'existence de ce forum
auquel il a participé en y envoyant des textes et en les reproduisant dans sa Revue internationale (en particulier dans le numéro
119). Le lecteur lisant, outre le russe, l'anglais et l'allemand peut prendre connaissance de certains textes du groupe sur le site
http://russia.internationalist-forum.org. Les textes auxquels se réfèrent les Notes ci-après nous ont été envoyés directement par
le GPRC après traduction de leur part en anglais. Assez longs, il nous est difficile de les reproduire dans notre bulletin. Bien
évidemment, nous pourrons les envoyer à tout lecteur qui en ferait la demande.
1. Il est fondamental que les groupes qui ont pour objectif la
révolution prolétarienne mondiale aient des relations entre eux
au travers de l'échange de nouvelles, d'analyses, d'expériences,
et au travers des débats en vue de la clarification politique.
C'est un pas nécessaire vers la création du futur parti
révolutionnaire international du prolétariat. Cette relation entre
les groupes est d'autant plus indispensable qu'ils ont vécu de
"manière parallèle", restant pratiquement sans se connaître, du
fait de la contre-révolution et de la division en deux blocs
impérialistes imposée par le capitalisme au 20ème siècle. C'est
la raison pour laquelle nous saluons l'initiative du GPRC qui,
sautant par dessus les barrières géographiques et de langue, est
entré en contact avec les groupes "occidentaux" actuels de la
Gauche communiste et a présenté ses positions
révolutionnaires.
Il est tout aussi important que le GPRC donne à connaître tant
la situation de la classe ouvrière que l'expérience et les leçons
des luttes ouvrières qui se sont déroulées dans les républiques
Fraction interne du CCI
de l'ex-URSS et qui sont, encore aujourd'hui, peu connues,
voire inconnues, en "occident" surtout à cause de la censure
des médias bourgeois, tout comme l'histoire, l'expérience et les
leçons des groupes révolutionnaires de ces régions (tant du
passé que d'aujourd'hui).
2. Nous avons lu avec attention les documents que le GPRC
nous a envoyés (Les trois phases de la lutte prolétarienne,
Une classe ouvrière passive ?, Remarques sur le livre du CCI).
Evidemment, nous considérons que le GPRC défend des
positions politiques fondamentales qui le placent du côté de ce
que nous appellons le camp prolétarien. C'est-à-dire du côté
des groupes qui défendent les intérêts et les objectifs
révolutionnaires du prolétariat (à la différence de la gamme
des groupes gauchistes qui, bien que s'appelant
"communistes", "marxistes, "anarchistes", etc., défendent les
intérêts de classe de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie
et font partie de "l'extrême gauche du capital"). Ces positions
- 21 -
Bulletin 37
du GPRC, véritables frontières de classe, apparaissent, bien
que sommairement, dans le texte Les trois phases :
"De nombreuses leçons de cette période (nécessité de la
rupture avec toute forme de social-patriotisme, nécessité de la
transformation de la guerre impérialiste en guerre civile,
nécessité de détruire l'Etat bourgeois et d'établir la dictature
des prolétaires en arme organisés en assemblées générales et
en soviets, nécessité de l'organisation de l'avant-garde
révolutionnaire avec un objectif clair et une volonté
intransigeante) ont à jamais une grande signification pour la
lutte prolétarienne révolutionnaire. (...).
Nous devons lutter contre les illusions sur le «bon
capitalisme», sur les «bons politiciens», sur les partis
bourgeois et les syndicats comme sauveurs. Nous devons lutter
pour le programme de la révolution sociale, la destruction de
l'Etat bourgeois, l'abolition de l'ordre capitaliste, pour le
pouvoir direct des assemblées générales et pour la
socialisation des moyens de production, pour le communisme"
(traduit par nous de la version anglaise du texte envoyé par les
camarades du GPRC).
Si nous avons bien compris, le GPRC partage les positions de
principe défendues par la plupart des groupes de la Gauche
communistes :
- la révolution prolétarienne comme destruction de l'Etat
bourgeois et l'établissement de la dictature du prolétariat ;
- la dictature du prolétariat prend la forme des soviets ;
- la nécessité d'une organisation révolutionnaire pour le
prolétariat, l'avant-garde de la classe ;
- le combat contre toute forme de nationalisme, socialpatriotisme, etc., c'est-à-dire contre toute forme de défense de
la nation, de l'Etat bourgeois ;
- le rejet du réformisme, de l'électoralisme et du syndicalisme
comme autant de formes de domination de la bourgeoisie sur
le prolétariat ;
- le communisme n'est pas le capitalisme d'Etat (monopole
étatique des moyens de production où subsiste l'exploitation
salariale et les classes sociales), mais précisément l'abolition
du système d'exploitation du travail salarié.
