l’amour et la haine, le désespoir et la rage de vie : Apollon et Dionysos sont éternels.
Zorba appartient au dieu Dionysos qui, par conséquent, est également fêté dans cette œuvre.
Zorba porte en lui-même la sagesse infinie des hommes en accord avec la nature et les
traditions fondées sur son rythme et ses secrets. Il est généreux et en même temps, il est un
observateur critique qui, avec le regard de celui qui sait et qui connaît les faiblesses humaines,
est devenu le symbole de ceux qui en ont assez de la superficialité. « Si tout le monde était
comme lui, nous aurions une autre société », dit Theodorakis. Mais la société dans laquelle
Zorba se retrouve, même si elle apparaît comme « primitive », n’est pas innocente Ce sont de
pauvres gens qui ont arrangé leur vie dans ces lieux de Crète d’après leurs propres règles et
laissent libre cours à leurs sentiments et leurs instincts.
Si à la fin – du livre de Kazantzakis, du film de Cacoyannis, du ballet de Massine et de
Theodorakis –, la grande réconciliation avec le destin se fait dans la danse, on ne doit pas
oublier sur quoi cette réconciliation est fondée : deux femmes ont dû mourir avant qu’on en
arrive à la violente extase des corps dans la danse qui devient l’expression même de
l’acceptation de la vie.
« Précisément alors qu’une tragédie totale a eu lieu, Zorba a assez de force pour affronter la
vie, pour continuer à avancer et à prendre la vie comme elle est. C’est peut-être la raison,
pour laquelle nous sommes tellement fascinés par cette figure. »
Theodorakis a exprimé sa fascination pour le personnage de Zorba et les mythes dans une
musique qui compte parmi les plus réussies qu’il ait composées et dans laquelle il a réalisé
l’une de ses grandes finalités musicales : Unir la musique symphonique, laïque et crétoise de
façon si harmonieuse que leur alliance apparaisse comme tout à fait naturelle, car il l’a
comprise « non comme opposition, mais comme synthèse ». Theodorakis est « Crétois, Grec
et Européen. » , et avec cette partition, la musique populaire grecque fait son entrée éclatante
dans la musique symphonique occidentale.
La musique
La musique de Mikis repose sur l’élément mélodique. Elle reprend, comme il a l’habitude de
le faire, des thèmes de compositions antérieures : ce sont en particulier le ballet Carnaval
Grec, le Syrtos Chaniotikos, sa Sonatine pour piano, d’essence crétoise, une partie de la suite
de Le Quartier des anges, des chansons de I Synanthisi (La Rencontre) et plusieurs de ses
chansons les plus célèbres, comme Marina, Strosse to stroma sou, Apo to parathiro sou ou O
Pavlos kai o Nikolios, qui sont développés et métamorphosés dans la nouvelle composition.
S’y ajoutent de nombreux thèmes et lignes mélodiques que Theodorakis relie de façon
rythmique précise : Il ne perd jamais de vue que Zorba est une musique de ballet faite pour
être dansée.
Cette musique est en même temps le plus bel hommage du compositeur à la Crète, l’île natale
de son père sur laquelle il écrit :
« Il existe réellement, le Crétois qui revendique le droit spontané et intransigeant à la liberté
et pour qui la chanson, la danse, l’amour et le vin sont l’expression de son essence. Certes,
les Crétois ont un code d’honneur fanatique. Mais je dirais, il est purement extérieur. En
réalité, en Crète, on fait l’amour le plus libre et le plus effréné.. L’unique contrainte est la
peur que « cela» se sache. Mais pour moi, ces vieux et ces nouveaux mythes crétois