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Les changements climatiques... en Wallonie
aussi !
jeudi 4 août 2011, par Gaëlle Warnant
Hausse des températures, fonte des glaces, sécheresse et désertification….Le discours sur les
conséquences des changements climatiques fait figure de science-fiction quand il s’agit
d’imaginer un scénario wallon. Pourtant, des effets de la modification du climat, il y en aura bel
et bien chez nous, en Wallonie. Autant les anticiper, s’y préparer pour, si possible, s’y adapter et
les atténuer. En initiant une étude « L’adaptation au changement climatique en région wallonne
», c’est ce que nos pouvoirs publics régionaux tentent de faire.
Juguler les causes du changement climatique (CC) amorcé, maintenir la hausse de température sous les
2°C, réduire drastiquement nos émissions de GES : fil conducteur de toute nouvelle politique, v½u pieux
ou mission impossible ? Tout le monde est d’accord sur le principe. Or, on rencontre peu de convergence
sur les moyens. Chaque partie attend un consensus et des gestes forts des autres parties, que ce soit au
sein de l’UE, entre pays industrialisés ou de la part des pays émergents.
Mais il y a un terrain d’action où chaque territoire a un intérêt à agir, vite, et s’il le faut, de façon
indépendante : la projection des changements qu’il encourt et le développement d’une stratégie pour s’y
adapter.
La Wallonie, via les missions de l’Agence wallonne de l’air et du climat (AWAC) a fait réaliser une étude
visant à élaborer des projections climatiques à son échelle, à décliner leurs impacts en termes de
vulnérabilité, voire d’opportunités pour le territoire et à suggérer des pistes d’adaptation.
Et si le constat paraît presque « prévisible » tant il devient « commun » de parler de changements
climatiques, il n’en reste pas moins alarmant ! Ces prévisions apparaissent encore plus sombres quand on
sait que les adaptations souhaitées ont encore beaucoup de mal faire partie intégrante des politiques
régionales et plus particulièrement d’une stratégie cohérente et ambitieuse de développement durable.
Les modifications du climat à l’échelle régionale sont déjà amorcées, reste à espérer que les mentalités
évolueront plus rapidement qu’elles, ce qui, sur base de ce qu’on l’on peut observer aujourd’hui est loin
d’être le cas.
Tendances générales et secteurs impactés
Les sciences du climat ne délivrent pas de réponses exactes quant aux futures modifications climatiques,
régionales ou mondiales. Beaucoup d’incertitudes demeurent relativement à l’amplitude des variations du
climat mais aussi concernant la nature et l’intensité des impacts qui en découleront. Mais tout de même,
des tendances se dessinent. Et celles-ci sont loin d’être réjouissantes.
Les 3 modèles retenus dans le rapport sont caractérisés comme étant : « projections humides », «
projections sèches », et « projections moyennes ».
Rapide baromètre :
• Le mercure grimpe : entre + 1,3°C et 2,8C en 2050, entre +2°C er 4°C en 2085. Même avec les
projections humides, le seuil des +2°C sera atteint en 2085 !
• Parapluie ? non, peut-être ! : les projections étudiées divergent sur ce point. Dans les projections
humides, les précipitations augmenteront constamment à l’horizon 2085 (+8,8%) tandis qu’elles
diminuent avec les projections sèches (-4% en 2085). Une chose est sure, le régime devrait varier avec des
contrastes régionaux plus marqués.
• Tombe la neige… : jusqu’à +16,4% de précipitations hivernales en 2030 dans les projections humides.
Les projections moyennes sont +7% (2030), +13,4% (2050) et +21.5% (2085). Tous les modèles prédisent
une augmentation des températures : jusqu’à +2,6°C en 2050 et +3,3°C en 2085.
• L’été sera chaud : dans les projections sèches, la baisse de précipitations atteint -25% à l’horizon 2085
(-8% pour projections humides). Les températures augmentent de +1,8°C à +3,2°C en 2050 et +1,3 et
4,5°C en 2085. Jusqu’à +6°C pour des projections sèches. Les canicules [1] seront également plus
fréquentes : pour 2050 + 2.3 jours caniculaires en moyenne, en 2085 de +9 jours à +28 jours.
• Rien ne devrait nous être épargnés : très fortes précipitations [2] , tempêtes, canicules… les épisodes
extrêmes seront plus fréquents.
Ces modifications climatiques auront des impacts sur différents aspects de notre territoire. L’étude
caractérise ces impacts selon leur degré de probabilité, leur degré de gravité et leur étendue à l’échelle
wallonne. Des critères comme l’urgence de la prise en charge de l’impact identifié, son niveau de prise en
charge actuel ou le niveau de sensibilité des acteurs sont également des critères intéressant. Enfin,
certaines variations du climat pourraient avoir des impacts positifs. Mais il convient de considérer ces «
opportunités » annoncées avec la plus grande prudence car il faut bien avouer qu’il existe un manque de
connaissance sur la manière dont les écosystèmes seront affectés par des changements aussi rapides et
sur les réactions en chaîne qui pourraient survenir. Le rapport souligne l’absolue nécessité de promouvoir
la recherche sur les impacts des CC et les effets des stratégies d’adaptation associées.
