A PROPOS DE LA SITUATION INTERNATIONALE
Révolte sociale à Oaxaca, Mexique :
Le piège démocratique ouvre la voie à la répression sanglante
Depuis le début de l'année, en pleine campagne électorale présidentielle, la population ouvrière et paysanne du Mexique a subi dans sa chair
plusieurs actes de répression massive et sanglante (1) suite à des luttes sociales. Non seulement la police locale et nationale (fédérale) ainsi
que la police anti-émeute ont été mises à contribution, mais l'armée elle-même est intervenue à plusieurs reprises. Ce qui indique clairement,
que c'est au plus haut niveau de l'Etat, que cette politique de violence répressive a été décidée au point que l'ensemble des forces politiques et
syndicales du pays (jusqu'à l'Eglise catholique), de gauche comme de droite et tout particulièrement les trois "grands" partis (le PAN qui est
au pouvoir, le PRI qui a gouverné le pays durant plus de 60 ans sans interruption, et le parti de gauche PRD) ont soutenu le "maintien de
l'ordre" par l'usage d'une violence et d'une terreur d'Etat d'une ampleur et d'un degré qui ne s'étaient pas vus depuis un certain temps dans le
pays.
A son tour, depuis le printemps, la ville d'Oaxaca connaît une mobilisation importante de la part de secteurs significatifs de la population
ouvrière qui se reconnaît dans la grève des instituteurs de la région. Au départ, en lutte sur des revendications salariales, les instituteurs n'ont
cessé d'occuper le centre de la ville et ont organisé un "plantón" (2) devant le palais du gouverneur de l'Etat d'Oaxaca.
Le 14 juin dernier, celui-ci, Ulises Ruiz, avait lancé la police locale contre le "plantón". La police avait été repoussée par les travailleurs au
prix d'affrontements très violents. Cependant, devant la poursuite de la lutte et son élargissement à des communautés paysannes, et une fois
passée la période électorale présidentielle mexicaine, c'est une répression à plus grande échelle, peut-être un massacre, qui se prépare
aujourd'hui avec la participation non seulement des forces de police locales, fédérales et anti-émeutes mais aussi de l'armée et de la marine
dont les forces ont déjà établi un "plan de guerre" pour prendre la ville d'Oaxaca et imposer l'état de siège dans tout l'Etat. D'ores et déjà, la
campagne idéologique qui la justifie, et surtout les manoeuvres des soldats et des fusiliers-marins dans l'Etat, les barrages sur les routes, le
survol par hélicoptères militaires de la ville où se tient toujours le plantón, annoncent clairement cette répression massive.
La voie vers cette répression, qui sera sans nul doute sanglante, a été rendue possible par l'impasse politique dans laquelle les enseignants et
la population autour d'eux se sont laissés enfermer par le syndicat des instituteurs, par les gauchistes regroupés au sein de l'APPO et derrière
eux par l'ensemble de la gauche mexicaine : abandonnant leurs revendications salariales initiales pour celle de la démission du gouverneur
local coupable d'avoir déchaîné la répression et d'être corrompu. Iils se sont laissés entraînés sur le terrain du jeu démocratique entre
fractions de la bourgeoisie et se retrouvent pris au piège d'une fausse alternative répression ou démocratisation. C'est précisément ce revers
politique qui ouvre la voie au déchaînement de la répression pour les prolétaires et paysans qui sont embarqués et se maintiennent dans cette
impasse.
Nous, révolutionnaires, dénonçons aux yeux de tout le prolétariat du monde cette nouvelle menace qui s'accentue sur un secteur de
travailleurs exploités. De nouveau, le véritable visage de la "démocratie" bourgeoise est mis à nu : un régime dont le seul objectif, en fin de
compte et partout, est de garantir les intérêts de la classe capitaliste, le maintien de l'exploitation salariée à tout prix, peu importe les
massacres, encore et encore, de prolétaires et autres exploités, hommes, femmes, enfants et vieux.
En même temps, nous devons essayer de comprendre les conditions de ce mouvement et les leçons qu'il peut laisser pour préparer les futures
luttes du prolétariat. En particulier, comment des secteurs importants de la population, des ouvriers combatifs et engagés dans la lutte, voire
même des militants qui se revendiquent du communisme et de la révolution, peuvent-ils se laisser berner et entraîner dans cette impasse
politique et dans cette voie qui mène à la défaite ?
Nous publions ci-dessous des extaits d'un tract qu'un camarade a diffusé en prenant position sur les événements à Oaxaca qui,
malheureusement, illustre cet aveuglement politique. Nous le faisons suivre de nos commentaires critiques.
Contre la répression : appui total à l'Assemblée Populaire des Peuples d'Oaxaca (APPO)
Il y a d'abord eu la tragédie de la mine de Pasta de Conchos, le
19 janvier de cette année à San Juan Sabinas dans l'Etat de
Coahuila, au cours de laquelle 65 mineurs sont morts, un "
accident" qui en réalité a été le produit de la "négligence
criminelle" des patrons de la mine qui n'ont jamais répondu
aux avertissements sur la situation de danger dans laquelle se
trouvait la mine.
Ne se contentant pas de son mépris pour la vie des travailleurs
(qui sont les véritables producteurs de la richesse), le
gouvernement a voulu en profiter pour destituer Napoleón
Gómez Urrutia, dirigeant "charro" [c'est-à-dire historiquement
lié aux 60 ans de pouvoir corrompu du PRI, ndt] du syndicat
des mines et de la métallurgie de la République mexicaine,
sous le prétexte du combat contre la corruption, un discours
d'autant plus faux que le PAN au gouvernement s'est vanté de
l'appui d'autres leaders "charros" comme Victor Flores du
syndicat des cheminots [...].
L'objectif n'était autre que de démanteler le contrat collectif de
travail et de placer un autre leader "charro", Elías Morales,
avec la mission d'introduire, comme il pouvait, la "nouvelle
culture du travail".
Néanmoins, l'action de la bourgeoisie et de son gouvernement
a été contrecarrée par une vague de luttes des mineurs et,
surtout, par l'héroïque défense de la grève dans la sidérurgie
Sicartsa à Lázaro Cárdenas dans l'Etat de Michoacan. Le 20
avril 2006, agissant de manière coordonnée, le gouvernement
fédéral du PAN de Fox et le gouvernement de l'Etat local du
PRD Cuauhtémoc Cárdenas Batel ont orchestré l'assaut de
l'usine sidérurgique dans une opération qui a impliqué la police
fédérale (la PFP) et les forces armées de la marine. L'attaque
fût repoussée par 2500 ouvriers qui sont restés sur le pied de
guerre mais qui a coûté la vie des deux camarades mineurs,
José Luis Castillo Zúñiga et Héctor Álvarez Gómez.
1 Cf. le communiqué de fin juin publié dans le n°36 de notre bulletin et sur notre site internet.
2Le "piquet" - "plantón" en espagnol - désigne une "forme de lutte" fréquemment mise en avant par la gauche du capital [tout particulièrement
au Mexique, ndt] et qui consiste à faire rester les gens qui "luttent" sur un lieu, dans la rue, sous le soleil ou la pluie, jour et nuit, pour "faire
pression" sur une quelconque autorité. Les "piquets" se terminent généralement - s'ils ne sont pas avant "délogés" par les forces de répression -
dans l'isolement, l'épuisement, la démoralisation et la défaite de ceux qui y participent.
Fraction interne du CCI - 3 - Bulletin 37