Réflexion sur la prise en charge en kinésithérapie

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La prise en charge et le suivi kinésithérapique de patients atteints de
dystrophies musculaires (DMD et apparentées) en activité libérale.
Quelques éléments de réflexion après 25 années d’exercice.
Denis Ducommun, MKDE, Toulouse.
1-Réflexion générale :
Depuis 25 ans, on pourrait croire que rien n’a changé dans la prise en charge des mnm,
puisque à ce jour aucun traitement curatif n’est apparu sur le marché. Nous retrouvons la
même évolution délétère ou le temps qui passe, d’habitude notre allié dans la rééducation, est
ici redouté.
Mais en réalité, il en est tout autrement, pour preuve par exemple le titre (et le contenu) de cet
article d’étude sociologique : « Adult life with Duchenne muscular dystrophy: Observations
among an emerging and unforeseen patient population”(1),( La vie à l’âge adulte avec une
myopathie de Duchenne : observation d’une population émergente inattendue), qui nous
donne la preuve que les enfants que nous prenons en charge aujourd’hui , grâce aux progrès
de la prise en charge peuvent aspirer à une vie d’adulte. Ce n’était pas évident il y a 25 ans.
Dans le cadre le cadre de la rééducation et de la réadaptation qu’est ce qui a changé ?
Tout d’abord, grâce à l’action de l’AFM et de son président emblématique Bernard Barateau,
les mnm, bien que de prévalence faible dans la population sont sortis de l’anonymat. Puis la
politique de l’association s’est tournée vers l’amélioration de la prise en charge au quotidien
avec le développement des SRAI , l’aide à la mise en place des consultations
pluridisciplinaires dans les CHU et des actions de sensibilisation et d’information auprès des
kinésithérapeutes et des instituts de formation en kinésithérapie.
Tous ces éléments ont débouché en 1998 au premier symposium européen de rééducation
pédiatrique des « NeuroMuscular Diseases » (Coimbra , Portugal, ) et en 2001, c’est avec
l’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation de santé) qu’a été mise en place
la première Conférence de consensus : « Modalités, indications, limites de la rééducation
dans les pathologies neuromusculaires non acquises . »(2)
Les questions posées étaient :

Quels bilans proposer ? Méthode et périodicité.

Quelles techniques de rééducation proposer ? Indications, contre-indications,
modalités, bénéfices attendus.

Quels sont les objectifs et la place de la rééducation.

Comment assurer l’indépendance et la qualité de vie ?
On peut regretter que ce document ne consacre que 3 pages sur 22 aux techniques de
rééducation, mais comme noté en préambule : « Les pratiques ont fait dans ce domaine l’objet
de très peu d’études scientifiques de niveau 1, 2 ou 3. Ces recommandations sont donc
essentiellement le résultat d’une réflexion critique sur les pratiques professionnelles.
Il a cependant l’intérêt de replacer l’enfant et sa qualité de vie au cœur du dispositif et il se
prononce très clairement pour un suivi au domicile du patient avec le kinésithérapeute comme
pivot de la prise en charge. C’est ce que j’ai tenté de faire au cours de ces 25 années.
La prise en charge rééducative va faire partie intégrante de la vie du patient, elle doit pour être
bien acceptée, être la moins contraignante possible, c’est donc au kinésithérapeute de
s’adapter : déplacement au domicile, sur le lieu de scolarisation ou de travail. Horaire des
séances hors temps scolaire ou de socialisation..
Les spécificités de prise en charge d’un enfant : la séance de rééducation doit être un moment
de jeu, de conte, de partage.
. La mise en place d’une relation de confiance et de profonde empathie avec les parents est
primordiale. En effet, les parents sont le relais au quotidien du kinésithérapeute. N’oublions
pas que la souffrance psychologique et la difficulté d’accepter l’évolution de la maladie par la
famille peuvent être un frein à une prise en charge efficace (mise en place d’orthèses, retard
de prise en charge chirurgicale d’une scoliose…). Enfin le kinésithérapeute doit éduquer les
parents et prescrire des aides techniques (léve-malade…) afin de prévenir les troubles ostéoarticulaires liés aux transferts et aux manipulations qui vont se multiplier avec l’évolution de
la maladie.
Interlocuteur du médecin de famille, dont les études, tout comme les nôtres, ne l’ont pas
préparé toujours efficacement à la prise en charge de ce type de pathologie.
Interlocuteur des orthoprothésistes et des prestataires de matériel, en particulier des fauteuils
roulants pour les différents essayages et réglages. ( Si vous connaissez le fauteuil parfait,
levez le doigt !!).
Interlocuteur de la consultation pluridisciplinaire. Elle permet d’avoir un retour « critique »
sur la prise en charge et sur l’évolution de la maladie qui est difficilement perceptible quand
on a « la tête dans le guidon »
2-Réflexions sur mon expérience pratique :
La séance :
Périodicité : 3 séances/semaine d’une durée de 30 minutes hors période d’encombrement
bronchique.
Si possible avec le même praticien.
Etre dans une logique de maximisation des résultats /temps passé.
Le travail musculaire actif est- il contre-indiqué ?
Il semble bien que non.
“Assisted bicycle training delays functional deterioration in boys with duchenne muscular
dystrophy: the randomized controlled trial "no use is disuse". By: Jansen, Merel; van Alfen,
Nens; Geurts, Alexander C H; et al.Neurorehabilitation and neural repair Volume: 27 Issue:
9 Pages: 816-27 Published: 2013 Nov-Dec (Epub 2013 Jul 24)
Conclusion:..“assisted bicycle training of the legs and arms is feasible and safe for both
ambulant and wheelchair-dependent children and may decline the deterioration due to
disuse.”…
“Proscrire toute activité physique ne semble plus possible socialement et n’est plus
scientifiquement justifié ».(ANAES)
Intérêt du massage ?
Pas de publication scientifique à ce sujet.
Il est intéressant dans les premiers temps de la prise en charge pour créer le lien, mais les
mobilisations passives douces globales de l’ensemble du membre préparent mieux le sujet aux
étirements dans les amplitudes maximums.
Il reste intéressant sur les cicatrices de chirurgie (scoliose…) et sur certaines contractures liées
au mal positionnement pour lesquelles on peut utiliser des techniques plus profondes et
localisées.
Quels types d’étirements ? Gestion de la douleur.
Une grande majorité de publications (niveau 1 à 5) font état de l’efficacité des étirements.
Le suivi du patient par le même praticien, permet la mise en place d’étirements et de postures
progressivement de plus en plus efficace. Ceci grâce la mise en place d’une relation de
confiance et à un ajustement des prises et contre prises permettant un relâchement
maximum du sujet, donc moins de douleurs.
Ces étirements seront analytiques et globaux. D’une durée de 20 à 30 secondes X2.
N’oublions pas qu’une bonne mobilité des membres supérieurs ( prono-supination, poignet ,
mains) est le gage d’une bonne adaptation et d’une relative autonomie au fauteuil roulant
électrique.
Les orthèses de posture des membres :
Celles destinées au membre sup sont très mal supportées, donc observance du port très faible.
Les attelles cruro-pédieuses quand elles sont bien réalisées sont beaucoup mieux supportées,
souvent toute la nuit avec de bons résultats orthopédiques.
La verticalisation :
Dans mon expérience, aucun FRE verticalisateur ne permet un parfait alignement
orthopédique, mais c’est un élément d’intégration sociale chez le jeune adolescent et l’adulte.
L’observance est très aléatoire, sans que j’ai remarqué d’effet négatif.
Prise en charge respiratoire :
Elle doit être précoce et continue, c’est l’enjeu majeur de notre prise en charge !
Syndrome restrictif :
- Une prise en charge préventive pour maintenir l’état orthopédique et fonctionnel de
la pompe respiratoire.



