Évaluation biomécanique
Dans le volet secondaire de l’évaluation du patient, le clini-
cien doit rechercher les facteurs biomécaniques qui inter-
viennent dans les manifestations cliniques. Le dysfonction-
nement biomécanique entraîne souvent des modifications
dans la répartition du poids et une surcharge sur l’avant-
pied. Ces modifications résultent des anomalies fonction-
nelles, notamment la pronation excessive ou insuffisante des
articulations talocrurale (TC) et sous-astragalienne (SA), la
laxité des ligaments et la mise en charge insuffisante ou
excessive du premier rayon, des rayons intermédiaires ou du
cinquième rayon1. Ces manifestations sont désignées par le
terme « métatarsalgie primaire »2. Ces anomalies fonction-
nelles aboutissent au dysfonctionnement biomécanique de
la démarche et à l’apparition de la douleur.
Il est essentiel que les physiothérapeutes qui accueillent
de nombreux patients affichant ce profil procèdent à un exa-
men biomécanique approfondi. Cet examen doit compren-
dre l’appréciation de l’amplitude des mouvements actifs et
passifs, de la stabilité articulaire, des positions statiques et
dynamiques et de la mobilité des articulations, de la force
musculaire, de l’état du tissu nerveux, des réactions à la pal-
pation, de la force portante et de la stabilité du pied et de la
cheville.
Le praticien doit inspecter la chaîne cinétique inférieure
pour apprécier son apport à la fonction biomécanique du
pied. Une instabilité centrale ainsi qu’un dysfonctionnement
biomécanique du genou, de la hanche et de la colonne lom-
baire peuvent jouer un rôle important dans les changements
biomécaniques du pied et de la cheville. Une tomodensito-
métrie des vertèbres lombaires et un examen de la démarche
pourraient aider à écarter d’autres facteurs pouvant expli-
quer les symptômes. Dans le cas à l’étude, la patiente a une
démarche caractérisée par une pronation excessive.
Le clinicien doit aussi inspecter les chaussures de la
patiente – dans ce cas, il faut inspecter les bottes de travail
et les autres chaussures que la patiente porte à la maison
lorsqu’elle vaque à ses occupations courantes, les chaussures
qu’elle choisit pour ses activités récréatives et son entraîne-
ment; cet examen aide à évaluer les aspects biomécaniques
ainsi que le facteur contributif des chaussures à la patholo-
gie. Ses bottes de travail et ses chaussures de sport étaient,
en général, vieilles et affichaient des signes d’usure excessive
concordant avec une pronation excessive et une trop grande
charge sur les pieds. Les autres chaussures étaient surtout
des chaussures habillées et des sandales ne conférant aucun
support ni effet amortisseur.
En outre chez cette patiente, les muscles postérieurs sont
légèrement tendus (ischiojambiers, muscles fessiers et mus-
cle pyramidal du bassin) et la tension du nerf sciatique est
légèrement accrue. L’examen met en évidence la tension des
muscles du mollet, la flexion dorsale limitée et la laxité de
l’articulation de la cheville à la bascule de l’astragale
(attribuable à une ancienne entorse de la cheville). Le clini-
cien note également une légère hypermobilité de l’articula-
tion sous-astragalienne et une instabilité marquée du pre-
mier rayon avec hypermobilité en dorsiflexion. La première
articulation MTP résiste légèrement à la dorsiflexion du pied.
L’hallux est déformé en varus, mais il est mobile et la défor-
mation peut être corrigée. L’arrière-pied et l’avant-pied sont
également déformés en varus. On note un léger fléchisse-
ment des rayons mineurs et de la tête métatarsienne (second
< troisième > quatrième > cinquième) avec diminution de
l’arche MT transversale. L’épreuve musculaire contre résis-
tance démontre une faiblesse du muscle supinateur du mol-
let, du muscle rotateur externe de la hanche et des muscles
centraux (core muscle). La palpation des têtes MT évoque
une douleur franche dans ces articulations ainsi qu’un faible
déplacement distal des coussinets adipeux MT. La patiente
signale une légère dysesthésie entre les deuxième et
troisième têtes MT et les orteils, ce qui concorde avec l’an-
técédent d’excision du névrome. En position debout, la
patiente a de la difficulté à rester en équilibre sur une jambe
et elle manifeste des mouvements pronateurs exagérés, un
valgus important de la cheville, une rotation interne exces-
sive de la jambe, une instabilité et un contrôle déficient du
tronc, du bassin et de la hanche.
Il faut inspecter les orthèses de la patiente, d’une part
pour vérifier si elles ont été conçues et fabriquées de
manière à correspondre à ses caractéristiques biomé-
caniques et, d’autre part, pour déterminer leur fonction dans
5JSCR 2009 • Volume 19, Numéro 2
Le clinicien doit aussi inspecter les
chaussures de la patiente – dans ce
cas, il faut inspecter les bottes de
travail et les autres chaussures que la
patiente porte à la maison lorsqu’elle
vaque à ses occupations courantes, les
chaussures qu’elle choisit pour ses
activités récréatives et son
entraînement; cet examen aide à
évaluer les aspects biomécaniques ainsi
que le facteur contributif des
chaussures à la pathologie.