DOSSIER 13
1er trimestre 2011 / N° 125
DR
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DES ESPOIRS POUR
RÉPARER LA VISION
Près de 1,7 million de Fraais sont
consirés comme malvoyants, dont près de
146 000 malvoyants profonds et 61 000 aveugles1.
Bien que les ficiences visuelles soient fréquentes
à toutes les périodes de la vie, le risque augmente
avec lâge. D’où la nécessidaméliorer
le dépistage et la prévention, mais aussi de
velopper des traitements curatifs. Grâce à
dimportants efforts de la recherche médicale,
des pistes sérieuses apparaissent aujourdhui.
1. Enquête HID 2002 (Handicaps-Incapacités-pendances) de l’Insee.
Dossier parrainé par le
Pr José-Alain Sahel,
Institut de la vision, Centre hospitalier
national d’ophtalmologie des
Quinze-Vingts, Fondation Rothschild,
université Pierre-et-Marie-Curie
(Paris VI), Inserm, CNRS
Graphic Obsession
Jean Chiscano
Cardiologie
« J’aimerais connaître la différence
entre un AVC et une ischémie aiguë. »
Mme G.C. (Amiens) par courrier
Une ischémie est une
diminution de l’apport de
sang artériel vers une
partie du corps ou un
organe (jambe, bras, œil, cœur,
cerveau…). Cette diminution est
due à la présence d’une plaque
de graisse ou d’un caillot.
Elle se manifeste souvent par
une douleur au niveau de
la zone atteinte – par exemple,
une angine de poitrine quand
elle touche le cœur. Mal oxygéné
QUESTIONS DE SANTÉ12
N° 125 / 1er trimestre 2011
La tachycardie désigne
l’accélération du rythme
cardiaque. Elle est
physiologique lorsqu’elle survient
lors d’un effort, d’une émotion ou
d’une fièvre qui augmentent les
besoins en oxygène, donc le débit
sanguin. Elle est pathologique
quand elle ne correspond à aucun
besoin accru ; elle peut provenir
d’une anomalie des oreillettes ou
des ventricules du cœur. Intense
ou prolongée, cette tachycardie
peut être responsable de malaise
et même de décès. Quant au
souffle au cœur, c’est un bruit
perçu par le médecin au
stéthoscope, correspondant à une
« turbulence » du flux sanguin qui
traverse les régions cardiaques.
Soit les valves se referment mal et
laissent refluer du sang, soit
elles ne s’ouvrent pas assez et
empêchent l’écoulement normal.
Le souffle discret qui touche
l’enfant ou l’adolescent est la
plupart du temps sans gravité :
il est lié au fait que la croissance
du cœur et celle du corps se
déroulent parfois en décalé. Plus
rarement, un souffle intense,
facilement audible, peut traduire
une malformation congénitale ou
une lésion des valves.
Cardiologie
« Pourriez-vous me renseigner sur ce que sont la
tachycardie et le souffle au cœur ? » Melle J. D. (par internet)
à cause du manque de sang,
l’organe peut aussi perdre sa
fonction. Dans le cerveau,
une ischémie peut ainsi entraîner
des maux de tête mais aussi
des troubles du langage,
de l’équilibre, de la vision.
Attention cependant, même si
ces symptômes régressent
spontanément en quelques
minutes, ils constituent un signal
d’alarme et imposent
l’hospitalisation. Car un accident
vasculaire cérébral (AVC) peut
être à l’origine de cette ischémie !
Qu’est-ce qu’un AVC ? C’est
quand une artère du cerveau
se bouche complètement ou se
rompt. Elle cause alors un défaut
d’irrigation et doxygénation,
appelée « ischémie cérébrale ».
Il sagit dune urgence car,
sans traitement rapide,
des neurones sont susceptibles
d’être détruits et laisser
des séquelles.
Les réponses à ces deux questions de cardiologie ont été réalisées avec la collaboration de Sphane Hatem,
cardiologue à l’hôpital de la Pit-Salpêtrière (Paris)
N° 125 / 1er trimestre 2011 1er trimestre 2011 / 125
Cécité : on parle de cécité lorsque l’acui
visuelle d’une personne reste inférieure
à 1/20 pour le meilleur œil, même après
correction (cest-à-dire vingt fois moins
importante qu’une vue normale).