Impacts et vulnérabilité
Infrastructures et aménagement du territoire
Inondations et tempêtes plus fréquentes endommageront les infrastructures. Les vagues de chaleur
influenceront le sol (argile), perturberont certains services (rails dilatés, navigation en période d’étiage).
L’amplification d’effet d’ilot de chaleur urbain impacteront sur la santé des habitants et les
consommations d’énergie (besoin en climatisation).
Agriculture et sylviculture
D’intenses précipitations accentueront l’érosion des sols. Des inondations plus fréquentes toucheront
certaines zones. Si une augmentation des précipitations hivernales pourrait favoriser la recharge des
nappes, des périodes de sécheresse et de canicules auront un impact négatif sur les cultures et l’élevage.
Maladies, parasites et espèces invasives impacteront sur les rendements, même si ceux-ci devraient être
favorisés par un allongement de la période de croissance végétative.
Si la croissance forestière sera stimulée (+ de chaleur et + de CO2), les forêts devraient souffrir :
sensibilité accrue aux maladies, pullulations de ravageurs, risque de chablis liés aux tempêtes, risque
accru d’incendie…
Biodiversité
Les écosystèmes déjà fragilisés seront encore plus vulnérables de part des changements très rapides.
Certains milieux comme les tourbières pourraient disparaître. Les cycles biologiques saisonniers
(phénologie) seront perturbés. Les aires de répartition des espèces va évoluer avec comme corollaires des
cortèges floristiques incapables de s’adapter et une présence accrue d’invasives. Certaines espèces seront
plus sensibles aux ravageurs.
Ressources en eau
Un ruissellement accru favorisa la pollution des eaux de surfaces et un lessivage plus intense accentuera
celle des nappes. Des débits d’étiage plus fréquent et des températures plus élevées conduiront à une
dégradation de la qualité des eaux.
Energie
Si une diminution des besoins en chauffage est espérée, une hausse des consommations énergétiques
liées au froid et à la climatisation est attendue. Les changements de régime pluviométrique et des
périodes d’étiage plus fréquentes (ou plus longues) pourraient avoir une incidence sur les besoins en
refroidissement des centrales thermiques (et nucléaires jusque 2025). Des effets des variations de climat
sur la production d’énergies renouvelables (éoliennes, photovoltaïque, croissance biomasse) sont très
probables mais encore mal cernés. Il est clair la gestion du réseau électrique devra tenir compte des effets
des CC sur l’offre et la demande en électricité.
Santé
Les risques pour la santé sont d’une part liés aux canicules plus fréquentes ce qui pourrait augmenter la
mortalité chez les personnes fragilisées. Des hausses de températures et une moins bonne qualité de l’air
augmenteront les risques d’allergies et de problèmes respiratoires. Un risque de dégradation de la qualité
de l’eau, de contamination ou d’intoxication alimentaire accru est à prévoir. Enfin, l’influence des
variations climatiques sur le développement de maladies à vecteur est un champ qu’il conviendra
d’étudier sérieusement.
Stratégie d’adaptation
Ce rapport n’est pas un plan d’adaptation mais il constitue toutefois un exercice indispensable en
présentant des projections climatiques et les orientations que devront prendre une stratégie d’adaptation
véritablement opérationnelle.
Il est crucial que la planification du territoire intègre dès à présent les enjeux de l’adaptation.
L’urbanisation à outrance, l’imperméablisation des sols, l’implantation d’infrastructures en zones
inondables ou la disparition des zones naturelles « tampon » doivent cesser. L’eau et le végétal doivent
réintégrer les centres urbains pour contrer le phénomène d’ilot de chaleur. L’isolation du bâti doit être le
maître-mot et des solutions de refroidissement passif doivent être préconisées pour éviter les systèmes de
climatisation énergivores et préjudiciables pour la santé.
La préservation de la qualité de l’eau devra être centrale et à ce titre, on regrette la faiblesse des
recommandations en matière de planification urbanistique pour respecter cet objectif. Une approche
globale sur différents niveaux (cours d’eau, bassin hydrographique, régional et transfrontalier) est
indispensable. Mais c’est surtout vers une utilisation plus rationnelle des ressources en eau qu’il faudra
transiter.
Les menaces pesant sur la biodiversité ne sont pas neuves mais elles seront exacerbées par les
changements climatiques. Les mesures actuelles ne suffiront pas. Un réseau écologique étoffé impliquera
de revoir le statut et les limites de zones protégées. La gestion de certains milieux naturels devra être
adaptée. Un réseau de vigilance attentif aux espèces invasives devra être renforcé.
