BULLETIN DE LA FRACTION INTERNE DU CCI n° 37 0 5 / 1 1 / 2 0 0 6 * * * Pour nous contacter : - adresse e-mail : [email protected] ; adresse postale : INTER – Mail Boxes 101 – 80, rue Legendre 75017 PARIS Consultez notre site : http://bcommuniste.ifastnet.com/ S O M M A I R E PRESENTATION DU BULLETIN N° 37 ................................................................................................................ 1 DERNIERE NOUVELLE ....................................................................................................................................... 2 A PROPOS DE LA SITUATION INTERNATIONALE REVOLTE SOCIALE A OAXACA (MEXIQUE) : LE PIEGE DEMOCRATIQUE OUVRE LA VOIE A LA REPRESSION SANGLANTE - "CONTRE LA REPRESSION : APPUI A L'APPO" (TRACT NON SIGNE)............................................................................... 3 - NOTRE CRITIQUE .......................................................................................................................................... 4 L'INTERVENTION DES REVOLUTIONNAIRES "UN MONDE EN GUERRE, ET EN GUERRE DE CLASSE !" (TRACT DE "COMMUNISTES INTERNATIONALISTES" AU CANADA) ................ 6 LA GUERRE AU LIBAN : UN "TEST" POUR LES GROUPES DU CAMP PROLETARIEN .................................................................. 7 REUNION PUBLIQUE DU PCI-LE PROLETAIRE A PARIS SUR LA GUERRE AU SUD LIBAN ........................................................ 16 COMBATTRE L'OPPORTUNISME COMMENT LE CCI TRAHIT, UNE NOUVELLE FOIS, UNE POSITION DE CLASSE : LA QUESTION DE LA VIOLENCE OUVRIERE ............................................................................................................. 12 DEBAT DANS LE CAMP PROLETARIEN LA QUESTION DU PARTI FONDATION DU PARTI ; TRAVAIL DE FRACTION. QUELQUES MOMENTS CLEFS DE L'HISTOIRE DE LA GAUCHE COMMUNISTE - AUX CAMARADES DE LA FICCI, PARIS-MEXIQUE (BIPR) ........................................................................................ 17 - LE COMBAT DE FRACTION : UNE METHODE EPROUVEE DU COMBAT POLITIQUE ET MILITANT (FRACTION) ............................... 19 NOTES SUR LES TEXTES DU GPR-K DE RUSSIE (FRACTION) .................................................................................... 21 TEXTES DU MOUVEMENT OUVRIER LA IIIè INTERNATIONALE ET LE PARLEMENTARISME (IL SOVIET – 11/04/1920)............................................................. 25 HOMMAGE AU CAMARADE GOUPIL ...................................................................................................................... 26 * * * Présentation du bulletin 37 Il y a bien longtemps que la presse et les médias bourgeois en général ne sont plus neutres (s'ils l'ont jamais été !). Les "informations" qu'ils nous servent et nous serinent sont inéluctablement l'expression de l'idéologie de la classe bourgeoise. Cette vérité est devenu une évidence, un truisme, pour tout observateur un peu averti et doté d'un minimum d'esprit critique. Cependant, la façon particulièrement grossière dont ces médias traitent l'actualité, notamment durant ces derniers mois, doit nous alerter et nous devons, en tant que communistes, mettre en évidence les ressorts de cette propagande de plus en plus orientée. L'essai nucléaire de la Corée du Nord (à ce jour pas vraiment avéré) ou la volonté active de l'Iran des Mollahs de se doter de l'arme nucléaire sont présentés de telle façon que l'on voit un monde en danger. Mais en danger, nous dit-on, à cause de certains "Etats voyous" qui mettraient en péril la radieuse harmonie que nous concoctent les dirigeants des grandes "démocraties". En danger également à cause de nébuleuses terroristes d'obédience islamiste qui ne rêvent que destructions et massacres, à l'opposé de nos sages et pacifiques gouvernants qui se démènent pour faire de notre planète un séjour paradisiaque. C'est là le cœur de la propagande bourgeoise, faite de mensonges et de grosses ficelles, visant à se dédouaner, à trouver des boucs émissaires sur qui faire retomber la responsabilité d'un monde de misère, de guerre, de mort. Oui ! Le monde est bien en danger. Mais le véritable danger n'est pas celui que l'on nous présente aujourd'hui à longueur de temps et d'images. Les "Etats voyous" comme la Corée du Nord, l'Iran ou la Syrie sont indéniablement des pays dans lesquels la barbarie capitaliste s'exprime. Mais à côté des grands Etats impérialistes comme les USA, la France, l'Allemagne ou la Russie, les dirigeants de ces "Etats voyous" ne sont que de pâles amateurs. En comparaison des politiques US en Amérique Latine depuis des décennies, en comparaison de la politique française en Afrique, les dirigeants syriens, coréens ou iraniens ont l'air de tyrans d'opérette. Par contre, ils sont bien utiles aux impérialismes dominants dans le rôle d'épouvantail. Quant aux "nébuleuses terroristes", dont on essaie de nous faire croire qu'elles sont nées de rien et qu'elles mènent leurs actions selon leur libre choix, il n'est qu'à se référer à l'histoire des relations entre Ben Laden et les USA, au rôle de pays comme le Pakistan (allié privilégié des USA, encore) ou bien les liens traditionnels entre la France et certaines puissances du Proche-Orient (elles–mêmes liées à diverses milices et groupes terroristes), pour comprendre que ces groupes terroristes ne sont "nébuleux" que pour le commun des mortels ; que ce sont, pour l'essentiel, des créations des Etats impérialistes, notamment des plus grands. Oui ! Le monde est en danger. Et ce danger, c'est la politique des grandes et moyennes puissances impérialistes qui se mènent une concurrence acharnée à travers le monde. Dans cette politique, chacun, selon ses moyens, selon les circonstances, utilise et entretient, plus ou moins discrètement, tout un ensemble de structures et de groupes qui sont tout à fait à même de "remplir des missions" de nature terroriste. Les véritables terroristes, ce sont les Etats bourgeois. Et les véritables "Etats voyous" ce sont ceux qui tirent les ficelles des "nébuleuses" et des dictateurs de pays moins développés. Le danger pour le monde c'est le capitalisme en crise qui ne peut s'en sortir que par la guerre généralisée, par les massacres à grande échelle. C'est la préparation de cette guerre qui s'opère via l'affrontement économique, diplomatique, stratégique et militaire entre grandes et moyennes puissances. Et, dans ce combat, "nébuleuses terroristes" et "Etats Voyous" sont des outils parmi d'autres aux mains des impérialismes. Mais cette réalité ne doit surtout pas paraître aux yeux des populations. C'est la raison pour laquelle les médias nous présentent un théâtre d'ombres avec "nébuleuses terroristes" et "Etats voyous" bien visibles. Derrière la coulisse pendant ce temps, et bien dissimulés aux regards par les rideaux de fumée de la propagande, la classe régnante gère ses affaires ! C'est la concurrence au couteau, évidemment ! C'est la bataille pour la défense des intérêts bourgeois les plus terre à terre, c'est la lutte pour les marchés juteux de par le monde au détriment et sur le dos des classes exploitées et, souvent, réduites à la misère et à la mort par la famine ou dans des conflits guerriers dont elles ne connaissent pas les tenants et les aboutissants. Derrière la coulisse, en ce moment, se nouent des alliances entre puissances, se dessinent des lignes de force qui seront demain, si nous n'y mettons fin par notre lutte de classe, les fronts de guerre opposant les intérêts des différentes bourgeoisies nationales au prix de notre sang, de notre vie. Les bourgeoisies le savent tellement bien qu'elles s'y préparent concrètement, notamment dans une folle course aux armements. "Les fonds déboursés dans le monde pour l’achat d’armements et de matériel de guerre battent les records de la période de la 'guerre froide', affirment les auteurs d’un rapport de la fondation internationale Oxfam. D’après les analystes, cette année les dépenses de défense atteindront la somme record de $1.059 mds tandis qu’à l’époque de la 'guerre froide', en 1988 concrètement, elles n’ont pas excédé $1.03 mds. Les Etats-Unis et les pays du Proche-Orient sont les plus 'dépensiers' "(D'après le site Internet "armées.com". Article publié le mardi 3 octobre 2006) Tandis que la guerre US en Irak n'en finit pas de mettre le pays à feu et à sang, tandis que l'Afghanistan et la Tchétchénie se transforment en vastes cimetières, sans parler des nombreux autres foyers de massacre et de famine dont les "grands" sont, directement ou indirectement, responsables, les feux de l'actualité se tournent vers la bombe coréenne ou les rodomontades iraniennes. Et, pendant ce temps, la réalité des tensions et de la bataille entre les USA et leurs concurrents germano-russofrançais se déplace vers d'autres "théâtres d'opérations" comme le Caucase du Sud et l'Europe orientale. C'est, par exemple, la Fraction interne du CCI -1- Bulletin 37 Pologne où les USA sont en train d'implanter des missiles au grand dam de la Russie 1. C'est l'Ukraine, la Géorgie et les pays et républiques des environs qui sont des enjeux stratégiques de premier plan entre les 2 pôles impérialistes en formation, l'un derrière les USA, l'autre autour du trio Allemagne-Russie-France. C'est ce jeu-là que les médias ont pour fonction de dissimuler en lui donnant les apparences de négociations visant à la sécurité et au mieux-être des populations concernées. La planète dans son ensemble est aujourd'hui le théâtre de marchandages, de tensions, de luttes à mort entre les différents impérialismes. Et, bien sûr, les plus puissants de ces impérialismes (USA, Allemagne, Japon, Russie, France, Grande-Bretagne, etc.) donnent le la et ce sont leurs conflits d'intérêt qui se traduisent en guerres, massacres, famines et misère à travers le monde. Plus que jamais les tensions et conflits locaux (au Moyen Orient, en Afrique, dans le Caucase, en Amérique Latine, en Asie, etc.) sont l'expression de la concurrence acharnée que se mènent ces impérialismes de premier et second ordre ; et le "terrorisme" est un des moyens par lesquels s'exprime cette concurrence. Le caractère "nébuleux", soigneusement entretenu et mis en avant, des diverses officines terroristes (qu'elles soient d'obédience islamiste, selon la mode du jour, ou de tout autre ordre) sert précisément à effrayer les populations pour les inciter à se ranger derrière les Etats "protecteurs" et à dissimuler les politiques de ces mêmes Etats qui utilisent la terreur aussi bien dans les "points chauds" du globe que dans les banlieues de leurs grandes villes, notamment. Pas de "perte de contrôle de la situation" de la part de ces impérialismes ! Pas de désordre ou de "chaos" qui ne soit, pour l'essentiel, prévu, calculé et mis en oeuvre au service d'une politique déterminée dont les ressorts fondamentaux sont liés aux intérêts économiques bien compris du ou des pays qui les déclenchent. C'est bien cette réalité d'affrontements toujours plus ouverts entre les puissances impérialistes et la logique qui en découle en termes de constitution, à terme, de blocs impérialistes rivaux, logique qui débouche sur une nouvelle guerre mondiale. C'est bien cette réalité ainsi que sa logique profonde que les communistes ont le devoir de rendre claires aux yeux de leur classe car, aujourd'hui déjà, le sort de l'humanité est en jeu. L'alternative historique "GUERRE MONDIALE ou RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE" est de plus en plus résolument à l'ordre du jour. La Fraction ================ Dernière nouvelle ================ L'intense campagne de presse de la bourgeoisie qui braque tous ses projecteurs sur la "bombe coréenne" (ainsi que sur les ambitions nucléaires de l'Iran) et cherche à en faire LE véritable danger menaçant la paix du monde, s'est trouvé un relais dans le CCI. Dans une pompeuse "Déclaration internationaliste depuis la Corée contre la menace de guerre" publiée tout récemment sur son site web, ce groupe qui continue de se revendiquer de la Gauche communiste "dénonce sans réserve ce nouveau pas vers la guerre accompli par l'Etat capitaliste de Corée du Nord" et va jusqu'à dédouaner, d'une certaine manière, les grandes puissances de leur responsabilité première dans l'aggravation de la situation mondiale, en ne les accusant que... d'hypocrisie. Quand les campagnes idéologiques actuelles de la bourgeoisie font tout pour déformer la réalité, pour brouiller la conscience de la classe ouvrière et la désarmer, on trouve des "internationalistes", avec leurs moyens et leur drapeau, prêts à y apporter leur contribution. De plus, en cherchant un peu sur le site du CCI actuel, on peut trouver cette phrase digne du plus vulgaire pacifiste bourgeois ou petit-bourgeois : "Déclaration internationaliste depuis la Corée contre l'explosion d'un essai nucléaire par la Corée du Nord" (souligné par nous) Le CCI actuel, dans sa logique de dégénérescence en est donc à contribuer à la mise en place des pièges bourgeois les plus grossiers et les plus dangereux, et qui ne visent que la classe ouvrière. La triste leçon de cette triste histoire, qui n'est pas nouvelle pour le prolétariat, c'est que la logique opportuniste conduit vers le camp politique ennemi. *** 1 Il faut croire que les environs de la Baltique sont le lieu idéal pour mener la traque à Al Qaïda, à moins que la portée des missiles à destination de la Corée ou de l'Iran n'oblige les militaires US à élire domicile au cœur de l'Europe centrale ? Fraction interne du CCI -2- Bulletin 37 A PROPOS DE LA SITUATION INTERNATIONALE Révolte sociale à Oaxaca, Mexique : Le piège démocratique ouvre la voie à la répression sanglante Depuis le début de l'année, en pleine campagne électorale présidentielle, la population ouvrière et paysanne du Mexique a subi dans sa chair plusieurs actes de répression massive et sanglante (1) suite à des luttes sociales. Non seulement la police locale et nationale (fédérale) ainsi que la police anti-émeute ont été mises à contribution, mais l'armée elle-même est intervenue à plusieurs reprises. Ce qui indique clairement, que c'est au plus haut niveau de l'Etat, que cette politique de violence répressive a été décidée au point que l'ensemble des forces politiques et syndicales du pays (jusqu'à l'Eglise catholique), de gauche comme de droite et tout particulièrement les trois "grands" partis (le PAN qui est au pouvoir, le PRI qui a gouverné le pays durant plus de 60 ans sans interruption, et le parti de gauche PRD) ont soutenu le "maintien de l'ordre" par l'usage d'une violence et d'une terreur d'Etat d'une ampleur et d'un degré qui ne s'étaient pas vus depuis un certain temps dans le pays. A son tour, depuis le printemps, la ville d'Oaxaca connaît une mobilisation importante de la part de secteurs significatifs de la population ouvrière qui se reconnaît dans la grève des instituteurs de la région. Au départ, en lutte sur des revendications salariales, les instituteurs n'ont cessé d'occuper le centre de la ville et ont organisé un "plantón" (2) devant le palais du gouverneur de l'Etat d'Oaxaca. Le 14 juin dernier, celui-ci, Ulises Ruiz, avait lancé la police locale contre le "plantón". La police avait été repoussée par les travailleurs au prix d'affrontements très violents. Cependant, devant la poursuite de la lutte et son élargissement à des communautés paysannes, et une fois passée la période électorale présidentielle mexicaine, c'est une répression à plus grande échelle, peut-être un massacre, qui se prépare aujourd'hui avec la participation non seulement des forces de police locales, fédérales et anti-émeutes mais aussi de l'armée et de la marine dont les forces ont déjà établi un "plan de guerre" pour prendre la ville d'Oaxaca et imposer l'état de siège dans tout l'Etat. D'ores et déjà, la campagne idéologique qui la justifie, et surtout les manoeuvres des soldats et des fusiliers-marins dans l'Etat, les barrages sur les routes, le survol par hélicoptères militaires de la ville où se tient toujours le plantón, annoncent clairement cette répression massive. La voie vers cette répression, qui sera sans nul doute sanglante, a été rendue possible par l'impasse politique dans laquelle les enseignants et la population autour d'eux se sont laissés enfermer par le syndicat des instituteurs, par les gauchistes regroupés au sein de l'APPO et derrière eux par l'ensemble de la gauche mexicaine : abandonnant leurs revendications salariales initiales pour celle de la démission du gouverneur local coupable d'avoir déchaîné la répression et d'être corrompu. Iils se sont laissés entraînés sur le terrain du jeu démocratique entre fractions de la bourgeoisie et se retrouvent pris au piège d'une fausse alternative répression ou démocratisation. C'est précisément ce revers politique qui ouvre la voie au déchaînement de la répression pour les prolétaires et paysans qui sont embarqués et se maintiennent dans cette impasse. Nous, révolutionnaires, dénonçons aux yeux de tout le prolétariat du monde cette nouvelle menace qui s'accentue sur un secteur de travailleurs exploités. De nouveau, le véritable visage de la "démocratie" bourgeoise est mis à nu : un régime dont le seul objectif, en fin de compte et partout, est de garantir les intérêts de la classe capitaliste, le maintien de l'exploitation salariée à tout prix, peu importe les massacres, encore et encore, de prolétaires et autres exploités, hommes, femmes, enfants et vieux. En même temps, nous devons essayer de comprendre les conditions de ce mouvement et les leçons qu'il peut laisser pour préparer les futures luttes du prolétariat. En particulier, comment des secteurs importants de la population, des ouvriers combatifs et engagés dans la lutte, voire même des militants qui se revendiquent du communisme et de la révolution, peuvent-ils se laisser berner et entraîner dans cette impasse politique et dans cette voie qui mène à la défaite ? Nous publions ci-dessous des extaits d'un tract qu'un camarade a diffusé en prenant position sur les événements à Oaxaca qui, malheureusement, illustre cet aveuglement politique. Nous le faisons suivre de nos commentaires critiques. Contre la répression : appui total à l'Assemblée Populaire des Peuples d'Oaxaca (APPO) Il y a d'abord eu la tragédie de la mine de Pasta de Conchos, le 19 janvier de cette année à San Juan Sabinas dans l'Etat de Coahuila, au cours de laquelle 65 mineurs sont morts, un " accident" qui en réalité a été le produit de la "négligence criminelle" des patrons de la mine qui n'ont jamais répondu aux avertissements sur la situation de danger dans laquelle se trouvait la mine. Ne se contentant pas de son mépris pour la vie des travailleurs (qui sont les véritables producteurs de la richesse), le gouvernement a voulu en profiter pour destituer Napoleón Gómez Urrutia, dirigeant "charro" [c'est-à-dire historiquement lié aux 60 ans de pouvoir corrompu du PRI, ndt] du syndicat des mines et de la métallurgie de la République mexicaine, sous le prétexte du combat contre la corruption, un discours d'autant plus faux que le PAN au gouvernement s'est vanté de l'appui d'autres leaders "charros" comme Victor Flores du syndicat des cheminots [...]. L'objectif n'était autre que de démanteler le contrat collectif de travail et de placer un autre leader "charro", Elías Morales, avec la mission d'introduire, comme il pouvait, la "nouvelle culture du travail". Néanmoins, l'action de la bourgeoisie et de son gouvernement a été contrecarrée par une vague de luttes des mineurs et, surtout, par l'héroïque défense de la grève dans la sidérurgie Sicartsa à Lázaro Cárdenas dans l'Etat de Michoacan. Le 20 avril 2006, agissant de manière coordonnée, le gouvernement fédéral du PAN de Fox et le gouvernement de l'Etat local du PRD Cuauhtémoc Cárdenas Batel ont orchestré l'assaut de l'usine sidérurgique dans une opération qui a impliqué la police fédérale (la PFP) et les forces armées de la marine. L'attaque fût repoussée par 2500 ouvriers qui sont restés sur le pied de guerre mais qui a coûté la vie des deux camarades mineurs, José Luis Castillo Zúñiga et Héctor Álvarez Gómez. 1 Cf. le communiqué de fin juin publié dans le n°36 de notre bulletin et sur notre site internet. Le "piquet" - "plantón" en espagnol - désigne une "forme de lutte" fréquemment mise en avant par la gauche du capital [tout particulièrement au Mexique, ndt] et qui consiste à faire rester les gens qui "luttent" sur un lieu, dans la rue, sous le soleil ou la pluie, jour et nuit, pour "faire pression" sur une quelconque autorité. Les "piquets" se terminent généralement - s'ils ne sont pas avant "délogés" par les forces de répression dans l'isolement, l'épuisement, la démoralisation et la défaite de ceux qui y participent. 2 Fraction interne du CCI -3- Bulletin 37 Ensuite, une provocation combinée à tous les niveaux du pouvoir (le municipal avec le PRD, l'Etat régional avec le PRI et le fédéral avec le PAN) a transformé un incident mineur - l'interdiction de vendre des fleurs sur un marché - en un affrontement ouvert qui a permis à l'Etat de déchaîner sa fureur vengeresse contre le Front des Peuples en Défense de la Terre (FPDT) et contre le peuple de San Salvador d'Atenco dans l'Etat de México. L'opération a commencé le 3 mai et le jour suivant, 4 mai, Atenco est devenu un véritable enfer : couvre-feu illégal, et ensuite état de siège, avec un luxe de violence ; les maisons ont été détruites ; tout ce qui bougeait, humain ou animal, était une cible ; les personnes arrêtées ont été physiquement et psychologiquement torturées ; les agressions sexuelles des femmes se sont multipliées [...]