13. Les écosystèmes aquatiques - Agence de l`Eau Seine Normandie

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13. Les écosystèmes aquatiques
Il existe une grande diversité d’écosystèmes aquatiques marins et continentaux.
Chacun est structuré selon un ensemble de paramètres physiques, chimiques et biologiques
spécifiques. Les réseaux d’échanges d’énergies et de matières permettent le maintien et le
développement de la vie des milieux aquatiques dont il convient de surveiller l’état sanitaire.
1. Les facteurs structurants
Les écosystèmes aquatiques sont représentés par l’ensemble des sous-parties
de l’hydrosphère dans lesquelles la vie est permise et entretenue durablement. On
distingue d’une part les écosystèmes aquatiques marins, d’autre part les écosystèmes
aquatiques continentaux. Ces derniers ne sont pas assimilables directement aux
écosystèmes d’eau douce, les eaux continentales pouvant présenter une salinité de
100 g L-1 (cas de certains lacs) supérieure à celle de l’eau de mer (moyenne 34 g L-1).
La circulation permanente de l’eau entre les écosystèmes continentaux et marins
montre que l’hydrosystème planétaire se présente sous forme d’un continuum, des
sources des rivières au centre des océans. Au sein de ce continuum, la diversité des
écosystèmes aquatiques repose sur des paramètres physico-chimiques structurant
qui en déterminent les caractéristiques fonctionnelles : déplacement, mouvement et
renouvellement de l’eau ; profondeur, distance aux substrats de différentes natures,
relations avec le fond et les frontières horizontales (rive par exemple) ; interactions avec
l’atmosphère et influence des paramètres climatiques (température, pluviométrie,
lumière etc.). Les hydrosystèmes et leurs communautés sont sous la contrainte d’un
système de facteurs structurants.
a. Les facteurs d’organisation horizontale
L’écoulement unidirectionnel de l’eau par gravité dans les rivières permet les transferts
d’éléments minéraux et de matière organique de l’amont vers le système aval,
transferts souvent indispensables au fonctionnement de ce dernier. De même, limitée
par les masses continentales, la circulation océanique superficielle sous l’action des
vents organise les écosystèmes marins et oriente qualitativement et quantitativement
la structure des biocénoses.
b. Les facteurs d’organisation verticale
Les échanges réversibles saisonniers d’eau, d’éléments dissous entre les eaux de
surface et les eaux souterraines (périodes d’étiage, de crue) permettent l’installation
de communautés diversifiées ou leur protection temporaire en périodes défavorables.
Les facteurs de structuration verticale sont essentiels dans l’organisation fonctionnelle
des masses d’eau. Selon leur profondeur, la pénétration du rayonnement solaire
détermine des gradients photiques et thermiques sur tout ou partie de la colonne d’eau,
structurant verticalement les communautés aquatiques.
c. Les facteurs d’organisation transversale
Les frontières naturelles des hydrosystèmes jouent un rôle important dans leur
fonctionnement. Les systèmes terrestres riverains sont capables d’accumuler et
d’apporter épisodiquement aux hydrosystèmes de l’eau, des éléments nutritifs, de
la matière organique. Pluvio-lessivage, ruissellement ou entraînement de matière
associée à des événements hydrologiques (crue, effet des marées) structurent
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les écosystèmes aquatiques. La prise en compte des apports provenant des rives,
des ripisylves, des cultures etc. dans le fonctionnement des systèmes aquatiques
continentaux est essentielle, au même titre que les apports des franges littorales, aux
écosystèmes marins littoraux.
Facteurs d’organisation des hydrosystèmes
4
1
3
3
3
3
Sf
2
1
4
2
2
T
L
Composantes horizontales 1, verticales 2, transversales 3 et temporelles 4
Effets sur les gradients de 3 paramètres abiotiques : T- température, L- lumière, Sf- sédimentation fine
d. Les facteurs d’organisation temporelle
Les alternances saisonnières sont structurantes. Dans les lacs et les mers des régions
tempérées notamment, elles conduisent lors des saisons « chaudes » (printemps/été)
à la stratification thermique des masses d’eau, les eaux chaudes superficielles moins
denses reposant sur des eaux profondes plus froides. À l’inverse, une déstructuration
thermique intervient en période hivernale (dans les régions tempérées). Les
liaisons étroites entre le rythme temporel de fonctionnement des hydrosystèmes
et les alternances saisonnières révèlent les rôles structurant des échanges entre
l’hydrosphère et l’atmosphère (réchauffement/refroidissement des masses d’eau,
formation de glaces de mer, évaporation de l’eau liquide, précipitations, etc.).
