Les verbes de jugement en dagara (Burkina Faso)

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Alain Delplanque
Les verbes de jugement en dagara (Burkina Faso)
In: Journal des africanistes. 1987, tome 57 fascicule 1-2. pp. 133-147.
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Delplanque Alain. Les verbes de jugement en dagara (Burkina Faso). In: Journal des africanistes. 1987, tome 57 fascicule 1-2.
pp. 133-147.
doi : 10.3406/jafr.1987.2167
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1987_num_57_1_2167
Résumé
L'auteur appelle « verbes de jugement » l'ensemble des verbes dagara pouvant être suivis d'une
subordonnée complétive Q. Au plan morpho-syntaxique on distingue quatre types formels (selon la
présence / absence d'un connecteur ; et selon le mode de Q). Au plan pragmatique, ces quatre types
correspondent à quatre types d'énonciation : expositif, exercitif, comportatif et catégorique (cette
structure renvoie aux quatre protagonistes de renonciation : moi, toi, lui et la norme). Mais à l'intérieur
de chaque type, il y a lieu de distinguer des sous-classes (parole/non-parole ; subjectif /objectif ;
interlocuteur primordial/non primordial ou adjuvant/opposant, etc.). Au plan sémantique, on étudie les
implications de chaque verbe, les variations de sens en contexte, et le rapport entre champ notionnel et
richesse lexicale. Au plan sémioti- que, on repère certaines opérations dicto-modales (tables de vérité
de la connexion P-Q) et certaines valeurs predicatives (verbes à relation locative ou à relation causale).
En conclusion, l'auteur — linguiste non-ethnologue — s'interroge sur l'unité du Langage humain et sur
le statut respectif de la linguistique et de l'ethnolinguistique. En particulier, il souligne l'avantage qu'il y a
à mener l'enquête dans la langue même (définitions de mots et tests de paraphrases). Par ailleurs,
l'auteur estime que les règles qui sous-tendent la communication font partie de la culture. Il propose en
conséquence de rechercher les mécanismes cognitifs qui engendrent les cultures et les concepts
opératoires qui permettraient d'appréhender des corrélations de traits ethnolinguistiques.
Abstract
Verbs of « judgement » are defined as verbs which can be followed by an object-clause. The morphosyntactic component establishes four types (with/without a linking particle ; subordinate with indicative,
aoristic or optative mode). The pragmatic component shows that those four types correspond to four
types of speech acts : expositive, exercitive, behabitive and categorical (such a structure refers to the
four actors of communication : me, you, him and the norm). But each type contains sub-classes :
speecnVnon-speech verbs ; subjective/objective judgement ; interlocutor primordial/non primordial or
adjuvant/opponent). In the semantic component, each verb shows specific inferences and changes of
meaning in definite contexts ; a relationship is also established between semantic fields and available
vocabulary. In the semiotic component, the author considers dicto-modal operations (with truth-tables
for the various logical connexions P- Q) and several predicative values (verbs implying a locative/causal
relation). Eventually, the author — a linguist, not an anthropologist — focusses the unity of Human
Language and debates on the mutual status of linguistics and ethnolinguistics. He particularly shows
how important it is to question informants in their own language (spontaneous definitions and
paraphrase-tests). Also, he stresses the fact that the rules underlying communication are a part of «
Culture ». And he makes it a point to search for cognitive mechanisms which genrate human cultures,
and for the useful concepts that would help account for correlations between ethnolinguistic features.
ALAIN DELPLANQUE
Les
en
verbes
de
jugement
dagara
d'État, L'exposé
La languequi
dagara
va suivre
: essaiestdeune
sémiologie
adaptation
linguistique
d'un chapitre
(1986). de
Pour
ma lethèse
lin
guiste
comme pour l'ethnolinguiste, l'analyse du sens doit être contrôlée par
des procédures définies, si l'on veut éviter la distorsion des faits. A cette fin,
il convient de circonscrire le champ de notre étude, de se donner une méthode
de collecte et de définir rigoureusement des critères de classement des faits,
avant de procéder à l'analyse notionnelle proprement dite. De plus, si l'on
aspire à l'exhaustivité, il importe de se donner un cadre théorique permettant
d'appréhender chaque phénomène sur divers plans, ou selon plusieurs points
de vue. Enfin, la comparaison des faits dagara avec la langue française m'amèn
era
à m'interroger sur l'unité du langage et sur le statut respectif de la li
nguistique
et de l'ethnolinguistique.
MÉTHODOLOGIE
L'étude morpho-syntaxique du dagara permet de définir formellement
une classe d'énoncés complexes qu'on peut appeler « phrases à complétives »,
N V
O
et dont le scheme est 77 ^ conn g- c'est-à-dire proposition principale +
connecteur + subordonnée Q, celle-ci assumant la fonction objet dans la prin
cipale.