. La furie fasciste s'est payée deux vies de plus : celle d'un adolescent d'à peine 14 ans et celle de l'étudiant de la Faculté d'économie de l'UNAM, Alexis Benhumea. Commencé par des revendications salariales, le mouvement des enseignants d'Oaxaca a fait un bond qualitatif après avoir surmonté la répression du 14 juin dans une tentative d'expulsion [du piquet d'Oaxaca, ndt] que les instituteurs réussirent à repousser. En grande partie sous-estimé par le reste du pays qui était pris dans la campagne électorale et la crise post-électorale [...], il est certain que le mouvement a gagné l'appui d'amples secteurs de la population et a donné lieu à la création de l'Assemblée Populaire du Peuple d'Oaxaca (APPO) comme organe de décision du peuple en mouvement. L'influence de l'APPO s'est étendue à tout l'Etat d'Oaxaca et a comme revendication actuelle la démission du gouverneur du PRI, Ulises Ruiz Ortiz, qui ne se maintient que par le service que le PAN doit rendre au PRI pour l'appui de ce dernier au "triomphe" électoral rachitique et frauduleux de FECAL [Felipe Calderón, le nouveau président du Mexique, ndt]. [...] La fraude électorale grossière et la manipulation éhontée de l'appareil gouvernemental, les financements publics, les forces de sécurité et les moyens de communication nous ont fait la faveur d'exhiber la nature réelle de la démocratie bourgeoise dans toute sa crudité. Elle n'est rien d'autre que la dictature masquée des propriétaires du capital et des moyens de production.[...] Pour leur propre survie, les travailleurs ne peuvent se laisser entraîner dans le piège électoral. Ils ne peuvent non plus attendre d'être sauvés par un individu. Encore moins peuventils attendre d'être "trahis" encore une fois par les partis politiques. On ne peut crier à la tromperie que la première fois. Il ne reste d'autre option que la prise de conscience et l'autoorganisation. Il ne reste plus aux travailleurs mexicains qu'à se regarder dans le "miroir d'Oaxaca" et à faire leur la défense de l'APPO contre les volontés répressives et assassines de la droite car c'est la capacité de résistance active de tout le peuple qui est en jeu. [Tract sans date qui nous a été envoyé le 14 septembre 2006] Notre critique De la prise de position du camarade., nous ne partageons (même si ce n'est pas avec les mêmes termes) que son souci d'alerter la classe ouvrière, avec ses propres moyens, contre la répression que l'Etat capitaliste est en train d'organiser et qui fait suite à d'autres opérations du même ordre (la répression des ouvriers de Sicartsa, celle des paysans d'Atenco...(1) : "Encore moins, pouvons-nous permettre au gouvernement qu'il étouffe dans un bain de sang l'insurrection d'Oaxaca". Cependant, nous manquerions à notre devoir si nous laissions de côté les graves imprécisions et erreurs politiques que le camarade exprime dans sa prise de position. Nous ne ferions alors que contribuer à occulter une partie du piège dans lequel ce secteur du prolétariat et ces paysans pauvres ont été conduits (ainsi que l'auteur du tract) et qui se trouvent devant le danger d'être littéralement massacrés. D'autant que le piège qui a été tendu aux prolétaires mexicains n'est qu'une variante locale de l'offensive politique que l'ensemble des bourgeoisies nationales développent contre la classe ouvrière en essayant de l'enfermer dans des fausses alternatives qui, toutes, opposent démocratie et répression, gauche et droite sous une forme ou une autre, mais toutes adaptées aux conditions historiques d'aujourd'hui, et en particulier à la perspective d'une marche à la guerre impérialiste généralisée que tente d'imposer la bourgeoisie. L'issue du mouvement à Oaxaca, aussi limité et aussi localisé soit-il, et les leçons politiques qu'il faut en tirer ont une valeur pour le prolétariat et les communistes du monde entier. Certes, le camarade dénonce dans son tract la politique de la bourgeoisie comme un piège pour les travailleurs : "La fraude électorale grossière et la manipulation éhontée de l'appareil gouvernemental (...) nous ont fait la faveur d'exhiber la nature réelle de la démocratie bourgeoise dans 1 Voir notre communiqué cité plus haut en note. Fraction interne du CCI toute sa crudité. Elle n'est rien d'autre que la dictature masquée des propriétaires du capital..." "Pour leur propre survie, les travailleurs ne peuvent se laisser entraîner dans le piège électoral. Ils ne peuvent non plus attendre d'être sauvés par un individu. Encore moins peuventils attendre d'être "trahis" encore une fois par les partis politiques". Cependant, loin d'en tirer toutes les implications politiques, le tract se contredit ouvertement en saluant l'apparition de la "revendication" démocratique de démission du gouverneur et en appelant au soutien de l'APPO : "Commencé par des revendications salariales, le mouvement de l'enseignement d'Oaxaca a fait un bond qualitatif après avoir surmonté la répression du 14 juin (...) le mouvement a gagné l'appui d'amples secteurs de la population et a donné lieu à la création de l'Assemblée Populaire du Peuple d'Oaxaca (APPO) comme organe de décision du peuple en mouvement. (...). L'influence de l'APPO s'est étendue à tout l'Etat d'Oaxaca et a comme revendication actuelle la démission du gouverneur du PRI, Ulises Ruiz Ortiz" (nous soulignons). Selon le camarade donc, le mouvement dans l'enseignement a fait un saut qualitatif avec la création de l'APPO, l'extension de son influence à tout l'Etat, et avec l'abandon de la lutte pour des revendications salariales en échange de l'exigence de démission du gouverneur. Mais ce que le camarade appelle "un bond qualitatif" n'est en réalité que l'entrée du mouvement dans une impasse qui ne peut conduire qu'à la défaite de ce secteur du prolétariat. Il s'agit bien d'un "bond qualitatif", oui... mais vers une défaite cuisante. En fait, le "saut qualitatif" ne présente de "qualité" que pour la bourgeoisie : il signifie que le piège politique se referme sur les prolétaires pris entre ses deux mâchoires : démission du gouverneur ou affrontements autour du plantón ; démocratie -4- Bulletin 37 ou répression, la gauche et les syndicats prônant la première et la droite la seconde... Le "saut qualitatif" est un revers politique pour les prolétaires de la région et du pays qui ouvre la voie à la répression et à la défaite complète. Premièrement, faire que le mouvement abandonne (ou même fasse passer au second plan) les revendications salariales en échange de la demande de destitution du gouverneur est la voie spécifique par laquelle, comme en beaucoup d'autres occasions, le syndicat, les groupes gauchistes et toute la gauche du capital ont réussi à faire sortir le prolétariat de son terrain de classe pour l'amener sur un terrain étranger à ses intérêts propres. Car "lutter" pour un changement de gouverneur n'apportera aucun bénéfice aux travailleurs. Mais, en plus de les enrôler dans les rivalités entre différentes fractions bourgeoises pour la répartition des postes de pouvoir, cela renforcera surtout l'illusion que, pour améliorer leurs conditions de vie, il suffit de changer un gouverneur "corrompu" par un autre supposé "honnête" dans le cadre même du système capitaliste d'exploitation et de domination de l'Etat bourgeois. C'est-à-dire que ce que le camarade veut jeter par la porte (le piège électoral et la démocratie bourgeoise), il le laisse revenir par la fenêtre (changer un gouverneur par un autre en laissant intacte, voire en renforçant, cette même démocratie bourgeoise). Le prolétariat doit non seulement rejeter consciemment le "piège électoral" mais aussi savoir que sa lutte doit conduire non pas à "épurer" les institutions actuelles (syndicats, partis, gouvernement) mais à s'en détourner pour, demain, abattre tout le régime bourgeois avec toutes ses institutions. C'est ainsi que, dans les conditions actuelles, "l'appui d'autres secteurs de la population" à ce mouvement ne signifie pas une extension de la lutte des exploités vers une issue favorable à leurs intérêts mais seulement l'extension du piège des luttes inter-bourgeoises vers des couches plus larges de la population travailleuse. Ensuite, le camarade qualifie l'APPO d'"organe de décision du peuple en mouvement". Est-ce que cela veut dire que les travailleurs ont réussi à se libérer, au moyen de l'APPO, du contrôle du syndicat et des groupes gauchistes ? Non, bien au contraire : le mouvement est plus que jamais sous le contrôle de la section syndicale de l'enseignement et les gauchistes sont les dirigeants de ces organismes qui dictent les mots d'ordre, les actions à suivre et mènent les "négociations" avec le gouvernement. Le camarade sait pertinemment que le syndicat - qu'il soit "officiel" ou "indépendant" - est un des instruments les plus importants sur lesquels l'Etat capitaliste compte pour maintenir le contrôle des luttes prolétariennes, les dévier et les mener à la défaite. Mais au lieu de contribuer à le démasquer, il salue maintenant cet appendice créé autour du syndicat comme un "organe de décision du peuple". Ce sont justement le syndicat et les groupements gauchistes qui ont formé l'APPO, qui ont entraîné ces secteurs de travailleurs dans la souricière que constitue le "plantón" : faire rester sur place semaines après semaines des hommes, des femmes et des enfants dans les rues de la ville, les épuisant physiquement et moralement dans l'attente d'une action de répression de grande envergure (avec des milliers de policiers, de militaires, des hélicoptères, etc.), n'ayant comme unique défense que quelques "barricades" de sable et des cocktails molotovs. Fraction interne du CCI Enfin, nous voulons relever l'appel aux travailleurs qui apparaît dans le document du camarade : "Il ne reste d'autre option que la prise de conscience et l'autoorganisation" [Nous avons traduit le mot "concientización" par "prise de conscience", ndt]. Malgré toute la bonne volonté de clarification politique que peut avoir le camarade, cette phrase, exprimée d'une manière si abstraite, n'aide pas le prolétariat et les autres exploités. Elle peut même être acceptée et diffusée par leurs propres ennemis si, par "prise de conscience", on entend qu'il faut "lutter contre la fraude électorale" ou "lutter pour destituer le gouverneur corrompu" ; et si on assimile l'"auto-organisation" du prolétariat à la "résistance civile" de López Obrador, du syndicat "indépendant" ou de "l'Assemblée populaire" dirigée par les groupes de la gauche du capital. En conséquence, dans la mesure où le tract appelle au soutien de l'APPO et à la démission du gouverneur, même les affirmations, justes en soi, du tract sur la démocratie bourgeoise et sur "l'auto-organisation des travailleurs" se retrouvent vidées de tout contenu prolétarien et deviennent à leur tour des facteurs supplémentaires d'enfermement des travailleurs dans le piège qui leur a été tendu. Ce type de position est déjà grave en soi et place objectivement leur auteur du mauvais côté de la barricade politique dans la lutte d'Oaxaca. Mais tout positionnement de ce type est encore plus grave aujourd'hui dans la situation historique que nous vivons. Il est manifeste, depuis déjà quelques mois, que la bourgeoisie mexicaine a décidé d'opposer une plus grande répression et une terreur d'Etat accrue face aux réactions des ouvriers contre la misère, aussi faibles et limitées que soient encore ces réactions. Cette politique "mexicaine" n'est que l'expression locale d'une politique que toutes les bourgeoisies du monde sont "contraintes" de mener en vue d'imposer au prolétariat mondial la marche vers la guerre impérialiste généralisée. Or la répression et la terreur accrues de l'Etat capitaliste, pour être efficaces contre les ouvriers, doivent s'accompagner nécessairement d'une alternative "démocratique", en général de gauche, pour faire que ces derniers abandonnent leur lutte propre de classe, c'est-à-dire à la fois sur le terrain de la défense de leurs conditions de vie et de la lutte révolutionnaire. Et c'est justement dans le faux choix du soutien au mouvement et aux revendications "démocratiques" que le tract du camarade tombe, alors même que tout indique que nous nous rapprochons d'affrontements de classes violents et dramatiques provoqués par la bourgeoisie. La responsabilité des communistes pour dénoncer ces pièges et ces impasses et proposer, le plus clairement possible, des perspectives et des orientations concrètes de lutte "les plus efficaces" possibles n'en est que plus grande aujourd'hui. Outre l'usage de l'idéologie anti-terroriste - qui est par ailleurs aussi déjà mise en avant à Oaxaca pour justifier la répression à venir -, la mystification démocratique (avec notamment sa fausse opposition gauche-droite sous quelque configuration que ce soit) est l'arme idéologique et politique par excellence que l'ensemble des bourgeoisies nationales et de leurs Etats - surtout les "démocratiques" - vont opposer aux prolétaires pour les amener à la défaite et à la soumission complète. Oaxaca n'en est qu'un des derniers exemples en date. 11 octobre 2006 -5- Bulletin 37 L'INTERVENTION DES REVOLUTIONNAIRES Nous publions ci-après un tract diffusé par des "communistes internationalistes" - c'est ainsi qu'ils signent - au Canada dénonçant la situation croissante de guerre impérialiste que connaît le monde capitaliste et dans laquelle la bourgeoisie canadienne entend bien prendre toute sa part comme l'atteste l'envoi d'un contingent important de soldats en Afghanistan. Malgré quelques affirmations que nous ne partageons pas, ce tract met l'accent surtout sur la question centrale, et historiquement dramatique, qui est posée aujourd'hui au prolétariat international et à ses minorités communistes : la perspective de la guerre impérialiste généralisée au travers d'une bipolarisation croissante en cours entre grandes puissances. Loin d'être une déclamation abstraite ou "morale" contre la "Guerre", leur dénonciation souligne à juste raison que "l’accumulation de ces conflits ouverts glissant vers une guerre généralisée s’attaque à tous les aspects de la vie politique et sociale de notre classe". C'est donc en toute responsabilité militante que les camarades appellent le prolétariat à opposer son alternative à la guerre impérialiste généralisée, à savoir la révolution prolétarienne, réaffirmant ainsi l'alternative historique mise en lumière par le marxisme : "Socialisme ou barbarie, il n‘y a pas d‘autres choix". Ils en appellent aussi au regroupement révolutionnaire dans la perspective de la construction du parti communiste mondial, indispensable au succès historique de la perspective révolutionnaire du prolétariat. Nous saluons donc cette prise de position qui, selon nous, situe correctement les enjeux de la période actuelle, guerre ou révolution, qui dénonce le rôle central et actif, premier, des grandes puissances dans la marche à la guerre généralisée, et qui en appelle à la responsabilité historique du prolétariat international et de ses minorités révolutionnaires dans cette situation pour abattre le capitalisme fauteur de guerre. Novembre 2006 Un Monde en Guerre, et en Guerre de Classe ! À partir de maintenant, « vous êtes pour ou contre nous », lançait George Junior après les attentats du World Trade Center qui avaient secoué le soi-disant monde libre des ÉtatsUnis d‘Amérique. Cette logique binaire et manichéenne est en application depuis cinq ans avec des politiques qui rendent ce pôle de l’impérialisme mondiale de plus en plus puissant dans son agressivité à maintenir ses acquis stratégiques de par le monde, ou pour museler la critique sur son propre territoire (on pense par exemple à la Stratégie de Sécurité Nationale des É.U.A (1) et au Patriot Act). Cet attentat épouvantable qui, en septembre 2001, provoqua la mort de milliers de personnes fut ainsi le prétexte d’une nouvelle guerre pour les États-Unis. L’agression qui fut perpétrée est complètement étrangère à l’action communiste, agissant contre la classe prolétarienne en attaquant des édifices où prolétaires et bourgeois se confondaient dans leurs activités quotidiennes. C’est ainsi que, pour la plus grande part, ce sont encore une fois des prolétaires qui ont subit l’assaut guerrier produit par la polarisation des tensions entre les puissances impérialistes mondiales. Il faut noter que les moudjahiddines afghans, les talibans, et le très fantomatique Al-Qaeda, sont des créatures politiques de la CIA et des services secrets pakistanais (ISI) ultimement conçus pour lutter contre la menace de l‘impérialisme soviétique dans les années ’60 et ‘80. Les talibans ont été soutenus en partie par l’armée pakistanaise et l‘ISI (qui fut lui-même financé par la CIA) pour être placés à la tête de l’Afghanistan afin de restaurer brutalement l’ordre dans un pays dévasté par la guerre. Mentionnons qu’à cette époque, UNOCAL, une entreprise pétrolière américaine, est en négociation avec le régime taliban afin de faire acheminer les ressources pétrolifères de l’Asie Centrale vers le Pakistan au moyen d’un oléoduc qui traverserait l’Afghanistan. D’ailleurs, le consultant et lobbyiste employé par la pétrolière pour négocier avec les talibans n’est nul autre que Hamid Karzai, l‘actuel président du peuple afghan. En 1996 cependant, l’accord échoue et les relations entre les deux pays s’enveniment. Aussi, l’attaque contre les tours jumelles a offert la meilleure excuse aux États-Unis pour intervenir militairement en Afghanistan et placer ses pions Fraction interne du CCI dans une position stratégique pour le contrôle des ressources de la Mer Caspienne. Depuis leur intervention en Afghanistan, les États-Unis ont impliqué davantage leur bloc impérialiste aux Proche et Moyen-Orient. Récemment, en octobre 2006, devant leur incapacité croissante à établir l’ordre en Afghanistan, les ÉtatsUnis ont remis le commandement suprême des forces d’intervention là-bas à l’OTAN (qu’ils contrôlent totalement (2)). Membre de l’OTAN, le Canada devrait compter près de 3000 soldats sur le territoire afghan en 2007. Harper a exprimé sa détermination pour que « le rôle du Canada dans le monde ne se limite pas à ce continent », tout en se vantant auprès de l‘administration Bush d‘avoir investi des milliards pour le renforcement de l‘armée canadienne. Des entreprises comme Bombardier ont d’ailleurs développé des drones et des ponts mobiles destinés à l’armée américaine. SNC-Lavalin fabrique de grande quantité de munitions pour les forces d’occupation en Iraq et en Afghanistan. C’est ainsi que l’impérialisme canadien se montre lui aussi de plus en plus agressif et se met en branle vers une déflagration mondiale. Depuis la chute du bloc soviétique, le repartage de certaines zones stratégiques mondiale est en train de se déterminer et la polarisation des blocs impérialistes se précise davantage. Le 11 septembre 2001 n’a fait que confirmer la réalité du capitalisme qui est une marche perpétuelle vers la guerre pour le contrôle des ressources en vue de la production de valeurs d‘échange. Cette réalité n’est pas une option possible avec laquelle peut jongler les dictats du capitalisme (le choix entre la paix ou la guerre) mais bien une réalité intrinsèque au mode de production capitaliste dans laquelle tous les États s’engouffrent et trouvent leur rôle, du plus grand au plus petit. Et l’accumulation de ces conflits ouverts glissant vers une guerre généralisée s’attaque à tous les aspects de la vie politique et sociale de notre classe. L’excuse du terrorisme - et de la guerre au terrorisme - permet de plus en plus à la bourgeoisie d’empêcher toute opposition critique à son ordre économique et politique. Par exemple, lors de la grève du métro de New York en décembre 2005, les grévistes ont été traités de terroristes, de saboteurs de l’effort de guerre américaine, et ont -6- Bulletin 37 risqué des sanctions allant jusqu’à 25,000$ sous l’effet de la loi Taylor (une loi anti-ouvrière en vigueur dans cet état). Il n’y a pas à l’intérieur du système capitaliste des forces réellement progressistes. C’est que dans le monde du capital, la sphère politique est complètement dominée par la sphère économique. Le capitalisme n’est pas gérable, il a une logique propre qui est celle de la course aux profits et à l’accumulation de richesses. Peu importe le parti au pouvoir, peu importe les aspirations sociales de celui-ci, il devra obéir à l’ordre économique en vigueur s‘il veut rester en place. Le socialisme dans un seul pays est hors de question, car il n’est pas réalisable. De fait, pour survivre, il doit pactiser constamment avec le capitalisme; et historiquement, il n’a conduit qu’à des aberrations totalitaires qui ne pouvaient déboucher sur autre chose que des dictatures capitalistes. Prolétaires, pour combattre ces guerres fomentées par les classes dirigeantes, une seule alternative est possible : opposer à la guerre impérialiste des bourgeoisies nationales, notre propre guerre, celle du prolétariat international : la guerre de classe! Ouvriers, ouvrières, il faut envisager des grèves contre la guerre dans tous les secteurs de la production. Cela voudra aussi dire pour nous la confrontation avec les corporations syndicales qui cherchent toujours à nous isoler, usine par usine, et pays par pays, dans leur volonté d‘être un intermédiaire du système capitaliste. Contre l’effort de guerre nationaliste, il faudra opposer la solidarité ouvrière de par le monde, car il y a plus d’intérêts communs véritables entre le soldat canadien et le travailleur afghan qu’entre le soldat canadien et sa propre bourgeoisie. Une longue lutte se poursuit pour le développement de la conscience de notre classe afin d’en finir une fois pour toutes avec la logique guerrière du capitalisme. Prolétaires, nous devons nous unir en participant à la construction d’un parti prolétarien internationaliste, un parti anti-stalinien! Pour que triomphe la paix à l’échelle mondiale, il faut d’abord gagner la guerre de classe. Socialisme ou barbarie, il n‘y a pas d‘autres choix ! Des communistes internationalistes, Montréal 2006. --Vous pouvez nous rejoindre à cette adresse pour questions ou commentaires : [email protected] 1) The National Security Strategy of the United States of America est un document émis en 2002. qui présente la Nouvelle Politique Étrangère Américaine. Celle-ci affirme que "pour contrer une menace suffisante à notre sécurité nationale (...) pour empêcher ou prévenir des actes hostiles de nos adversaires, les États-Unis vont, si nécessaire, agir de façon préventive." 