3. En même temps, toute une série de doutes et de divergences
nous apparaissent dans les documents du GPRC qu'il faut
discuter pour essayer de les clarifier et à partir desquelles nous
pourrions développer quelques questions de manière
spécifique, concrète car, du fait de l'aspect général et
synthétique des documents dont nous disposons, nous ne
pouvons que faire des observations aussi très générales. On
peut les résumer à deux questions qui, nous semble-t-il, sont
reliées :
a) Si, d'un côté, le GPRC exprime sa sympathie pour les
courants de la Gauche communiste (en particulier italienne,
allemande et russe), il insiste d'autre part sur la nécessité de
"synthétiser dans une nouvelle théorie les acquis des théories
révolutionnaires
du
passé,
acquis
des
courants
révolutionnaires du marxisme, de l'anarchisme (spécialement
de la tradition de Bakounine et de la FORA) et des
révolutionnaires narodnichestvo". Notre question est la
suivante : quels aspects concrets de l'anarchisme de Bakounine
et des narodnichetvso le groupe revendique-t-il ? Lesquels
faudrait-il intégrer - ensemble avec quelques aspects de
marxisme - dans ce qu'il appelle une "une nouvelle théorie
révolutionnaire" ?
b) S'il exprime avec une grande force la nécessité de la
révolution prolétarienne, simultanément il exprime aussi (tant
Fraction interne du CCI
dans Les trois phases... que dans Une classe ouvrière
passive ?) une tendance à sous-estimer - pour le moins sinon à
douter voire à nier - la capacité du prolétariat moderne à se
poser comme sujet de la révolution.
Nous entendons par prolétariat "moderne" la classe de
travailleurs salariés qui surgit à partir de la "soumission réelle"
du capital, c'est-à-dire de la classe de travailleurs dépossédés
de tout moyen de production, "déqualifiés" (c'est-à-dire
qu'individuellement, ils ne possédent pas la connaissance de
tout le processus de production), qu'ils ne comptent
uniquement que sur leur force de travail qu'ils doivent vendre
pour survivre - et qui inclut non seulement les ouvriers
"typiques" de la grande industrie mais aussi des différents
secteurs des transports, des matières premières, de
l'agriculture, des services publics (instituteurs, hopitaux,
nettoyage), etc. C'est-à-dire tous les travailleurs salariés qui
n'exploitent pas la force de travail et font partie d'une manière
ou d'une autre de l'engrenage du mode de production
capitaliste, de "l'ouvrier collectif".
Or, une sous-estimation du prolétariat comme sujet de la
révolution apparaît en diverses parties tout au long de l'analyse
développée par le GPRC (tant dans l'histoire de la classe
ouvrière que dans la situation actuelle - spécialement de la
classe ouvrière en Russie). Par exemple :
- dans ce qu'ils appellent "l'étape révolutionnaire de
l'évolution du capitalisme", les luttes révolutionnaires de la
classe ouvrière ne sont pas le produit du processus de
conformation et de maturation de la classe ouvrière mais de
son existence dans sa phase "initiale". Selon le GPRC, cela
implique deux traits ou attributs qui lui donnent son caractère
révolutionnaire et qui se perdent par la suite "dans la phase
réformiste du capitalisme" : en étant une classe de travailleurs
qualifiés (les artisans) ou bien en étant des ouvriers de
"première génération" qui ainsi gardent leurs traditions
paysannes communautaires. Ainsi, dans cette phase, si on suit
le GPRC, le prolétariat est révolutionnaire non parce qu'il se
constitue comme la classe exploitée du capitalisme, comme le
prolétariat "moderne", mais parce qu'il maintient des traits
précapitalistes, c'est-à-dire comme artisan qualifié ou comme
paysan communautaire ;
- cette notion est confirmée, selon le GPRC, par le fait que les
révolutions prolétariennes du début du 20e siècle ont eu lieu
dans des pays "retardataires" dans lesquels le capitalisme ne se
trouvait pas encore dans sa "phase révolutionnaire" et dans
lesquels le prolétariat conservait les traits primitifs définis
précédement ;
- finalement, son analyse sur la situation actuelle de la classe
ouvrière suit aproximativement le même fil conducteur sur la
perte des traits révolutionnaires initiaux de la classe ouvrière
comme cause fondamentale de ses difficultés actuelles (même
si le groupe ajoute d'autres facteurs pour cette perte tels que la
diminution et la désagrégation du "prolétariat industriel" et la
perte de sa mémoire historique dû à la répression stalinienne).
