Lycée franco-mexicain
Cours Olivier Verdun
« Je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait
nécessairement que moi qui le pensais fusse quelque chose; et remarquant que cette vérité : je
pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des
sceptiques ne pouvaient l 'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le
premier principe de la philosophie que je cherchais.
Puis, examinant avec attention ce que j'étais, et voyant que je pouvais feindre que je
n'avais aucun corps et qu'il n'y avait aucun monde ni aucun lieu je fusse, mais que je ne
pouvais pas feindre pour cela que je n'étais point, et qu'au contraire, de cela même que je pensais
à douter de la vérité des autres choses, il suivait très évidemment et très certainement que jtais,
au lieu que, si j'eusse seulement cessé de penser, encore que tout le reste de ce que j'avais jamais
imaginé eût été vrai, je n'avais aucune raison de croire que j'eusse été, je connus de que j'étais
une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui pour être n'a besoin
d'aucun lieu ni ne dépend d'aucune chose matérielle; en sorte que ce moi, c'est-à-dire l'âme par
laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, et même qu'elle est plus aisée à
connaître que lui, et qu'encore il ne fût point, elle ne laisserait pas d'être tout ce qu'elle est. »
Descartes, Discours de la méthode, IVe partie
(1) Thème
(2) Contexte
problématique,
problème
central du texte
(3) Thèse
I. Introduction
Ce texte de Descartes a pour thème le cogito, c'est-à-dire la
conscience de soi-même du sujet pensant, et constitue un moment
essentiel du Discours de la méthode (1). Dans cet ouvrage, l'auteur
cherche à fonder une vérité indubitable qui résiste aux assauts des
sceptiques, auxquels il s'oppose, et qui puisse servir de fondement à la
connaissance. Il entreprend, pour ce faire, d'utiliser l'arme des sceptiques
le doute et de remettre en question la totalité des choses. Or, y a-t-il
une vérité qui apparaisse au sein du doute ? Si le doute est nécessaire pour
parvenir à des certitudes, puis-je toutefois aller jusqu'à douter de ma
propre pensée et existence ? (2)
Descartes montre ainsi qu'au coeur même du doute s'affirme la
réalité de la pensée et de l'être, de sorte que la conscience de soi constitue
la première des certitudes. Chaque fois, en effet, que l'on remet tout en
question, hic et nunc, on affirme en même temps la réalité de sa pensée et
la certitude de son être. La pensée consciente d'elle-même est alors ce qui
définit le moi. (3)
Or, pourquoi l'affirmation " Je pense, donc je suis " résiste-t-
elle au doute ? De quel être d'ailleurs affirme-t-elle l'existence ? Quel est,
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(4) Enjeu : les
difficultés que
soulève le texte,
son actualité,
son importance
(ici la question
du sujet)
(5) La structure du
texte, les
principales
articulations
(6) Bien séparer
l'introduction de la
partie explicative
(sauter plusieurs
lignes)
(7) Introduction de
la 1ère partie du
texte, annonce de ce
qui va être étudié :
présentation de
l'idée générale.
(8) Idées
secondaires
(indiquer entre
parenthèses les
subdivisions dans le
texte)
(9) Enjeu de la 1ère
partie
(10) 1ère sous-
partie. Rappel du
contexte
problématique, des
lignes précédentes
en somme, le " je " du " je suis " ? S'agit-il d'une pure expérience, de la
conclusion d'un raisonnement ou d'autre chose encore ? C'est autour de
ces questions essentielles que notre réflexion sur le texte va s'organiser, ce
qui, du coup, nous permettra de montrer que c'est bel et bien la définition
du sujet par la pensée et la conscience qui pose problème dans ce texte et,
avec elle, l’idée même de sujet à laquelle se réfère toute notre tradition
occidentale. (4)
Le texte se déploie en deux paragraphes. Le premier établit
que le " Je pense " est une vérité première et le fondement de la
philosophie (" Mais…cherchais "). Le deuxième examine la nature de la
pensée et du sujet pensant : l'âme est une substance distincte du corps ("
Puis…ce qu'elle est "). (5)
II. Etude ordonnée (partie explicative) (6)
Dans le premier mouvement du texte, c'est-à-dire dans le
premier paragraphe, Descartes découvre, au sein du doute, une première
vérité : la réalité indubitable de la pensée et de l'être. (7) Il aboutit à cette
conclusion à partir d'un constat que chacun peut reprendre à son compte :
je peux certes douter de tout, mais, pour ce faire, encore faut-il être et
exister (" Je pris garde…quelque chose"); cette réalité de la pensée et
cette certitude de l'existence, qui s'offrent dans l'acte même de douter et
de penser, constituent la vérité première de la philosophie (" et
remarquant…cherchais"). (8) Cette première partie du texte est ainsi tout
entière consacrée à l'expérience que fait le sujet de la certitude de sa
propre existence, - expérience capitale, en ce qu'elle présente une issue à
la démarche sceptique et instaure la pensée consciente dans une position
fondatrice (9).