Seuls certains verbes peuvent être suivis d'une complétive. Parmi ces
verbes, les modalités de la connexion P-Q permettent d'établir quatre
sous-classes :
1) V + ke + Q au mode indicatif marqué par les particules verbales
/ -na / bé- /
Exemple :
/ ?v îedé -na kê la bié na wá-na /
lui / parle — affirm. / que / déf. / enfant / va venir — affirm. /
II dit que l'enfant va venir
134
LES VERBES DE JUGEMENT EN DAGARA
2) V + ké + Q au mode optatif marqué par les particules verbales
/ 0 / tá- /
Exemple :
/ îu bóbd-a ké ?a bié wa-0 /
lui / veut — aff. / que / déf. / enfant / venir — opt.
Il veut que l'enfant vienne.
3) V + 0 + Q de forme relative, c'est-à-dire relateur / ná — a / et
mode aoriste marqué par les particules verbales / 0 / bé- /
Exemple :
/ v yedé-ni ?a bié v ná wa a /
lui / gronde — aff. / déf. / enfant / lui venir — aor.
Il reproche à l'enfant d'être venu.
4) V + О + Q de forme annexée, c'est-à-dire sans aucun connecteur,
et au mode aoriste.
Exemple :
/ ?v jién -n ?a bié ?u wa-0 /
lui / voir — aff. / l'enfant / lui / venir — aor.
Il a vu l'enfant venir.
J'ai regroupé l'ensemble des verbes compatibles avec une complétive
sous l'étiquette « verbes de jugement » parce que ce terme permet d'embrass
er
diverses notions telle que : le verdict, l'approbation, la pensée, l'entende
ment,
la raison, l'affirmation, etc. l II faut cependant préciser que le champ
notionnel qui est ainsi couvert en dagara ne se confond pas avec celui des ver
bes « psychologiques » (perception, affection, intellect) puisque un verbe comme
/ konne / crier, suivi d'une complétive, n'est pas un verbe psychologique, alors
que / mvoli / bouder, est un verbe psychologique mais ne peut être suivi d'une
complétive. De même les verbes de jugement ainsi définis ne correspondent
pas forcément à ce qu'on appelle les verbes « performatifs » (Austin 1970)
puisque d'une part, les verbes + complétive ne sont pas forcément des verbes
de parole (cf. rêver, vouloir, se tromper) et d'autre part, certains verbes de
parole ne peuvent être suivis d'une complétive (acquiescer, nommer, se taire,
etc.). En ce qui concerne la collecte de l'information, j'ai combiné deux métho
des
complémentaires :
— Analyse des définitions fournies par les informateurs en dagara (Delplanque 1983). Ce travail de patience est rendu indispensable par l'inefficacité de
la traduction française. Ainsi le verbe français « répondre » est traduit, selon
le contexte, par / sag / + complétive (accepter), ou par /sag / intransitif
(répondre à un salut).
— Quand les définitions ne suffisaient pas, j'ai complété l'enquête par cer
tains tests de paraphrase qui permettent de définir les inferences logiques de
chaque verbe. Par exemple, « gronder » implique qu'un acte indésirable a déjà
été commis, alors que « interdire » implique qu'un acte indésirable n'a pas
encore été commis.
1. Voir la définition de « jugement » dans le Robert.
ALAIN DELPLANQUE
135
AU PLAN PRAGMATIQUE
La composante pragmatique permet de décrire les relations intersujets
impliquées dans les expressions Vb + complétive. Morris 1946 y inclut : les
relations entre les signes et les utilisateurs de la langue, l'origine des signes,
leur utilisation et leurs effets à l'intérieur du comportement. Il s'agit ici de
se poser les questions suivantes : qui, de l'énonciateur ou du destinataire, a
l'initiative première ? Dans quelles circonstances le jugement est-il émis ? Quelles
sont les connotations de chaque verbe de jugement ? etc. Pour Dubois 1973,
la pragmatique étudie les motivations psychologiques des locuteurs (leur degré
respectif de responsabilité), la réaction des interlocuteurs (le degré variable de
tension établie), et les types socialisés de discours (actes de parole).
Il va sans dire qu'une telle réflexion pragmatique présuppose une con
ception
claire de la « personne » grammaticale. A ce propos, il faut poser,
à un niveau abstrait, quatre valeurs personnelles qui sous-tendent ce qu'on
appelle traditionnellement les six personnes grammaticales :
valeur E (énonciateur)
valeur Я (tiers)
valeur A (auditeur)
valeur V (quiconque)
Les personnes grammaticales représentent forcément l'une de ces valeurs,
ou la combinaison de deux valeurs. Par exemple, « Nous » impliquera soit
« moi et toi » (inclusif), soit « moi et lui » (exclusif), etc. Notons aussi qu'il
n'y a pas forcément coïncidence entre locuteur et énonciateur ; par exemple
la phrase française, « L'avion aurait été abattu par l'artillerie tchadienne »
implique, outre le journaliste qui parle, la référence à une source plus ou moins
sûre dont le locuteur se réclame. De même le destinataire ne correspond pas
forcément à l'auditeur, par exemple, dans « Je te dis que Pierre me demande
de tes nouvelles ». Cela étant, le classement morphosyntaxique (établi ci-dessus)
des verbes à complétive permet de définir quatre types de jugement en dagara,
ou si l'on veut quatre espaces discursifs possibles que l'on peut représenter
par le schéma p. 146 :
A — Les types de jugement
1. L'espace interlocutif
a) Les verbes E (expositifs) sont définis formellement par ké + indicat
if,
et pragmatiquement par la subjectivité : le jugement est orienté vers l'info
rmation détenue par l'énonciateur. Type / yel / dire.
b) Les verbes A (exercitifs) sont définis formellement par ké + optat
if,et pragmatiquement par une tension entre des interlocuteurs ou la visée
d'une destination. En termes simples, l'énonciateur exerce ici sa volonté. Type
/ ?кщ / ordonner.