C'est la raison pour laquelle il considère que les fractions du
prolétariat "les plus receptives" à l'idée de la révolution sont
celles des pays les plus retardataires ou que le "prolétariat
industriel" a cessé d'être "l'avant-garde" du prolétariat laissant
ce rôle aux chômeurs, aux "petits boulots", aux étudiants, etc...
"C'est la nouvelle classe ouvrière du capitalisme naissant ou
périphérique qui est la plus réceptive aux idées
anticapitalistes. Encore sous l'influence des anciennes
traditions du collectivisme rural (le village mir en Russie, la
première génération de travailleurs perçoit le capitalisme
comme étrange et pas naturel. Ils peuvent voir ses débuts,
donc ils peuvent imaginer sa fin. (...) En opposition, la classe
- 22 -
Bulletin 37
ouvrière héréditaire du capitalisme mature ne connaît pas
d'autre monde et donc a beaucoup de mal à imaginer un ordre
social différent" (Une classe ouvrière passive ?, nous
soulignons)
"La lutte prolétarienne d'aujourd'hui est entrée dans une
nouvelle phase, une nouvelle époque. Nous devons analyser
cette nouvelle phase et agir en fonction. Nous ne devons pas
avoir d'illusions. Les conditions sont très difficiles, le
prolétariat moderne n'est pas une classe d'artisans qualifiés ,
ni une classe de travailleurs de transport. Le prolétariat
moderne est fortement atomisé par le développement du
capitalisme. Mais il est nécessaire d'agir dans la situation
réelle du présent. (...) En premier lieu, les ouvriers d'industrie
ne sont plus l'avant-garde du prolétariat (...). La cause
objective de cela est la tendance à la désindustrialisation dans
le capitalisme décadent moderne. (...) Ils ne sont qu'une
minorité de la classe entourés d'une grande masse de sansemploi, ou partiellement employés et de prolétaires «autoemployés»" (Les trois phases..., nous soulignons).
Cependant, malgré les difficultés qu'a le GPRC pour voir dans
le prolétariat moderne le sujet de la révolution, il n'en demeure
pas moins que le groupe s'efforce de le reconnaître comme tel :
"Mais dans la polémique contre «l'ouvriérisme», il serait
dangereux de tomber dans les erreurs de la «nouvelle
gauche». Les ouvriers d'industrie ne sont qu'une partie du
prolétariat, mais ils sont une partie du prolétariat. Plus. Ils
ont la force de stopper la machine de production du
capitalisme ce qui est impossible pour les étudiants, les
retraités et les chômeurs. Pour utiliser des termes de vieilles
sciences militaires, il est possible de voir en eux l'infanterie
lourde qui entre la dernière dans la bataille mais dont dépend
le résultat de celle-ci. Car son infanterie légère des étudiants,
des jeunes déclassés des banlieues, etc., doit essayer d'initier
la lutte des ouvriers d'industrie. La révolution prolétarienne
ne peut être le résultat que de la lutte commune de toute la
classe prolétarienne. (...) Nous devons nous rappeler que la
révolution sociale ne peut être réalisée que par tous les
groupes prolétariens - des prolétaires au travail intellectuel
aux prolétaires de la «hightech» en passant par les ouvriers
de l'industrie et en incluant les groupes les plus malheureux et
exploités du prolétariat (...)" (Trois phases...).
4. Par rapport à tout ce qui précéde, il y a beaucoup de
considérations critiques que nous pourrions faire de la
conception des "trois phases" que le GPRC développe.
Cependant, nous ne pouvons que les ébaucher ici car un débat
sérieux et profond devra s'engager non à partir de cette vision
générale, mais à partir des différentes analyses plus concrètes
(par exemple, sur l'étape intiale du mouvement ouvrier, sur la
signification de l'époque de la 2e Internationale, de l'étape qui
s'ouvre à partir du début du 20e siècle, de celle qui s'ouvre à
partir de 1968 ou de celle qui commence à partir de la chute du
bloc impérialiste russe à la fin des années 1980, etc.), et
seulement après pourrons-nous arriver à des généralisations.
Ainsi, le GPRC voit l'étape initiale du mouvement ouvrier
comme un processus de perte de sa conscience révolutionnaire
originale. Pour nous, il s'agit justement du processus contraire.
