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Des tests en vente libre aux Etats-Unis
Le Figaro du 28 janvier 2016 par Aude Rambaud
À partir de cette année, plusieurs sociétés américaines proposent le séquençage génétique
pour tous au nom du « droit de savoir », mais sans aucun encadrement et sans autorisation
officielle.
Ça y est, le premier test génétique à destination du grand public a reçu la bénédiction des autorités
de santé aux États-Unis. Une petite révolution sociale. N'importe qui peut désormais obtenir des
informations sur son ADN sans passer par son médecin et dans le respect des contraintes
réglementaires du pays. La pratique n'est pas nouvelle et remonte à 2007. À partir de cette année,
plusieurs sociétés américaines proposent le séquençage génétique pour tous au nom du « droit de
savoir », mais sans aucun encadrement et sans autorisation officielle. C'est le cas de 23andMe avec
son « Personal Genome Service », mais aussi de Pathway Genomics, Navigenics ou encore
DecodeMe. Le succès est immédiat, des dizaines de milliers d'Américains se jettent dessus.
Mais la FDA, l'autorité de santé américaine, ne l'entend pas de cette oreille. Après plusieurs
échanges avec les fabricants demandant à prouver la fiabilité des résultats, elle décide finalement
d'interdire ce type de test en 2013. Elle s'inquiète des conséquences de résultats faussement positifs
ou faussement négatifs chez les utilisateurs. Il faut dire qu'à l'époque, les fabricants n'y vont pas de
mainmorte et prétendent informer sur le risque de cancer, de maladie d'Alzheimer, de Parkinson ou
encore de maladies cardiovasculaires qui dépendent en fait d'un très grand nombre de facteurs de
risque autres que génétiques.
« Les résultats pouvaient suggérer une pathologie qui ne viendrait pas ou, au contraire, en écarter
une autre pouvant survenir », explique le Pr Hervé Chneiweiss, chercheur en neurosciences,
président du comité d'éthique de l'Inserm et membre du Comité consultatif national d'éthique
(CCNE). « Les mutations des gènes BRCA 1 et 2 impliqués dans la survenue des cancers du sein et
de l'ovaire augmentent par exemple de 50 à 70 % le risque de survenue de ces cancers, ce qui
justifie un suivi particulier, mais des femmes porteuses de ces gènes ne tomberont finalement pas
malades. Or la présence de ces mutations génère de l'angoisse, voire des interventions préventives
radicales comme l'ablation des seins. À l'inverse, d'autres femmes ne présentant pas ces mutations
développeront quand même un cancer, mais ne feront rien pour limiter d'autres risques, se pensant
épargnées », illustre Hervé Chneiweiss.
Suite à ce coup d'arrêt, 23andMe se rapproche de la FDA pour proposer un produit répondant aux
critères fixés par l'agence. Un coup de maître qui lui vaut de relancer son « Personal Genome
Service » avec un tampon officiel « FDA approval » en 2015 qui fait office de garantie pour les
utilisateurs. La FDA « appréciant le fait que le grand public puisse obtenir des informations sur son
génome et ses risques de développer des maladies afin de les responsabiliser sur certains aspects de
leur santé et d'en apprendre plus sur les risques génétiques ». Pour cela, l'entreprise a cependant
pratiqué un lifting important sur son produit. Exit les marqueurs de risque de maladies
multifactorielles, telles que le cancer et la maladie d'Alzheimer. Exit aussi les données de sensibilité
à certains médicaments autrefois disponibles. Le nombre de marqueurs a été réduit à une
soixantaine et cible désormais des maladies génétiques transmissibles graves comme la
mucoviscidose et des caractères non médicaux : sensibilité à l'alcool, consommation de caféine,
intolérance au lactose et plusieurs traits physiques, comme la couleur des yeux ou la nature des
cheveux inscrits dans les gènes. Enfin, la société a nettement misé sur la composante « histoire
personnelle ». Le test permet en effet de retrouver ses origines en comparant ses liens génétiques
avec 31 populations du monde et en analysant la provenance maternelle ou paternelle de ces
origines. Les utilisateurs peuvent même comparer leur ADN avec ceux des membres de leur famille
au risque d'y découvrir des surprises, voire retrouver des affiliés dans la base de données 23andMe
s'ils acceptent d'y figurer.