2) Les pays impérialistes d‘Europe, membres de l’OTAN, sont en train d’élaborer une Politique Étrangère et de Sécurité Commune afin d’élaborer une défense à caractère européen quasiment au sein de l’OTAN. *** La guerre du Liban : un "test" pour les groupes du camp prolétarien La guerre entre Israël et le Liban qui a éclaté en juillet dernier, a constitué un "test" pour les groupes du camp prolétarien dans la mesure où elle a mis à l'épreuve leur capacité d'analyser, de comprendre, de clarifier et de dénoncer sa signification politique dans le cadre des luttes impérialistes actuelles et l'enjeu qu'elle présente pour la classe ouvrière. Pour notre part, nous avons publié, au moment des faits, une rapide prise de position. Nous y relevions comment, derrière le conflit "régional" entre Israël et ses voisins (Liban, Syrie, Iran), on trouvait de nouveau, en premier lieu et de manière déterminante, la lutte entre les plus grandes puissances impérialistes du monde. Cette lutte, depuis quelques années, prend la forme d'une préparation et d'une marche vers une troisième guerre impérialiste mondiale au travers d'une nouvelle bipolarisation impérialiste de tous les pays du monde ayant comme axe d'un côté les Etats-Unis et de l'autre l'Allemagne (accompagnée de la France et de la Russie). "(...) Le fait premier et déterminant, c'est la réaffirmation de la tutelle US sur un Liban où l'influence de plusieurs puissances rivales des USA [...] commençait à se (re)faire sentir de façon notable. L'armée de l'Etat israélien a été mise à contribution, non pas essentiellement pour "ramener le Hezbollah à la raison" mais bel et bien pour mettre à bas toutes les bases concrètes et tous les éléments matériels du Liban qui autorisaient et justifiaient la présence et l'influence des concurrents des USA dans la région. (...) Ces actes guerriers s'expliquent parfaitement dans l'optique de faire du Liban une terre brûlée où les Fraction interne du CCI impérialismes concurrents n'auront plus de points d'appui pour mener leur politique régionale. Les femmes, les enfants et les vieillards libanais qui meurent sous les bombes israéliennes, de même que les femmes, enfants et vieillards israéliens qui meurent sous les missiles du Hezbollah le doivent fondamentalement à l'offensive impérialiste US qui veut assurer sa main mise sur la région et à la réponse des impérialismes français, allemand, russe, etc. qui font tout pour défendre leurs positions stratégiques locales. Encore une fois, les faits nous montrent que la bipolarisation impérialiste du monde va son chemin,… son chemin sanglant. (Bulletin de la Fraction n°36, juillet 2006). Les événements qui ont suivi n'ont fait que confirmer notre position. D'un côté, il est devenu évident que les Etats-Unis non seulement "appuyaient" l'attaque israélienne mais qu'ils étaient réellement ceux qui commandaient et ordonnaient son intensité et sa durée . De l'autre côté, alors que les puissances antagonistes emmenées par l'Allemagne et la France rejetaient la formation d'une force multinationale "d'interposition" sous le commandement des Etats-Unis,... ces mêmes puissances se sont chargé de créer leur propre force de telle manière que, pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale, l'Allemagne a pu revenir prendre pied militairement au Moyen-Orient à la tête d'une force multinationale "modeste" mais hautement symbolique de ses prétentions.(1) L'initiative de l'Allemagne face au conflit du Liban est lourde de signification politique. Au plan international, elle a signalé son intention d'intervenir activement dorénavant dans des missions militaires "extérieures" montrant ouvertement sa prétention à devenir un "parapluie" alternatif à celui 1 -7- Bulletin 37 La dénonciation des grandes puissances impérialistes Autre groupe du camp prolétarien, le Bureau International pour le Parti Révolutionnaire (BIPR) a relevé aussi dans sa prise de position sur la guerre du Liban cet aspect déterminant de la politique impérialiste mondiale actuelle : le processus de "recomposition" d'un nouveau jeu de blocs impérialistes : "(...) Voilà pourquoi la crise libanaise doit être analysée dans son contexte moyen-oriental, où elle est née et produira ses effets dévastateurs, mais aussi au niveau international, avec ses confrontations inter-impérialistes de dimensions planétaires. C’est justement l’affaiblissement de l’impérialisme américain et l’accélération du processus de recomposition de pôles impérialistes alternatifs, dont l’Europe, la Russie et la Chine sont les principaux acteurs, qui renforcent la tendance à l’élargissement de la guerre impérialiste permanente aux zones névralgiques d’un point de vue stratégique et économique" (Les deux niveaux de la crise libanaise, 1e août 2006, nous soulignons (pages françaises du site du BIPR : http://www.ibrp.org). Il est certain que le BIPR ne pousse pas jusqu'au bout son raisonnement sur "l'accélération du processus de recomposition de pôles impérialistes alternatifs" aux EtatsUnis et, surtout, qu'il n'arrive pas à relever explicitement que, derrière cette "recomposition", intervient une tendance fondamentale du capitalisme dans sa phase actuelle de décadence, la tendance vers une nouvelle guerre impérialiste généralisée, en se limitant à parler de "l'élargissement de la guerre impérialiste permanente" à d'autres aires d'importance stratégique ou économique. Cependant, l'orientation du BIPR est claire quand elle souligne que les luttes entre les grandes puissances impérialistes sont l'élément "clé" pour comprendre les conflits régionaux actuels et, en général, toutes les tensions à l'échelle mondiale. Pour sa part, dans des tracts (cf. Le Prolétaire 481), le PCILe Prolétaire a dénoncé aussi la responsabilité centrale des grandes puissances impérialistes dans le conflit du Liban et, en général, l'aiguisement des luttes impérialistes : "L’attaque israélienne en cours au Liban a reçu, selon l’expression même de la presse internationale, le “feu vert” des Etats-Unis et l’“accord tacite” des autres grands Etats impérialistes (...) Démonstration que ces grands Etats qui dominent le monde y qui se prétendent les défenseurs de la civilisation, sont en réalité les terroristes en chef, les responsables des crimes du capitalisme, même quand ce sont des Etats plus petits qui se chargent des sales besognes" (Palestine, Liban: Sionisme assassin, impérialisme français complice !. 23 juillet 2006, nous soulignons). Dans un second tract, le PCI souligne clairement l'alternative historique actuelle, guerre ou révolution : "Prolétaires de France, d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne, de Russie, d’Europe et d’Amérique : nos bourgeoisies, toutes impérialistes, cherchent à nous exploiter de façon toujours plus grande, mais aussi à exploiter de façon encore plus bestiale les prolétaires des pays et régions moins développés. des Etats-Unis sous lequel d'autres Etats pourraient "s'abriter". Au plan national, la bourgeoisie allemande en a profité pour accélérer ses campagnes idéologiques sur la "reconstruction de l'orgueil national" (gommer la honte de la défaite et du nazisme) et la "nécessité" de son nouvel expansionnisme sur des bases "différentes", "humanitaires", "démocratiques", etc., comme partie de ses efforts pour faire accepter à la population travailleuse ses prétentions et actions impérialistes y inclus au plan militaire. Fraction interne du CCI Poussées à s’allier ou s’affronter entre elles suivant l’evolution de leurs intérêts nationaux, elles utilisent les conflits dans les pays plus faibles comme exutoire des contradictions qui s’aggravent dans le capitalisme mondial et des oppositions interimpérialistes qui mûrissent au rythme des crises économiques toujours plus incontrôlables. La guerre est la solution vers laquelle se tourne toujours la bourgeoisie lorsque les difficultés économiques et politiques deviennent insurmontables. A la guerre entre Etats, à la guerre entre bourgeoisies, le prolétariat a une seule perspective à opposer : la guerre de classe, la lutte de la classe prolétarienne contre la classe bourgeoise (...). Seule la lutte de classe peut transformer la guerre en révolution (...). Pour faire les premiers pas dans cette direction, il faut revenir aux méthodes et aux moyens de la lutte anticapitaliste, à commencer par la lutte de défense immédiate. Cela implique de rompre avec les partis politiques et les organisations syndicales qui sont les agents de la collaboration entre les classes, les forces réformistes qui soutiennent en fait l’impérialisme, hier en demandant à Chirac que la France soit “plus présente”, aujourd’hui en soutenant l’envoi prétendument pacifique de soldats au Liban, demain dans une nouvelle guerre mondiale – et toujours en sabotant la lutte ouvrière" (Non à l’envoi de soldats français au Liban !. 14 août 2006, nous soulignons). Cependant, cette position qui mentionne la tendance actuelle de l'impérialisme vers une nouvelle guerre mondiale et la lutte de classe du prolétariat comme seule alternative à cette tendance, se trouve contredite par l'association constante que fait le PCI de celle-ci avec les restes de sa position traditionnelle d'appui aux "luttes nationales" ou aujourd'hui aux "peuples opprimés" : "L’attaque d’Israël au Liban s’inscrit dans la continuité de ses attaques contre les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie (...). Leur objectif est en réalité d’une part d’écraser toute velléité de résistance à l’oppression permanente subie par les Palestiniens et d’autre part d’accentuer la pression sur les Etats de la région (Syrie, Iran) qui rechignent à se plier aux pressions des Etats-Unis et des impérialismes occidentaux (...)" (Palestine, Liban : Sionisme assassin, imperialisme français complice !. 23 juillet 2006, nous soulignons). La guerre d’Israël au Liban a plusieurs aspects : certains relèvent de ses intérêts territoriaux propres, d’autres de la politique impérialiste américaine (...), d’autres enfin sont liés à “l’instabilité” du Liban et à l’insoumission des populations palestiniennes qui n’arrivent cependant pas à s’emanciper de l’oppression nationale". (Non à l’envoi de soldats français au Liban !, 14 août 2006, nous soulignons). De fait, cette seconde position sur "l'attaque d'Israël au Liban pour écraser la résistance à l'oppression nationale des... palestiniens" (sic) contredit complètement la précédente qui voit le conflit interimpérialiste et l'alternative historique. En effet, le PCI exprime simultanément deux positions sur le conflit Israël-Liban, ce qui nous amène à lui poser les questions suivantes : est-ce une lutte impérialiste des deux côtés ? Ou bien est-ce une "agression" d'Israël l'impérialiste contre une "nation opprimée" qui ne fait que se "défendre" ? La première position implique la reconnaissance qu'actuellement toutes les bourgeoisies nationales - indépendamment de leur force - sont également impérialistes et, donc, que la seule alternative pour le prolétariat est dans sa lutte de classe contre toutes les bourgeoisies nationales. La -8- Bulletin 37 seconde, au contraire, tend à reconnaître la "justesse" des "luttes" de certaines bourgeoisies nationales contre "l'oppression nationale" dans lesquelles serait impliqué le "peuple", y compris le prolétariat, ce qui amenerait à ce que celui-ci doive appuyer "certaines" bourgeoisies. Cela signifierait qu'une "seule alternative de classe" n'existe pas encore. En outre, cette seconde position fait partie des pièges de l'idéologie bourgeoise pour enrôler le prolétariat dans les guerres impérialistes, dans ce cas, au nom d'une supposée "défense nationale" ; piège dans lequel le PCI lui-même tend à tomber. C'est ainsi qu'en dénonçant le conflit comme une "agression d'Israël contre le Liban et la Palestine" - et cela malgré la reconnaissance que le Hamas et le Hezbollah ne sont que des instruments d'autres impérialismes -, qu'il le veuille ou non, le PCI répand la notion que, malgré tout, le prolétariat devrait appuyer le Liban et la Palestine contre Israël. C'est-àdire que le prolétariat devrait, en fin de compte, s'enrôler... dans les luttes interbourgeoises. L'incohérence et l'opportunisme du CCI actuel Ce qui caractèrise la position du CCI actuel sur le conflit au Liban (comme en général sa position sur les luttes impérialistes d'aujourd'hui), c'est en premier lieu une incohérence croissante. Elle est le produit de ses efforts, non pour essayer d'analyser les faits concrets et réels pour, à partir de là, préciser et approfondir son cadre théorique, mais au contraire pour essayer de "tailler" la réalité à la mesure de son idéologie apocalyptique de la "décomposition, du chaos et de l'irrationnalité sociale". Ainsi, sa position initiale face au conflit du Liban de juillet dernier apparaît comme le corollaire de la position qu'il avait déjà développée auparavant sur le Moyen-Orient, et en particulier sur l'attitude du gouvernement israélien comme exemple le plus évident de "l’irrationalité la plus totale, l’enfoncement irrémédiable et irréfléchi dans la barbarie" (1) : "En bref, la situation dans tout le Moyen Orient démontre que les Etats-Unis ne contrôlent pas la situation et se trouvent devant le développement d’un chaos incontrôlable. La fuite en avant dans l'aventure militaire est la seule réponse que chaque clique ou chaque puissance, des plus grandes aux plus petites, puisse apporter pour défendre ses prétentions impérialistes face à ses rivaux. C’est ce que montre l’attitude ultra agressive d’Israël" (Moyen Orient: contre l'enfoncement dans la guerre, la lutte de classe est la seule réponse, CCI, 17 juillet 2006, http://fr.internationalism.org/book/print/2277). Selon le CCI donc, Israël agissant de manière "ultra agressive" a lancé son offensive contre le Liban pour son propre compte et hors du contrôle des Etats-Unis (2). C'est-à1 CCI. Moyen-Orient : le gouffre sans fin de la barbarie guerrière. 30 juin 2006. http://fr.internationalism.org/ri370/conflits.html . 2 La version espagnole de ce paragraphe n'est pas la traduction exacte de la version française. Elle va plus loin encore en affirmant qu'Israël non seulement agit "sans contrôle" mais qu'en plus c'est Israël qui "entraîne" et "pousse" les Etats-Unis ! "No es Israel quien sigue las orientaciones norteamericanas sino que son estos quienes se ven arrastrados por las aventuras del Estado Sionista. Particularmente, los gestos provocadores de Israel hacia Irán parecen tener como objetivo empujar a USA hacia un conflicto abierto con Teherán" ( http://es.internationalism.org/book/print/999 ) : "Ce n'est pas Israël qui suit les orientations nord-américaines mais ceux-ci qui sont entraînés par les aventures de l'Etat sioniste. En particulier, les provocations d'Israël envers l'Iran paraissent avoir comme objectif de pousser les Etats-Unis vers un conflit ouvert avec Teheran" (nous Fraction interne du CCI dire que le CCI exonère le premier responsable, à savoir l'impérialisme nord-américain, de la guerre au Liban. Mais le CCI, continue : "En ce qui concerne les autres grandes puissances, [...elles] ne s’intéressent pas à la paix mais au maintien de leur propre sphère d’influence dans la région. Elles essaieront certainement de profiter de la faiblesse de l’impérialisme américain, mais aucune d’elles n’est en position d’assumer le rôle de gendarme du monde, de plus leurs intérêts impérialistes conflictuels rendent impossible leur évolution vers une quelconque politique commune cohérente" (CCI. idem). Derrière l'apparente condamnation des "autres" grandes puissances car elles "ne s'intéressent pas à la paix", il y a en réalité la dissimulation de leur caractère impérialiste, un embellissement de leur politique. Les grandes puissances, voyez-vous, auraient renoncé à toute prétention "d'expansion" ce qui, évidemment dans un monde déjà réparti, ne pourrait se faire qu'au détriment des Etats-Unis. Et encore moins rêventelles d'occuper la place de ce pays ; la seule chose qu'elles veulent est le "maintien de leur propre sphère d'influence". Cette position est complètement étrangère au marxisme. Pour celui-ci, la lutte pour une nouvelle répartition du monde est permanente ; elle est dans la nature du capitalisme impérialiste. Nous avons donc ici un nouvel exemple des conséquences de la malheureuse "théorie de la décomposition". Non seulement elle se cogne contre la réalité concrète - par exemple le retour de l'Allemagne au Moyen-Orient ne cadre pas avec la théorie du "maintien des zones d'influence" - mais aussi, comme nous l'avons déjà dénoncé en plusieurs occasions, elle ouvre la porte à l'opportunisme politique et à la collaboration de classes : en présentant les grandes puissances comme des forces opposées au chaos et à la décomposition (plutôt portés par les "petits" pays comme Israël), elle nourrit la notion idéologique diffusée par la bourgeoisie selon laquelle "l'intervention" ou "l'interposition" des armées des grandes puissances auraient effectivement comme objectif de maintenir ou de rétablir "l'ordre et la paix" dans telle ou telle région soumise au chaos. Cette notion cache précisément les manoeuvres stratégiques actuelles des grandes puissances dans leur marche vers une nouvelle boucherie mondiale. Mais le texte du CCI nous réserve encore d'autres incohérences et contradictions. Nul doute que le CCI est confronté à la multiplication de faits qui mettent chaque fois plus en évidence les manoeuvres diplomatiques, commerciales, politiques, et surtout les préparatifs guerriers de toutes les bourgeoisies, à commencer par ceux des grandes puissances, qui visent à leur culmination dans une nouvelle guerre impérialiste généralisée - et, sans doute, est-il aussi "stimulé" par notre critique constante (3) - au point qu'il soulignons). Les anglophones, plus pratiques, ont opté pour une version plus concise en coupant la phrase la plus problèmatique : "In short, the situation throughout the Middle East is demonstrating not America’s control of the situation, but the spread of uncontrollable chaos. This is shown graphically by Israel’s ultra-aggressive attitude" ( http://en.internationalism.org/book/print/1860 ) : "En bref, la situation au Moyen-Orient ne démontre pas le contrôle de l'Amérique sur la situation mais l'extension d'un chaos incontrolable. Cela est illustré par l'attitude ultra-agressive d'Israël". 3 Voir par exemple notre article La position du CCI actuel sur la guerre impérialiste dans les bulletins 34 et 35 de notre fraction. -9- Bulletin 37 s'aventure à une nouvelle formulation pour sa théorie de l'irrationalité : "Tous les Etats et toutes les forces impliquées dans ce conflit sont très occupés à élaborer des plans militaires et diplomatiques qui correspondent à leurs propres intérêts. Ils utilisent certainement les méthodes de calcul les plus rationnelles pour élaborer ces plans, mais tous sont englués dans un processus fondamentalement irrationnel : l’enfoncement inexorable du système capitaliste dans la guerre impérialiste qui prend aujourd’hui, de plus en plus, le caractère de la guerre de tous contre tous. Même le puissant Oncle Sam est happé par ce gouffre.