En premier lieu, le prolétariat se forme comme classe
indépendante, autonome. Il passe de "classe en soi" à "classe
pour soi" en se dégageant, en devenant indépendant du
mouvement révolutionnaire de la bourgeoisie, en cessant de
servir de chair à canon des révolutions bourgeoises et en
menant sa propre lutte, pour ses propres revendications,
Fraction interne du CCI
intérêts et objectifs de classe (le mouvement chartiste, etc.).
Simultanément, la théorie révolutionnaire rencontre - avec le
marxisme - justement dans le prolétariat industriel moderne le
sujet de la révolution en opposition aux courants qui, bien
qu'ils mettaient en lumière l'exploitation capitaliste, n'étaient
pas capables alors de trouver la "clé" du dilemme historique.
Cette théorie était en opposition non seulement aux courants
du "socialisme utopique" (qui voyaient dans la bonne volonté
de la bourgeoisie, dans un système éducatif, etc.; le levier
d'une transformation sociale), mais aussi en opposition aux
courants "conspiratifs" (qui défendaient essentiellement
l'existence d'un groupe conspiratif choisi et conscient qui
planifierait et mènerait à bien la "révolution" depuis "le haut",
entraînant derrière lui les masses plus ou moins inconscientes,
c'est-à-dire qu'elles ne se dégageaient pas encore du cadre
idéologique des révolutions bourgeoisies). Et, vu la "vision
pessimiste" (sic) sur les capacités du prolétariat actuel
qu'exprime le GPRC, nous sommes en droit de nous demander
si, par hasard, il ne serait pas en train de développer une notion
de ce type par rapport à la nécessaire "organisation d'avantgarde".
Ensuite, par rapport à la caractérisation des révolutions russe et
espagnole comme des "révolutions de la première période", le
GPRC fait tout simplement abstraction du fait que celles-ci ne
sont qu'une partie, que le premier et le dernier chaînon de la
vague révolutionnaire véritablement internationale qui marque
précisément l'entrée du capitalisme dans sa phase terminale, de
décadence, comme la "maturité" du prolétariat comme classe
révolutionnaire dans le sens où il est capable d'essayer de
mettre à bas le système capitaliste mondial. Il fait même
abstraction au niveau de la révolution russe elle-même du fait
que la fraction d'avant-garde du prolétariat n'est pas celle des
"artisans", ni celle des "ouvriers de première génération" mais
le prolétariat expérimenté des grandes industries des villes
principales.
D'autre part, les courants marxistes "de gauche" (qui, par
exemple, défendaient la nécessité de la destruction de l'Etat
bourgeois et l'instauration de la dictature du prolétariat 1) n'ont
pas surgi spontanément de la période révolutionnaire mais ils
se sont préparés, développés, en lutte contre le réformisme et
l'opportunisme durant les décennies précédentes, c'est-à-dire
durant la période finale d'expansion du capitalisme, au sein
même de la seconde Internationale, raison pour laquelle
l'expérience de celle-ci ne peut être simplement rejetée comme
du "pur réformisme".
Ainsi, la période que le GPRC appelle "troisième phase" qui
commencerait à partir de 1968 nous apporte plus de questions
que de clarifications.
1
Par exemple, en 1891, Engels tirait des leçons fondamentales sur
l'Etat capitaliste et la dictature du prolétariat (qui ne sont autres que
celles que reprend le GPRC) : "En réalité, l'État n'est rien d'autre
qu'un appareil pour opprimer une classe par un autre, et cela, tout
autant dans la république démocratique que dans la monarchie ; le
moins qu'on puisse en dire, c'est qu'il est un mal dont hérite le
prolétariat vainqueur dans la lutte pour la domination de classe et
dont, tout comme la Commune, il ne pourra s'empêcher de rogner
aussitôt au maximum les côtés les plus nuisibles, jusqu'à ce qu'une
génération grandie dans des conditions sociales nouvelles et libres
soit en état de se défaire de tout ce bric-à-brac de l'État.
Le philistin social-démocrate a été récemment saisi d'une terreur
salutaire en entendant prononcer le mot de dictature du prolétariat. Eh
bien, messieurs, voulez-vous savoir de quoi cette dictature a l'air ?
Regardez la Commune de Paris. C'était la dictature du prolétariat"
(Introduction à la La Guerre civile en France de K. Marx).
- 23 -
Bulletin 37
Premièrement, quelle est la détermination économique de base,
le changement fondamental dans le capitalisme, qui marquerait
la fin de la "seconde étape" et le début de la "troisième étape"
du système capitaliste ?