La première ligne part d'un constat ("Je pris garde que…"),
d'une observation, c'est-à-dire, non d'un raisonnement abstrait ou abscons,
mais d'une découverte existentielle : il m'est loisible, en théorie, de douter
de tout ce qui existe mais, dans le doute, je fais l'expérience que je suis.
(10) En effet, dans les lignes qui précédent ce texte, Descartes a d'abord
développé un doute radical et absolu, ce que rappelle la proposition
subordonnée circonstancielle de temps : " pendant que je voulais ainsi
penser que tout était faux ". Pour atteindre le vrai, il est nécessaire de faire
porter le doute sur la totalité des choses - les sens, les vérités
mathématiques, le corps, le monde extérieur, Dieu lui-même; il s'agit de
savoir si quelque vérité peut subsister, droite et ferme, après que
Descartes a fait " table rase " de toutes ses anciennes opinions. Aussi
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(11) Suite de
l'explication de la
1ère sous-partie
(12) Nécessité de
citer régulièrement
le texte
(13) Explication de
la 2ème sous-partie
du texte
(14) Définition des
termes importants
(notion de vérité
ici)
convient-il de rappeler que l'ambition du philosophe consiste à déterminer
une vérité si solide qu'elle puisse servir de fondement à toute autre
connaissance humaine, et de modèle de clarté et de solidité à toute autre
vérité.
(11) Douter de tout certes, mais comment cette activité de remise
en question est-elle possible ? Après avoir passé tout ce qui existe au
crible du doute, Descartes entreprend ici de faire retour sur l'acte de
douter jusqu'à en ressaisir la condition. La proposition subordonnée
complétive " il fallait nécessairement que moi qui le pensais fusse
quelque chose " (12) établit une condition nécessaire : pour pouvoir
douter de tout, l'existence du sujet est obligatoirement requise, sans quoi
le doute se révèle proprement impossible. Je peux douter de tout, mais je
ne peux douter de la condition inhérente à l'acte même de douter; il faut
bien que moi qui me persuade que je rêve ou que je suis fou, moi qui
veux douter, je pense et que je sois ou j'existe, justement pour pouvoir
penser. Au moment je doute, je pense et au moment je doute, je
suis. L'existence de la pensée est avérée par son activité même. Mon
inexistence est impensable au présent. Si je n'existais pas, je ne pourrais
pas penser, pas même mon inexistence Si je suis, j’existe, et ceci, pour
autant et aussi longtemps que je pense. Même si toutes mes
représentations sont fausses, elles ne cessent pas pour autant d'être mes
représentations.
Descartes passe donc de la considération de la vérité ou de
la fausseté des représentations à leur caractéristique commune d'être des
représentations, c'est-à-dire des événements mentaux connus d'une
conscience. La conscience apparaît, par suite, comme la condition
nécessaire de toute représentation.
(13) D'où la suite de la phrase qui passe de la certitude de
l'existence révélée par le doute à la condition de possibilité du doute lui-
même. Nous sommes toujours, semble-t-il, sur le terrain de l'expérience
vécue (" remarquant ") et Descartes nous invite à une nouvelle
découverte: une première vérité se dessine, " je pense, donc je suis ".
Descartes précise que cette vérité " était si ferme et si assurée que même
les plus extravagantes suppositions des sceptiques ne pouvaient
l'ébranler". Par "vérité" (14), il faut entendre ici la certitude inébranlable
et indubitable, non point celle du préjugé aveugle, mais celle qui a résisté
à l'entreprise dévastatrice du doute, c'est-à-dire à l'oeuvre critique de la
raison. Descartes fait explicitement référence aux sceptiques. Le doute
sceptique est une manière d'être et une attitude intellectuelle : comme
nous ne pouvons rien connaître de sûr, il s'agit alors de suspendre son
jugement pour atteindre une forme de silence ou de contemplation. Le
doute cartésien méthodique, radical et provisoire peut certes sembler
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(15) Explication de
la 3ème sous-partie
(16) Citation du
texte + analyse des
termes importants
(notion de principe
ici)
(17) Conclusion de
la 1ère partie :
bilan + annonce,
sous la forme d'une
ou de plusieurs
questions, de la
suite du texte
excessif, à l'instar des sceptiques, mais la vertu de ce procédé
hyperbolique est justement de contraindre le doute à se retourner contre
lui-même jusqu'à faire émerger, nous allons le voir, le cogito qu'il porte
en lui.
Cette vérité "si ferme et si assurée" que nous révèle la
pratique étonnante du doute se formule sous la forme d'une proposition
énigmatique : " je pense, donc je suis ". La conjonction de coordination
"donc" n'indique pas que cette vérité est le fruit d'une déduction logique;
il s'agit plutôt d'une intuition authentique, celle de mon existence s'offrant
à moi à travers ma pensée. Douter, c'est déjà penser. Nier que ce que l'on
pense puisse être vrai, c'est encore et toujours penser. Même suspectée, la
moindre pensée reconduit nécessairement à la pensée la plus évidente, la
plus infalsifiable : la pensée de mon existence. Descartes nous parle ici
d'une expérience effective et singulière, offerte à quiconque voudra bien
la tenter. Chacun peut s'y reconnaître dans l'acte de penser et de réfléchir
cet acte. Je sais donc que je suis, non pas grâce à la raison, mais dans
l'activité consistant à me penser moi-même comme être pensant.