2. L'espace délocutif
a) Les verbes H (comportatifs) sont définis formellement par la subor
donnée relative, et pragmatiquement par la réaction de l'énonciateur face à
un fait accompli ; c'est l'événement qui prime ici. Type : / konne / regretter.
b) Les verbes V (catégoriques) sont définis formellement par l'appos
ition + mode aoriste, et pragmatiquement par une absence de « filtrage » :
136
LES VERBES DE JUGEMENT EN DAGARA
Délocution
Relative
Aoriste
Comportait f
Catégorique
Expo
Indicatif
Interlocution
l'énonciateur n'est pas le rapporteur de l'événement, ni son inspirateur, ni son
commentateur, l'événement procède d'une force qui lui est propre. Type / bed /
laisser.
B. Sous-catégorisation
Une enquête plus fine auprès des informateurs permet de subdiviser ces
quatre grands types de jugement en tenant compte des critères suivants :
— implications de chaque verbe : hypéronymie (parole / non parole), inte
rdépendance
des actants (initiative première de l'énonciateur ou du destinataire) ;
— force illocutionnaire de chaque verbe (degré d'assertion, degré de polémique).
Curieusement, cette sous-catégorisation reproduit en miniature le même
espace discursif E, 3 , A, V à l'intérieur des quatre types de base.
1. Verbes catégoriques
ALAIN DELPLANQUE
137
Le verbe /pén /, voir, est défini ainsi par les informateurs : « Si quel
quechose est dans ton œil, tu le vois ». Ce verbe renvoie donc à l'hypéronyme
être (locatif) et à l'existenciel ( 3 ). Le verbe / bed /, laisser, est défini par
une interaction : « Ton semblable veut faire X et tu ne t'y opposes pas ». L'ini
tiative première revient donc à autrui (A).
Le verbe / ?i /, faire, causer, est ambigu. Le premier sens réfère à une
loi physique ou culturelle, indépendante de la volonté des individus ( V ). Mais
cette idée de causalité peut, en contexte, se charger d'une nuance finale et impli
quer un instigateur (E).
Mais en aucun cas, ces verbes ne contiennent l'idée de parole.
2. Verbes expositifs
II faut ici distinguer les verbes de parole (partie inférieure du croquis
ci-dessous) des verbes d'entendement.
NON* PAROLE
EXPERIENCE^-""""
—-».
N. COLLECTIF
SAVOIR
\ V
^N. tul
\
\*e £котр\к
AavoiK
\
//conn&ZtKt
bao
рак ouZ-dÍKt\
ч
\
/tiédi
s
^4
'/ ptlUtK // dobvni
ut ел
^
//
/
\
\
\
\be 1 1
\
\men-tt* \
\
sogd 1
))
nuUtionntK /?ed
/paKltK
yel
dlK€
рэ
^
juKtK
y
mini
KaconttK
/
^
У
SINCERITE^v^^
—-
Ceux du
cercle
verbes
intérieur
Les
Enfin,
Ceux
E cercle
engagent
verbes
enlesA
intermédiaire
impliquent
verbes
impliquent
du
la cercle
sincérité
4 l'ignorance.
réfèrent
extérieur
un
contiennent
de
interlocuteur,
l'énonciateur.
PAROLE
à impliquent
ce qui
l'affirmation
est
soit
^^^^DIALOGOE
(dans
l'erreur,
comme
la'
/clfdl
d'une
jtête,
7
destinataire
volontaire
A dans
vérité.
/ l'œil)
Ceux
ou
du mes
non.
; les
du
sage (dire), soit comme premier protagoniste de l'échange (nier). Enfin, les
verbes en v réfèrent aux gens, au savoir collectif et à la norme.
LES VERBES DE JUGEMENT EN DAGARA
138
3. Verbes exercitifs
De la même manière, on distingue ici les verbes de parole et les verbes
de non-parole. Les verbes du cercle extérieur impliquent la force illocutionnaire, ceux du cercle intérieur une illocution faible. Comparer : aimer / vouloir.
NON -PAROLE
OBJET,/
fed
a-btlgtx
^NNORME
\\
/ b5bd
/ voatoíK
/
S
1
// nonnř
aim ti
kaa
\
viiLLlK \
\
1
sag
/
\\óuémandtt
zeli
acctpti*
/
I
(
1
~^\ s£g
\
tiédi N^conweiU^X
\?iao
\oidorntA^-—. _^^ zagdi
/
TIATIVEX^^
PAROLE
La définition des verbes en 3 renvoie au verbe être, soit positivement
(quelque chose est dans ton cœur), soit négativement (quelque chose te manq
ue).