Pour nous, la fin des années 1960 est un moment de tournant
historique. En deux aspects : elle marque la fin de la période
de reconstruction (non pas tant celui du "boom économique")
du deuxième après-guerre et ainsi la fin de la période de
contre-révolution qui avait commencé au milieu des années
1920 avec la défaite de la vague révolutionnaire internationale.
Mais il ne s'agit pas d'un tournant "essentiel" dans le système
capitaliste de production. Ce n'est pas la fin de "l'étape
réformiste". En tous cas, nous pourrions dire que le "capitaliste
réformiste" se termine avec la propre phase d'expansion du
capitalisme à la fin du 20e siècle. A partir de là, la stagnation
économique chronique, la guerre impérialiste généralisée et la
révolution prolétarienne internationale marquent l'étape
décadente, terminale, du capitalisme, dont 1968 représente
seulement un épisode.
Deuxièmement, le GPRC défend que "toutes les années 1970
ont été un nouveau moment de bifurcation, de nouvelles luttes
entre le prolétariat et la bourgeoisie - qui gagna la lutte pour
sa solution de classe de la crise sociale. Dans cette lutte, le
prolétariat a été battu et la bourgeoisie commença son
offensive totale". D'une part, effectivement les années 1970,
jusqu'au milieu des années 1980, ont vu une série de vagues de
luttes du prolétariat à l'échelle internationale et en particulier
dans les pays d'Europe dont on peut considérer que le point le
plus haut a été la grève de masse en Pologne en 1980. Nous
supposons que les camarades se réfèrent à cela. Mais, dans un
tel cas, cette période contredit de nouveau la notion selon
laquelle le prolétariat industriel des "vieux" pays serait pour le
moins impuissant.
D'autre part, nous ne savons pas si le GPRC considère que la
"défaite" du prolétariat à laquelle il se réfère, est de la même
amplitude historique que celle qu'il a subie dans les années
1920. Dans ce cas, il faudrait aussi démontrer qu'elle présente
des caractéristiques similaires à celles des années 1920 de la
défaite physique et idéologique que, selon nous, le prolétariat
n'a pas encore subie jusqu'à maintenant.
Troisièmement, le GPRC fait abstraction de l'impact sur la
classe ouvrière de la chute du bloc impérialiste russe et de la
désagrégation postérieure du bloc occidental, et de la
campagne idéologique du capital sur la "mort du communisme
et le triomphe du capitalisme et de la démocratie". Pour nous,
c'est le principal facteur qui a représenté un frein et provoqué
un recul de la lutte et de la conscience de la classe ouvrière
tout au long de la décennie des années 1990, et dont elle a
commencé à se sortir à partir de 2001 (Argentine, France,
Italie, Grande-Bretagne, Allemagne...). Que pense le GPRC de
tout cela ?
5. Finalement, le GPRC nous ouvre un vaste champ de débat
autour de la conscience de classe du prolétariat. Ici, de
nouveau, nous pouvons seulement ébaucher quelques points de
discussion en prenant en compte les notions principalement
générales présentées dans les documents que nous
connaissons.
Premièrement, la question du surgissement de la conscience de
classe. Le marxisme n'a jamais considéré la conscience de
classe du prolétariat comme un simple reflet passif de la réalité
ou comme un produit spontané ou naturel du développement
capitaliste comme les camarades le laissent à entendre :
"Cependant, Insarov situe les causes réelles de la passivité des
ouvriers dans le domaine culturel. Il fait une critique
Fraction interne du CCI
pertinente de la thèse marxiste selon laquelle il y a une
tendance de la conscience de la classe ouvrière à mûrir en
même temps que le capitalisme s'étend et se développe" (Une
classe ouvrière passive ?, nous soulignons).
La maturation de la conscience du prolétariat ne dépend pas de
l'expansion et du développement du capitalisme (même s'il la
suppose évidemment dans la mesure où il fait surgir et croître
le prolétariat lui-même comme classe internationale), mais du
développement de sa lutte de classe. L'exploitation capitaliste,
et en particulier son aggravation dans les crises économiques,
pousse nécessairement le prolétariat à lutter - s'il ne veut pas se
voir rabaissé au niveau des bêtes de somme ou mourir de
faim - et c'est à partir de cette lutte de classe que se développe,
premièrement la réflexion collective sur ses intérêts et
objectifs. Mais en outre, et cela est fondamental, cette
réflexion n'a pas seulement une dimension immédiate mais
aussi historique. C'est-à-dire qu'elle n'apparaît pas et ne
disparaît pas avec chaque lutte, ni même avec chaque période
plus ou moins longue de luttes. Mais elle tend à se conserver et
à s'approfondir dans une dynamique propre qui ne dépend pas
uniquement de l'existence immédiate de luttes. Ainsi,
l'approfondissement de la conscience de classe s'exprime
concrètement
dans
le
surgissement
d'organisations
révolutionnaires permamentes qui ont pour fonction- entre
autres - de tirer, de préserver et de transmettre les leçons de
chaque lutte et de synthétiser dans leur programme les
objectifs et moyens de la révolution. D'autre part, l'extension
de la conscience de classe parmi des secteurs chaque fois plus
large du prolétariat - particulièrement dans les phases de
développement des luttes - n'est pas non plus un reflet passif
de ces luttes. Cette extension, la réflexion dans la classe,
participe à son tour de l'extension et de la radicalisation des
luttes.