L’importance relative de l’action des différents grands ensembles de facteurs
d’organisation spatiale et temporelle est la source de discrimination structurelle et
fonctionnelle de la diversité des écosystèmes aquatiques continentaux et marins.
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2. Les grands types d’écosystèmes
a. Les systèmes aquatiques continentaux superficiels
Ils sont répartis en deux domaines : le domaine lotique et le domaine lentique (ou
limnique).
• Les écosystèmes du domaine lotique sont caractérisés par un écoulement
apparent de l’eau, la plupart du temps permanent. Ils correspondent aux ruisselets,
ruisseaux, torrents, rivières et fleuves. En fonction de la topographie traversée
ou façonnée par ces écoulements, les paramètres abiotiques structurant pour
les communautés animales et végétales sont la vitesse du courant déterminant
un équilibre entre érosion et sédimentation, le niveau d’oxygénation des eaux,
l’apport d’énergie solaire et sa pénétration dans la colonne d’eau, la quantité
de matière organique ou minérale en suspension. L’action de ces paramètres
détermine tout au long de l’axe amont-aval un gradient d’habitats diversifiés au
sein du continuum lotique. En fonction des gradients des conditions abiotiques
du système amont-aval et des transferts longitudinaux permanents de matière,
les communautés animales et végétales se répartissent le long de cet axe. On
peut distinguer principalement au sein d’un même système lotique, trois zones
écologiques : le crénon ou zone des sources, le rhithron ou cours supérieur de
rivière, au plus proche des sources, et le potamon qui regroupe cours moyen et
cours inférieur, partie des cours d’eau en basse altitude.
• Les écosystèmes du domaine lentique (ou limnique) présentent des eaux
stagnantes piégées dans des dépressions du sol. Les lacs sont des nappes d’eau
libres généralement permanentes et par conséquent régulièrement renouvelées.
Leur profondeur va de quelques mètres à plus de 1500 m. Plus ou moins
étendus ou profonds, leur origine est diverse (lacs de fossé d’effondrement, lacs
volcaniques, lacs d’origine glaciaire, lacs fluviaux). Les mares sont des nappes
d’eau superficielles souvent temporaires, d’étendue, de surface et de profondeur
réduites. Le bilan hydrique des systèmes lentiques dépend de l’importance
de la masse d’eau initialement stockée, des apports externes (précipitations,
ruissellement, eaux souterraines), des pertes par évaporation et infiltration.
Lacs de barrage et étangs sont des nappes d’eau d’origine anthropique dont la
profondeur et le renouvellement sont contrôlés.
Dans les lacs, la stagnation de l’eau et une profondeur supérieure à celle des
écosystèmes lotiques permettent une organisation verticale. La surface peut
recevoir et accumuler une grande quantité d’énergie solaire, conduisant à des
gradients verticaux de lumière et de température décroissants avec la profondeur.
Dans les lacs, une zone euphotique dans la partie supérieure où l’importance des
apports solaires permet la croissance du phytoplancton et de végétaux benthiques
(forte production primaire) est séparée d’une zone aphotique qui en est privée.
En fonction de la capacité de ces milieux à produire une quantité plus ou moins
importante de matière organique via les producteurs primaires, les lacs peuvent
être considérés comme oligotrophes (faible production), mésotrophes (production
moyenne) ou eutrophes (forte production). L’accumulation d’énergie thermique
par réchauffement progressif de l’eau superficielle conduit à une stratification
thermique de la colonne d’eau.