(...). Le fait que le capitalisme soit devenu un système vivant dans la guerre permanente est la preuve la plus évidente que lui aussi est dans un état de pourriture avancée et que sa survie même est devenue un danger mortel pour l’humanité" (CCI. idem). Dans une simple phrase d'un texte qui traite d'autre chose, le CCI nous donne en passant, en catimini, sans avertir ses lecteurs, une interprétation complètement différente, contradictoire, avec ce qu'il affirme depuis déjà quelques années. En effet, dans de nombreux textes, il défendait que surgissaient des camarillas, des fractions bourgeoises et même des Etats qui agissaient de plus en plus de manière "irrationnelle". Par exemple, dans un article de 2004, il disait que : "(...) plus le capitalisme plonge dans sa phase finale de déclin, la phase de décomposition, plus le terrorisme est appelé à devenir plus sauvage et irrationnel (…). Plus la décomposition de son système avance, plus elle engendrera des fractions irrationnelles et irresponsables, nourrissant les groupes terroristes, les seigneurs de la guerre et les gangsters locaux" (CCI, 19/03/04). A la fin juin 2006 encore, le CCI parlait d'Israël dans les termes suivant : "Parce que l’attitude du gouvernement israélien, dans la parfaite lignée de celle de Sharon, montre l’irrationalité la plus totale, l’enfoncement irrémédiable et irréfléchi dans la barbarie. (...) .Ce qui caractérise toute la situation actuelle, c’est le "no future", les destructions toujours plus violentes et sans but. Chaque jour voit un pas en avant de plus vers le néant". -30 juin 2006 (nous soulignons). (http://fr.internationalism.org/ri370/conflits.html) On ne peut être plus clair. Le CCI nous a parlé durant des années "d'irrationalité totale", de "sauvagerie", "d'irresponsabilité", de "plongée irréfléchie dans la barbarie", de "destruction dépourvue de sens"... Mais maintenant, soudain, il nous dit le contraire ! Maintenant il apparaît que les Etats et les "forces impliqués" utilisent "les méthodes les plus rationnelles" pour élaborer les "plans militaires et diplomatiques" en accord avec leurs intérêts ! Comment le CCI se sort-il de cette incohérence ? Au moyen d'une autre encore plus grande : "Ils utilisent les méthodes de calcul les plus rationnelles pour élaborer ces plans, mais tous sont englués dans un processus irrationnel". En d'autres termes, l'activité des bourgeoisies, des fractions, des Etats, est rationnelle et planifiée... mais ce qui est irrationnel, c'est le "processus" de cette même activité ! C'est du pur mysticisme. C'est comme le refrain mexicain qui dit que "l'homme propose mais Dieu dispose". C'est-à-dire que cela suppose l'existence d'une volonté éthérée - le "processus irrationnel" - au-dessus de l'activité concrète, réelle - et planifiée - des hommes, des classes sociales. Fraction interne du CCI Mais encore plus grave, derrière ce mysticisme, nous trouvons à nouveau la tendance à "exonérer" les grandes puissances de leur politique impérialiste actuelle et en particulier de leur marche vers la guerre. Selon le CCI, ces puissances pourraient agir "rationnellement" (ce qui, dans le langage particulier du CCI signifie qu'elles cherchent le maintien de l'ordre actuel), mais "malheureusement", elles seraient immergées dans un "processus" étranger à leur raisonnement, à leur plans, qui les conduirait à la guerre. Les grandes puissances ne seraient plus responsables des guerres actuelles, ni de la préparation à une possible guerre mondiale. L'unique "responsable" serait ce fameux "processus fondamentalement irrationnel". Un mois plus tard, le CCI a publié un autre texte sur le Liban. Nous y trouvons, de nouveau, sans la moindre manifestation de pudeur de sa part, sans avertir le lecteur, une série de positions qui contredisent non seulement la première prise de position mais aussi sa position sur les conflits impérialistes adoptée à son 16° congrès international. Ainsi, alors qu'en juillet 2006 il nous affirmait que "les EtatsUnis ne contrôlent pas la situation", en août il nous dit que "cette guerre n'a pu se déclencher sans le feu vert des EtatsUnis (...). L'offensive israélienne (...) démontre la parfaite convergence d'intérêts entre la Maison Blanche et la bourgeoisie israélienne" (Guerre au Proche-Orient : peut-on en finir avec la barbarie du capitalisme ? 28 août, http://fr.internationalism.org/ri371/edito.html ). Mais le plus intéressant est que, accablé par l'accumulation d'événements internationaux qui clarifient la tendance actuelle de l'impérialisme mondial, le CCI contredit maintenant, de manière empirique, les prémisses qu'il posait à son 16° congrès pour conclure qu'une nouvelle guerre mondiale était devenue impossible. Par exemple, en établissant que face au pouvoir inconstestable des Etats-Unis, les autres grandes puissances ne pouvaient plus espérer remettre en question l'hégémonie nord-américaine, ne pouvant dorénavant que la contester "indirectement", le CCI soulignait en particulier l'offensive américaine pour immobiliser l'Europe et la Russie : "En même temps, ces guerres ont de plus en plus révélé une stratégie globale précise de la part des Etats-Unis : arriver à une domination totale sur le Moyen-Orient et sur l’Asie Centrale, et encercler ainsi militairement tous ses principaux rivaux (Europe et Russie), en les privant de débouchés et rendant possible la fermeture de toute source d’énergie pour eux" (point 5 de la Résolution sur la situation internationale du 16º congrès) Mais maintenant, il doit reconnaître "l'échec patent" de cette "stratégie globale" (qu'il réduit maintenant à une simple "tactique") : "Enlisés jusqu'au cou dans le bourbier de la guerre en Irak en Afghanistan, et après l'échec de leur "plan de paix" pour régler la question palestinienne, les Etats-Unis ne peuvent que constater l'échec patent de leur tactique d'encerclement de l'Europe dont le Proche et le Moyen-Orient étaient stratégiquement des cartes-maîtresses. (...) Tous ces échecs et cette impuissance témoignent de l'affaiblissement historique de la bourgeoisie américaine dans la région, qui, par contrecoup, voit son leadership de plus en plus contesté dans le monde entier. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle de nouvelles prétentions impérialistes d'autres Etats s'affirment de plus en plus (...). L'échec patent d'Israël et des Etats-Unis représente un nouveau pas important dans l'affaiblissement de l'hégémonie américaine. Mais loin d'être un facteur d'atténuation des - 10 - Bulletin 37 tensions guerrières, il ne fait qu'accroître celles-ci. Il constitue un encouragement pour décupler les prétentions impérialistes de tous les autres Etats" (Guerre au ProcheOrient : peut-on en finir avec la barbarie du capitalisme ?, 28 août 2006). Très bien ! Mais alors que faut-il déduire de cette importante modification dans le rapport des forces entre les Etats-Unis et les autres grandes puissances impérialistes antagoniques (Allemagne, France, Russie) ? Hé bien, ni plus, ni moins que la confirmation d'un processus de bipolarisation impérialiste en marche de la part de toutes les bourgeoisies vers une nouvelle guerre mondiale. Mais que conclut le CCI de cette constatation empirique ? Sa résolution sur la situation internationale du 16° congrès complètement réduite en lambeaux, il ne réussit qu'à continuer à balbutier dans la confusion la plus complète :"Il n'annonce aucune autre perspective qu'une déstabilisation et un chaos croissants" (idem). L'alternative historique : "guerre impérialiste mondiale ou révolution prolétarienne mondiale" Cette revue des positions des principaux groupes du camp prolétarien montre que, s'il y a une tendance à converger dans la compréhension de la marche vers une nouvelle guerre mondiale engagée par la bourgeoisie, les positions sont très loin d'être homogènes. En particulier, il nous semble que le maintien de positions théoriques "dogmatiques" qui ne correspondent pas à la réalité concrète actuelle sont un obstacle pour une compréhension juste. D'une part, le PCI-Le Prolétaire continue à souffrir du fardeau historique de la défense des "luttes de libération nationale" bien que cette position ait été au centre des crises politiques du courant de la Gauche communiste dont il est l'un des représentant. La fausseté de cette position se révèle dans l'affirmation absurde qu'Israël a attaqué le Liban pour contenir la lutte de libération... des palestiniens ! Cependant, le fait que le PCI soit capable de dénoncer aussi les forces qui soit-disant représentent la libération nationale dans cette zone (le Hamas et le Hezbollah) comme instruments de l'impérialisme est une preuve que cette organisation peut être capable un jour de se dégager de sa position "historique". Le cas du CCI d'aujourd'hui est bien plus dramatique car toute son analyse et son cadre théorique se trouvent emprisonnés dans la triste "théorie" de la décomposition et du chaos. Une compréhension de la situation réelle ne peut avoir comme point de départ que la critique de cette théorie ce qui impliquerait une lutte politique interne dont nous doutons fortement qu'elle puisse encore avoir lieu. Dans l'absence de cette critique, le CCI s'achemine chaque fois plus au plan de l'analyse de la situation internationale vers l'incohérence pure, la confusion... et l'opportunisme. Pour notre part, nous ne pouvons que maintenir l'appel que nous faisions à l'ensemble du camp prolétarien à la fin de 2002 : "Depuis le 11 septembre 2001 l'alternative « Socialisme ou Barbarie » (...) est, à nouveau, immédiatement et pleinement d'actualité. Le prolétariat international se retrouve, une nouvelle fois, face à des responsabilités historiques qu'il est le seul capable d'assumer, c'est-à-dire empêcher le capitalisme d'imposer sa « solution » et, pour cela, mener le combat jusqu'à la destruction de celui-ci. (...) Cependant, au-delà des projets bellicistes de la classe dominante, la période que nous vivons se caractérise par une classe ouvrière non défaite, qui conserve toutes ses potentialités de lutte. De plus, cette période met en relief la convergence de deux facteurs essentiels : la crise et la guerre, convergence qui est à la fois source de prise de conscience et puissant stimulant de la lutte prolétarienne. Plus que jamais, dans la conscience et dans la pratique ouvrière, le lien entre les revendications économiques immédiates et les questions politiques se pose. Face à cette situation qui contient de terribles enjeux mais aussi de formidables potentialités, la responsabilité des révolutionnaires est immense et leur intervention déterminante. Concernant le danger de guerre, la question centrale, première, à laquelle ils doivent répondre n'est pas celle des « raisons de la guerre » : pétrole pour les uns, guerre « sans raison », « irrationnelle » ou « géostratégique » pour les autres. La première question à laquelle ils doivent répondre est celle-ci : oui ou non la bourgeoisie met-elle tout en œuvre pour imposer sa solution guerrière et en premier lieu pour l'imposer au prolétariat ?. Autrement dit, la guerre est une donnée centrale dans la situation, un péril que les révolutionnaires doivent ensemble dénoncer haut et fort face à leur classe. Mais ils doivent en même temps appeler celle-ci à assumer sa tâche historique, la révolution prolétarienne, parce que c'est la seule réponse à apporter au capitalisme qui est aujourd'hui plus que jamais générateur de misère et de mort" (Une nouvelle période s’ouvre, bulletin 14, novembre 2002). Octobre 2006 *** Fraction interne du CCI - 11 - Bulletin 37 COMBATTRE L'OPPORTUNISME Comment le CCI trahit, une nouvelle fois, une position de classe : La question de la violence ouvrière Dans un texte au titre on ne peut plus pédant – Thèses sur le mouvement des étudiants du printemps 2006 en France (1) les soi-disant gardiens de l'intégrité politique du CCI prétendent exposer les enseignements essentiels que l'on doit tirer de cet épisode de lutte. Le titre, à lui seul, n'évoque-t-il pas en effet un document historique ? Un document théorique d'exception proposant de tirer les leçons d'un mouvement majeur pour l'avenir du prolétariat ? Un document destiné à marquer les consciences, à les inspirer et contribuer plus largement à faire avancer la conscience des travailleurs ? Ce texte parle beaucoup, et avec une grande émotion, des "jeunes générations" ; il flatte sans retenue ces "jeunes filles étudiantes" qui sont moins "politisées" mais tellement plus douées pour la non-violence et qui, grâce à cela, ont joué un rôle prédominant dans la "très grande maturité du mouvement actuel" ; il parle de "l'intuition" de ces "jeunes étudiantes" qu'il oppose, plus loin, au comportement "violent et aveugle" des "bandes de lascars de banlieue" (en référence aux mouvements des banlieues en France à la fin 2005, dont le CCI, soit-dit en passant, a oublié qu'ils avaient été déclenchés par la mort par électrocution de deux gamins pourchassés par la police). Et si, selon le CCI actuel, "la profondeur" (?) d'un mouvement de lutte peut s'évaluer "en partie à la proportion des ouvrières qui s'y impliqu(ai)ent", alors celle du mouvement de 2006 est "historique" du fait de "la très grande participation des étudiantes et des lycéennes". Nous ne retiendrons pour l'instant que l'extrait ci-dessous, l'un des plus démonstratifs de ce que nous venons de résumer : "Une des raisons de la très grande maturité du mouvement actuel, notamment vis-à-vis de la question de la violence, réside dans la très forte participation des étudiantes et des lycéennes dans ce mouvement. Il est connu qu'à ces âges, les jeunes filles ont généralement une plus grande maturité que leurs camarades du sexe masculin. De plus, concernant la question de la violence, il est clair que les femmes se laissent en général moins facilement entraîner sur ce terrain que les hommes. Dans les assemblées générales et les différentes commissions, même si, le plus souvent, les étudiantes sont moins « grandes gueules » et moins engagées dans des organisations politiques que les garçons, elles constituent un élément de premier ordre dans l'organisation, la discipline et l'efficacité de celles-ci de même que dans leur capacité de réflexion collective. L'histoire des luttes du prolétariat a mis en évidence que la profondeur d'un mouvement pouvait être évaluée en partie par la proportion des ouvrières qui s'y impliquaient. En « temps normal » les femmes prolétaires, du fait qu'elles subissent une oppression encore plus étouffante que les prolétaires hommes sont, en règle générale moins impliquées qu'eux dans les conflits sociaux. Ce n'est qu'au moment où ces conflits atteignent une grande profondeur, que les couches les plus opprimées du prolétariat, notamment les ouvrières, se lancent dans le combat et la réflexion de classe. La très grande participation des étudiantes et des lycéennes dans le mouvement actuel, le rôle de premier plan qu'elles y jouent, 1 Ces "Thèses" ont été adoptées par le nouveau CCI lors du 17e congrès de la section en France, en avril 2006. Fraction interne du CCI constituent un indice supplémentaire non seulement de sa nature authentiquement prolétarienne, mais aussi de sa profondeur." Nous ne nous étendrons pas sur un premier et grave problème que pose ce document du point de vue marxiste : pour analyser et évaluer un mouvement de lutte, il fait davantage appel à des critères de sexe, de classes d'âge, voire à des critères biologiques et psychologiques qu'à des critères caractérisant le terrain de classe, c'est-à-dire essentiellement des critères d'organisation et de conscience politique. Et c'est là un signe tangible d'un éloignement progressif du marxisme et d'une tendance de plus en plus affirmée à mettre en avant (et à défendre) des valeurs bourgeoises et petites bourgeoises en vogue (le "jeunisme", le féminisme et surtout la "nonviolence"). Ayant mis de côté - sinon définitivement écarté - toute notion de classe et de confrontation de classe entre bourgeoisie et prolétariat, les représentants en titre du CCI actuel ont ainsi la voie libre (et pas seulement dans ce texte mais dans toute leur intervention tout au long de ce mouvement du printemps 2006 pour nous limiter à cela) pour trahir, travestir ce que sont et ont toujours été les véritables positions de notre organisation à propos d'une question aussi fondamentale pour le prolétariat que la violence de classe. C'est aujourd'hui à la question de l'importance, de la nécessité de la violence de la classe ouvrière qu'il font un sort. Car dans ce document, comme dans de nombreux autres actuellement publiés par cette organisation, tout est fait pour dénaturer, détourner, réduire l'importance et finalement nier la question de la violence de la classe ouvrière à propos de laquelle tous les révolutionnaires du passé n'ont eu de cesse d'apporter des clarifications, pour laquelle ils ont mené des combats sans concession et qu'ils ont tous défendus comme une nécessité incontournable. Ceux qui, aujourd'hui, prétendent représenter le CCI ne font qu'exprimer des points de vue parfaitement contraires, opposés à ceux développés par notre organisation depuis plus de 30 ans. En quoi a consisté en effet le positionnement de l'actuel CCI durant les mouvements sociaux du printemps dernier et quelle fut son intervention concernant la question de la violence dans ces mouvements ? Quelle position a-t-il défendue face à la répression exercée par l'Etat bourgeois ? Quelle perspective concrète a-t-il proposée pour faire face à cette répression ? Le CCI d'aujourd'hui face à la répression bourgeoise Comment s'est positionné le CCI actuel au moment où l'Etat bourgeois a envoyé massivement ses CRS et ses forces antiémeutes contre les étudiants mécontents du printemps 2006, au moment où ces mêmes hordes policières ont attiré les étudiants et les ouvriers dans des pièges, ont frappé les plus isolés à coups de matraques, allant jusqu'à envoyer plusieurs d'entre eux à l'hôpital, tandis que des centaines d'autres ont été envoyés aux postes de police avant d'être remis aux mains de - 12 - Bulletin 37 la justice bourgeoise ? Et bien le CCI a soutenu… les manifestations de "solidarité avec les CRS blessés", il a salué ceux qui "reconnaissent que les enfants des CRS qui sont mal payés sont eux-mêmes touchés par les attaques du gouvernement", il a encensé, comme ayant fait "preuve de maturité et de conscience" (alors que ce n'était, au mieux, qu'une preuve de naïveté extrême), ces jeunes étudiants qui, selon l'expression du CCI, "savent que derrière leurs boucliers et leurs matraques, ces hommes armés jusqu'aux dents (les forces anti-émeutes, les CRS !) sont aussi des êtres humains, des pères de famille". En d'autres termes, les bras armés de la répression bourgeoise ne sont eux-mêmes que des "opprimés" et des "exploités" qu'il faut comprendre et défendre. Sous cet angle, leurs intérêts ne sont-ils pas les mêmes que ceux du prolétariat ? Que ce discours écoeurant et mystificateur soit tempéré, par ailleurs, par quelques phrases passe-partout destinées à simuler une dénonciation "radicale" de l'Etat bourgeois et de sa répression, ne change rien à la prise de position centrale ; celle qu'aura laissée filtrer le CCI actuel dans son intervention et qui se trouve à l'exact opposé de celle qu'a toujours défendue le CCI dans la tradition du mouvement ouvrier. Quelle est, quelle a été, dans des circonstances similaires, la véritable position défendue par notre organisation ? D'abord et de manière centrale, elle a toujours exposé la réalité du système capitaliste, de sa violence permanente légitimée par des lois et institutions au service de la classe exploiteuse, la bourgeoisie, contre les classes exploitées, en particulier contre le prolétariat. Elle a constamment rappelé et dénoncé la mystification démocratique destinée à faire croire que les institutions de l'Etat bourgeois auraient comme fonction d'arbitrer équitablement les conflits entre les classes. Et surtout, elle n'a jamais cessé de mettre en avant les perspectives claires pour le renversement indispensable et violent d'un tel système d'exploitation et d'inhumaine barbarie. Il en fut ainsi, à la fin des années 1970, quand une vague importante de mouvements sociaux s'est développée, au cours de laquelle la classe ouvrière a joué un rôle central : ce sont la lutte des sidérurgistes en France et particulièrement à Longwy et Denain, la lutte des dockers en Belgique et Hollande, les grèves en Italie notamment à la Fiat etc., vague de luttes qui culminera avec la lutte en Pologne en 1980. A cette vague de lutte, la bourgeoisie, dans tous les pays, a répondu par une répression policière et syndicale coordonnée et impitoyable. Notre organisation, au-delà d'une participation active, partout où elle pouvait se faire entendre , orienter et proposer des perspectives d'action, est intervenue sans ambiguïté, notamment à travers sa presse internationale et d'une seule et même voix, sur la base d'une seule et même orientation, pour dénoncer sans concession les tentatives de remise en selle des pseudo-valeurs "démocratiques" auxquelles médias, syndicats et gauchistes donnaient de l'écho. Le vrai CCI face à la répression bourgeoise En décembre 1978, à l'occasion d'une dénonciation en règle de la CGT, cette dernière volant au secours de la police pour réclamer plus de moyens policiers, notre organisation affirmait : "Est-ce qu'on voudrait nous faire croire que nos ennemis, ce sont les délinquants et les cambrioleurs ? Serions-nous assez stupides pour ne pas distinguer ceux qui, privés de tout moyen de vivre, poussés au désespoir, sont acculés de la délinquance à la prison ? Car c'est bien ainsi Fraction interne du CCI qu'est la réalité : un système d'exploitation en pleine faillite qui marginalise des couches de plus en plus importantes de la population et qui appelle à la délation contre ceux qu'il réduit à la misère." "… La police qui ne peut être autre chose que ce pourquoi elle a été conçue : un corps spécialisé au service des patrons et de l'Etat chargé de réprimer tout ce qui met en cause l'exploitation et l'oppression quotidiennes…. Car défendre les conditions de "travail" des policiers, c'est œuvrer au renforcement d'un organe dont le rôle fondamental est la répression contre les travailleurs. Faire croire aux travailleurs que ce ne sont pas les mêmes personnages qui font la circulation ou qui protègent les facteurs (comme le réclame la CGT) que ceux qui répriment les manifestations