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Colloque de l’EPE 13 . juin 2013 . Enjeux de savoirs et de pouvoirs dans le travail social
scolaire, c’est la prise en compte des richesses et des acquis culturels de
chacun. Réciproquement, la vie scolaire ne saurait être ignorée à la maison….
L’essentiel de ce qui se dit et se fait à l’école ou à la maison ne réside pas
seulement dans les apprentissages fondamentaux ou les méthodes et formes
d’éducation au sens strict du terme mais tout autant dans la qualité des
relations interpersonnelles nouées entre enfants, entre adultes et enfants,
entre les différentes populations qui, le temps d’une journée de vie en
collectivité, entrent en relation. »
Extrait de « l’éducation que nous voulons »
Les UPE ont pour vocation de faire vivre ces valeurs notamment par la
diffusion des informations concernant le fonctionnement de l’école en
direction de tous les parents. Par ailleurs, un parent convoqué à plusieurs
reprises pour le comportement « inadapté » de son enfant se sentira la cible
de l’école et non un partenaire, à moins qu’il ne fasse partie d’un groupe de
parents élus qui se retrouve régulièrement pour parler de la vie de l’école et
des relations avec les enseignants. Il aura alors sans doute plus de facilité à
faire face à ces convocations d’autant plus si la posture de l’enseignant repose
sur une recherche de renseignements pour comprendre l’attitude de l’enfant
et non sur un jugement.
En ce sens, la question de l’absentéisme des élèves, et des parents aux temps
de rencontre renvoie nécessairement à la sacralisation de l’école, à la
méconnaissance de l’institution, à la peur, à l’angoisse de la critique ou de la
remise en cause, l’évaluation toujours négative (cf. le Mouvement Contre la
Constante Macabre)… Pour aller plus loin, je citerai Sophie Lamotte dont
la critique peut paraitre sévère mais elle arbore un point de vue sociologique
dont l’analyse s’avère juste et les exceptions ne sont pas rares.
« Le travail autour de la « parentalité », qui a glissé des institutions du
secteur social vers les établissements scolaires, est une manière de désigner
celles de ces familles avec lesquelles il faut travailler sans avoir à leur
reconnaître de place au sein du collectif, et encore moins de raison politique.
Bref, une manière de qualifier et de rendre palpable une sous-citoyenneté
politique inscrite dans les statuts. Garantir la bonne tenue de son enfant
lorsqu’il est à l’école mais ne pas trop chercher à en savoir, tel est le rôle
assigné à ces adultes dont l’autorité et l’ascendance réelles et effectives sur
leur enfant ou adolescent ne sont même pas considérées comme existantes.
Ce regard porté sur les familles « soupçonnées » est perçu et compris par
elles. La réaction, le plus souvent informelle, est à la mesure des
conséquences que ce type de rapports sociaux génère pour les enfants. Sortie
d’un rendez-vous pris au collège avec le principal et le professeur principal de
son fils, une femme raconte :
« Avec l’autre [frère en SEGPA – Sections d’enseignement général et
professionnel adapté], je comprends qu’ils leur parlent d’un métier. Mais à
lui, en sixième. Je n’avais pas compris, avec les deux aînés, ce qui se passait en
sixième. Comment c’était. Mais là, ce n’est pas possible. Ils sont venus leur
parler de plomberie. Au mois de septembre. À lui... Il a toujours été très bon,
il se tient bien, il écoute, il aime ça. Mais depuis la rentrée au collège, c’est
plus pareil. Moi, je ne veux pas qu’il fasse un BEP. Pas lui. Je l’ai dit au
professeur principal et au principal du collège, qu’ils arrêtent ça. Qu’on ne
peut pas parler de travail à des enfants en sixième. Qu’ils leur laissent du
temps. Ils m’ont dit que c’était rien, que c’était pour commencer à donner
des idées. Mais c’est quoi ces idées qu’ils veulent leur donner. Pour qui ils
nous prennent. Ils croient qu’on est bons qu’à ça ! Qu’on va se laisser
faire ! »
Nous ne savons pas si cette mère a trouvé secours auprès du corps
enseignant, de parents d’élèves, d’une association de quartier ou seule mais on
voit bien qu’il se passe quelque chose entre l’étiquette que l’on fait porter à
un enfant et la volonté d’une mère de s’approprier la logique et les savoirs
qui guident l’orientation de son enfant. Orientation sur laquelle elle veut,
légitimement, détenir un pouvoir de décision.
Sophie Lamotte « Mauvais parents, mauvais citoyens... », L'Homme et la société
2/2006 (n° 160-161), p. 55-79. URL : www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-
2006-2-page-55.htm