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On distingue de haut en bas : une couche de surface ou épilimnion où la température
est élevée et homogène, une couche de décroissance rapide de la température ou
thermocline, une couche profonde ou hypolimnion où la température est basse
et homogène (~ 4°C). Cette stratification thermique de la colonne d’eau peut être
permanente (thermocline permanente des lacs des régions tropicales sans
influence saisonnière) ou saisonnière (thermocline saisonnière des lacs des régions
à saisonnalité marquée) se formant au printemps et en été et se déstructurant en
hiver. Réchauffement printanier/estival et refroidissement hivernal conduisent
à l’alternance saisonnière d’eaux superficielles « légères » en été et denses en
hiver. Par ce jeu de densité différentielle, les eaux superficielles plus lourdes
s’enfoncent, entraînant la remontée des eaux profondes ce qui permet la mixtion
de la colonne d’eau. Ce mélange peut intervenir une fois (lac monomyctique) ou
deux fois (lac dimyctique) par an et la mixtion peut concerner tout (holomyctique)
ou partie (méromyctique) de la colonne d’eau. Ce mélange essentiel permet la
remontée de la matière organique et des éléments minéraux accumulés au fond
des lacs et assure l’oxygénation des eaux profondes, favorisant la dégradation
de la matière organique du fond et le maintien des communautés benthiques.
Ecosystèmes aquatiques : les grands domaines
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b. Les écosystèmes aquatiques marins
Ils présentent une très grande diversité. Comme les lacs, l’exposition de la surface
au rayonnement solaire conduit à une zonation verticale de la masse d’eau. On y
distingue, jusqu’à 200 mètres (eau claire), une zone photique (ou système phytal) dans
laquelle la photosynthèse est possible, et une zone aphotique (ou aphytal). De même,
on observe une stratification thermique de la colonne d’eau séparant successivement
zone superficielle, zone thermocline et zone profonde. On peut également séparer le
domaine marin horizontalement, en fonction de l’éloignement à la côte, de la profondeur
de la colonne d’eau et des relations d’échanges possibles entre le fond et les eaux de
surface, en deux provinces :
• les provinces néritiques sont les zones marines partant de la côte et s’étalant
généralement sur l’ensemble du plateau continental. D’une profondeur maximale
d’environ 200 m, ces provinces présentent des biocénoses riches et diversifiées et
sont le lieu d’une intense production biologique reposant sur une forte production
primaire (phytoplancton ; végétaux benthiques : thallophytes et phanérogames
marines). L’enrichissement des eaux côtières en matière organique et minérale
d’origine terrestre et provenant des hydrosystèmes lotiques représente l’élément
moteur de cette forte production. La faible profondeur des provinces néritiques
permet des échanges permanents entre les organismes benthiques et ceux du
domaine pélagique jusqu’en surface.
• les provinces océaniques s’ouvrent au bord du plateau continental pour occuper
l’ensemble des masses d’eau marines. La profondeur de la colonne d’eau s’étend
de 200 m (bord du talus continental) à plus de 11000 m (fosse océanique) pour
une profondeur moyenne mondiale d’environ 4000 m. Les biocénoses benthiques
et pélagiques sont généralement moins diversifiées et la production biologique
repose principalement sur la production primaire du phytoplancton. En haute mer,
des carences en éléments minéraux (azote, phosphore, fer…) limitent la production
biologique et les centres océaniques sont considérés comme des « déserts » au vu
de la faible biomasse animale et végétale observée. Contrairement aux provinces
néritiques, peu d’échanges réciproques existent entre le domaine pélagique et
le domaine benthique, ce dernier, dépourvu de capacité de production primaire
(sauf les systèmes chimio-autotrophes des systèmes hydrothermaux profonds)
reçoit des apports alimentaires par sédimentation des organismes ou de la
matière organique en suspension. Le transfert possible de matière du bas vers
le haut repose essentiellement sur la mobilité verticale d’organismes pélagiques
capables de migrations parfois de grande amplitude ou à l’occasion d’événements
hydrologiques tels que des zones de remontées d’eaux froides vers la surface
(upwelling).