de ces mêmes postiers, c'est faire croire que le système capitaliste n'est pas le système capitaliste et que les travailleurs peuvent marcher la main dans la main avec ceux qui les matraquent et les assassinent. Entre les faux-frères syndicaux et les CRS, le prolétariat n'a pas d'autre choix que de détruire l'appareil syndical et l'appareil policier." (...) "Affronter les CRS est un acte politique par excellence. C'est un pas dans la marche qui conduit à la destruction du pouvoir des classes exploiteuses.." (Révolution Internationale n° 66 octobre 1979) "Comme nous l'avons affirmé auparavant, la répression sera chaque fois plus ouverte, massive et systématique. Le problème de la lutte contre la répression et la violence de classe va se poser d'une façon aiguë. Sur ce point, et partant des expériences vivantes de ces derniers temps, on peut dégager (…) : contre les mystifications que sans aucun doute, la bourgeoisie d'opposition lancera, la meilleure défense contre la répression n'est et ne sera jamais les garanties légale et juridiques du "droit de grève" mais la lutte propre du prolétariat. Ce ne sera pas une police "démocratique", "nationale" et "fille du peuple" comme le clame aux quatre vents le PCF, mais les assauts ouvriers de masse contre les commissariats, pour arracher les détenus des griffes policières ; ce ne sera pas un gouvernement de gauche qui sera "moins répressif" qu'un gouvernement de droite, mais le débordement dans la lutte de tous les carcans syndicaux, légaux et de gauche". (Revue internationale 18 – 3è trimestre 1979 "L'évolution de la lutte de classe"). Voilà pour la position authentique et sans équivoque du CCI concernant d'abord la nature des forces de répression bourgeoises et surtout la claire et vigoureuse politique que toute manifestation ou lutte de la classe ouvrière doit leur opposer. C'est cette position que nous continuons à défendre C'est la position de notre courant face à la répression bourgeoise et à ses différents serviteurs. Mais il est vrai que cette position trouve une solide assise dans le mouvement ouvrier, dans l'expérience historique qu'il s'est forgé au cours des luttes et des affrontements avec la classe ennemie. Et pour éviter toute ambiguïté, l'intervention du véritable CCI a toujours consisté à mettre en garde la classe ouvrière contre toutes les valeurs démocratiques qu'on tente de lui faire avaler, contre les "garanties légales et juridiques" du "droit de grève", par exemple, derrière la défense desquelles les forces bourgeoises tenteront toujours d'entraîner les ouvriers. C'est ce que le positionnement adopté par le CCI actuel ne fait plus. Il fait même le contraire quand il n'hésite pas à appeler les manifestants de 2006 à défendre dans la rue ces mêmes droits démocratiques : "Nous appelons les étudiants à faire entendre - 13 - Bulletin 37 leur voix, à participer massivement et dans le calme à la manifestation du samedi 18 mars contre le travail précaire et le chômage, contre la répression, contre les atteintes au droit de grève. Le droit de grève, la liberté d'expression sont des acquis des luttes de la classe ouvrière au 19è siècle" (Tract du CCI du 16 mars 2006 – Nous soulignons) (Idem)1. Le vrai CCI est une organisation révolutionnaire de combat, au service de la classe ouvrière En mars 1979, notre journal en France, Révolution internationale (n° 59), donnait le ton en saluant ainsi les travailleurs de Longwy qui s'opposaient à la répression coordonnée de la police et des syndicats : "… Nous tenons à saluer la riposte active des ouvriers de Longwy à l'évacuation du ré-émetteur de télévision par les forces de police. Dés l'évacuation, … des ouvriers d'une usine voisine réoccupent, les ouvriers de permanence battent le rappel par haut parleur dans les rues de la ville et déclenchent les sirènes d'usine et le tocsin. Des ouvriers au travail débrayent et s'arment de barres de fer, d'autres se lèvent et les rejoignent. Hommes et femmes, tous se regroupent en une manifestation qui décide l'attaque du commissariat. Armés d'un bulldozer plus de deux cent manifestants attaquent deux heures durant les policiers qui ripostent à la grenade lacrymogène. Il faudra toute la matinée au cours de laquelle l'union patronale sera mise à sac par des manifestants et le commissariat de nouveau attaqué, pour que les syndicats et le maire (PC) parviennent à calmer la colère. L'intersyndicale fera lever le siège du commissariat…. " Le CCI s'appuyait alors sur cet exemple, non pour dénoncer les manifestants armés de barres de fer, non pour mettre en garde contre cette violence légitime, mais pour dénoncer le rôle anti-ouvrier de l'intersyndicale, de la gauche qui agissait main dans la main avec la police, pour dénoncer le battage fait contre les prétendus "groupes incontrôlés". Il profitera de cette situation pour dénoncer l'ornière pacifiste des manifestations de reprise en main de la lutte par les forces politiques et syndicales unies de la bourgeoisie. "Le maire dénoncera les "groupes incontrôlés" pour demander que l'affrontement soit évité. La riposte ouvrière collective et vivante regroupant jusqu'à deux mille personnes en fin de matinée, se retrouvera ainsi égarée dans l'ornière d'une manifestation mascarade et d'une tentative d'une nouvelle opération "ville morte"". "De cet événement, deux leçons immédiates sont à tirer : cette fois encore, les ouvriers de Longwy ont montré qu'il est possible d'opposer à la violence étatique et policière une VIOLENCE DE CLASSE qui, grâce à l'action collective, à la solidarité, au regroupement d'un maximum de forces, sait trouver les moyens du combat contre la répression de l'Etat bourgeois. Tous ceux qui n'ont de cesse de dénigrer la violence ouvrière et de l'imputer à des éléments "étrangers" mentent et se rangent aux côtés des défenseurs de la violence capitaliste. La classe ouvrière PEUT et DOIT organiser sa violence face aux attaques de la bourgeoisie. Les "provocateurs" quand il y en a de vrais, la classe ouvrière sait les éliminer. Les "incontrôlés", les "autonomes" sont un 1 A quand l'appel à défendre "le droit de vote" à l'approche de la campagne électorale qui sévit actuellement en France, "droit" qui fut aussi un "acquis des luttes de la classe ouvrière au 19ème siècle" et qui n'est aujourd'hui qu'un piège permettant à la bourgeoisie "démocratique" de la désarmer ? Fraction interne du CCI paravent que les syndicats utilisent pour tenter de ramener les ouvriers au respect de leur contrôle, de leur ordre public, l'ordre capitaliste, pour les désarmer face à la répression. (…) " La violence est une arme de la lutte prolétarienne Suite aux affrontements de rues avec la police, aux attaques de commissariats, de sous-préfectures assiégées, aux saccages des chambres patronales à Denain, Caen, Nantes, Longwy, notre organisation a soutenu l'expression de la colère ouvrière manifeste derrière ces actions à l'époque massives, généralisées à plusieurs villes de France. Contre la bourgeoisie qui présentait ces événements comme le fait d'une poignée de provocateurs, nous mettions en avant : "les premières lueurs d'une flambée prolétarienne renaissante, bénéficiant du soutien de la population de toute une ville, mobilisant la solidarité de régions entières peuvent difficilement être assimilées aux "actions exemplaires "d'éléments "autonomes" déboussolés." Nous parlions alors de "l'exemplarité de ces luttes et de cette violence ouvrière", saluée comme un "important pas en avant dans la détermination au combat de la classe ouvrière", comme un "saut qualitatif accompli par le mouvement prolétarien dont la colère a balayé un vent de démoralisation et de défaite insufflé depuis des années par les syndicats". (RI n° 60, avril 79 "La violence ne suffit pas : organisons nos luttes"). Nous interrogions : "Est-ce à cause de la seule violence des affrontements" qu'on doit saluer cette lutte ? "Non. Depuis que les effets de la montée de la crise se manifestent, il n'est pas nouveau de voir les ouvriers s'affronter à la police…" Car l'élément nouveau, "c'est que la classe ouvrière ne craint plus de passer à l'offensive devant les attaques de la bourgeoisie… c'est ainsi que s'ébauche une prise en charge de la lutte qui amène les ouvriers non seulement à lutter pour la défense de leur emploi et de leur salaire, mais à lutter par rapport à l'ensemble de leur vie sociale et à directement remettre en cause des rouages de l'Etat bourgeois (occupation de tribunaux administratifs, de centres des impôts, lutte pour la réduction des loyers dans les cités HLM…). Quant à la violence ouvrière, elle ne fait qu'exprimer une forme nécessaire de sa lutte. Elle traduit de fait le caractère antagonique et inconciliable de deux classes sociales dont le conflit inéluctable polarise l'évolution de la société dans son ensemble. En cela, les affrontements même ponctuels et sporadiques d'aujourd'hui annoncent l'affrontement direct et généralisé de demain et portent en eux la nécessité même qui refait surface dans la conscience ouvrière : le renversement violent de l'Etat bourgeois." Nous précisions que, bien qu'elle ne puisse représenter un but en soi, "dans la réalité de la lutte de classe, la violence ouvrière n'est jamais gratuite, elle s'exprime toujours comme une réponse à une attaque directe du capitalisme", attaque qui prend la forme d'attaques économiques drastiques mais également "le renforcement même de la terreur étatique utilisée comme moyen d'intimidation par la bourgeoisie (qui) ne peut agir à terme que comme facteur de radicalisation des luttes prolétariennes. " (Idem) Cette position d'origine de notre organisation sur la question de la violence est ouvertement trahie et liquidée aujourd'hui dans les "Thèses" adoptées en avril 2006 par le nouveau CCI. - 14 - Bulletin 37 Là où le véritable CCI conjuguait au présent et revendiquait, clairement et immédiatement, l'usage de la violence par la classe ouvrière, y compris dans "les affrontements même ponctuels et sporadiques d'aujourd'hui", les "Thèses" usent du futur pour "repousser" à un lointain et hypothétique lendemain cet usage, en le conditionnant au développement préalable de "tout un processus de développement de sa conscience et de son organisation" : "Contrairement aux classes exploiteuses, la classe porteuse du communisme ne porte pas avec elle la violence, et même si elle ne peut s'épargner l'utilisation de celle-ci, ce n'est jamais en s'identifiant avec elle. En particulier, la violence dont elle devra [emploi du futur] faire preuve pour renverser le capitalisme, et dont elle devra se servir avec détermination, est nécessairement une violence consciente et organisée et doit donc être précédée de tout un processus de développement de sa conscience et de son organisation à travers les différentes luttes contre l'exploitation. La mobilisation actuelle des étudiants, notamment du fait de sa capacité à s'organiser et à aborder de façon réfléchie les problèmes qui lui sont posés, y compris celui de la violence, est de ce fait beaucoup plus près de la révolution, du renversement violent de l'ordre bourgeois que ne pouvaient l'être les barricades de Mai 1968." (Thèses sur le mouvement des étudiants du printemps 2006 en France adoptées au 17e congrès de RI, avril 2006, nous soulignons). Proposer et donner des perspectives Mais, nous dira-t-on, cette défense de la violence ouvrière n'expose-t-elle pas le CCI à vanter par là même les mérites de l'action minoritaire censée donner l'exemple, celle du "terrorisme ouvrier" cher à des groupes tel le PCI-Le Prolétaire ? Cette défense s'appuie, au contraire de l'action isolée, sur la lutte organisée et étendue à de larges franges du prolétariat. Ainsi dans la même presse citée plus haut, nous affirmions en 1979 : "En France, quelle était la meilleure défense des ouvriers d'une usine occupée devant le siège en règle de la police et des milices patronales ? C'était précisément la grande manifestation des ouvriers des autres usines qui ont entouré les attaquants." Après Longwy et Denain, les ouvriers ont hésité à pousser plus loin leur lutte "parce qu'ils ressentent les limites de l'action violente en soi, parce que cette action aboutit à une impasse si elle ne surmonte pas le caractère local des affrontements et ne débouche pas sur des perspectives pour l'organisation de la lutte." (…) "Leur lutte ne peut aller de l'avant que dans la mesure ou elle rompt l'isolement, apporte une généralisation, où elle franchit le pas d'une unité plus grande de la classe. Le problème de la classe n'est pas de trouver une expression violente car elle n'a pas d'autre choix, mais de réaliser un renforcement de ses luttes". (RI n° 60, déjà cité) Tirant les enseignements des luttes de cette période des années 1980, notre organisation a souligné le fiasco des mouvements qui se laissent enfermer dans les manifestations pacifistes, qui croient à l'efficacité de pétitions implorantes, au respect de la légalité bourgeoise et de l'encadrement syndical, fiasco qui ne conduit qu'à la démoralisation et à la défaite. Par voie de tract, nous dénoncions le désarmement des ouvriers par les syndicats, leur sabotage, notamment lors de la manifestation du 23 mars 1979 à Paris, dans laquelle police et syndicats agissaient main dans la main contre les ouvriers. Fraction interne du CCI "Pour s'imposer dans la manifestation nos camarades de Longwy ont d'ailleurs dû bousculer à plusieurs reprises le service d'ordre de la CGT… Bien pire, dès les premières attaques policières, c'est la CGT qui a protégé les CRS de la colère ouvrière ! Et nous proposions : "C'est nous mêmes qui devrons prendre en mains nos actions et les mener avec la plus ferme volonté, y compris sur le plan de la violence. Il ne peut y avoir de réelle organisation de nos manifestations et de leur défense si déjà nous n'organisons pas nos luttes sur les lieux de travail. Combien de personnes ont été bousculées, piétinées, écrasées dans la fuite face aux CRS ? C'est notre responsabilité d'être organisés et équipés face à la violence de l'Etat. Nous devons être capables de préparer la défense de nos manifestations mais aussi de ne pas tomber dans la logique du seul affrontement militaire en nous enfermant sur ce terrain." (24/03/79) "Longwy et Denain sont venus confirmer que, pour la classe ouvrière, il n'y a pas de méthodes de lutte différentes suivant qu'il s'agisse d'un pays dit "démocratique" ou d'un pays à régime "dictatorial". Les méthodes de luttes auxquelles ont dû recourir les sidérurgistes en France - opposer la violence ouvrière à la violence policière, défier la 'légalité étatique', et imposer leurs propres besoins de lutte sans tenir compte du "respect des lois de l'Etat" -, ces méthodes sont les mêmes que celles employées au même moment par les métallurgistes brésiliens." "La première des violences qu'a et aura à exercer la classe ouvrière c'est celle qui consiste à s'organiser par elle-même et pour cela elle aura à se heurter violemment aux forces syndicales et gauchistes. C'est ce dont témoignent les luttes de cette période. Dans les assemblées, c'est par la force du nombre et des poings que les ouvriers arracheront les micros des mains des syndicalistes ; dans la rue, ils forceront les cordons syndicaux et ceux des CRS pour prendre la tête des manifestations et aller de porte en porte appeler les autres travailleurs à la lutte. C'est encore par la force qu'ils imposeront la poursuite de la lutte lorsque celle-ci s'avèrera nécessaire, contre les syndicats qui tentent de leur imposer des marches enterrement, des manifestation de fin de lutte sous les mots d'ordre de "défendre l'acier français", "la lorraine vivra" (RI n° 63, juillet 79). Les responsabilités des révolutionnaires dans le mouvement actuel face à la question de la violence ouvrière "La tâche d'un parti révolutionnaire, disait Trotsky dans Terrorisme et communisme, consiste à prévoir le danger en temps opportun et à le prévenir par l'action". Il appartient aux révolutionnaires, s'ils veulent se préparer à jouer un rôle central, actif, dans le processus qui mène la classe ouvrière à la révolution, d'être particulièrement clairs dans tout ce qui concerne les méthodes, les moyens de lutte que leur classe est et sera amenée à utiliser dans son combat en vue de se défendre et de renverser le système capitaliste. Et dans ce processus, la question de la violence de la classe ouvrière demeure, comme elle l'a toujours été, un élément central sur lequel il importe d'avoir une position claire, tranchée, sans équivoque. Et si elle est loin d'être une garantie de victoire, elle n'en reste pas moins un facteur inévitable, - 15 - Bulletin 37 indispensable dans tous les moments de lutte prolétarienne jusqu'à la révolution. "Le prolétariat n'a pas peur d'affirmer sans détours la nécessité de la violence pour briser le carcan capitaliste qui enserre la société, de l'appliquer farouchement et ouvertement contre les forces de la contre révolution. L'expérience même montre qu'il est impossible au prolétariat de réaliser son but, le socialisme, sans employer la violence organisée, sans briser la résistance de la bourgeoisie" (RI n° 56, décembre 1978 "Dictature du prolétariat et démocratie ouvrière") : telle est la position que notre organisation, le CCI, a toujours affirmée, revendiquant haut et fort l'usage de la violence par la classe ouvrière, non seulement durant la période insurrectionnelle, mais également dans chaque étape de la lutte de classe, dans chaque moment où, pour les propres besoins de son combat, la classe ouvrière doit affronter les forces qui s'opposent à ce dernier. Revendiquer l'usage de la violence par la classe ouvrière c'est aussi le prévoir, s'y préparer, l'organiser. Au contraire, "nuancer" et, à plus forte raison, remettre en cause le caractère indispensable de celle-ci, c'est immédiatement déposséder la classe ouvrière d'une de ses armes essentielles de lutte, c'est participer de la livrer aux bras armés de la classe ennemie et c'est participer activement à sa défaite. Septembre 2006 *** Réunion Publique du PCI à Paris sur la guerre au sud Liban Lors de la réunion publique que le PCI-Le Prolétaire tenait à Paris le 20 octobre dernier, on a vu ressurgir un vieux démon que l'on aurait pu croire disparu depuis quelques décennies : une forme de nationalisme qui, sous le couvert d'un "appui aux masses en lutte", se fait le défenseur d'un camp impérialiste. En se revendiquant de la Gauche communiste et du "bordiguisme", de surcroît ! Si une première partie de cette réunion s'est tenue de façon correcte, centrée sur des désaccords mais sur des bases politiques communistes, la discussion en est vite venue au soutien - exprimé par quelques éléments ayant apparemment milité au sein du PCI voilà plusieurs années - " aux masses libanaises en lutte contre l'Etat colon d'Israël " (sic !!!). Les camarades du PCI et notre fraction avons réagi vivement à ces élucubrations nationalistes mais il est malheureusement apparu qu'un certain nombre de personnes présentes se sont laissées entraînées par ce discours clairement bourgeois. Notre souci de défendre un des rares lieux de débat des positions communistes dans la région parisienne nous conduit à appeler à la plus grande clarté, à la rigueur et à la cohérence politique. Les positions nationalistes défendues par certains au cours de cette réunion et surtout l'ambiguïté manifestée par d'autres face à ces positions bourgeoises doit nous servir de leçon pour nous convaincre, les uns et les autres, de la nécessaire fermeté à observer face à de tels débordements. Il s'agit ni plus ni moins que de la lutte contre des positions étrangères à la classe ouvrière. La Fraction, 28 octobre 2006 *** Fraction interne du CCI - 16 - Bulletin 37 DEBAT DANS LE CAMP PROLETARIEN LA QUESTION DU PARTI Fondation du Parti ; travail de Fraction. Quelques moments clef de l'histoire de la Gauche Communiste Nous donnons ci-dessous un document des camarades du BIPR à propos d'un texte que nous avions publié dans notre bulletin (voir les n°34 et 35 du bulletin). Ce texte est la réédition d'un article de 1946 du groupe "Internationalisme" et traite de la fondation du PC Internationaliste en Italie. La republication de ce texte de 1946 correspondait à la nature des question débattues, en lien avec l'avance des discussions que nous menons depuis plusieurs années avec les camarades du BIPR. Ce débat est une nécessité pour l'ensemble du camp prolétarien et nous le poursuivons en apportant, à notre tour, une réponse au texte des camarades du BIPR. Notre réponse est publiée à la suite du texte ci-dessous, que nous a envoyé le BIPR. La Fraction Aux camarades de la FICCI, Paris-Mexique Chers camarades, Nous vous envoyons nos observations sur le vieil article du camarade Marc à propos de la naissance de notre parti. Nous avons essayé d’être le plus clair possible en toute franchise, avec une position fraternelle, de camarades à camarades. Selon votre point de vue, le document montre “clairement que l’accord était par contre total sur la nécessité de fonder le Parti. Non seulement d’accord de façon théorique et générale mais d’accord pratiquement, politiquement et de façon immédiate”. En réalité, le cheminement théoricométhodologique qui amène Marc à exprimer son accord partiel et conditionné à la naissance du Partito Comunista Internazionalista est profondément différent du notre, comme nous avons eu l’occasion