I Introduction : l’initialisation de Landauer
La thermodynamique de l’information quantique est un domaine en émergence, à l’interface
entre plusieurs champs de la physique : d’une part, la thermodynamique, développée au 19ème
siècle pour des systèmes macroscopiques, d’autre part, la mécanique quantique, dont l’élabo-
ration a commencé au début du 20ème siècle, enfin, la théorie de l’information de Shannon,
développée autour des années 1950 [7,8]. Le lien entre la théorie de l’information et la ther-
modynamique vient en particulier de la notion d’entropie, qui est commune aux deux théories.
La connexion entre théorie de l’information et mécanique quantique a donné naissance dans les
années 1990 au domaine de l’information quantique, qui a eu des résultats spectaculaires en
cryptographie [9] et en informatique [10]. Depuis les années 2000, un nouveau questionnement
sur les liens entre information et énergie dans les systèmes quantiques relie ces trois disciplines.
Les progrès récents en nanotechnologies fournissent les moyens expérimentaux pour réaliser ce
type d’études en permettant la constructions de machines thermiques à l’échelle du quantum
unique [12,11]. Par ailleurs, des premières études théoriques de thermodynamique quantique
ont relevé de nouvelles manières d’exploiter les propriétés originales du monde quantique telle
que l’intrication [17].
Le lien entre thermodynamique et information à l’échelle nanoscopique a été reconnu en 1961
par Landauer [1]. Le physicien américain a démontré qu’une opération logiquement irréversible
impliquant un unique bit d’information entraîne nécessairement une dissipation de chaleur.
C’est ce que l’on appelle le principe de Landauer. Le physicien s’est notamment intéressé à
l’opération fondamentale permettant d’initialiser le bit dans l’un de ses deux états quel que soit
son état initial pour effacer l’information qu’il contient. Landauer a déduit le coût minimum en
travail d’une telle opération qui vaut wL=kBTln 2, où kBest la constante de Boltzmann et T
la température d’un thermostat avec lequel le bit est en équilibre thermodynamique.
Cette limite fondamentale peut être retrouvée par l’expérience de pensée illustrée par la
figure 1. On considère un système à deux niveaux (que nous appellerons atome dans toute la
suite de ce rapport) en équilibre avec un thermostat de température T. A cet atome peut être
associé un bit d’information dont les deux valeurs possibles 0et 1correspondent aux deux états
notés respectivement | ↓i et | ↑i. On prend comme référence des énergies l’énergie du niveau
| ↓i, et on appelle El’énergie du niveau | ↑i. La population P↑de l’état | ↑i, c’est-à-dire la
probabilité que le qubit soit dans cet état, suit la distribution de Fermi-Dirac :
P↑(E) = e−E/kBT
Z=1
1 + eE/kBT(1)
où Z(E) = 1 + e−E/kBTest la fonction de partition canonique de l’atome. En particulier, si
les deux niveaux de l’atome sont dégénérés en énergie (E= 0), on a :
P↑=P↓=1
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où l’on a utilisé le fait que P↓= 1 −P↑.
Lors de l’initialisation de Landauer présentée en fig.1, un opérateur extérieur monte de
manière quasi-statique l’énergie Ede l’état | ↑i depuis 0(P↑= 1/2, voir fig.1a) à une valeur
grande devant kBTtelle que P↑= 0 (fig.1b). L’hypothèse de quasi-staticité permet de supposer
que l’atome reste toujours en équilibre avec le thermostat au cours de l’opération, et donc la
population vaut toujours P↑(E(t)) obtenue à partir de la formule (1). A partir de la variation
de l’énergie interne U=P↑(E)Ede l’atome, on peut définir le travail Wfourni par l’opérateur
extérieur au système et la chaleur Qdissipée dans le thermostat au cours de l’opération :
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