présente
une pièce de David Paquet
mise en scène par Dinaïg Stall
Création 2012-2013
2h14
2h14 est un texte de David Paquet. Il est édité en France chez Actes Sud-Papiers.
Durée estimée : 60-65 minutes
Résumé :
2h14 nous invite à suivre six personnages dont les destins s’entrechoquent au hasard d’un drame qui
les unit et les dépasse.
Ceux-ci se croisent, se cherchent, se ratent souvent, grandissent. Tous n'ont qu'un seul désir : goûter
au bonheur.
Chacun y arrive comme il peut : Jade avale des vers, Berthier s'invente un handicap, Katrina opte pour
un tatou, François ouvre des portes par milliers et Denis remet tout en question à cause d'une lasagne
au sable.
Leurs parcours fragmentés - parfois drôles, parfois graves, toujours surprenants - sont tissés avec grâce
dans une structure kaléidoscopique qui culmine en un dénouement abrupt et déchirant, toutes les
pièces du puzzle s’assemblent et volent en éclat à la fois. A 2h14.
Cette pièce du jeune auteur dramatique québécois David Paquet, encore inédite en France, à la langue
à la fois crue et poétique, et empreinte d’élans de surréalisme, est ici menée tambour battant par six
interprètes aux prises avec leur double marionnettique. Ces marionnettes hyperréalistes viennent don-
ner corps et expressivité aux voix contradictoires de l’adolescence, aux projections les plus folles, à la
violence que l’on (se) fait... à la mort elle-même.
Sombre et jubilatoire, 2h14 explore ce moment charnière l'on cherche, de façon souvent brouillonne
et excessive, sa place dans le monde des adultes en tentant de ne pas leur ressembler.
Distribution :
Mise en scène, conception et construction des marionnettes, mannequin et masque : Dinaïg Stall
Collaboration artistique à la mise en scène : Céline Garnavault
Interprétation : Mathieu Enderlin, Amélie Esbelin, Céline Garnavault, Guillaume Hunout, Côme
Thieulin, Cécile Vitrant
Regard chorégraphique : Carine Kermin
Création sonore et régie : Thomas Sillard
Création lumière et régie : Eric Seldubuisson
Scénographie : Blandine Vieillot et Dinaïg Stall
Construction : Grégory Guillot, Guéwen Maigner et Blandine Vieillot
Mentions obligatoires :
2h14 est une production de la compagnie Le Bruit du Frigo, créée en coproduction avec La Coursive
scène nationale de La Rochelle, Le Gallia scène conventionnée de Saintes, L’Avant-Scène scène con-
ventionnée de Cognac et avec le soutien de la Comédie Poitou-Charentes CDN, de l’Hectare scène
conventionnée de Vendôme et du centre Intermondes.
Elle a reçu le soutien de la DRAC Poitou-Charentes, du conseil régional Poitou-Charentes, de la ville de
Poitiers et de la ville de La Rochelle dans le cadre de sa convention avec l’Institut Français.
Texte publié aux éditions Actes Sud-Papiers, janvier 2013.
Depuis 2010, une collaboration artistique a débuté entre Dinaïg Stall, metteur en scène et marionnettiste
au sein de la compagnie Le Bruit du Frigo, et David Paquet, auteur dramatique québécois lauréat du prix
du Gouverneur Général du Canada (2010, section théâtre francophone) et du prix Michel Tremblay.
Cette collaboration s'articule tout particulièrement autour de sa pièce 2h14, et a d'ores et déjà connu un
premier temps fort en mai-juin 2011 à La Rochelle.
David Paquet y a été reçu en résidence d'écriture au centre Intermondes et a participé à plusieurs actions
en direction des publics, notamment à des rencontres avec les lycéens de l'option théâtre du lycée Valin
avec qui travaille Dinaïg Stall. La pièce 2h14 a été montée avec eux sous forme de 'laboratoire' afin de
leur permettre d'appréhender à la fois un texte contemporain de langue française (mais une langue
sensiblement différente du français " de France ") et les possibilités expressives de la marionnette au
service
de ce texte.
La prochaine étape de cette collaboration est désormais la création de 2h14 en mars 2013 avec une
équipe d'interprètes et de techniciens professionnels.
Rencontre avec un auteur et une œuvre
J'ai rencontré David Paquet lors du stage international "Petite enfance et création" coordonné par
LOJIQ et les festivals " Méli-Môme " (Reims), " Petits Bonheurs " (Montréal) et " L'Art et les tout-petits "
(Charleroi). Notre complicité a été immédiate et les affinités artistiques évidentes. Alors, j'ai voulu lire
ce qu'écrit David, moi qui pourtant lis peu de théâtre.
Porc-épic m'a touchée et amusée, j'ai même ri et sursauté, complètement happée par l'univers de
David. La langue et la dramaturgie de ce texte sont à la fois totalement personnelles et immédiatement
percutantes pour le lecteur/spectateur, et elles laissent une grande place à son imaginaire, sans lui
imposer de "message" univoque. C'est une peinture drôle et cinglante des rapports que nous entrete-
nons avec nos semblables, et ce que j'apprécie tout particulièrement est que jamais l'auteur ne cède
à la facilité du cynisme ou du sarcasme, ni au confort de désespérer son spectateur - car il y a tou-
jours quelque chose de confortable, voire de condescendant, à n'offrir aucune échappatoire, aucune
lumière, lorsque l'on est seul maître du sort de ses personnages et de l'éclairage que l'on jette sur eux.
Cette lumière est notamment présente dans l'œuvre de David Paquet par le biais d'échappées
absurdes, voire surréalistes, et d'une langue qui allie concision, rythmicité et force d'évocation.