de le souligner de nombreuses fois dans les trente dernières années au moins. Pour cette raison, nous ne nous étendrons pas dans la réponse mais nous tenterons d’exposer ce que nous disons depuis toujours, vous renvoyant, pour un examen plus approfondi, aux textes que nous avons publié il y a longtemps1. La critique que nous faisons du positionnement méthodologique de Marc (et donc du CCI dont vous revendiquez les position originelles) concerne les conditions qui devraient amener la naissance du parti et le rôle de la Fraction. Pour Marc (mais aussi pour le Bordiguisme) le parti révolutionnaire ne doit surgir que dans les phases montantes de la lutte de classe, voire même pré-insurrectionnelles, alors que dans les phases de reflux et de contre-révolution il doit se replier sur la forme-Fraction qui a essentiellement pour tâche de faire le bilan politico-théorique de la défaite. Comme vous le savez puisque nous l’avons plusieurs fois réaffirmé lors de nos rencontres, pour nous les choses sont très différentes : la présence du parti, qui est l’instrument indispensable pour le dépassement révolutionnaire du capitalisme, ne peut et ne doit pas être liée aux hauts et bas (plus bas que hauts) de la lutte de classes. Ce fonctionnement alterné peut exprimer – et exprime 1 Les textes auxquels nous nous référons sont Frazione-Partito nell’esperienza della sinistra italiana, Prometeo n. 2, 1979 (il est sur notre site); Il ruolo della Russia nella II guerra mondiale, Prometeo n.3, 1979 (en particulier sur la Fraction des années 30 et la critique de Vercesi: très important pour les développements que nous discutons ici); Rassegna Internazionale, Prometeo n. 3, 1979, Frazione-Partito nel corso della II guerra mondiale; Introduzione alla nascita del P.C.Int., in Resoconti: Convegno di Torino, Congresso di Firenze. Si vous ne les avez pas, nous pouvons vous les envoyer. Fraction interne du CCI – son plus ou moins grand enracinement dans le prolétariat (jusqu’à pouvoir être, comme aujourd’hui, pratiquement nul) c’est à dire ses dimensions numériques, mais son existence est liée à l’antagonisme historique entre bourgeoisie et prolétariat, qui comme tel est permanent et ne peut être dépassé que par la disparition de la société de classe. Donc les camarades qui, entre 1942 et 1943 fondèrent le parti ne le firent pas tant parce que la classe ouvrière italienne secouait le régime fasciste de grèves imposantes, mais parce que le passage des partis staliniens de l’autre côté de la barricade était désormais définitif. Pour dire vrai, ce parcours contre-révolutionnaire était arrivé à son terme depuis longtemps, mais auparavant nos camarades avaient étés dans l’impossibilité d’agir à cause des persécutions fascistes. Indubitablement la reprise de la lutte des classes constitua un élément supplémentaire d’encouragement pour nos camarades, il facilita, si on peut dire, le travail de propagande et de recrutement, il élargit la sphère d’influence du parti mais, nous le répétons, il ne constitua pas la motivation principale. Le noyau fondateur du parti – constitué de camarades qui avaient passé les vingt ans du régime fascisme entre prison et relégation et d’autres camarades de la Fraction rentrés en Italie en 43 – était arrivé à cette conclusion après avoir fait la critique du processus contre-révolutionnaire commencé au début des années 20. De plus, de ce point de vue, pour le parti – à la différence de la Fraction – “l’énigme” de la nature sociale de l’URSS – qui avait animé à juste raison la discussion à l’intérieur de la Fraction – était résolue. Dès les premiers numéros de Prometeo clandestin, l’Union Soviétique est définie pour ce qu’elle était : un régime à capitalisme d’État. Il est donc évident que nous partons de points de vue, Marc et nous, très différents et qui amènent Marc à tomber dans une lourde contradiction avec ses propres énoncés. En fait, analysant le processus qui amena à la formation des partis communistes dans les “années rouges”2 et de notre parti durant la deuxième guerre mondiale, il relève un décalage entre le mouvement des masses et l’action des révolutionnaires ainsi qu’une faiblesse programmatique de fond dérivant de l’improvisation et de la frilosité avec laquelle on est arrivé à ces constitutions, dues – à leur tour – à l’urgence des luttes montantes. À cette faiblesses s’oppose au contraire la 2 Le “Biennio Rosso” c’est ainsi qu’on nomme les années 19-20 en Italie. La référence s’applique ici sur ces années 19-21 qui ont vu naître les PC, en Europe et dans le monde entier (USA, Canada, Argentine, etc.). - 17 - Bulletin 37 cohérence du parti bolchevik qui sut faire une œuvre sérieuse de sélection des militants, excluant périodiquement les courants qui pouvaient polluer la cohérence révolutionnaire de l’organisation. C’est juste : le parti bolchevik, durant de longues années, sélectionna les meilleures forces du prolétariat et des intellectuels russes ; la Troisième Internationale, au contraire, poussée par l’ébullition du prolétariat mondial, accueillit des forces qui, bien qu’animées par de sincères intentions révolutionnaires, avaient fait une lecture du marxisme révolutionnaire très souvent très approximative que les précautions mises en œuvre (les 21 conditions1) ne furent suffisantes à faire apparaître au grand jour. Mais alors, tout cela démontre que la force qui se révéla seule capable de diriger politiquement les masses vers l’objectif révolutionnaire s’était préparée depuis longtemps et depuis des années agissait comme parti et non pas comme courant d’opinion à l’intérieur de partis réformistes. C’est tellement évident que cela paraît banal, mais Marc – et avec lui ceux qui se réfèrent à la même méthode – ne réussit pas à voir l’importance de tout cela. C’est vrai, les partis communistes naquirent souvent d’une manière précipitée, sans la clarification nécessaire et sans la sélection, tout aussi nécessaire, des forces qui allaient le construire. Mais c’était pratiquement inévitable dans la situation où le prolétariat poussait et où les révolutionnaires devait préparer en vitesse et avec furie l’outil qu’ils n’avaient pas préparé avant. De plus, souvent les partis surgirent – comme en Italie- quand l’onde était en train de refluer et alors il ne s’agissait plus de guider la classe à l’attaque du système bourgeois, mais de gérer le retrait. Les effets négatifs de la hâte, de l’approximation et des ambiguïtés non résolues allaient ensuite s’amplifier avec l’essoufflement progressif de l’élan révolutionnaire, jusqu’à submerger, comme nous le savons, l’Internationale et ses partis. D’un certain point de vue, le PCInt aussi naquit en “décalage” partiel avec le mouvement des masses. Mais, dans notre cas, ce déphasage n’a rien à voir avec les hésitations et les incompréhensions théorico-politiques qui stérilisèrent les forces politiques à l’intérieur de la IIième Internationale, avec les très graves conséquences que Marc a souvent justement, mais de façon incohérente – avec ses prémisses – mises en évidence. Nous l’avons déjà dit, nous le répétons, ce furent les conditions dans lesquelles se trouvaient nos camarades qui on interdit au parti de surgir plus tôt et, bien que les lignes programmatiques fondamentales nécessitaient des mises au point, elles ne contenaient pas de faiblesses ou d’incohérences telles qu’elles puissent amener une rupture : elles ne furent pas à la base de la scission de 1952. ce ne fut pas non plus la “fusion, l’adhésion de groupes et tendances” opportunistes qui a fait éclater l’organisation pour le simple motif que l’adhésion des militants se fit sur une base individuelle et non collective. La parti ouvrit les portes a des camarades qui avaient eu , dans le passé, des positions erronées ? Mais pourquoi les refuser s’ils avaient dépassé en les critiquant ces positions ? Si ensuite quelqu’un cultivait – comme effectivement cela arriva – des réserves mentales, cela pouvait rester un problème individuel, si le “facteur-Bordiga” n’était pas intervenu, qui revitalisa de vieilles positions en grande partie endormies. Comme nous le 1 Note du Traducteur : quand on voit que Marcel Cachin (qui pendant la guerre fut envoyé par le gouvernement français financer la création par Mussolini de son journal belliciste pro-français) était parmi les dirigeants du PCF, ça laisse un peu rêveur sur les capacités des 21 conditions à barrer la route aux opportunistes … Fraction interne du CCI savons, les grandes personnalités ont leur poids dans l’histoire surtout si elles se trouvent agir dans de petites “communautés humaines” comme était (et est hélas toujours) le parti. Le prestige de Bordiga, dans la très grande majorité des militants, était énorme (certains, au contraire, voulaient lui botter les ...) et, bien qu’il n’était pas inscrit, il contribua puissamment à introduire des points de vue et des pratiques politiques contrastant progressivement avec les positions d’origine de l’organisation, regagnant et donnant légitimité à certaines thèses saugrenues présentes dans la Fraction avant guerre. Le résultat est connu : la scission de 1952... Donc, de présumées insuffisances et faiblesses programmatiques du parti à sa naissance n’ont rien à voir avec la rupture suivante, bien qu’il soit évident que sans cohérence et clarté du programme, on ne peut aller nulle part. D’autre part, et Marc le relève aussi, il n’y a pas de programme, même “parfait”, qui puisse donner des garanties absolues contre le danger de dégénérescence. Il est certain, en revanche, que les ambiguïtés, les incohérences, les insuffisances théoriques d’une organisation la rende plus vulnérable au contre-coups dérivant de la marche en va et vient de la lutte de classe et donc aux ruptures, comme en témoigne l’histoire du CCI, littéralement traversé de scissions pratiquement depuis sa naissance et jusqu’à la “folie” abyssale actuelle. Un passe-partout (2)appelé fraction Pour ce qui concerne l’analyse détaillée du rapport FractionParti, nous renvoyons aussi aux documents indiqués plus haut. Ici, nous nous limitons à quelques brèves considérations. Du document de Marc émerge une sorte de mysticisme de la Fraction ; toute l’histoire du mouvement ouvrier-communiste est relue à travers cette espèce de passe-partout qui devrait encadrer tout chose. En réalité, selon nous, ça n’explique rien, ou peu, sinon – selon les justes observations des RKD – que les fractions, quand elles existent réellement, n’ont jamais redressé le cours dégénératif du parti d’où elles sont nées. À notre connaissance, il n’existe aucun cas historique où elle serait parvenu à un tel résultat. Au contraire : comme nous l’avons souligné précédemment, le fait que des courants plus ou moins organisés – comme pouvaient l’être les Spartakistes durant la première guerre mondiale ou la Fraction Abstentionniste dans le PSI – soient restés inutilement dans les vieux partis a été un frein objectif à l’apparition des partis révolutionnaires, avec tout ce que cela a entraîné. Soyons clairs, il ne s’agit pas de donner du haut d’une chaire des médailles ou des torts à qui que ce soit – dans ces conditions historiques, nous aurions probablement fait de même – mais simplement de constater des faits. Pour en revenir au lunettes “fractionnistes” déformantes avec lesquelles Marc regarde l’histoire, il suffit de prendre un exemple, parmi beaucoup d’autres, quand, parlant du PCd’I du début des années 20, il voit une “lutte entre la Fraction communiste de gauche et le centre et les droites” . En réalité, la gauche n’était pas une fraction du parti, elle était le parti, et c’est seulement avec le Comité d’Entente que l’on peut parler, d’un certain point de vue, d’une activité fractionniste même si les camarades qui donnèrent vie au Comité n’avaient pas l’intention d’agir comme fraction. Enfin, Marc insiste sur le fait que la fraction serait devenue la véritable “âme” du PCInt parce qu’elle avait été la seule expression organisée de la Gauche dans les années 30. Sans rien enlever au précieux et énorme travail politique déployé 2 En français dans le texte original italien - 18 - Bulletin 37 par les camarades de la Fraction, on ne comprend pas pourquoi les camarades restés dans les frontières italiennes (c’est à dire souvent dans les prisons italiennes) n’auraient pas dû, eux aussi, donner leur apport fondamental, étant donné que, nous l’avons vu, sur plusieurs questions essentielles, ils avaient déjà dépassé certains écueils théoriques sur lesquels la Fraction s’était échouée. N’oublions pas d’autre part que plusieurs parmi les plus actifs des camarades de l’émigration étaient rentrés d’exil avec leur très riche patrimoine d’expériences politiques. Mais ensuite, pour conclure véritablement, quelle Fraction aurait dû présider à la naissance du nouveau parti ? Elle n’était absolument pas homogène, comme vous le savez bien, à l’intérieur s’agitaient des positions très diverses voire opposées : tout le contraire, en somme, de la cohérence, de l’homogénéité, conditions sine qua non comme plusieurs fois Marc l’a indiqué avec raison, de l’existence du parti. Espérant avoir donné une contribution utile au débat en cours, nous vous envoyons le salut le plus fraternel. C, pour le BIPR Le combat de fraction : Une méthode éprouvée du combat politique et militant Nous relevons d'abord que les camarades du BIPR commencent en signalant qu'en essayant "d’être le plus clair possible en toute franchise", ils s'adressent à nous "avec une position fraternelle, de camarades à camarades." S'il s'agit de pousser la critique jusqu'au bout, d'affirmer ses positions sans fioritures, nous ne pouvons que saluer ce souci puisque c'est la méthode traditionnelle au sein de la classe ouvrière, la méthode que nous mettons en œuvre, le BIPR et notre Fraction, depuis que nous avons engagé les débats voilà quelques années. Mais, manifestement, il s'agit de tout autre chose avec ce texte du camarade C. (au nom du BIPR) : à notre tour, nous devons "être le plus clair possible en toute franchise", et "avec une position fraternelle, de camarades à camarades". Et nous affirmons que le document des camarades nous semble bien être une fin de non-recevoir, la conclusion définitive d'une discussion dont de nombreux points étaient (et sont encore) en cours d'élaboration et de clarification. En effet – à moins que nous n'ayons pas saisi la démarche du texte des camarades – il s'agit pour eux de réaffirmer des thèses datant de plusieurs décennies et qui ont été très largement mises en question sur des points cruciaux, entre autre lors des discussions que nous avons eues avec les camarades du BIPR au cours de réunions (dont nous avons donné des comptes-rendus dans notre bulletin). La démarche est déjà curieuse et ressemble fort, selon nous, à un "repli stratégique" dont nous ne comprenons pas le sens. Mais, de plus, l'argumentation des camarades se fonde sur un point bien précis : les conditions de la fondation du parti et le rôle que jouent les différents organismes politiques qui y concourent, notamment la Fraction1. Voilà comment le texte du BIPR pose la question : "La critique que nous faisons du positionnement méthodologique de Marc (et donc du CCI dont vous revendiquez les position originelles) concerne les conditions qui devraient amener la naissance du parti et le rôle de la Fraction. Pour Marc (mais aussi pour le Bordiguisme) le parti révolutionnaire ne doit surgir que dans les phases montantes de la lutte de classe, voire même pré-insurrectionnelles, alors que dans les phases de reflux et de contre-révolution il doit se replier sur la forme-Fraction qui a essentiellement pour tâche de faire le bilan politico-théorique de la défaite." 1 L'exemple de la formation du PCInt. en 1943 est, évidemment, au cœur de la question. Fraction interne du CCI Comment les camarades peuvent-ils écrire cela ? Mystère ! Car il ne s'agit pas seulement, de leur part, d'un "oubli" des points de vue et positions que nous avons défendus en leur présence ou à travers nos publications, comme dans le passage suivant : "Sur la question du parti, il y a eu de très nombreux et très importants points d'accord comme celui de la nécessité vitale du parti, de l'organisation politique de la classe ouvrière ; accord sur le fait que cet organisme n'est pas automatique et ne surgit pas spontanément à la "chaleur" des luttes. Il y a eu aussi un plein accord sur le fait que toutes les forces communistes d'aujourd'hui doivent canaliser leurs efforts pour favoriser l'apparition du parti avant la vague révolutionnaire." Bulletin n°33 déc. 2005 "Discussion avec le BIPR les 30 et 31 juillet 2005". Il s'agit aussi d'un oubli d'une ampleur bien plus importante puisque c'est de leurs propres écrits qu'ils ont perdu le souvenir… ou qu'ils passent discrètement à la trappe. Ainsi, dans le même bulletin 33, la Fraction publiait un document du BIPR intitulé "La question de la conscience :bases de discussion" ; les camarades écrivaient : "….. Ce qui ne veut pas dire que le parti puisse vivre une vie autonome, indépendante de tout le contexte social alentour. Dans les phases lourdement contre-révolutionnaires, il arrive que les rapports ténus qui les lient soient rompus, que la classe en vienne à être battue par l'adversaire et que le parti soit littéralement annulé. Mais cela n'empêche pas que les avant-gardes continuent l'effort de se donner un minimum de continuité politique et organisative en fonction de ce que la situation permet. Ce n'est pas le parti qui choisit les conditions dans lesquelles il intervient, naît ou disparaît. Au contraire, ce sont les conditions économiques et sociales qui définissent les rythmes de la lutte de classe et la possibilité d'intervention du parti qui ne peut pas se dispenser d'essayer d'être le point de référence de la lutte de classe quel que soit le niveau de celle-ci" Dans le premier passage cité, notre fraction clarifie un point qui pouvait paraître ambigu dans les textes de notre courant politique : le Parti est un outil indispensable à la classe et sa fondation ne se fait pas à la chaleur de la lutte, c'est à dire dans les périodes insurrectionnelles (voir pré-insurrectionnelles). C'est dès maintenant qu'il faut travailler aux conditions de la naissance du parti communiste. Voilà la position que nous avançons et qui est une précision et une clarification. Nulle - 19 - Bulletin 37 part dans ce passage comme dans les textes de la fraction (ni même du CCI avant 2000) il n'est question d'attendre une quelconque "phase montante de la lutte de classe" avant d'envisager la fondation du parti et de se replier sur la forme fraction dans les phases contraires. Que, par contre, il puisse exister des périodes de recul tellement profond que "le parti soit littéralement annulé" ce sont les camarades du BIPR eux-mêmes qui le disent et l'écrivent. Et nous sommes en parfait accord avec ce jugement. Dans ces "phases lourdement contre-révolutionnaires", le processus qui amène à "l'annulation" du parti lui-même passe non seulement par la rupture des liens entre le parti et la classe mais aussi par une dégénérescence politique et organisative du parti. Au fil de ce processus, dans un premier temps, les militants (ou plutôt les secteurs du parti) ont pour tâche prioritaire de combattre au sein de l'ancien parti pour tenter de le redresser si la situation le permet, de garder un maximum de forces militantes au prolétariat, de sauvegarder les principes cardinaux du programme. Cela consiste aussi à faire le bilan, à tirer les leçons de la défaite1. Dans un second temps, quand il devient clair et évident que le parti est passé à l'ennemi, le rôle des minorités qui restent sur le terrain politique de la révolution consiste à préserver l'acquis politique et programmatique, à former les cadres du futur parti, à travailler ainsi à sa future fondation quand les conditions le permettront. Il y a donc un lien et même une continuité politique évidente entre le travail fait par ces minorités et le nouveau parti. Avec l'ensemble de la Gauche communiste –et, sur ce point précis, avec la Gauche italienne qui, seule, a défini et mis en œuvre cette stratégie politique– nous nommons cette pratique politique "le travail de fraction". Si les camarades du BIPR jugent que cette appellation est sujette à caution ou porteuse d'ambiguïtés, ils peuvent toujours proposer une autre dénomination, nous n'avons pas le goût des fétiches. Mais qu'ils nous expliquent clairement où ils ont vu un "passe-partout". Ni dans le groupe "Internationalisme" des années 1940, ni dans le CCI d'avant 2000, ni dans la FICCI, il n'a jamais été question d'exalter la "forme" fraction comme étant "la solution enfin trouvée" de l'organisation dans les phases de recul et de contre-révolution. Aussi bien dans ce courant politique (dont nous nous revendiquons) que dans les groupes qui, dans l'entre-deuxguerres, ont combattu la dégénérescence stalinienne des PC et de l'I.C., la notion de fraction s'est imposée comme le nom donné au combat pour la sauvegarde des principes communistes au sein de partis en cours de dégénérescence. Dans ce combat, les camarades de la Fraction des années 1920 à 1940 ont été amenés à montrer que, dans la vie des organisations politiques du prolétariat, dans les Partis révolutionnaires, la pression de l'idéologie bourgeoise se faisait sentir à travers des concessions politiques et théoriques de la part de certains secteurs des partis et organisations. Contre ces abandons, toute l'histoire de la classe le montre, des militants et des courants se sont levés pour conserver au parti son intransigeance programmatique. C'est peut-être un 1 Cette tâche prioritaire ne peut et ne doit se faire qu'en lien avec la classe dans son ensemble. Ce qui signifie l'intervention des militants au sein des luttes de la classe qui, même dans les phases contraires, continuent de résister aux attaques de la bourgeoisie. Fraction interne du CCI raccourci que de nommer cela un combat de fraction mais l'idée essentielle de Bilan et d'Internationalisme hier, de la FICCI aujourd'hui –et les camarades le savent bien !