En plus, ce n'est pas le marxisme, mais le GPRC lui-même qui
fait dépendre mécaniquement la conscience de classe de la
"maturation et du développement du capitalisme", bien que
dans un sens inversé de celui qu'il attribue au marxisme (c'està-dire : une plus grande "maturation et développement du
capitalisme", une conscience de classe moindre) :
"Au contraire : c'est la nouvelle classe ouvrière du capitalisme
naissant et périphérique qui est la plus réceptive aux idées
anticapitalistes. Encore sous l'influence des anciennes
traditions du collectivisme rural (...), la première génération
d'ouvriers perçoit le capitalisme comme étrange et non
naturel. Ils peuvent voir ses débuts, donc ils peuvent imaginer
sa fin. (...) Par contraste, la classe ouvrière héréditaire du
capitalisme mature ne connaît pas d'autre monde et il lui est
donc très difficile d'imaginer un ordre social différent".
Pour terminer, nous aimerions attirer l'attention sur un passage
extrêmement important soulevé par le GPRC sur la conscience
de classe :
"Ce processus d'oubli peut être empêché dans la mesure où la
mémoire du passé se transmet de génération en génération
maintenant ainsi la continuité dans la culture de la classe
ouvrière. Mais les périodes de répression sévère peuvent
rompre cette continuité. Le régime dominant en URSS a réussi
à imposer une telle rupture culturelle en détruisant la
tradition de la lutte ouvrière qui avait culminé en 1917 et
avait survécu quelques années après. La classe ouvrière russe
perdit sa mémoire historique. Voilà pourquoi aujourd'hui les
ouvriers n'arrivent pas à comprendre et à répondre à la
propagande socialiste."
- 24 -
Bulletin 37
S'il est vrai qu'il ne se réfère pas explicitement au concept de
conscience de classe, ni à celui de programme communiste, le
GPRC parle de la "mémoire", de la "culture", de la "tradition"
de la classe ouvrière et de sa continuité historique (le passage
d'une génération à l'autre). Et de comment cette continuité
historique a été "rompue" dans "la période de répression
sévère" (concrètement dans la période de contre-révolution
qui, disons-le au passage, toucha non seulement la Russie mais
aussi le monde entier).
Pour nous, l'important est que le GPRC, ici, se réfère à un
processus qui n'a rien à voir avec le développement du
capitalisme, ni avec la question de savoir si le prolétariat est de
"première génération" ou "héritier", mais justement avec le
processus de la lutte entre la bourgeoisie et le prolétariat. C'està-dire que le GPRC développe parallèlement et
contradictoirement deux explications différentes sur la "perte"
de conscience révolutionnaire dans le prolétariat. Dans la
première (celle de la trop grande "maturité" du prolétariat),
cette perte se présente comme une fatalité inévitable. Dans la
seconde (celle de la "rupture" de la continuité historique), cette
"perte" devient dépassable dans la mesure où le prolétariat est
capable de se réapproprier cette continuité historique, sa
mémoire, sa tradition de lutte.
Chaque explication conduit à des chemins différents pour
l'organisation révolutionnaire :
- si nous optons pour la première, il ne reste aux
révolutionnaires qu'à commencer à organiser une conspiration
"depuis en haut" pour arracher un prolétariat qui, nous le
savons, ne pourra jamais récupérer une conscience
révolutionnaire propre ;
- si nous optons pour la seconde, alors tout le travail des
révolutionnaires doit se centrer à ce que le prolétariat arrive à
"se relier" à sa propre continuité historique, à sa mémoire, à
son expérience, à son programme.
Voila le dilemne, de notre point de vue, auquel se confronte le
GPRC.