Plus encore que par Porc-épic, j'ai été remuée par sa deuxième pièce, 2h14 (non éditée à ce jour).
Ce texte fait écho à mes envies de dire le monde dans ses développements et aspérités contemporains,
de manière non pas discursive mais sensible.
Une femme s'avance sur le plateau. Elle porte un masque d'hirondelle. Et nous avertit d'emblée :
elle n'est pas une tortue.
Ce personnage énigmatique vient régulièrement ponctuer les parcours de cinq autres, quatre
adolescents et leur professeur de français. Elle distille peu à peu des informations sur son propre
drame et sur ce qui la relie à tous les autres protagonistes.
Ceux-ci se croisent, se cherchent (eux-mêmes, et les uns les autres), se ratent souvent, se trouvent
parfois, grandissent. Tous n'ont qu'un seul désir : goûter au bonheur. Chacun y arrive comme il peut :
Jade avale des vers, Berthier s'invente un handicap, Katrina opte pour un tatou, François ouvre des
portes par milliers et Denis remet tout en question à cause d'une lasagne au sable.
Leur parcours fragmenté - parfois drôle, parfois grave - est toujours surprenant.
Jusqu'à ce qu'il s'arrête net. A 2h14.
Tous sont morts. Tous ont été tués. Par le fils de la femme-hirondelle.
Partant de ce qui pourrait n'être qu'une sordide tragédie, de celles qui font trop souvent la une des
journaux, David Paquet crée une pièce non pas tant pour les adolescents mais sur l'adolescence.
Il transcende la contrainte - écrire pour les 14 ans et plus - et signe à nouveau une pièce extrêmement
forte, grâce à sa construction dramaturgique, sa langue, la puissance de ses personnages, et son
dénouement abrupt qui résonne longtemps après la lecture.
Il écrit au plus près de ce que sont les adolescents, sans simplification ou explication psychologique
rassurante - ni alarmiste. Il met sur scène la violence qu'ils font et se font sans jamais verser dans le
lyrisme ni dans une idéalisation romantique de cette tentation de destruction. Il écrit les projections et
les fantasmes des adolescents sur le monde, et du monde sur les adolescents. Sa langue est toujours
pleine et concise à la fois, les images qu'il convoque donnent déjà à voir du théâtre.
J'aime que cette pièce aborde de façon métaphorique mais frontale des thématiques telles que la
violence et la sexualité sans sensationnalisme ni vulgarité.
*Métaphorique parce que David Paquet utilise toutes les possibilités du théâtre pour décoller
d'une plate illustration du réel et articule son drame avec une parfaite maîtrise rythmique (on en
revient aux échappées surréalistes)
*Frontale car il appelle un chat un chat et ne prend jamais son public pour des demeurés ni de
petite âmes innocentes qu'il faudrait " protéger " en ne leur offrant que des spectacles édulcorés et
calibrés.
Il me semble en effet que bien souvent, au prétexte de protéger les enfants ou les adolescents,
les adultes les empêchent en réalité de grandir, en leur refusant des représentations parfois dures ou
complexes du réel mais dont la poésie même permet d'appréhender celui-ci autrement. Cela me
semble d'autant plus dommageable - et hypocrite - que ces mêmes adolescents maîtrisent très bien,
généralement mieux que leurs aînés, les outils de communication qui donnent accès à des contenus
très divers, parfois véritablement inappropriés, et généralement sans résonnance poétique.
Ce que j'aime également, ce sont les différents portraits d'adolescent-e-s peints par la pièce, l'évolution
de leur parcours respectif au sein d'une structure huilée comme de l'horlogerie suisse. Ce qui est fort,
c'est de partir d'archétypes - du genre de ceux que l'on retrouve dans tous les films américains de
teenagers, ceux aussi qui structurent largement la vie sociale dans les établissements scolaires -
et de leur donner une épaisseur qui nous les rend proches et touchants.
Jade, par exemple, tient toute entière dans la collision entre deux archétypes, celle de la " grosse "
du lycée (qu'elle était) et celle de la " fille facile " (qu'elle est devenue). Et cette collision la fait aller
bien au-delà de chacun des archétypes qui la compose et donne à voir le caractère profondément
destructeur que peut avoir le regard des autres et la violence de l'injonction - faite aux filles surtout -
à s'aligner physiquement sur les canons en vigueur.
Grave et jubilatoire, 2h14 parle d'une façon qui me touche profondément de ce moment charnière
l'on cherche sa place, de façon souvent brouillonne et excessive, dans un monde dont les règles nous
échappent ou nous révoltent. Et il me semble que tant de choses bougent à ce moment-là, tant de
choix sont à faire, tant de métamorphoses sont à l'œuvre dans le corps ; la violence est telle entre les
mouvements intérieurs de la pensée et la conscience grandissante d'un extérieur qui ne se limite pas
à la cellule familiale et impose lui aussi ses règles... que tout cela laisse longtemps des traces.
C'est ce qui fait que pour moi, 2h14 n'est pas (ou pas seulement) une pièce pour adolescents.
Ce qu'elle vient mettre en lumière et interroger, ce sont ces traces intérieures qui façonnent le
parcours de chacun-e, ce cheminement qui permet ou a permis de passer à l'âge adulte, ce reste de
doute et d'inquiétude qui nous hante encore.
Dinaïg Stall, juin 2011
BERTHIER
J'ai déjà vu un couple marcher dans la rue. En pleine tempête. Ils portaient une paire de mitaines à
deux. La fille portait la mitaine de gauche. Le gars, celle de droite. De l'autre bras, ils avaient pas
besoin de mitaine : ils se tenaient par la main. Je me suis dit que c'était ça le bonheur. Et j'ai eu envie
d'y goûter.
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