– est d'affirmer qu'au sein même des organisations politiques, au sein des partis, se déroule une lutte politique qui exprime la vie de ces organismes et leur combat contre l'influence idéologique de la classe ennemie. Nul "mysticisme de la Fraction", donc, de notre part ! Quant à dire, comme le font les camarades du BIPR, que "les fractions, quand elles existent réellement, n’ont jamais redressé le cours dégénératif du parti d’où elles sont nées.", pardonnez-nous, camarades, mais cet argument est stupide ! D'abord, s'il était vrai qu'aucune fraction n'ai réussi à redresser un parti, cela n'enlèverait rien à l'absolue nécessité de mener le combat. Faudrait-il laisser le terrain à l'ennemi ? Faudrait-il renoncer à mener la bataille parce que l'on n'est pas sûr de vaincre ? Ce n'est pas un point de vue communiste, vous le savez bien ! Ce n'est pas ce que l'on dit quand on intervient dans une lutte ouvrière où l'on sait que le résultat, ne serait-ce qu'au plan revendicatif, est bien peu assuré. D'autre part, qui a jamais prétendu que le travail de fraction se donnait comme seul et unique objectif de redresser le parti ? Comment peut-on ignorer que dans ce travail, justement, se clarifient et se précisent les orientations politiques et programmatiques qui permettront demain de donner naissance à une organisation, un parti, mieux armé pour jouer son rôle dans la classe ? Que serions-nous, nous les "héritiers" de la Gauche, sans ce combat qui n'a certes pas redressé les partis de l'I.C. mais nous a légué un patrimoine politique incomparable ? Mais surtout les camarades passent allégrement sous silence le combat de la fraction bolchevik du POSDR2 qui n'a peut-être pas "redressé le cours dégénératif" du parti ouvrier social démocrate russe (encore que cela reste à démontrer !) mais est parvenu, grâce à un travail de plusieurs années, à créer les bases qui ont permis la fondation du Parti Communiste Russe. L'important à souligner dans ce contexte c'est bien qu'au sein d'un parti ou d'une organisation politique qui connaît un cours dégénérescent, la responsabilité première des communistes est de combattre pour tenter de le redresser puis, si cela s'avère impossible, d'en sauver les principes fondamentaux (et le maximum de forces militantes). Et c'est sur la base de ces principes programmatiques, des leçons tirées de la défaite et, éventuellement, des forces militantes qui ont pu être dégagées du cours dégénérescent que sera fondé le nouveau Parti, en fonction des conditions sociales et historiques car, comme le disent les camarades dans leur texte : "Ce n'est pas le parti qui choisit les conditions dans lesquelles il intervient, naît ou disparaît." 2 Que les camarades nous pardonnent cette précision, mais le terme de fraction bolchevik n'est pas le fait de notre "mysticisme de la Fraction", c'est la dénomination que Lénine et ses camarades se donnaient. Quand on connaît le souci de Lénine pour ce genre de chose (voir son combat pour l'appellation de " Parti Communiste " en mars 1918) on comprend que ce n'est pas un hasard s'il parlait de fraction bolchevik. - 20 - Bulletin 37 Processus de regroupement : une clarification déjà obtenue et que nul ne peut ignorer Cela étant dit, on peut s'interroger sur la démarche des camarades du BIPR. Depuis quelques années, les discussions entre le BIPR et la FICCI avaient abouti à dégager un cadre commun sur lequel il était possible de poursuivre la clarification. Sur de nombreux sujets des incompréhensions mutuelles avaient été levées, des pas en avant avaient été faits, notamment sur la question de la décadence, sur la conscience, sur les conditions d'émergence et de fondation du Parti Nous ne pensons pas nous faire des illusions en disant que ces discussions - dont nous rendons compte dans notre bulletin ont eu un effet bénéfique, non seulement pour nos deux organisations mais aussi pour les groupes et individus en recherche de clarification politique. Beaucoup de questions nous semblent encore devoir et pouvoir être clarifiées. Les conditions de la fondation du Parti communiste internationaliste en 1942/43 et les débats auxquels cela a donné lieu sont une de ces questions (et certainement pas la seule, ni la principale). Mais, à la différence des camarades du BIPR, ce qui nous importe n'est pas de donner des bons et mauvais points à ceux-ci ou ceux-là mais de prendre en compte les questions qui sont restées, à l'époque, sans réponse satisfaisantes, de les reposer dans un cadre défini en commun afin de cerner précisément où étaient les désaccords, d'essayer de les dépasser. Encore une fois, il nous paraît évident que la clarification sur ces questions ne concerne pas seulement la FICCI et le BIPR. C'est, selon nous, un travail qui va dans le sens de la préparation du futur Parti de la classe ouvrière et cela concerne donc l'ensemble du camp prolétarien. Quelle que soit la conscience que celui-ci en prenne ou n'en prenne pas aujourd'hui. D'autres points restent à clarifier, sur la questions du parti entre autre. Mais aussi sur le rôle des minorités communistes dans les luttes dans la période actuelle, sur le combat contre les formes que prend l'opportunisme aujourd'hui, sur l'analyse de la situation politique de la bourgeoisie et les perspectives que les révolutionnaires se doivent de donner à leur classe, sur le mode du processus de regroupement/sélection des énergies révolutionnaires dans la perspective du Parti. Sur toutes ces questions, nous affirmons que le BIPR a un rôle central à jouer en tant que pôle de regroupement. L'énorme responsabilité que ce rôle confère au BIPR doit être clairement saisie et prise en charge. Et nous regrettons profondément qu'avec une attitude telle que leur texte la révèle, les camarades ne jouent pas ce rôle et, pire encore, courent le risque d'y faire obstacle. Pour sa part, la fraction poursuit et poursuivra le travail de clarification et continuera d'en appeler au BIPR pour qu'il assume son rôle de pôle de regroupement. La Fraction, octobre 2006 *** NOTES SUR LES TEXTES DU GPR-K DE RUSSIE Gruppa proletarskikh revolyutsionerov-kollektivistov [Groupe des Collectivistes Prolétariens Révolutionnaires] Ce groupe participe au forum de discussion internationale en Russie. La presse du CCI a déjà mentionné l'existence de ce forum auquel il a participé en y envoyant des textes et en les reproduisant dans sa Revue internationale (en particulier dans le numéro 119). Le lecteur lisant, outre le russe, l'anglais et l'allemand peut prendre connaissance de certains textes du groupe sur le site http://russia.internationalist-forum.org. Les textes auxquels se réfèrent les Notes ci-après nous ont été envoyés directement par le GPRC après traduction de leur part en anglais. Assez longs, il nous est difficile de les reproduire dans notre bulletin. Bien évidemment, nous pourrons les envoyer à tout lecteur qui en ferait la demande. 1. Il est fondamental que les groupes qui ont pour objectif la révolution prolétarienne mondiale aient des relations entre eux au travers de l'échange de nouvelles, d'analyses, d'expériences, et au travers des débats en vue de la clarification politique. C'est un pas nécessaire vers la création du futur parti révolutionnaire international du prolétariat. Cette relation entre les groupes est d'autant plus indispensable qu'ils ont vécu de "manière parallèle", restant pratiquement sans se connaître, du fait de la contre-révolution et de la division en deux blocs impérialistes imposée par le capitalisme au 20ème siècle. C'est la raison pour laquelle nous saluons l'initiative du GPRC qui, sautant par dessus les barrières géographiques et de langue, est entré en contact avec les groupes "occidentaux" actuels de la Gauche communiste et a présenté ses positions révolutionnaires. Il est tout aussi important que le GPRC donne à connaître tant la situation de la classe ouvrière que l'expérience et les leçons des luttes ouvrières qui se sont déroulées dans les républiques Fraction interne du CCI de l'ex-URSS et qui sont, encore aujourd'hui, peu connues, voire inconnues, en "occident" surtout à cause de la censure des médias bourgeois, tout comme l'histoire, l'expérience et les leçons des groupes révolutionnaires de ces régions (tant du passé que d'aujourd'hui). 2. Nous avons lu avec attention les documents que le GPRC nous a envoyés (Les trois phases de la lutte prolétarienne, Une classe ouvrière passive ?, Remarques sur le livre du CCI). Evidemment, nous considérons que le GPRC défend des positions politiques fondamentales qui le placent du côté de ce que nous appellons le camp prolétarien. C'est-à-dire du côté des groupes qui défendent les intérêts et les objectifs révolutionnaires du prolétariat (à la différence de la gamme des groupes gauchistes qui, bien que s'appelant "communistes", "marxistes, "anarchistes", etc., défendent les intérêts de classe de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie et font partie de "l'extrême gauche du capital"). Ces positions - 21 - Bulletin 37 du GPRC, véritables frontières de classe, apparaissent, bien que sommairement, dans le texte Les trois phases : "De nombreuses leçons de cette période (nécessité de la rupture avec toute forme de social-patriotisme, nécessité de la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, nécessité de détruire l'Etat bourgeois et d'établir la dictature des prolétaires en arme organisés en assemblées générales et en soviets, nécessité de l'organisation de l'avant-garde révolutionnaire avec un objectif clair et une volonté intransigeante) ont à jamais une grande signification pour la lutte prolétarienne révolutionnaire. (...). Nous devons lutter contre les illusions sur le «bon capitalisme», sur les «bons politiciens», sur les partis bourgeois et les syndicats comme sauveurs. Nous devons lutter pour le programme de la révolution sociale, la destruction de l'Etat bourgeois, l'abolition de l'ordre capitaliste, pour le pouvoir direct des assemblées générales et pour la socialisation des moyens de production, pour le communisme" (traduit par nous de la version anglaise du texte envoyé par les camarades du GPRC). Si nous avons bien compris, le GPRC partage les positions de principe défendues par la plupart des groupes de la Gauche communistes : - la révolution prolétarienne comme destruction de l'Etat bourgeois et l'établissement de la dictature du prolétariat ; - la dictature du prolétariat prend la forme des soviets ; - la nécessité d'une organisation révolutionnaire pour le prolétariat, l'avant-garde de la classe ; - le combat contre toute forme de nationalisme, socialpatriotisme, etc., c'est-à-dire contre toute forme de défense de la nation, de l'Etat bourgeois ; - le rejet du réformisme, de l'électoralisme et du syndicalisme comme autant de formes de domination de la bourgeoisie sur le prolétariat ; - le communisme n'est pas le capitalisme d'Etat (monopole étatique des moyens de production où subsiste l'exploitation salariale et les classes sociales), mais précisément l'abolition du système d'exploitation du travail salarié. 3. En même temps, toute une série de doutes et de divergences nous apparaissent dans les documents du GPRC qu'il faut discuter pour essayer de les clarifier et à partir desquelles nous pourrions développer quelques questions de manière spécifique, concrète car, du fait de l'aspect général et synthétique des documents dont nous disposons, nous ne pouvons que faire des observations aussi très générales. On peut les résumer à deux questions qui, nous semble-t-il, sont reliées : a) Si, d'un côté, le GPRC exprime sa sympathie pour les courants de la Gauche communiste (en particulier italienne, allemande et russe), il insiste d'autre part sur la nécessité de "synthétiser dans une nouvelle théorie les acquis des théories révolutionnaires du passé, acquis des courants révolutionnaires du marxisme, de l'anarchisme (spécialement de la tradition de Bakounine et de la FORA) et des révolutionnaires narodnichestvo". Notre question est la suivante : quels aspects concrets de l'anarchisme de Bakounine et des narodnichetvso le groupe revendique-t-il ? Lesquels faudrait-il intégrer - ensemble avec quelques aspects de marxisme - dans ce qu'il appelle une "une nouvelle théorie révolutionnaire" ? b) S'il exprime avec une grande force la nécessité de la révolution prolétarienne, simultanément il exprime aussi (tant Fraction interne du CCI dans Les trois phases... que dans Une classe ouvrière passive ?) une tendance à sous-estimer - pour le moins sinon à douter voire à nier - la capacité du prolétariat moderne à se poser comme sujet de la révolution. Nous entendons par prolétariat "moderne" la classe de travailleurs salariés qui surgit à partir de la "soumission réelle" du capital, c'est-à-dire de la classe de travailleurs dépossédés de tout moyen de production, "déqualifiés" (c'est-à-dire qu'individuellement, ils ne possédent pas la connaissance de tout le processus de production), qu'ils ne comptent uniquement que sur leur force de travail qu'ils doivent vendre pour survivre - et qui inclut non seulement les ouvriers "typiques" de la grande industrie mais aussi des différents secteurs des transports, des matières premières, de l'agriculture, des services publics (instituteurs, hopitaux, nettoyage), etc. C'est-à-dire tous les travailleurs salariés qui n'exploitent pas la force de travail et font partie d'une manière ou d'une autre de l'engrenage du mode de production capitaliste, de "l'ouvrier collectif". Or, une sous-estimation du prolétariat comme sujet de la révolution apparaît en diverses parties tout au long de l'analyse développée par le GPRC (tant dans l'histoire de la classe ouvrière que dans la situation actuelle - spécialement de la classe ouvrière en Russie). Par exemple : - dans ce qu'ils appellent "l'étape révolutionnaire de l'évolution du capitalisme", les luttes révolutionnaires de la classe ouvrière ne sont pas le produit du processus de conformation et de maturation de la classe ouvrière mais de son existence dans sa phase "initiale". Selon le GPRC, cela implique deux traits ou attributs qui lui donnent son caractère révolutionnaire et qui se perdent par la suite "dans la phase réformiste du capitalisme" : en étant une classe de travailleurs qualifiés (les artisans) ou bien en étant des ouvriers de "première génération" qui ainsi gardent leurs traditions paysannes communautaires. Ainsi, dans cette phase, si on suit le GPRC, le prolétariat est révolutionnaire non parce qu'il se constitue comme la classe exploitée du capitalisme, comme le prolétariat "moderne", mais parce qu'il maintient des traits précapitalistes, c'est-à-dire comme artisan qualifié ou comme paysan communautaire ; - cette notion est confirmée, selon le GPRC, par le fait que les révolutions prolétariennes du début du 20e siècle ont eu lieu dans des pays "retardataires" dans lesquels le capitalisme ne se trouvait pas encore dans sa "phase révolutionnaire" et dans lesquels le prolétariat conservait les traits primitifs définis précédement ; - finalement, son analyse sur la situation actuelle de la classe ouvrière suit aproximativement le même fil conducteur sur la perte des traits révolutionnaires initiaux de la classe ouvrière comme cause fondamentale de ses difficultés actuelles (même si le groupe ajoute d'autres facteurs pour cette perte tels que la diminution et la désagrégation du "prolétariat industriel" et la perte de sa mémoire historique dû à la répression stalinienne). C'est la raison pour laquelle il considère que les fractions du prolétariat "les plus receptives" à l'idée de la révolution sont celles des pays les plus retardataires ou que le "prolétariat industriel" a cessé d'être "l'avant-garde" du prolétariat laissant ce rôle aux chômeurs, aux "petits boulots", aux étudiants, etc... "C'est la nouvelle classe ouvrière du capitalisme naissant ou périphérique qui est la plus réceptive aux idées anticapitalistes. Encore sous l'influence des anciennes traditions du collectivisme rural (le village mir en Russie, la première génération de travailleurs perçoit le capitalisme comme étrange et pas naturel. Ils peuvent voir ses débuts, donc ils peuvent imaginer sa fin. (...) En opposition, la classe - 22 - Bulletin 37 ouvrière héréditaire du capitalisme mature ne connaît pas d'autre monde et donc a beaucoup de mal à imaginer un ordre social différent" (Une classe ouvrière passive ?, nous soulignons) "La lutte prolétarienne d'aujourd'hui est entrée dans une nouvelle phase, une nouvelle époque. Nous devons analyser cette nouvelle phase et agir en fonction. Nous ne devons pas avoir d'illusions. Les conditions sont très difficiles, le prolétariat moderne n'est pas une classe d'artisans qualifiés , ni une classe de travailleurs de transport. Le prolétariat moderne est fortement atomisé par le développement du capitalisme. Mais il est nécessaire d'agir dans la situation réelle du présent. (...) En premier lieu, les ouvriers d'industrie ne sont plus l'avant-garde du prolétariat (...). La cause objective de cela est la tendance à la désindustrialisation dans le capitalisme décadent moderne. (...) Ils ne sont qu'une minorité de la classe entourés d'une grande masse de sansemploi, ou partiellement employés et de prolétaires «autoemployés»" (Les trois phases..., nous soulignons). Cependant, malgré les difficultés qu'a le GPRC pour voir dans le prolétariat moderne le sujet de la révolution, il n'en demeure pas moins que le groupe s'efforce de le reconnaître comme tel : "Mais dans la polémique contre «l'ouvriérisme», il serait dangereux de tomber dans les erreurs de la «nouvelle gauche». Les ouvriers d'industrie ne sont qu'une partie du prolétariat, mais ils sont une partie du prolétariat. Plus. Ils ont la force de stopper la machine de production du capitalisme ce qui est impossible pour les étudiants, les retraités et les chômeurs. Pour utiliser des termes de vieilles sciences militaires, il est possible de voir en eux l'infanterie lourde qui entre la dernière dans la bataille mais dont dépend le résultat de celle-ci. Car son infanterie légère des étudiants, des jeunes déclassés des banlieues, etc., doit essayer d'initier la lutte des ouvriers d'industrie. La révolution prolétarienne ne peut être le résultat que de la lutte commune de toute la classe prolétarienne. (...) Nous devons nous rappeler que la révolution sociale ne peut être réalisée que par tous les groupes prolétariens - des prolétaires au travail intellectuel aux prolétaires de la «hightech» en passant par les ouvriers de l'industrie et en incluant les groupes les plus malheureux et exploités du prolétariat (...)" (Trois phases...). 4. Par rapport à tout ce qui précéde, il y a beaucoup de considérations critiques que nous pourrions faire de la conception des "trois phases" que le GPRC développe. Cependant, nous ne pouvons que les ébaucher ici car un débat sérieux et profond devra s'engager non à partir de cette vision générale, mais à partir des différentes analyses plus concrètes (par exemple, sur l'étape intiale du mouvement ouvrier, sur la signification de l'époque de la 2e Internationale, de l'étape qui s'ouvre à partir du début du 20e siècle, de celle qui s'ouvre à partir de 1968 ou de celle qui commence à partir de la chute du bloc impérialiste russe à la fin des années 1980, etc.), et seulement après pourrons-nous arriver à des généralisations. Ainsi, le GPRC voit l'étape initiale du mouvement ouvrier comme un processus de perte de sa conscience révolutionnaire originale. Pour nous, il s'agit justement du processus contraire. En premier lieu, le prolétariat se forme comme classe indépendante, autonome. Il passe de "classe en soi" à "classe pour soi" en se dégageant, en devenant indépendant du mouvement révolutionnaire de la bourgeoisie, en cessant de servir de chair à canon des révolutions bourgeoises et en menant sa propre lutte, pour ses propres revendications, Fraction interne du CCI intérêts et objectifs de classe (le mouvement chartiste, etc.). Simultanément, la théorie révolutionnaire rencontre - avec le marxisme - justement dans le prolétariat industriel moderne le sujet de la révolution en opposition aux courants qui, bien qu'ils mettaient en lumière l'exploitation capitaliste, n'étaient pas capables alors de trouver la "clé" du dilemme historique. Cette théorie était en opposition non seulement aux courants du "socialisme utopique" (qui voyaient dans la bonne volonté de la bourgeoisie, dans un système éducatif, etc.; le levier d'une transformation sociale), mais aussi en opposition aux courants "conspiratifs" (qui défendaient essentiellement l'existence d'un groupe conspiratif choisi et conscient qui planifierait et mènerait à bien la "révolution" depuis "le haut", entraînant derrière lui les masses plus ou moins inconscientes, c'est-à-dire qu'elles ne se dégageaient pas encore du cadre idéologique des révolutions bourgeoisies). Et, vu la "vision pessimiste" (sic) sur les capacités du prolétariat actuel qu'exprime le GPRC, nous sommes en droit de nous demander si, par hasard, il ne serait pas en train de développer une notion de ce type par rapport à la nécessaire "organisation d'avantgarde". Ensuite, par rapport à la caractérisation des révolutions russe et espagnole comme des "révolutions de la première période", le GPRC fait tout simplement abstraction du fait que celles-ci ne sont qu'une partie, que le premier et le dernier chaînon de la vague révolutionnaire véritablement internationale qui marque précisément l'entrée du capitalisme dans sa phase terminale, de décadence, comme la "maturité" du prolétariat comme classe révolutionnaire dans le sens où il est capable d'essayer de mettre à bas le système capitaliste mondial. Il fait même abstraction au niveau de la révolution russe elle-même du fait que la fraction d'avant-garde du prolétariat n'est pas celle des "artisans", ni celle des "ouvriers de première génération" mais le prolétariat expérimenté des grandes industries des villes principales. D'autre part, les courants marxistes "de gauche" (qui, par exemple, défendaient la nécessité de la destruction de l'Etat bourgeois et l'instauration de la dictature du prolétariat 1) n'ont pas surgi spontanément de la période révolutionnaire mais ils se sont préparés, développés, en lutte contre le réformisme et l'opportunisme durant les décennies précédentes, c'est-à-dire durant la période finale d'expansion du capitalisme, au sein même de la seconde Internationale, raison pour laquelle l'expérience de celle-ci ne peut être simplement rejetée comme du "pur réformisme". Ainsi, la période que le GPRC appelle "troisième phase" qui commencerait à partir de 1968 nous apporte plus de questions que de clarifications. 