Les verbes en A impliquent l'initiative première de l'interlocuteur, avec
accord ou désaccord subséquent de l'énonciateur (accepter / refuser).
Les verbes en E impliquent l'initiative première de l'énonciateur, avec
un interlocuteur supérieur (quémander) ou inférieur (ordonner). Les verbes
en V impliquent une norme, avec l'idée d'obligation forte (verbes impersonn
els
comme / fed / « obliger ») ou de contrariété possible (espérer).
4. Verbes comportatifs
Les verbes du haut (schéma page suivante) sont des verbes de
non-parole :
— ( H ) expérientiels : verbes impersonnels exprimant une réaction vis-à-vis de
l'événement (cela m'a surpris que...) ;
— ( V ) verbes personnels mais faisant intervenir une norme morale et pre
nant explicitement la communauté à témoin. Au départ, ce sont des verbes
gestuels (s'interposer en écartant les bras, jeter un sort collectivement sur un
malfaiteur). Mais ces verbes deviennent volontiers de véritables « performatifs » si l'on joint la parole aux actes : je m'y oppose ! je te maudis !
Les verbes du bas sont des verbes de parole.
ALAIN DELPLANQUE
139
NOH -PAROLE
di suOd
paidonnt
dám/
mígdi
tout
puodl
/ yed6
KtmtKciti/ qKondtK
PAROLE
Le demi-cercle extérieur contient les verbes adversatifs, le demi-cercle
intermédiaire contient des verbes non adversatifs, et celui du centre des ver
bes réparatifs.
Les verbes A (conatifs) expriment une émotion qui est motivée par le
comportement d'autrui ou qui vise à influer sur ce dernier.
Les verbes E expriment une réflexivité de l'émotion : soit absence de
destinataire, soit va-et-vient interactif (s'excuser = essayer d'atténuer la colère
de l'autre consécutive à ce qu'on a fait).
AU PLAN SÉMANTIQUE
Ici, on étudie ce à quoi les mots renvoient. D'une part, ils renvoient
aux autres mots du système ; de ce point de vue, nous parlerons des implica
tions
de tel ou tel verbe de jugement, et la sémantique devra représenter le
réseau d'associations que constitue le lexique. D'un autre point de vue, les
mots renvoient à la situation ; on parle alors de référence ; cette dernière varie
selon l'environnement de chaque mot. Enfin, on peut étudier la manière dont
chaque langue découpe la réalité et la disponibilité lexicale pour chaque domaine
notionnel.
140
LES VERBES DE JUGEMENT EN DAGARA
A. Relations lexicales
Les définitions données en dagara par les informateurs font apparaître
les relations sémantiques existant d'un mot à un autre.
1. hypéronymie. D'une part, ces relations sont d'ordre paradigmatique.
Par exemple, le verbe « calomnier » renvoie, entre autres, à « mentir » ; celui-ci
renvoie à « dire », qui lui-même est défini comme « avoir dans la bouche ».
De même :
« indiquer » — apprendre — savoir — avoir.
« surprendre » — entrer — être, etc.
2. contiguïté. Dans le méta-discours des informateurs, tout mot entre
en même temps dans des relations d'ordre syntagmatique. Par exemple :
« voir » implique la présence dans l'œil. Également :
/ bagru / savoir par ow/'-dire
/ konne / regretter, implique un sujet personnel
/ kpe / faire souffrir, un sujet impersonnel, etc.
L'étude de ces relations lexicales appelle plusieurs remarques :
— l'ensemble du lexique apparaît comme un vaste réseau où tous les termes
sont reliés les uns aux autres et se ramènent à une cinquantaine de mots-clés
(Delplanque 1983) ;
— bien entendu, la liste des verbes qui figurent dans mes schémas n'est pas
exhaustive, mais assez représentative pour qui recherche les principes organi
sateurs de l'activité de langage ;
— les associations lexicales explicitées par le méta-discours des informateurs
révèlent la vision du monde qui prévaut chez les Dagara. Ainsi, les notions
exprimées par chaque verbe renvoient à des propriétés culturelles plutôt que
physiques. Par exemple, le verbe / bag /, connaître, passe par la vue, tandis
que / bagm / savoir, passe par l'ouïe.' Ce n'est pas ce qui distingue les deux
verbes français « savoir / connaître ». Mieux encore, le verbe / jitn / voir,
désigne en fait toute connaissance passant par l'œil, mais aussi par le tou
cher. Et / won / entendre, fait intervenir l'oreille, mais aussi la bouche (le
goût), le nez (l'odorat), le cœur (les sentiments), la tête (l'entendement) et tout
le corps (les sensations). Et comment comprendre que les Dagara « entendent »
la joie, mais « voient » la peine ?
