Les métaux lourds dans les denrées alimentaires: origine et évolution des teneurs ß Prof. Marc Verloo ß
Symposium “Les oligo-éléments dans l’alimentation en Belgique - Données récentes” ß Institut Danone ß 18/10/2003 ß 1 ß
LES METAUX LOURDS DANS LES DENREES ALIMENTAIRES :
ORIGINE ET EVOLUTION DES TENEURS
PR MARC VERLOO
FACULTE DES SCIENCES AGRONOMIQUES ET BIOLOGIQUES APPLIQUEES
UNIVERSITEIT GENT
Notre milieu terrestre se compose de 94 éléments naturels que le système périodique classe de
l’hydrogène nombre atomique 1 au plutonium – nombre atomique 94. D’un point de vue
chimique, 71 éléments sont des métaux ; parmi eux, selon la définition, une soixantaine sont
considérés comme métaux lourds. Les métaux lourds sont donc des composants
indispensables de notre Terre et de tout ce qui s’y est développé. Ils sont présents partout et
dans tout. Mais les concentrations peuvent varier considérablement. Dans l’environnement où
nous vivons, cela peut aller de quelques pour-cent (des dizaines de grammes par kilo, par
exemple le fer) à une fraction de picogramme par kilo (platine, iridium), soit un ordre de
grandeur de 1013 à 1015 . On a établi qu’une cinquantaine de métaux lourds sont essentiels à
l’un ou l’autre organisme ; neuf sont indispensables à l’homme.
Dans la nature, certains métaux lourds se présentent sous forme brute ou libre, mais
généralement, ils sont plutôt connus comme minéraux, le plus souvent dans des liaisons
insolubles avec l’oxygène, les silicates, carbonates, sulfures et autres phosphates.
Chimiquement, cependant, le terme « insoluble » n’existe pas. Au contact avec l’eau, toutes
les matières se dissolvent, fût-ce en quantités extrêmement réduites. Seuls les éléments ou
liaisons dissous peuvent avoir une activité biologique. Le développement et le maintien de la
vie sur Terre dépendent donc de la présence de nutriments solubles. Au cours de leur
évolution, les plantes et les micro-organismes ont développé des mécanismes plus ou moins
sélectifs pour rendre les substances nutritives dites « insolubles » y compris les métaux
lourds plus solubles et disponibles. Ces mécanismes, cependant, manquent souvent de
sélectivité. Autrement dit, les métaux indésirables sont assimilés en même temps.
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Actuellement, grâce aux progrès spectaculaires de la chimie analytique, il est possible de
déceler tous les métaux lourds dans toutes les facettes de notre environnement et aussi dans
tous les produits alimentaires.
L’homme utilise également les métaux lourds à d’autres fins. Il les a extraits, raffinés, enrichis
et convertis en des formes chimiques qui peuvent souvent se montrer plus solubles que les
formes naturelles. Par l’intermédiaire de l’air, des déchets ménagers et industriels, des
déjections animales et des engrais, notre environnement s’est trouvé enrichi d’une série de
métaux lourds qui ne possèdent plus leur stabilité originelle. A long terme, dans le sol, ces
métaux retrouveront des liaisons stables, quasi insolubles, mais en attendant, les substances en
question resteront dans la chaîne alimentaire. Les métaux lourds deviennent plus vite
insolubles dans les sols riches en argile, d’un pH élevé, à forte teneur en phosphates,
carbonates ou sulfures, ainsi que dans les humus. Autrement dit, les plantes qui poussent sur
ces sols affichent rarement une importante concentration en métaux lourds. Mais tous les
métaux et toutes les plantes ne réagissent pas de la même façon.
Au cours de la dernière décennie, le cadmium et le mercure ont suscité une attention
particulière, en partie à cause de leur importante diffusion, en partie pour la toxicité de
certaines liaisons. La littérature et les chiffres datant d’avant 1980 doivent être traités avec
circonspection, vu l’imprécision des méthodes analytiques. Le cadmium (Cd) a été et est
utilisé sous forme de métal ou de liaison. Il est présent dans le revêtement de nombreux
appareils ménagers (machines à laver, réfrigérateurs, fours) mais aussi dans l’outillage, les
boulons, clous et vis. Il sert de colorant dans les plastiques, les pneus de voiture, les batteries
et l’huile de moteur. Dans l’agriculture, les principales sources de cadmium sont les engrais
aux phosphates et les boues d’épuration.
Le plomb (Pb) est surtout présent dans les batteries, les canalisations, les soudures, les
munitions et les colorants. Il a constitué un important additif de l’essence. Quant au mercure
(Hg), ses principales applications se situent dans l’industrie pharmaceutique. Il sert aussi de
catalyseur dans la fabrication des plastiques et entre dans la composition de divers appareils
de mesure ou de régulation. Ces métaux sont surtout toxiques sous la forme d’ions de sels
solubles, mais les liaisons alkyl-mercure et le mercure gazeux sont aussi très dangereux.
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En raison de ses propriétés physico-chimiques, le Cd est un des métaux lourds les plus
solubles dans le sol. Dès que la concentration de Cd augmente dans la terre, les plantes
l’absorbent avidement, et il se retrouve dans la chaîne alimentaire. Il en va tout autrement du
Pb et du Hg, qui se fixent rapidement dans le sol et sont moins disponibles pour les plantes.
A côté de l’absorption directe, les plantes s’enrichissent aussi de métaux lourds par la
poussière qui se dépose sur les feuilles. La fumée et les cendres volantes des incinérateurs
sont riches en Pb ou Cd. Les aliments végétaux destinés à l’homme sont généralement lavés ;
l’alimentation du bétail ne bénéficie pas de ce traitement.
Cela peut avoir pour effet d’augmenter la concentration dans le lait et les abats, le foie, les
reins. Des analyses systématiques des métaux lourds montrent que les valeurs autorisées ne
sont que rarement dépassées dans l’alimentation belge commercialisée par les grandes
surfaces. La limite de 200µg/g est parfois franchie dans l’épinard, mais les producteurs, en
choisissant judicieusement les variétés, peuvent fortement réduire l’absorption par la plante.
Les plus hautes teneurs se retrouvent toujours dans les potagers privés, les jardins populaires
sis à la périphérie des grandes villes, parfois à proximité d’activités polluantes ou d’anciens
sites industriels. Ces dernières décennies, les entreprises et les pouvoirs publics ont consenti
de gros efforts pour limiter le plus possible les émissions de métaux lourds et maîtriser les
flux de déchets. Des efforts fructueux. Dans la littérature internationale récente, les cas
d’intoxication alimentaire aux métaux lourds sont devenus très rares. L’empoisonnement au
cadmium semble plutôt lié au tabagisme, parfois à une carence physiologique en fer ou en
zinc. Les problèmes de santé dus au plomb s’expliquent généralement par une hygiène
déficiente ou par l’usage imprudent de minium de plomb. Les risques du mercure, enfin, sont
principalement accidentels, mais peuvent parfois prendre des proportions plus vastes lorsque
des semences désinfectées interdites sont mélangées à l’alimentation du bétail.
Aujourd’hui, dans notre pays, la question des métaux lourds dans l’alimentation est
relativement bien maîtrisée. Le consommateur doit cependant savoir que les produits qu’il
cultive lui-même ou fait cultiver ne sont pas toujours les meilleurs.
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