c. Les écosystèmes de transition : les écotones
Les écotones sont les zones de transition entre des écosystèmes fortement identifiés
par la stabilité et l’homogénéité de leurs facteurs abiotiques dominants. Ces écotones
s’établissent notamment entre les milieux terrestres et les milieux aquatiques,
mais également entre différents systèmes aquatiques. Ils sont caractérisés par des
gradients spatiaux et/ou une hétérogénéité temporelle de leurs paramètres abiotiques
principaux. Dans ces zones de transition se développent une très forte biodiversité,
celle-ci reflétant d’une part la fraction commune des espèces des écosystèmes séparés
capables de supporter ces gradients, d’autre part d’espèces typiquement inféodées (ou
endémiques) de ces écotones.
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• Les « zones humides » correspondent à une diversité d’écosystèmes répondant
à cette description : ce sont les terrains riverains des systèmes lotiques ou
lentiques inondés ou gorgés d’eau douce, saumâtre ou salée, de façon temporaire
ou permanente et dont la végétation est à dominante hygrophile. Dans les régions
tempérées, les rythmes saisonniers influent sur les réserves en eau contenues
dans ces hydrosystèmes, les zones humides pouvant être plus ou moins asséchées.
Sous ce terme sont regroupés les berges des rivières, rives des lacs et leur ceinture
de végétation, les forêts riveraines (ripisylve), les marais, les plaines alluviales et
les prairies humides, les bras morts, les tourbières… Leur rôle est essentiel. Elles
permettent la régulation des écoulements du milieu terrestre vers les milieux
aquatiques et en assurent la filtration, l’épuration biologique ; elles jouent le rôle
de zone tampon limitant les effets des crues ; gorgées d’eau, elles participent au
maintien du niveau des réserves d’eau souterraines (nappes phréatiques). Enfin,
elles sont des réservoirs de biodiversité sur lesquels viennent se nourrir, se
réfugier et se reproduire de nombreuses espèces d’oiseaux, d’amphibiens et de
poissons.
• Les zones médiolittorales représentent la frontière étroite entre le milieu
continental terrestre et le domaine marin, zone soumise à l’alternance des marées.
Parfois incluses dans les « zones humides », elles en diffèrent principalement par
la rythmicité quotidienne des périodes d’immersion et d’exondation. Présence
et absence d’eau impriment aux organismes de ces écosystèmes de fortes
contraintes physiologiques et par conséquent sélectionnent des espèces animales
et végétales montrant de fortes capacités d’acclimatation.
3. Chaînes alimentaires et réseaux trophiques
a. La production primaire
Elle est la base du fonctionnement énergétique des écosystèmes. Elle correspond
à la synthèse de matière organique à partir des éléments minéraux et d’une source
d’énergie. Pour au moins 99 % de la biomasse produite dans la biosphère, la production
primaire est assurée par les organismes photoautotrophes (producteurs primaires)
via la photosynthèse. La photosynthèse conduit à la formation de maillons carbonés
(-HCOH-) qui, associés à d’autres éléments (azote, phosphore…), forment les molécules
de la matière organique (protéines, acides nucléiques…). Le niveau de production par
les organismes photosynthétiques aquatiques est déterminé par la variabilité dans
l’espace et le temps de trois facteurs physico-chimiques : disponibilité en dioxyde
de carbone, apport d’éléments minéraux et disponibilité en lumière. Le dioxyde de
carbone n’est jamais limitant. En revanche, la disponibilité en énergie lumineuse
dépend principalement de la profondeur de l’eau, de sa turbidité (charge en particules
en suspension) mais également de l’interception du rayonnement par les végétaux euxmêmes (effet d’ombre). Les quantités en éléments minéraux (azote, phosphore, fer...)
peuvent être limitantes. Les écosystèmes aquatiques continentaux et marins littoraux
sont rarement carencés du fait principalement des apports transversaux. Par contre,
dès que l’on s’éloigne d’écosystèmes riverains, les sources d’éléments minéraux se
raréfient, limitant le niveau de production primaire de telle sorte que des zones du
domaine marin océanique sont considérées comme oligotrophes. Dans les systèmes
aquatiques, les producteurs primaires sont variés : cyanobactéries, microalgues
planctoniques ou benthiques (du périphyton et périlithon), macroalgues, mousses et
phanérogames hydrophytes.