B. La polysémie
Par ailleurs, environ un verbe de jugement sur trois change sensibl
ement
de référence selon qu'il est suivi ou non d'une complétive. Voici les prin
cipaux
exemples :
en tant que
verbe suivi
verbe indépendant
d*une complétive
beh
flatter
mentir
bô
chercher
vouloir
bvine
faire n'importe quoi, bâcler
hésiter
fed
presser
falloir
îiarj
mettre
ordonner
ALAIN DELPLANQUE
kaa
kon
kpe
mám
pà
puodi
tuli
141
en tant que
verbe indépendant
surveiller
faire du bruit
entrer
mesurer
se vanter
saluer
mettre à l'envers
verbe suivi
d'une complétive
veiller à
regretter
faire mal
raconter
jurer, parier
remercier
se tromper.
Également, certains verbes de jugement changent de sens selon qu'ils
sont considérés ou non comme verbes de parole. Par exemple :
parole
non-parole
faádt
s'interposer
s'opposer
gme ?iar)
punir
maudire, jurer, pester
tuli
dire à tort
penser à tort.
En outre, un verbe de jugement peut changer de sens selon le mode
de la complétive qui suit :
+ aoriste
+ indicatif
+ optatif
—
ciîdi
nier
interdire
—
jurer
défier
Pà
—
confirmer
accepter
sag
—
tiédi
penser
espérer
—
yel
dire
ordonner
mám
raconter
croire.
C. La disponibilité lexicale
Dans la mesure où la sémantique étudie le rapport entre le signifiant
et le signifié, elle doit rendre compte de la relative spécificité des signes dans
tel ou tel champ notionnel. Bien entendu, la polysémie des mots est inverse
mentproportionnelle à la spécialisation des termes, donc au nombre des te
rmes disponibles dans le champ notionnel concerné. Or chaque langue a sa
manière propre de résoudre ce problème. Ainsi, face au verbe français « demand
er
si / demander que », le dagara dispose de deux verbes distincts, respect
ivement / sogdi / zeli /. Inversement, les distinctions suivantes :
dire / jurer / parler
espérer / souhaiter
surprendre / s'étonner, etc., sont neutralisées en dagara au profit de /yel / tiédi
/ ?ud / dire, penser, surprendre, éventuellement insérés dans une périphrase.
Alors Pethnolinguiste ne peut manquer de s'intéresser à la question sui
vante
: quels sont les champs notionnels privilégiés pour lesquels la langue tend
à multiplier des signes spécifiques ? Et quels sont les domaines où les signes
se raréfient et tendent vers une polysémie plus grande ? Une étude portant
sur le vocabulaire général du dagara montre, statistiques à l'appui, les ten
dances
suivantes :
142
LES VERBES DE JUGEMENT EN DAGARA
— prédominance du vocabulaire concret sur l'abstrait ;
— prédominance du vocabulaire nominal sur le verbal ;
— prédominance des verbes objectifs (transitifs, causatifs) sur les verbes
subjectifs (intransitifs, résultatifs) ;
— prédominance de la culture sur la nature (de l'utilité sur la structure
physique) ;
— pertinence, dans chaque domaine, d'une échelle de valeurs ayant un
pôle productif et un pôle non-productif. Par exemple, dans le vocabul
aire
de la parenté, prédominance de l'ascendance sur la descendance. Ou,
dans le vocabulaire des qualités, prédominance des états négatifs sur les
états positifs, etc.
Dans le domaine particulier des « verbes de jugement », les écarts ne
sont pas très nets, mais dessinent néanmoins certaines tendances :
— prédominance des verbes interlocutifs sur les verbes délocutifs (l'ensem
ble
verbes expositifs + verbes exercitifs = 60 °/o, contre 40 % pour
l'ensemble comportatif + catégorique).
— prédominance des verbes de parole (55 °/o) sur les verbes de non-parole
(45 %).
— prédominance des verbes conatifs (A) sur les verbes subjectifs (E) re
spectivement
33 % contre 23 °7o.
— prédominance des verbes expérientiels ( 3 ) sur les verbes normatifs
( V) : 28 %, 18 Щ.
Bien sûr, ces chiffres ne sont révélateurs que dans la mesure où le relevé
lexical est exhaustif. Si cela est le cas, il appartient à l'ethnolinguiste d'inter
préterces statistiques qui, apparemment, ne concordent pas toujours avec celles
du lexique français.
AU PLAN SÉMIOTIQUE
J'appelle « sémiotique » le plan des valeurs abstraites, celui des para
digmes
notionnels. Tout mot ou toute structure grammaticale combine un nomb
rerelativement restreint de traits sémiques récurrents : la sémiotique vise à
identifier ces valeurs et à en donner une représentation ; elle a donc un rôle
descriptif évident. Mais la nature inévitablement abstraite des « atomes de sens »
leur confère une certaine autonomie par rapport à la langue : le caractère indu
bitable
de cette autonomie nous est révélé par l'existence même de la polysé
mie,de la synonymie et des paraphrases, d'une part, et d'autre part par la
possibilité de traduire d'une langue à une autre. La sémiotique constitue donc
un plan pré-linguistique, celui où les idées pures sont à représenter indépe
ndamment du lexique et de renonciation, elle se situe aussi sur un plan supralinguistique (ou interlinguistique) ; c'est en ces termes que la théorie tente de
forger les catégories et les opérations nécessaires pour décrire toute langue et
aussi pour compléter les typologies en incluant les critères sémantiques
pertinents.