(15) Conséquence de cette découverte : si le cogito est cette terra
cognita par quoi s'offre l'évidence d'une existence, il s'ensuit
nécessairement qu'une telle vérité peut être à bon droit considérée comme
" le premier principe de la philosophie que je cherchais " (16). Cette
phrase rappelle d'abord que Descartes a pour mission de trouver " un
premier principe " pour la philosophie. Par " principe ", il faut entendre ce
qui est premier - le commencement, la cause - à partir de quoi on peut
déduire toutes les autres connaissances. Descartes cherche à fonder tout
l'édifice du savoir et se met en quête d'une évidence première (un "
principe " comme il dit) à partir de laquelle pourrait se développer une
conception de l'homme et du monde. Ce " premier principe " doit donc
fonder d'autres vérités possibles et servir de modèle à la connaissance en
quelque sorte. Il réside dans cette vérité nécessaire, universelle, saisie
dans l'exemplarité de la proposition singulière : parce que je ne puis nier
ma pensée, en acte dans la négation, j'existe.
(17) Le premier paragraphe nous sauve donc du doute sceptique
par la découverte d'une vérité première et fondamentale : dans l'acte
même de douter, je découvre que je suis, et ce absolument,
indubitablement, car du moment qu'il y a pensée, il est impossible qu'on
l'ait sans exister. La pensée se découvre essentiellement comme
conscience spontanée, si penser et réfléchir sur sa propre pensée
constituent un seul et même acte. Enfin, ces toutes premières lignes du
texte nous décrivent un sujet qui advient à lui-même, qui se découvre et
se reconnaît à la fois, en un acte qui ne s'accomplit tout à fait qu'au
présent et à la première personne du singulier. Or, en même temps que
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(18) Ménager un
espace entre les
parties principales
de l'explication (ici,
1ère et 2ème
parties)
(19) Introduction
de la 2ème partie
du texte (idée
générale + idées
secondaires,
problème soulevé)
(20) Explication
1ère sous-partie
(21) Etre attentif à
la lettre du texte,
surtout dans ce
texte
particulièrement
riche et dense
(22) Deuxième
sous-partie
l'expérience du doute me révèle que je suis, ne me dévoile-t-elle pas
également ce que je suis ?
(18) A la première certitude, qui affirmait une existence,
succède, dans le deuxième paragraphe, la question de l'essence. Qui suis-
je ou plutôt que suis-je, moi qui ai découvert que je suis ? Descartes
répond que c'est la pensée qui me définit essentiellement et que l'âme est
une substance distincte du corps. Le raisonnement de Descartes,
particulièrement dense ici, s'articule autour de quatre arguments
principaux : le premier établit que c'est justement parce que je peux
douter de l'existence de mon corps et du monde extérieur que j'existe sans
conteste (" Puis, examinant…que jtais"); le deuxième introduit une
opposition : si je ne pensais pas, je serais en droit autorisé à douter de ma
propre existence (" au lieu que …j'eusse été "); conséquence : je suis bel
et bien une substance pensante (" je connus de là…chose matérielle "); le
texte conclut sur l'idée que l'âme est plus facile à connaître que le corps
(" en sorte que ce moi…ce qu'elle est "). (19)
(20) La première phrase du deuxième paragraphe laisse entendre
que l'auteur acquiert un savoir supplémentaire et que l'on va ainsi, au fil
du texte, de constat en constat, d'observation en observation, d'expérience
en expérience : c'est ce que suggère les deux participes présent
"examinant" et " voyant " (" examinant…j'étais ", " et voyant…fusse "),
faisant écho à la première proposition principale du premier paragraphe ("
Je pris garde que…") (21). Or, en réalité, Descartes entend ici récapituler
les propriétés que l'homme pouvait s'attribuer avant le doute (d'avoir un
corps, d'être dans un monde et en un certain lieu) et leur oppose la feinte
réitérée d'une gation. Pour définir ce que je suis, il convient de revenir
sur l'assurance que le premier paragraphe a établie, afin d'en délimiter les
contours et de conjurer les risques de compromission de cette certitude
fraîchement découverte. L'auteur reconduit ainsi à l'indubitable sur lequel
on bute une nouvelle fois : la pure pensée qui seule atteste l'existence
certaine du moi et qui manifeste son pouvoir fondateur au sein du doute
lui-même. C'est ce que suggère l'opposition introduite par la proposition
subordonnée " et qu'au contraire, de cela me…" qui renforce ce
privilège de la pensée consistant à subsister toujours dans le moment
est disqualifié le jugement qui la captait et l'aliénait à l'extériorité du
monde ou du corps.
(22) La deuxième sous-partie de ce deuxième paragraphe renforce
les enseignements précédents, toujours à l'aide d'un procédé rhétorique
multipliant, à l'intérieur de phrases complexes, les propositions
subordonnées (" au lieu que …j'eusse été ") : si je ne pensais pas, je
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