Cet entretien est réalisé par des mobilisations actives et passives de la cage thoracique,
en inspiration et expiration.
hyperinsuflations en pression positive grâce aux relaxateurs de pression (Bird®,
Alpha200®). Cet appareil réalise une insufflation en fonction d’une pression et d’un
débit prédéfinis. Le rythme de ces insufflations est déterminé par l’utilisateur puisque
c’est lui qui déclenche, par une inspiration volontaire l’insufflation. L’expiration est
passive.
Micromobilisations par la ventilation à percussions intra pulmonaires (IPV)
- Une prise en charge palliative.
Lorsque la ventilation naturelle ne permet plus d’assurer une hématose satisfaisante, il est
alors envisagé une assistance ventilatoire. : la ventilation non invasive (V.N.I). Le choix de
l’interface et les réglages sont primordiaux afin d’assurer un confort et une observance
maximum.
Syndrome obstructif :
La mise en place chez mes patients de la ventilation à percussions intra pulmonaires à
marquer une avancée majeure dans la prévention et la prise en charge de l’encombrement
bronchique.
les buts de l’i.p.v.®
La mobilisation des sécrétions :
L’I.P.V® permet de mobiliser les sécrétions bronchiques et pulmonaires par l’effet mécanique
de la variation des pics de pression, le débit et la vitesse linéaire élevée.
Le recrutement des territoires pulmonaires :
L’I.P.V. ® permet de lever les bouchons muqueux, de drainer et de reventiler les territoires
pulmonaires grâce à l’association d’une humidification à haut débit et d’un effet CIPAP.
Parce que le circuit respiratoire est ouvert en continu, la courbe de pression est inversée par
rapport à la ventilation conventionnelle.
EFFET CIPAP
COURBE I.P.V. PATIENT EN VENTILATION SPONTANEE
La pression va tendre vers 0 à l’inspiration et va monter pendant le temps expiratoire sans
jamais dépasser 8 cm d’eau en intra pulmonaire.
Cette pression positive va garantir le maintien de l’ouverture et la stabilisation des territoires
pulmonaires sur le temps expiratoire.
L’I.P.V. ®permet l’injection de petits volumes à très grande vitesse qui vont assurer une
distribution de la ventilation plus uniforme et limiter la ventilation préférentielle.
Ce phénomène physique original s’accompagne d’un contre débit rétrograde qui sert de support
au drainage pulmonaire.
Réglage pression et fréquence :
composante obstructive dominante : pression : 0,7 bar A 1bar 3 freq:360 A 500PER /MN
-réglage d’une pression basse et d’une fréquence élevée. Les effets recherchés sont le
recrutement des territoires pulmonaires, la mobilisation des sécrétions, l’amélioration des
échanges gazeux.
Possibilité de faire de l’air stacking pour avoir une capacité inspiratoire augmentée.
Composante restrictive dominante : pression : à partir de 1,5bar
FREQ : de 360 à150per/mn
-réglage d’une pression plus haute pour travailler la compliance thoraco pulmonaire et la
ventilation.
Conclusion :
La prise en charge et le suivi en libéral de patients atteints de mnm, bien que nécessitant un
investissement total du kinésithérapeute, reste pour moi l’expérience professionnel et humaine la
plus riche qui soit. Mon espoir est que dans moins de 25 ans, cette présentation soit devenue
obsolète.
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