ALAIN DELPLANQUE
143
A. Valeurs dicto-modales
Les valeurs qui interviennent dans la génération du sens sont diverses.
On distingue d'abord les valeurs « dicto-modales » qui, dans le domaine qui
nous intéresse ici, établissent l'opposition entre l'actuel et le non-actuel. Ainsi,
les verbes comportatifs (type : regretter) impliquent toujours que le verbe de
la complétive (soit : Q) est accompli, alors que les verbes exercitifs (type : ordonn
er)
impliquent un procès Q inaccompli. D'autre part, à l'intérieur de chaque
catégorie de verbes, on aura remarqué une sub-division sur la base de l'oppos
itionassertif / non assertif ; comparer :
dire / nier / demander (assertion impliquée par la principale)
louer / regretter (assertion de la félicité de la subordonnée).
Enfin, la valeur assertive de la subordonnée est largement tributaire de
la forme assertive de la principale. En effet, si je dis :
/ fu bé d-a ?a daa ?u lo /
tu / laisser — af / df / bois / il / tomber
Tu as laissé tomber le bâton
je m'attends à ce que le bois tombe effectivement. Mais à la forme négative :
/ fu bé bed ?a daa ?u lo é /
tu / nég / laisser / df / bois / il / tomber / pas
Tu n'as pas laissé tomber le bois
je m'attends à ce que le bois ne tombe pas2. Il n'en est pas toujours de
même, par exemple comparer :
/ ?u belé-na ké ?a daa ló -na /
il / flatte — af / que / df / df / bois / tomber — af
II ment en disant que le bois est tombé
(la chute n'est pas envisagée dans l'esprit de l'énonciateur)
/ ?u bé bclé ké la daa ló -na é /
il / nég / flatte / que df / bois / tomber — af / pas /
II ne plaisante pas quand il dit que le bois est tombé.
(la chute est envisagée comme certaine dans l'esprit de celui qui parle).
Ainsi, chaque jugement constitue une connexion logique entre deux asser
tions : P (verbe principal) et Q (verbe subordonné). Les valeurs de cette con
nexion
peuvent à chaque fois se représenter sur une table de vérité où les symbol
es
0 et 1 signifient respectivement « faux » et « vrai », et où la valeur résul
tante figure dans la colonne centrale. Les symboles = ,—,<, 1, î représent
ent
conventionnellement les types de connexion logique.
1°) Connexion bi-conditionnelle.
P = Q
c'est-à-dire : P affirmatif, Q certain
P négatif, Q exclu
1 1 1
Exemples
:
verbes
catégoriques / jién * / voir
1 0 0
/
îi
/
faire,
causer
/ bed / laisser.
0 0 1
+ le verbe expositif / tiédi * / penser et les verbes
0 1 0
exercitifs / bobd / ség* / vouloir, convenir.
2. Il va sans dire que ce genre d'estimation est légitimé par des enquêtes fines et multiples auprès de plu
sieurs informateurs, voir ma thèse, v partie : Le sens des mots).
144
2°)
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0
LES VERBES DE JUGEMENT EN DAGARA
Connexion
— Q
1 1
0 0
1 1
1 0
implicative.
P affirmatif, Q certain
P négatif, Q incertain
Exemples : expositifs / yel / won * / dire, entendre
exercitifs / nonne /fed* / ?iaq /
aimer, obliger, ordonner.
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Connexion /active*.
P affirmatif, Q certain
< Q
P négatif, Q certain
1 1
Exemples : expositif / bag / savoir, connaître
0 0
comportatifs
: / puodi / remercier
1 1
/ kon / déplorer.
0 0
Connexion incompatible.
1 Q
P affirmatif, Q exclu
P
négatif, Q incertain
0 1
Exemples
: exercitif / zagdi / refuser
1 0
expositifs / ci idi / zam / nier, rêver
1 1
comportatif / faádi / s'interposer.
1 0
Connexion disjunctive.
w Q
P affirmatif, Q exclu
P négatif, Q certain
0 1
Exemples : expositifs / bum * / tuli / beh
1 0
douter, se tromper / mentir
1 1
0 0
Connexion indéterminée.
? Q
P affirmatif, Q incertain
P négatif, Q incertain
1 1
Un seul exemple (expositif) : / sogdi / interroger
1 0
1 1
1 0
Cet ensemble de tables de vérité mérite deux commentaires.
— On constate que les catégories ne correspondent pas forcément aux types
de jugement ;
— les verbes étoiles fonctionnent différemment en dagara et en français. Ainsi
le verbe « voir », en français, contient une connexion f active (ou à la rigueur
implicative) :
« Je ne l'ai pas vu tomber » — — il est tombé effectivement
— il est peut-être tombé.