En agriculture, il faudrait revenir à des variétés naturellement plus résistantes aux pestes, trouver des
alternatives aux cultures gourmandes en intrants (eau, énergie, engrais). Les techniques culturales
devront évoluer pour préserver les sols de l’érosion. En foresterie, il faudra bannir la plantation d’espèces
mal adaptées aux conditions pédo-climatiques de la station. C’est une sylviculture dynamique, attentive au
fonctionnement naturel des forêts qui doit prévaloir.
Une meilleure gestion sanitaire lors d’épisodes caniculaires doit se développer notamment par une
adaptation des bâtiments. Le rythme des activités, la mobilité devront être adaptés en conséquence. Il est
en outre nécessaire de développer expertise et vigilance sur les effets des CC sur la santé (maladies à
vecteurs, allergies, etc.).
Toutes ces recommandations ne sont pas foncièrement innovantes. Cela fait des années que le secteur
environnemental préconise ce type de mesures. Les solutions sont sur la table depuis longtemps. Reste à
espérer que toutes ces recommandations ne resteront pas lettre morte et que les changements
climatiques seront reconnues comme une réalité qui dictera les orientations à prendre au niveau de toute
planification globale et plan de gestion sectoriel.
Inflexions ou rupture ?
Si ce rapport se garde bien de faire des choix, il avertit le politique qu’il doit en faire, dès aujourd’hui,
selon l’urgence et la gravité des impacts attendus. Quel niveau de risque la société est-elle prête à
accepter ? Quel coût consent-on à payer pour faire face aux CC ? La question du financement des mesures
devra également être soulevée rapidement ainsi que celle des leviers favorisant l’adaptation. La voie
fiscale peut être un instrument puissant tandis que la voie normative et les dispositifs d’aides publiques
doivent intégrer les enjeux liés au CC au plus tôt.
La question d’acceptabilité des mesures envisagées par la population est évoquée. Pour IEW, il ressort de
la responsabilité politique de mettre tout en ½uvre pour impulser des changements de comportements
durables qui permettront aux citoyens de non seulement s’adapter aux CC mais surtout de les freiner (une
vraie politique de mobilité durable par exemple…).
Les experts pointent également du doigt les inégalités sociales que les CC rendront plus profondes. Les
personnes défavorisées auront plus de mal à adapter leur logement contre les aléas climatiques ou à faire
face à des problèmes de santé récurrents.
Le rapport a le mérite d’attitrer l’attention sur un principe directeur qui doit guider les choix actuels et
futurs : celui du contenu énergétique des mesures d’adaptation. Tout mesure, entre autres la rénovation
d’infrastructures adaptées à la nouvelle donne climatique, mobilisera des ressources qui ont un coût
environnemental et énergétique. Et de là, aller plus loin que le rapport en préconisant une généralisation
des ACV [3] permettant d’orienter les politiques, mais aussi les entreprises et les citoyens, vers des choix
aux impacts énergétiques et environnementaux minima.
Le rapport de l’AWAC prône l’adaptation surtout par des inflexions des dispositifs actuels. Pour IEW, la
résilience aux CC ne peut se faire sans une rupture avec les systèmes actuels, qu’il s’agisse, entre autres,
du système agricole conventionnel ou de l’étalement urbain continu !
En outre, le rapport n’évoque que très peu la nécessité de mettre en balance le coût des changements
souhaitables (voire indispensables) avec le coût de l’inaction. L’internalisation des externalités découlant
du laisser-faire (ou BAU) pourrait donner un sérieux coup de fouet à certaines politiques qui tardent à être
mises en ½uvre.
S’adapter, oui… mais est-il trop tard pour atténuer ?
Les changements climatiques estimés semblent inévitables. Est-il pour autant vain de lutter contre ces
changements, d’atténuer leurs effets voire de renverser la tendance actuelle ? De nombreuses pistes
existent pour lutter contre les changements climatiques. La maîtrise de la demande énergétique est une
des pierres angulaires des stratégies d’atténuation. C’est dans tous les secteurs que ce leitmotiv doit être
décliné. Réduire nos émissions de GES de 80 à 95 % d’ici 2050 implique des modifications profondes de
nos modes production et de consommation. La transition climatique n’est pas qu’une affaire de
scientifiques, elle doit être prise à bras le corps par les politiques bien sûr mais aussi par les économistes,
les sociologues, les psychologues, etc, soit au moyen d’une approche pluridisciplinaire….
A l’échelle individuelle, il y a quantité d’actions à mettre en ½uvre pour diminuer ses émissions de CO2.
Notes
[1] Une canicule se définit comme une période d’au moins 5 jours consécutifs avec une température de
25°C ou + et comprenant au moins 3 jours avec 30°C ou +.
[2] On entend par « très fortes précipitations » le nombre de jours où le volume des précipitations est
supérieur ou égal à 20mm.
[3] Analyse de cycle de vie
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