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Krankenpflege 4/2008
Soins infirmiers
pilotes, qui constituent une condition
incontournable pour développer une
prise en charge psychiatrique confor-
me aux besoins du patient.
Des prestations
indispensables
Dans le cadre de l’élaboration de ce
guide, plusieurs journées de travail ont
déjà été organisées avec différents ac-
teurs et des professionnels du terrain.
Le 12 février dernier, une rencontre
avec le groupe de travail, organisée par
l’ASI, a eu lieu à Berne. L’objectif de
cette journée était de mettre en lumiè-
re différents projets pilotes mis en pla-
ce un peu partout en Suisse par des in-
firmières et infirmiers. Car beaucoup
de choses existent déjà, mais ne sont
pas suffisamment connues des déci-
deurs et du public. Face à une deman-
de croissante et à des situations de plus
en plus complexes, institutions, ser-
vices de soins à domicile et profession-
nels indépendants se sont mobilisés
pour diversifier leur offre et tenter de
répondre au plus près aux besoins de la
population.
Offrir des soins spécialisés
Mme Z., 54 ans, vit seule dans son ap-
partement. Le service d’aide et de soins
à domicile de sa région lui envoie 7 fois
par semaine une soignante qui l’aide
pour les soins corporels et pour mettre
ses bas de soutien. Mme Z. souffre d’os-
téoporose. A l’égard des collaboratrices
du service, elle a un comportement
hostile, exigeant, elle exprime un mé-
contentement permanent et manque
totalement de flexibilité en ce qui
concerne les horaires. Sa perception
d’elle-même et d’autrui est altérée, elle
se cantonne dans une attitude de victi-
me.
C’est là un des nombreux exemples
cités par les intervenants de cette jour-
née riche en témoignages à la fois tou-
chants et déroutants. La multiplication
de ces situations a poussé différents
services de soins à domicile à engager
des infirmières spécialisées en psychia-
trie, dans le but de soutenir des soi-
gnants débordés et d’offrir une prise en
charge plus appropriée. C’est le cas par
exemple du service de Köniz (BE), qui a
mis en place des soins communau-
taires psychiatriques (GEMP – gemein-
depsychiatrische Pflege). Depuis quel-
que temps, trois infirmières spéciali-
sées apportent leur soutien à une équi-
pe de 150 collaborateurs, en prenant
elles-mêmes en charge certaines situa-
tions trop lourdes, en conseillant les
soignants en cas de problèmes et en
créant un réseau efficace.
Décharger l’entourage
A Kriens (LU), une démarche similai-
re a été entreprise et cette commune
offre désormais des soins psychia-
triques aux patients qui en ont besoin.
«Un de nos objectifs principaux est
d’alléger la charge de l’entourage»,
commente Maria Britschgi, du Service
d’aide et de soins à domicile de Kriens.
«L’augmentation des problèmes psy-
chiatriques, notamment au sein de la
population âgée, place les familles de-
vant des situations souvent ingérables,
qui engendrent lassitude, stress et bur-
nout.»
Organiser de telles prises en charge
demande un investissement important
de la part des responsables. La lour-
deur de certaines situations nécessite
une présence quasi-permanente et
l’une des tâches principales consiste à
motiver constamment les soignants,
parfois découragés par les difficultés
rencontrées. Comment convaincre par
exemple une jeune infirmière de s’oc-
cuper régulièrement d’un homme âgé,
présentant des symptômes de démence
et récalcitrant aux soins, vivant de sur-
croît avec son berger allemand qui ne
laisse entrer personne sans l’accord de
son maître...
La continuité des soins
Si l’ambulatoire est généralement
l’affaire des services d’aide et de soins
à domicile et des CMS, certains établis-
sements psychiatriques se sont intéres-
sés à la question de l’interface entre
institution et accompagnement ambu-
latoire.
Ainsi, la Clinique de Münsterlingen
(TG) a mis sur pied en automne 2007
des soins psychiatriques gérontolo-
giques à domicile, avec pur but d’offrir
une «parenthèse» entre l’institutionnel
et l’ambulatoire. Il s’agit de prises en
charge intégrées à court terme, qui per-
Vignette clinique
Un quotidien
inexistant
Madame F. est âgée de 42 ans. Elle
vit seule dans un petit appartement.
Elle souffre de schizophrénie depuis
l’âge de 23 ans et est sujette à de
graves angoisses. Traumatisée par
une hospitalisation d’office, elle ne
sort plus de chez elle. Elle passe ses
journées assise sur son canapé, à
fumer cigarette sur cigarette et à in-
gurgiter vingt litres d’eau «pour faire
sortir de son corps les médicaments
qu’elle est obligée de prendre et dont
elle veut se purifier». Ses parents,
dans la septantaine, sont épuisés,
culpabilisés, et très inquiets de ce
qu’il adviendra de leur fille le jour où
ils ne seront plus là. Ne sachant plus
que faire, ils demandent à leur méde-
cin d’intervenir en mandatant une in-
firmière de s’occuper de leur fille. Le
but d’une telle intervention étant sim-
plement de rendre la patiente plus
autonome dans la gestion de son quo-
tidien.
L’infirmière indépendante spéciali-
sée en psychiatrie commence par une
évaluation de la situation puis procè-
de à la planification des soins: ici, il
s’agit surtout de favoriser l’autono-
mie et la responsabilité personnelle.
Au début, la patiente est totalement
récalcitrante. Mais l’infirmière ne
perd pas patience, estimant que
même si elle refuse les soins, elle a
droit à une aide professionnelle. Petit
à petit, la confiance s’installe, mais
il faut avancer à la petite cuillère,
chaque petit progrès – par exemple
descendre les bouteilles vides – étant
apprécié à sa juste valeur. Une fois
par semaine, l’infirmière fait un bilan
avec la patiente: lentement, un tout
petit mieux est visible.
De telles prises en charge peuvent
durer des mois, voire plus: l’aspect
économique, mais également le tra-
vail en réseau sont des facteurs à
prendre en compte, afin que ces ac-
compagnements lourds puissent
être garantis à une population mal-
heureusement toujours plus nom-
breuse.