Alors qu'en dagara :
/ n bé jién îa bié îv lo é /
je / nég / vu / df / enfant / lui / tomber / pas
Je n'ai pas vu tomber l'enfant
3. Voir ce terme, par exemple, dans Karttunen (1973).
ALAIN DELPLANQUE
145
implique ;
/Iv bélo é /
il n'est pas tombé (connexion bi-conditionnelle).
La connexion factive serait traduite en dagara avec le nom verbal :
/ n bé jié? ?a bié lo-ba é /
je / nég / vu / df / enfant / tomber — n pas
Je n'ai pas vu la chute de l'enfant
Tout cela suggère une échelle de probabilité différente dans nos deux
communautés. De là à supputer la valeur philosophique de la croyance, de
l'espérance, de la preuve empirique et de la déduction...
B. Valeurs predicatives
D'un autre point de vue, on peut également classer les verbes de juge
ment en fonction de la « relation primitive » unissant le sujet et son objet.
On établira d'abord une distinction entre relations « locatives » et relations
« causales ». D'un côté, on a affaire à des verbes dont le sujet est repéré —
dans le métadiscours — comme le siège d'un processus psychologique : ver
bes de perception, verbes expositifs et verbes exercitifs (avoir dans l'oreille,
dans la bouche, sur le cœur). De l'autre, des verbes dont le sujet est repéré
comme agent (verbes factitifs) ou patient (verbes comportatifs).
Enfin, les sous-classes de verbes établies ci-dessus sont déterminées par
l'intervention relative des actants du discours :
— quatre protagonistes impliqués dans renonciation (le locuteur, le destinat
aire,les faits existentiels et la norme) ;
— ces quatre protagonistes sont regroupés en deux types, selon l'opposition
parleur / acteur ;
— croisée avec les oppositions précédentes, l'opposition entre interlocuteur pr
imordial
/ non primordial {cf. : demander / accepter) ;
— de la même manière, opposition entre tiers défini / tiers indéfini : verbes
personnels / verbes impersonnels (je m'étonne / cela me surprend ; je veux
/ il faut) ;
— enfin, opposition entre protagoniste adjuvant et protagoniste opposant
(accepter / refuser ; féliciter / réprimander).
On voit ainsi que les plans sémiotique, sémantique et pragmatique —
dissociés dans l'exposé descriptif — sont articulés dans le fonctionnement effect
if
de la langue.
Je ne sais si les problèmes et méthodes que j'ai ici évoqués en linguiste
sont susceptibles d'intéresser les ethnolinguistes. Mais peut-être me permettrat-on quelques réflexions pour terminer.
a) L'ethnolinguiste est sans doute quelqu'un qui fait parler la langue.
J'ajoute personnellement « et qui fait parler les locuteurs sur leur langue ».
Ce métadiscours dans la langue-cible est instructif, voire indispensable.
146
LES VERBES DE JUGEMENT EN DAGARA
b) L'ethnolinguiste est sans doute quelqu'un qui cherche à mettre la lan
gue en relation avec la praxis. Reste à savoir si c'est la langue qui révèle la
culture, ou l'inverse. Le non-ethnologue que je suis a souvent dû recourir à
l'enquête ethnologique pour éclairer certains faits de langue inexplicables en
termes strictement sémantiques. Ainsi, essayant de reconstruire les connotat
ions
des classes nominales en dagara (Delplanque 1986, IV : 510-57), je me
suis retrouvé à un moment donné avec des « exceptions ». Par exemple le mot
/ kvon / l'eau, appartenant à la classe NYE, devait comporter le trait
« néfaste » propre à cette classe — ce qui semblait paradoxal. Ce trait devait
être confirmé par la suite par un certain nombre d'observations dans le domaine
coutumier (par exemple : l'interdiction de traverser le fleuve avec un « médi
cament
» sur soi). Ce genre d'observation peut conduire le linguiste à changer
radicalement ses hypothèses, ou — comme ce fut le cas pour l'eau — à laisser
son prétendu bon-sens au vestiaire de l'ethnocentrisme. En tout cas, s'il est
vrai que linguistes et ethnolinguistes ont des démarches diamétralement oppos
ées, ils œuvrent sans nul doute à la construction du même pont.
c) En ce qui concerne les verbes de jugement, on pourrait recenser les
gestes rituels qui accompagnent certains actes de parole. Par exemple : lever
le doigt pour jurer (voir par exemple Calame-Griaule 1977). Je ne l'ai mal
heureusement
pas fait. Mais mon travail participe à la recherche de l'identité
du peuple dagara, dans la mesure où les mécanismes qui sous-tendent la com
munication
font aussi partie de la culture. Par exemple, comment se fait-il
que le même verbe dagara /pô / traduise aussi bien « se vanter » que « parier »
et « jurer » si ce n'est par la valeur plus générale de la « mise en avant du
moi », que l'on retrouve d'ailleurs dans les dérivés /pól / polv /, la jeunesse,
la coquetterie ? Alors que /rjmc îiarj / réfère à un serment collectif et beau
coup plus sérieux : jurer, maudire. J'ai aussi montré comment la langue per
met de filtrer l'expérience, de baliser l'espace discursif, de placer des frontiè
res
entre le certain et l'incertain. Et que dire des degrés établis entre le permis
et l'interdit ? (voir les valeurs de vérité de /ség / convenir, et de /fed / obli
ger, tous deux traduisibles par « devoir »).