Mai 2006
***
TEXTES DU MOUVEMENT OUVRIER
La gauche marxiste d'Italie et le mouvement communiste international
La III° Internationale et le Parlementarisme
Paru dans Il Soviet, 3ème année, n° 11 (11 avril 1920)
La circulaire du C. E. de l'Internationale communiste signée
par Zinoviev et publiée dans les N° 8 et 9 de «Comunismo»
nous oblige à revenir encore une fois sur la question
controversée du parlementarisme. Les premiers mots de la
circulaire à ce sujet sont les suivants : «Entre autres questions,
la phase actuelle du mouvement révolutionnaire pose de façon
impérieuse celle du parlementarisme». Que cela serve de
réponse à tous ceux qui prétendent que nous avons fait de la
question parlementaire une espèce d'obsession, que nous
sommes les seuls à lui accorder une aussi grande importance,
alors que c'est une question non de programme, mais de
tactique et donc de caractère secondaire.
Nous avons déjà dit à plusieurs reprises que les questions de
tactique sont pour nous d'une très grande importance parce
qu'elles définissent l'action que les partis doivent mener ; s'ils
discutent les questions de programme, c'est précisément pour
en déduire les directives tactiques, faute de quoi ils ne seraient
pas des partis politiques, mais des congrégations de rêveurs.
Ce qui divise la social-démocratie et les communistes n'est pas
tant le but lointain que les uns et les autres veulent atteindre,
que précisément la tactique ; et cette division est si profonde
qu'en Allemagne et ailleurs, beaucoup de sang a coulé entre
les deux partis : on ne dira pas que c'est là une chose
secondaire et de peu d'importance.
Nous sommes d'accord pour admettre que, dans la question du
parlementarisme, il faut distinguer deux questions. Sur la
première, c'est-à-dire sur la nécessité d'abattre le régime
parlementaire pour donner tout le pouvoir aux Soviets, il ne
devrait pas y avoir de désaccord entre les partis adhérant à la
III° Internationale, et donc entre leurs membres parce que c'est
là le pivot, l'épine dorsale de son programme. Si nous
employons le conditionnel, c'est parce que le PSI se soustrait à
ce devoir, qu'une fraction importante de ce parti soutient
ouvertement la position inverse et qu'une autre, non moins
importante, ne s'est absolument pas rendu compte de
Fraction interne du CCI
l'antithèse profonde qui existe entre régimes parlementaire et
soviétique. C'est peut-être parce qu'ils savent que notre parti a
sur ce point une position hybride, équivoque, que les
camarades de la III° Internationale s'adressent aux autres
partis, et ne s'occupent pas du parti italien. Peut-être attendentils qu'il sorte de l'équivoque ? Ils risquent d'être déçus dans
leur attente !
La seconde question est de savoir si «les parlements bourgeois
peuvent être utilisés pour développer la lutte de classe» ;
quand la circulaire affirme qu'elle n'a aucun rapport avec la
première, c'est inexact, selon nous.
Si l'on reconnaît qu'il y a une profonde antithèse entre le
régime parlementaire et le régime soviétique, on doit aussi
reconnaître qu'il faut préparer moralement les masses à en
prendre conscience, à se familiariser avec la nécessité d'abattre
le régime parlementaire bourgeois et de constituer les Soviets.
Les partis qui soutiennent ce programme ne peuvent faire une
propagande efficace qu'à la condition de ne pas le dévaloriser
de la façon la plus absolue par leur propre action, en acceptant
eux aussi de participer au parlement. Cela vaut spécialement
pour les pays où une longue tradition a valorisé cette
participation et où le crédit dont les parlements jouissent vient
précisément des partis qui voudraient aujourd'hui défendre la
position inverse à son égard.
Ces partis ont en effet longtemps appris aux masses à donner
l'importance principale aux parlements, en prétendant qu'ils
détenaient tout le pouvoir d'Etat et que pour s'en rendre
maîtres, il fallait absolument conquérir la majorité en leur
sein.
Il est à plus forte raison impossible que ceux qui veulent, au
moins en paroles, la destruction du parlement bourgeois «de
l'intérieur» mènent une campagne électorale commune, sous le
même drapeau antiparlementaire, au nom et sous la direction
du même parti, avec ceux qui continuent à le considérer du
point de vue social-démocratique.
- 25 -
Bulletin 37
Les exemples que Zinoviev apporte à l'appui de sa thèse ne
sont pas convaincants. Le fait que les bolcheviks ont participé
aux élections pour la Constituante pour la disperser vingtquatre heures plus tard ne prouve pas que l'on puisse exploiter
le parlementarisme bourgeois en faveur de la révolution. Il est
évident que les bolcheviks ont participé aux élections à la
Constituante parce qu'ils ne se sentaient pas assez forts à ce
moment-là pour les empêcher ; autrement, c'est ce qu'ils
auraient fait. Mais dès qu'ils se sont sentis assez forts, ils sont
passés à l'action. Cette force, ce n'est pas la participation à la
lutte électorale qui la leur a donnée ni même révélée, puisque
les résultats électoraux n'ont pas été en leur faveur.