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Chaînes alimentaires et réseau trophique
P : Producteurs primaires (phytoplancton) - C1 : Consommateurs primaires (herbivores)
C2 et C3 : Consommateurs secondaires et tertiaires (carnivores) - D : Décomposeurs
b. La production secondaire
La biomasse végétale produite est consommée par un ensemble d’organismes
herbivores ou omnivores : les consommateurs primaires. Ils sont à l’origine d’une
nouvelle production de matière : la production secondaire (biomasse animale).
La production secondaire est consommée par des consommateurs secondaires,
carnivores ou omnivores, pour former une nouvelle production de matière… Chaque
niveau de production et/ou de consommation correspond à un rang ou niveau
trophique. D’un rang producteur à un rang consommateur, tout ce qui est disponible
n’est pas nécessairement utilisé et une partie seulement de la production d’un rang
est exploitée par le rang supérieur. De la même manière, une partie seulement de ce
qui est consommé est réellement assimilée. Enfin, une fraction de ce qui est assimilé
est allouée aux dépenses énergétiques, l’autre servant à la production d’une nouvelle
matière disponible pour les rangs trophiques supérieurs. Par conséquent, entre la
production d’un rang et du rang supérieur intervient une perte importante de matière
(et donc d’énergie). En général, on peut considérer qu’un dixième seulement de la
matière d’un rang producteur est réellement transformé en nouvelle matière par le
rang supérieur.
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c. Les décomposeurs
La matière non-exploitée (les restes), non-assimilée (déchets digestifs) et les éléments
excrétés (déchets métaboliques) seront exploités par un autre compartiment biologique,
les décomposeurs. Ces décomposeurs permettent la minéralisation de la matière
organique, rendant à nouveau disponibles les éléments minéraux (azote, phosphore…)
pour les producteurs primaires.
À chaque niveau, plusieurs espèces végétales (producteurs) et animales (consommateurs
et/ou producteurs) interviennent. Dans un même écosystème, plusieurs voies ou chaînes
alimentaires sont réalisées, formant un réseau alimentaire ou réseau trophique.
4. La vie dans les rivières : le concept de continuum
Les communautés biologiques des rivières sont structurées en fonction de l’évolution
des conditions abiotiques de l’amont vers l’aval, notamment en fonction de la vitesse du
courant et de la nature des ressources trophiques disponibles à chaque niveau du cours
d’eau. La rivière apparaît comme un continuum défini par des transferts longitudinaux
permanents et une zonation amont-aval.
Dans sa partie supérieure, au niveau du crénon, l’eau, d’une température faible et
constante, provient des hydrosystèmes souterrains ou de la confluence de petits
ruisseaux. Souvent associée à des zones de fortes pentes, l’eau est vive, rapide, claire
et fortement oxygénée. Elle est riche en éléments minéraux mais dépourvue de matière
organique ou particulaire fine.