d) Enfin, j'ai souligné à maintes reprises les différences ponctuelles exis
tant entre le français et le dagara. Mais on pourrait aussi utilement énumérer
les ressemblances. Comparer :
/ mám / mesurer, croire, expliquer
cf. compter, escompter, conter
/ ?iarj / mettre, ordonner
cf. poser, imposer.
Tout cela est au moins aussi intéressant. Et j'en viens à me demander
ce que, vous comme moi, nous sommes censés faire : rechercher le spécifi
que,
ou rechercher l'universel ? Depuis A. Culioli (1982), on comprend plus
clairement le rôle de la linguistique générale : étudier le langage à travers la
diversité des langues naturelles. Par analogie, le but de l'ethnolinguistique n'est-il
pas, à terme, de cerner sinon les traits culturels universels, du moins les méca
nismes cognitifs qui produisent la / les culture(s) ?
Quant à ma thèse personnelle, elle consiste à inverser la définition culiolienne : la linguistique descriptive peut se définir comme l'étude de la spécifi-
ALAIN DELPLANQUE
147
cité de chaque langue dans le cadre de l'unité du langage. Appliquée à l'ethnolinguistique, cette inversion devrait notamment nous inciter à rechercher,
par une abstraction plus grande, les éléments de typologie, et les concepts opé
ratoires
qui permettraient d'appréhender des corrélations régulières entre les
traits culturels.
Université de Tours
LES VERBES DE JUGEMENT EN DAGARA (BURKINA FASO)
A. DELPLANQUE
L'auteur appelle « verbes de jugement » l'ensemble des verbes dagara pouvant être suivis d'une subor
donnée complétive Q. Au plan morpho-syntaxique on distingue quatre types formels (selon la présence
/ absence d'un connecteur ; et selon le mode de Q). Au plan pragmatique, ces quatre types correspondent
à quatre types d'énonciation : expositif, exercitif, comportatif et catégorique (cette structure renvoie aux
quatre protagonistes de renonciation : moi, toi, lui et la norme). Mais à l'intérieur de chaque type, il y
a lieu de distinguer des sous-classes (parole/non-parole ; subjectif/objectif ; interlocuteur primordial/non
primordial ou adjuvant/opposant, etc.). Au plan sémantique, on étudie les implications de chaque verbe,
les variations de sens en contexte, et le rapport entre champ notionnel et richesse lexicale. Au plan sémiotique, on repère certaines opérations dicto-modales (tables de vérité de la connexion P-Q) et certaines valeurs
predicatives (verbes à relation locative ou à relation causale).
En conclusion, l'auteur — linguiste non-ethnologue — s'interroge sur l'unité du Langage humain
et sur le statut respectif de la linguistique et de l'ethnolinguistique. En particulier, il souligne l'avantage
qu'il y a à mener l'enquête dans la langue même (définitions de mots et tests de paraphrases). Par ailleurs,
l'auteur estime que les règles qui sous-tendent la communication font partie de la culture. Il propose en
conséquence de rechercher les mécanismes cognitifs qui engendrent les cultures et les concepts opératoires
qui permettraient d'appréhender des corrélations de traits ethnolinguistiques.
VERBS OF « JUDGEMENT » (DAGARA, BURKINA FASO)
A. DELPLANQUE
Verbs of « judgement » are defined as verbs which can be followed by an object-clause. The morphosyntactic component establishes four types (with/without a linking particle ; subordinate with indicative,
aoristic or optative mode). The pragmatic component shows that those four types correspond to four types
of speech acts : expositive, exercitive, behabitive and categorical (such a structure refers to the four actors
of communication : me, you, him and the norm). But each type contains sub-classes : speecnVnon-speech
verbs ; subjective/objective judgement ; interlocutor primordial/non primordial or adjuvant/opponent). In
the semantic component, each verb shows specific inferences and changes of meaning in definite contexts ;
a relationship is also established between semantic fields and available vocabulary. In the semiotic compon
ent,the author considers dicto-modal operations (with truth-tables for the various logical connexions PQ) and several predicative values (verbs implying a locative/causal relation).
Eventually, the author — a linguist, not an anthropologist — focusses the unity of Human Lan
guage and debates on the mutual status of linguistics and ethnolinguistics. He particularly shows how import
antit is to question informants in their own language (spontaneous definitions and paraphrase-tests). Also,
he stresses the fact that the rules underlying communication are a part of « Culture ». And he makes it
a point to search for cognitive mechanisms which genrate human cultures, and for the useful concepts
that would help account for correlations between ethnolinguistic features.
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