1 Par exemple, en 1891, Engels tirait des leçons fondamentales sur l'Etat capitaliste et la dictature du prolétariat (qui ne sont autres que celles que reprend le GPRC) : "En réalité, l'État n'est rien d'autre qu'un appareil pour opprimer une classe par un autre, et cela, tout autant dans la république démocratique que dans la monarchie ; le moins qu'on puisse en dire, c'est qu'il est un mal dont hérite le prolétariat vainqueur dans la lutte pour la domination de classe et dont, tout comme la Commune, il ne pourra s'empêcher de rogner aussitôt au maximum les côtés les plus nuisibles, jusqu'à ce qu'une génération grandie dans des conditions sociales nouvelles et libres soit en état de se défaire de tout ce bric-à-brac de l'État. Le philistin social-démocrate a été récemment saisi d'une terreur salutaire en entendant prononcer le mot de dictature du prolétariat. Eh bien, messieurs, voulez-vous savoir de quoi cette dictature a l'air ? Regardez la Commune de Paris. C'était la dictature du prolétariat" (Introduction à la La Guerre civile en France de K. Marx). - 23 - Bulletin 37 Premièrement, quelle est la détermination économique de base, le changement fondamental dans le capitalisme, qui marquerait la fin de la "seconde étape" et le début de la "troisième étape" du système capitaliste ? Pour nous, la fin des années 1960 est un moment de tournant historique. En deux aspects : elle marque la fin de la période de reconstruction (non pas tant celui du "boom économique") du deuxième après-guerre et ainsi la fin de la période de contre-révolution qui avait commencé au milieu des années 1920 avec la défaite de la vague révolutionnaire internationale. Mais il ne s'agit pas d'un tournant "essentiel" dans le système capitaliste de production. Ce n'est pas la fin de "l'étape réformiste". En tous cas, nous pourrions dire que le "capitaliste réformiste" se termine avec la propre phase d'expansion du capitalisme à la fin du 20e siècle. A partir de là, la stagnation économique chronique, la guerre impérialiste généralisée et la révolution prolétarienne internationale marquent l'étape décadente, terminale, du capitalisme, dont 1968 représente seulement un épisode. Deuxièmement, le GPRC défend que "toutes les années 1970 ont été un nouveau moment de bifurcation, de nouvelles luttes entre le prolétariat et la bourgeoisie - qui gagna la lutte pour sa solution de classe de la crise sociale. Dans cette lutte, le prolétariat a été battu et la bourgeoisie commença son offensive totale". D'une part, effectivement les années 1970, jusqu'au milieu des années 1980, ont vu une série de vagues de luttes du prolétariat à l'échelle internationale et en particulier dans les pays d'Europe dont on peut considérer que le point le plus haut a été la grève de masse en Pologne en 1980. Nous supposons que les camarades se réfèrent à cela. Mais, dans un tel cas, cette période contredit de nouveau la notion selon laquelle le prolétariat industriel des "vieux" pays serait pour le moins impuissant. D'autre part, nous ne savons pas si le GPRC considère que la "défaite" du prolétariat à laquelle il se réfère, est de la même amplitude historique que celle qu'il a subie dans les années 1920. Dans ce cas, il faudrait aussi démontrer qu'elle présente des caractéristiques similaires à celles des années 1920 de la défaite physique et idéologique que, selon nous, le prolétariat n'a pas encore subie jusqu'à maintenant. Troisièmement, le GPRC fait abstraction de l'impact sur la classe ouvrière de la chute du bloc impérialiste russe et de la désagrégation postérieure du bloc occidental, et de la campagne idéologique du capital sur la "mort du communisme et le triomphe du capitalisme et de la démocratie". Pour nous, c'est le principal facteur qui a représenté un frein et provoqué un recul de la lutte et de la conscience de la classe ouvrière tout au long de la décennie des années 1990, et dont elle a commencé à se sortir à partir de 2001 (Argentine, France, Italie, Grande-Bretagne, Allemagne...). Que pense le GPRC de tout cela ? 5. Finalement, le GPRC nous ouvre un vaste champ de débat autour de la conscience de classe du prolétariat. Ici, de nouveau, nous pouvons seulement ébaucher quelques points de discussion en prenant en compte les notions principalement générales présentées dans les documents que nous connaissons. Premièrement, la question du surgissement de la conscience de classe. Le marxisme n'a jamais considéré la conscience de classe du prolétariat comme un simple reflet passif de la réalité ou comme un produit spontané ou naturel du développement capitaliste comme les camarades le laissent à entendre : "Cependant, Insarov situe les causes réelles de la passivité des ouvriers dans le domaine culturel. Il fait une critique Fraction interne du CCI pertinente de la thèse marxiste selon laquelle il y a une tendance de la conscience de la classe ouvrière à mûrir en même temps que le capitalisme s'étend et se développe" (Une classe ouvrière passive ?, nous soulignons). La maturation de la conscience du prolétariat ne dépend pas de l'expansion et du développement du capitalisme (même s'il la suppose évidemment dans la mesure où il fait surgir et croître le prolétariat lui-même comme classe internationale), mais du développement de sa lutte de classe. L'exploitation capitaliste, et en particulier son aggravation dans les crises économiques, pousse nécessairement le prolétariat à lutter - s'il ne veut pas se voir rabaissé au niveau des bêtes de somme ou mourir de faim - et c'est à partir de cette lutte de classe que se développe, premièrement la réflexion collective sur ses intérêts et objectifs. Mais en outre, et cela est fondamental, cette réflexion n'a pas seulement une dimension immédiate mais aussi historique. C'est-à-dire qu'elle n'apparaît pas et ne disparaît pas avec chaque lutte, ni même avec chaque période plus ou moins longue de luttes. Mais elle tend à se conserver et à s'approfondir dans une dynamique propre qui ne dépend pas uniquement de l'existence immédiate de luttes. Ainsi, l'approfondissement de la conscience de classe s'exprime concrètement dans le surgissement d'organisations révolutionnaires permamentes qui ont pour fonction- entre autres - de tirer, de préserver et de transmettre les leçons de chaque lutte et de synthétiser dans leur programme les objectifs et moyens de la révolution. D'autre part, l'extension de la conscience de classe parmi des secteurs chaque fois plus large du prolétariat - particulièrement dans les phases de développement des luttes - n'est pas non plus un reflet passif de ces luttes. Cette extension, la réflexion dans la classe, participe à son tour de l'extension et de la radicalisation des luttes. En plus, ce n'est pas le marxisme, mais le GPRC lui-même qui fait dépendre mécaniquement la conscience de classe de la "maturation et du développement du capitalisme", bien que dans un sens inversé de celui qu'il attribue au marxisme (c'està-dire : une plus grande "maturation et développement du capitalisme", une conscience de classe moindre) : "Au contraire : c'est la nouvelle classe ouvrière du capitalisme naissant et périphérique qui est la plus réceptive aux idées anticapitalistes. Encore sous l'influence des anciennes traditions du collectivisme rural (...), la première génération d'ouvriers perçoit le capitalisme comme étrange et non naturel. Ils peuvent voir ses débuts, donc ils peuvent imaginer sa fin. (...) Par contraste, la classe ouvrière héréditaire du capitalisme mature ne connaît pas d'autre monde et il lui est donc très difficile d'imaginer un ordre social différent". Pour terminer, nous aimerions attirer l'attention sur un passage extrêmement important soulevé par le GPRC sur la conscience de classe : "Ce processus d'oubli peut être empêché dans la mesure où la mémoire du passé se transmet de génération en génération maintenant ainsi la continuité dans la culture de la classe ouvrière. Mais les périodes de répression sévère peuvent rompre cette continuité. Le régime dominant en URSS a réussi à imposer une telle rupture culturelle en détruisant la tradition de la lutte ouvrière qui avait culminé en 1917 et avait survécu quelques années après. La classe ouvrière russe perdit sa mémoire historique. Voilà pourquoi aujourd'hui les ouvriers n'arrivent pas à comprendre et à répondre à la propagande socialiste." - 24 - Bulletin 37 S'il est vrai qu'il ne se réfère pas explicitement au concept de conscience de classe, ni à celui de programme communiste, le GPRC parle de la "mémoire", de la "culture", de la "tradition" de la classe ouvrière et de sa continuité historique (le passage d'une génération à l'autre). Et de comment cette continuité historique a été "rompue" dans "la période de répression sévère" (concrètement dans la période de contre-révolution qui, disons-le au passage, toucha non seulement la Russie mais aussi le monde entier). Pour nous, l'important est que le GPRC, ici, se réfère à un processus qui n'a rien à voir avec le développement du capitalisme, ni avec la question de savoir si le prolétariat est de "première génération" ou "héritier", mais justement avec le processus de la lutte entre la bourgeoisie et le prolétariat. C'està-dire que le GPRC développe parallèlement et contradictoirement deux explications différentes sur la "perte" de conscience révolutionnaire dans le prolétariat. Dans la première (celle de la trop grande "maturité" du prolétariat), cette perte se présente comme une fatalité inévitable. Dans la seconde (celle de la "rupture" de la continuité historique), cette "perte" devient dépassable dans la mesure où le prolétariat est capable de se réapproprier cette continuité historique, sa mémoire, sa tradition de lutte. Chaque explication conduit à des chemins différents pour l'organisation révolutionnaire : - si nous optons pour la première, il ne reste aux révolutionnaires qu'à commencer à organiser une conspiration "depuis en haut" pour arracher un prolétariat qui, nous le savons, ne pourra jamais récupérer une conscience révolutionnaire propre ; - si nous optons pour la seconde, alors tout le travail des révolutionnaires doit se centrer à ce que le prolétariat arrive à "se relier" à sa propre continuité historique, à sa mémoire, à son expérience, à son programme. Voila le dilemne, de notre point de vue, auquel se confronte le GPRC. Mai 2006 *** TEXTES DU MOUVEMENT OUVRIER La gauche marxiste d'Italie et le mouvement communiste international La III° Internationale et le Parlementarisme Paru dans Il Soviet, 3ème année, n° 11 (11 avril 1920) La circulaire du C. E. de l'Internationale communiste signée par Zinoviev et publiée dans les N° 8 et 9 de «Comunismo» nous oblige à revenir encore une fois sur la question controversée du parlementarisme. Les premiers mots de la circulaire à ce sujet sont les suivants : «Entre autres questions, la phase actuelle du mouvement révolutionnaire pose de façon impérieuse celle du parlementarisme». Que cela serve de réponse à tous ceux qui prétendent que nous avons fait de la question parlementaire une espèce d'obsession, que nous sommes les seuls à lui accorder une aussi grande importance, alors que c'est une question non de programme, mais de tactique et donc de caractère secondaire. Nous avons déjà dit à plusieurs reprises que les questions de tactique sont pour nous d'une très grande importance parce qu'elles définissent l'action que les partis doivent mener ; s'ils discutent les questions de programme, c'est précisément pour en déduire les directives tactiques, faute de quoi ils ne seraient pas des partis politiques, mais des congrégations de rêveurs. Ce qui divise la social-démocratie et les communistes n'est pas tant le but lointain que les uns et les autres veulent atteindre, que précisément la tactique ; et cette division est si profonde qu'en Allemagne et ailleurs, beaucoup de sang a coulé entre les deux partis : on ne dira pas que c'est là une chose secondaire et de peu d'importance. Nous sommes d'accord pour admettre que, dans la question du parlementarisme, il faut distinguer deux questions. Sur la première, c'est-à-dire sur la nécessité d'abattre le régime parlementaire pour donner tout le pouvoir aux Soviets, il ne devrait pas y avoir de désaccord entre les partis adhérant à la III° Internationale, et donc entre leurs membres parce que c'est là le pivot, l'épine dorsale de son programme. Si nous employons le conditionnel, c'est parce que le PSI se soustrait à ce devoir, qu'une fraction importante de ce parti soutient ouvertement la position inverse et qu'une autre, non moins importante, ne s'est absolument pas rendu compte de Fraction interne du CCI l'antithèse profonde qui existe entre régimes parlementaire et soviétique. C'est peut-être parce qu'ils savent que notre parti a sur ce point une position hybride, équivoque, que les camarades de la III° Internationale s'adressent aux autres partis, et ne s'occupent pas du parti italien. Peut-être attendentils qu'il sorte de l'équivoque ? Ils risquent d'être déçus dans leur attente ! La seconde question est de savoir si «les parlements bourgeois peuvent être utilisés pour développer la lutte de classe» ; quand la circulaire affirme qu'elle n'a aucun rapport avec la première, c'est inexact, selon nous. Si l'on reconnaît qu'il y a une profonde antithèse entre le régime parlementaire et le régime soviétique, on doit aussi reconnaître qu'il faut préparer moralement les masses à en prendre conscience, à se familiariser avec la nécessité d'abattre le régime parlementaire bourgeois et de constituer les Soviets. Les partis qui soutiennent ce programme ne peuvent faire une propagande efficace qu'à la condition de ne pas le dévaloriser de la façon la plus absolue par leur propre action, en acceptant eux aussi de participer au parlement. Cela vaut spécialement pour les pays où une longue tradition a valorisé cette participation et où le crédit dont les parlements jouissent vient précisément des partis qui voudraient aujourd'hui défendre la position inverse à son égard. Ces partis ont en effet longtemps appris aux masses à donner l'importance principale aux parlements, en prétendant qu'ils détenaient tout le pouvoir d'Etat et que pour s'en rendre maîtres, il fallait absolument conquérir la majorité en leur sein. Il est à plus forte raison impossible que ceux qui veulent, au moins en paroles, la destruction du parlement bourgeois «de l'intérieur» mènent une campagne électorale commune, sous le même drapeau antiparlementaire, au nom et sous la direction du même parti, avec ceux qui continuent à le considérer du point de vue social-démocratique. - 25 - Bulletin 37 Les exemples que Zinoviev apporte à l'appui de sa thèse ne sont pas convaincants. Le fait que les bolcheviks ont participé aux élections pour la Constituante pour la disperser vingtquatre heures plus tard ne prouve pas que l'on puisse exploiter le parlementarisme bourgeois en faveur de la révolution. Il est évident que les bolcheviks ont participé aux élections à la Constituante parce qu'ils ne se sentaient pas assez forts à ce moment-là pour les empêcher ; autrement, c'est ce qu'ils auraient fait. Mais dès qu'ils se sont sentis assez forts, ils sont passés à l'action. Cette force, ce n'est pas la participation à la lutte électorale qui la leur a donnée ni même révélée, puisque les résultats électoraux n'ont pas été en leur faveur. Heureusement car, au cas contraire, ils n'auraient peut-être pas pu abattre la Constituante. Nous admettons que l'intervention dans les luttes électorales puisse être utile pour démontrer l'inutilité de la Constituante et de tout parlement, ou mieux, l'utilité de les abattre, mais seulement à la condition de ne pas présenter de candidats. C'est seulement ainsi qu'on peut démontrer efficacement aux masses qu'on est antiparlementaire parce que c'est seulement alors que la pratique concorde avec la théorie au lieu de la contredire comme lorsque l'antiparlementaire aspire à devenir député. L'argument qui rappelle la participation des bolcheviks à la Douma tsariste avant la guerre n'a pas davantage de valeur, car la situation historique était bien différente et qu'on ne pouvait même pas rêver alors de renverser le régime bourgeois dans un délai bref. Il n'est pas non plus exact de dire que la qualité de parlementaire a favorisé l'oeuvre révolutionnaire de Liebknecht pendant la guerre puisque c'est au contraire elle qui l'a forcé à un premier vote en faveur des crédits militaire. Au reste, il a eu à côté de lui et avec lui bien d'autres militants, tombés depuis en martyrs de la cause, et leur lutte commune s'est déroulée complètement en dehors du parlement où il n'a pas même été possible de parler. L'immunité relative que confère la qualité de parlementaire à celui qui en jouit est un argument sans poids pour ceux qui ont embrassé avec foi une cause exigeant un esprit de sacrifice illimité, comme c'est le cas de la cause révolutionnaire. D'ailleurs, quand un député fait réellement oeuvre révolutionnaire, il n'est immunisé contre aucun danger, comme l'exemple du même Liebknecht, des députés à la Douma ou au parlement bulgare le prouve. Quant aux mines que les députés sont supposés poser dans le camp même de l'ennemi et qui sont leurs votes, leurs discours, leurs projets de loi, ordres du jour, voire leurs cris ou leurs coups de poing, elles sont tout au plus de force à faire sauter... un ministère, et il n'y a pas lieu de s'en préoccuper. Estimant que les antiparlementaires sont des syndicalistes et des anarchistes, le CE. de la III° Internationale se préoccupe d'admettre ceux-ci dans le Parti communiste pour faire dans une certaine mesure contrepoids aux militants venus des partis socialistes, les seconds étant plus enclins à l'action parlementaire et les premiers à l'action illégale. C'est pourquoi tout en répétant que la véritable solution se trouve hors du parlement, dans la pratique, il conseille l'action parlementaire aux uns et l'union à tous afin de ne pas affaiblir les forces révolutionnaires, ce qui montre qu'il considère au fond que les seconds sont plus efficaces et déterminants que les premiers. Nous ne voulons pas répéter encore une fois que notre antiparlementarisme est bien différent de celui des syndicalistes et des anarchistes, mais seulement conclure que nous sommes parfaitement d'accord avec le CE de l'Internationale pour établir une règle générale dans la question parlementaire. Le CE croit peut-être que sa circulaire a résolu le problème, mais nous ne pouvons accepter sa solution qui, loin de rien résoudre, laisse les choses telles qu'elles sont, avec toutes les conséquences nocives que cela comporte. La question doit être posée au prochain congrès de la Troisième Internationale, afin que les partis-membres adoptent ses décisions et les appliquent partout avec discipline. A ce congrès, il ne manquera pas de militants pour exposer toutes les raisons qui, selon nous, devraient inciter l'Internationale à adopter dans la question parlementaire la tactique abstentionniste que nous préconisons. *** Hommage au camarade Goupil Nous saluons la mémoire du camarade Goupil dont nous avons appris récemment le décès. Avec lui s'éteint l'un des derniers éléments de cette génération qui constituait la Gauche communiste dans l'après 2è guerre mondiale. Revolutionary Perspectives n° 40 (revue de la CWO-Communist Workers' Organisation) lui rend un hommage appuyé auquel nous renvoyons le lecteur et auquel nous nous associons. Fraction interne du CCI - 26 - Bulletin 37