C’est au niveau du rhithron que les communautés commencent à se diversifier. Cette
zone est caractérisée par une pente forte (> 1,5 ‰), des courants rapides favorables
à une érosion marquée et une faible sédimentation fine. Cailloux et graviers forment le
fond de la rivière. L’agitation de l’eau, les turbulences favorisent une bonne oxygénation
de l’eau sur toute sa profondeur, limitée à ce niveau de la rivière. La température
moyenne annuelle reste stable et inférieure à 20°C. Les conditions abiotiques favorisent
les espèces rhéophiles et sténothermes. Le lit grossier du cours d’eau offre des refuges
pour les organismes qui ne s’exposent pas directement au courant mais restent dans les
zones d’eau morte de la rivière ménagées par les berges et sous les pierres. La rivière
est peuplée de nombreuses larves d’Hexapodes à imago aériens (Perles, Éphémères,
Phryganes). Dans les zones calmes s’installent Crustacés amphipodes, Turbellariés,
Oligochètes, Hirudines et Mollusques. Les animaux résistent au courant par des
adaptations morphologique (dépression dorso-ventrale), des structures spécialisées
(crochets, ventouses…), des productions de soies et des « constructions » (fourreaux de
débris des phryganes). Dans cette partie, les salmonidés (truite, saumon), adaptés aux
courants et bénéficiant d’une forte oxygénation de l’eau, sont favorisés, se nourrissant
à partir de la faune de macro-invertébrés. La stabilité thermique de l’eau traduit la
faible pénétration du rayonnement solaire. À ce niveau, la faible largeur de la rivière
permet son recouvrement partiel ou total par les végétaux des berges. Faible apport
de lumière et courants rapides sont défavorables au développement du phytoplancton
ou de macrophytes. Ces conditions limitent une production primaire photoautotrophe
autochtone. Les plantes supérieures sont quasi absentes mais certaines mousses
et algues sont capables de se fixer sur les cailloux. La source principale d’apport en
matière organique disponible pour les consommateurs primaires correspond aux
particules et débris (feuilles, branchettes, brindilles…) des végétaux riverains (apports
transversaux allochtones). Ces apports favorisent les organismes filtreurs et les
invertébrés broyeurs qui consomment, fragmentent et transforment les débris en
éléments plus fins.
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Le continuum des rivières :
évolution des ressources primaires et des types d’organismes exploiteurs.
À partir du potamon, la pente faible (> 1,5 ‰) ralentit les courants et limite les
phénomènes érosifs. L’eau présente un écoulement laminaire sur un fond alternant
progressivement graviers, sables, puis sédiments fins. La rivière s’élargit, la
pénétration de l’énergie solaire échauffe une eau plus calme (température estivale
pouvant dépasser 20°C). La lumière permet la croissance de communautés phytoplanctoniques abondantes et diversifiées. Mousses et algues filamenteuses sont
accompagnées d’une végétation enracinée dans le fond de la rivière. Ces supports
permettent le développement important du périphyton.
Dès ce niveau, la rivière présente une production primaire photoautotrophe autochtone
et dans sa partie supérieure, le potamon se comporte comme un système producteur
de matière (système autotrophe). Les peuplements animaux s’enrichissent. Les
organismes brouteurs ont supplanté quantitativement les organismes broyeurs.
Plus bas, la profondeur augmente, l’agitation et les turbulences sont réduites, la
température augmente. Ces facteurs contribuent à une baisse de l’oxygène dissous
qui peut être partiellement compensée par la production d’oxygène des fortes activités
photosynthétiques diurnes des végétaux (planctoniques ou benthiques).
En revanche, plus en aval, la forte turbidité des eaux, enrichies en matière particulaire
organique et minérale, limite la production autotrophe interne et la teneur en oxygène
diminue. Cette hypoxie est accentuée par les activités bactériennes de dégradation
des matières organiques. Les cyprinidés (barbeaux, vandoises, chevesnes, gardons...),
capables de supporter des teneurs réduites en oxygène, dominent. Dans la partie
terminale, l’eau est chargée en matière organique et particules fines provenant
de l’ensemble du système amont. Les eaux très turbides empêchent la pénétration
profonde de la lumière et par conséquent, le développement des végétaux benthiques.
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L’exploitation de la matière organique ayant cheminé le long de l’hydrosystème par
des organismes collecteurs (suspensivores filtreurs benthiques et planctoniques,
fouisseurs benthiques et dépositivores) et des décomposeurs dépasse les niveaux de
production intrinsèque. Le système est devenu hétérotrophe. L’abondance croissante de
poissons tels le flet, poisson plat exploitant le benthos, annonce le passage progressif
des eaux douces aux eaux saumâtres puis marines.