Heureusement car, au cas contraire, ils n'auraient peut-être pas
pu abattre la Constituante.
Nous admettons que l'intervention dans les luttes électorales
puisse être utile pour démontrer l'inutilité de la Constituante et
de tout parlement, ou mieux, l'utilité de les abattre, mais
seulement à la condition de ne pas présenter de candidats.
C'est seulement ainsi qu'on peut démontrer efficacement aux
masses qu'on est antiparlementaire parce que c'est seulement
alors que la pratique concorde avec la théorie au lieu de la
contredire comme lorsque l'antiparlementaire aspire à devenir
député.
L'argument qui rappelle la participation des bolcheviks à la
Douma tsariste avant la guerre n'a pas davantage de valeur, car
la situation historique était bien différente et qu'on ne pouvait
même pas rêver alors de renverser le régime bourgeois dans
un délai bref. Il n'est pas non plus exact de dire que la qualité
de parlementaire a favorisé l'oeuvre révolutionnaire de
Liebknecht pendant la guerre puisque c'est au contraire elle
qui l'a forcé à un premier vote en faveur des crédits militaire.
Au reste, il a eu à côté de lui et avec lui bien d'autres militants,
tombés depuis en martyrs de la cause, et leur lutte commune
s'est déroulée complètement en dehors du parlement où il n'a
pas même été possible de parler.
L'immunité relative que confère la qualité de parlementaire à
celui qui en jouit est un argument sans poids pour ceux qui ont
embrassé avec foi une cause exigeant un esprit de sacrifice
illimité, comme c'est le cas de la cause révolutionnaire.
D'ailleurs, quand un député fait réellement oeuvre
révolutionnaire, il n'est immunisé contre aucun danger,
comme l'exemple du même Liebknecht, des députés à la
Douma ou au parlement bulgare le prouve. Quant aux mines
que les députés sont supposés poser dans le camp même de
l'ennemi et qui sont leurs votes, leurs discours, leurs projets de
loi, ordres du jour, voire leurs cris ou leurs coups de poing,
elles sont tout au plus de force à faire sauter... un ministère, et
il n'y a pas lieu de s'en préoccuper.
Estimant que les antiparlementaires sont des syndicalistes et
des anarchistes, le CE. de la III° Internationale se préoccupe
d'admettre ceux-ci dans le Parti communiste pour faire dans
une certaine mesure contrepoids aux militants venus des partis
socialistes, les seconds étant plus enclins à l'action
parlementaire et les premiers à l'action illégale. C'est pourquoi
tout en répétant que la véritable solution se trouve hors du
parlement, dans la pratique, il conseille l'action parlementaire
aux uns et l'union à tous afin de ne pas affaiblir les forces
révolutionnaires, ce qui montre qu'il considère au fond que les
seconds sont plus efficaces et déterminants que les premiers.
Nous ne voulons pas répéter encore une fois que notre
antiparlementarisme est bien différent de celui des
syndicalistes et des anarchistes, mais seulement conclure que
nous sommes parfaitement d'accord avec le CE de
l'Internationale pour établir une règle générale dans la question
parlementaire. Le CE croit peut-être que sa circulaire a résolu
le problème, mais nous ne pouvons accepter sa solution qui,
loin de rien résoudre, laisse les choses telles qu'elles sont, avec
toutes les conséquences nocives que cela comporte. La
question doit être posée au prochain congrès de la Troisième
Internationale, afin que les partis-membres adoptent ses
décisions et les appliquent partout avec discipline.
A ce congrès, il ne manquera pas de militants pour exposer
toutes les raisons qui, selon nous, devraient inciter
l'Internationale à adopter dans la question parlementaire la
tactique abstentionniste que nous préconisons.
***
Hommage au camarade Goupil
Nous saluons la mémoire du camarade Goupil dont nous avons appris récemment le décès. Avec lui s'éteint l'un des derniers
éléments de cette génération qui constituait la Gauche communiste dans l'après 2è guerre mondiale.
Revolutionary Perspectives n° 40 (revue de la CWO-Communist Workers' Organisation) lui rend un hommage appuyé auquel
nous renvoyons le lecteur et auquel nous nous associons.
Fraction interne du CCI
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