5. Les indices biologiques de la qualité des milieux aquatiques
Pour connaître l’état sanitaire des milieux aquatiques, il est possible d’en mesurer
certains paramètres physico-chimiques. Le suivi des teneurs en éléments minéraux,
en métaux ou en particules et molécules organiques d’origine naturelle ou anthropique
permet une première évaluation de la qualité de l’eau et des sédiments. Toutefois, ces
mesures restent ponctuelles, sélectives et les valeurs observées ne traduisent pas
nécessairement un dysfonctionnement chronique. Pour rendre compte de la qualité
sanitaire des milieux, des méthodes s’appuyant sur l’analyse des communautés
des systèmes aquatiques ont été normalisées. La biodiversité, la structuration des
communautés est une synthèse des exigences des différentes espèces présentes,
synthèse établie durablement au cours du temps entre le biotope et la biocénose. Les
indices biologiques veulent traduire l’état sanitaire du milieu par l’état sanitaire et la
qualité des biocénoses qui s’y développent. Dans les milieux aquatiques continentaux,
différents indices sont utilisés et font référence.
a. L’indice biologique global normalisé (IBGN)
Il est fondé sur l’analyse des peuplements des macro-invertébrés benthiques inféodés
au substrat, indice dépendant de la sensibilité et de la diversité des espèces présentes
dans les cours d’eau. L’analyse faunistique retient en particulier 38 taxons constituant
9 groupes faunistiques indicateurs numérotés de 1 à 9. Cet indice permet d’apprécier
la qualité biologique de l’eau courante d’un site, de suivre au cours du temps sur ce
même site l’évolution de cette qualité et d’observer d’éventuelles perturbations.
b. L’Indice Oligochètes de Bio-indication des Sédiments fins (IOBS)
Il s’apparente à l’IBGN, mais centré sur ce taxon d’annélides fouisseurs et sédentaires.
L’indice est basé sur la richesse taxonomique et la proportion des espèces les plus
tolérantes aux contextes pollués (ex : famille des Tubificidae). Il permet d’apprécier
la qualité biologique des sédiments (fins ou sableux), donc indirectement la qualité de
l’eau qui les recouvre et dont ils sont gorgés, afin d’évaluer la présence et l’impact des
contaminants organiques et métalliques.
c. L’Indice Biologique Diatomée (IBD)
À la différence de l’IBGN ou de l’IOBS, son calcul ne dépend pas du support sur lequel se
développent ces micro-algues. L’indice est calculé en fonction de la polluo-tolérance ou
polluo-sensibilité de chaque espèce, et donc uniquement associé à la qualité physicochimique de l’eau. Le calcul de l’indice repose, à partir d’un inventaire de diversité
des diatomées d’un site, sur la sensibilité à la pollution des espèces identifiées et sur
l’abondance relative des espèces dans l’inventaire. L’indice permet d’évaluer le niveau
de pollution d’un cours d’eau traduit par une note sur 20. L’IBD est applicable à tous les
cours d’eau (hors zones salées ou saumâtres).
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d. L’Indice Biologique Macrophytique en Rivière ou IMBR
Il permet de donner, à partir de l’analyse floristique des macrophytes aquatiques
(algues, bryophytes, végétaux vasculaires), une appréciation de l’état trophique du
cours d’eau lié à ses teneurs en éléments nutritifs (azote et phosphore). Tenant compte
des caractéristiques physiques du milieu (intensité de l’éclairement), il définit 5 classes
de niveau trophique de l’eau allant d’un statut oligotrophe (IMBR > 14) à eutrophe
(IMBR < 8).
e. L’Indice Poisson Rivière
La répartition des espèces de poissons étant fortement influencée par la qualité de
l’eau et la morphologie des cours d’eau, l’Indice Poisson Rivière est utilisé pour rendre
compte de la qualité des cours d’eau. Cet indice rend compte de l’écart existant entre,
d’une part une communauté type de référence attendue ou supposée en l’absence de
perturbation et d’autre part celle réellement observée. En fonction de la présence,
de l’abondance d’espèces caractéristiques, l’indice permet de définir 5 classes de
perturbation, de nulle (0 < indices < 7) à très forte (indice > 35).
Les principaux poissons de la Seine
Epinochette
Vandoise
Gardon
Sandre
Goujon
Epinoche
Brème commune
Perche commune
Perche soleil
Chevesne
Ablette
Carpe commune
Truite fario
Gobie tacheté
Rotengle
Ichtyologie ou histoire naturelle générale et particulière des poissons - Marc Elieser Bloch - 1785
Source : Groupement d’Intérêt Public Seine-Aval
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