De la simple presbytie aux
maladies plus rares, les
problèmes de vue touchent
la moitié de la population fran-
çaise. Une situation qui s’accentue
avec le vieillissement de la popu-
lation, en partie responsable de
maladies de l’œil comme la dégé-
nérescence maculaire liée à l’âge
(DMLA voir définition dans l’in-
fographie p. 15). La DMLA atteint
10 % des personnes de plus de 75
ans. Cest la principale cause de
céci La malvoyance peut être
aussi causée par des troubles de la
vision plus classiques sils ne sont
pas corrigés (myopie, astigma-
tisme, etc.) ou par des pathologies
plus graves (glaucome, tinopa-
thie diabétique – voir définitions
dans l’infographie p. 15).
Loin d’être une fatali, ces mala-
dies peuvent souvent être atté-
nuées, voire évies grâce à une
prise en charge pcoce. D’où l’im-
portance du dépistage ! Celui-ci a
beaucoup progressé ces dernières
anes, notamment pour la ti-
nopathie diabétique. Le dépistage
du glaucome reste cependant
insuffisant : on recommande aux
patients de se faire dépister
chaque année chez un ophtalmo-
logiste, dès lâge de 40 ans, via une
mesure de la tension des yeux.
Aujourd’hui, la ritable révolu-
tion vient des traitements.
Cristallins artificiels, greffe de
Du dépistage précoce
aux traitements de pointe
La moitié de la population française a des problèmes de vue. Parmi eux, 1,7 million sont véritablement
malvoyants. Certaines maladies des yeux pourraient être atténuées, voire évies si elles étaient prises
en charge plus tôt (glaucome, rétinopathies, etc.). De plus, l’ophtalmologie connaît une vraie révolu-
tion, avec, à la clé, de réels espoirs de traitements.
600 000
cataractes
orées
chaque année.
Au moins
1 million de
glaucomes
traités en
France et près
de 400 000
ignorés.
Plus de
1 million
de
personnes
atteintes de
DMLA, à
des stades
de gravité
divers.
1 000
personnes
devenant
aveugles
chaque année
suite à une
rétinopathie
diabétique.
DOSSIER MALADIE DES YEUX14 15
Les maladies des yeux restent fréquentes
dans la population. Pouvez-vous nous
rappeler l’importance de la prévention ?
De graves affections oculaires persistent comme le
glaucome, la dégénérescence maculaire liée à l’âge
(DMLA) et les complications liées au diabète, encore
trop souvent responsables à terme d’un handicap
visuel majeur. Diagnostiqués à temps, le glaucome
et les complications du diabète peuvent dans
la plupart des cas être contrôlés et ne pas évoluer vers
une perte de vision. Doù l’importance d’un suivi
ophtalmologique régulier. Concernant la DMLA,
il y a aujourd’hui de forts arguments pour dénoncer
le rôle néfaste de lexposition solaire excessive
dès le plus jeune âge ; le tabac constitue toutefois
le plus gros facteur de risque, ainsi qu’une forte
prédisposition génétique. Par ailleurs, une étude
menée aux États-Unis sur plusieurs milliers de
personnes montre que celles ayant des signes
précurseurs de la DMLA réduisent d’environ 20 %
le risque de développer la maladie par la prise d’un
complément alimentaire à base d’antioxydants
(vitamines C, E…).
Quels sont, aujourd’hui, les espoirs
de nouveaux traitements et les domaines
où des efforts restent à faire ?
Avec larrivée des protéines thérapeutiques et de la
rétine artificielle, l’ophtalmologie a changé d’époque !
Les thérapies géniques sont également porteuses
d’espoir, avec des effets positifs dans des maladies
génétiques liées à une mutation comme l’amaurose de
Leber. La thérapie cellulaire est quant à elle prometteuse
pour la cornée. Mais avant de pouvoir lappliquer à
la rétine, il nous faut comprendre comment se forment
les cellules de la rétine sensibles à la lumière
(les photorécepteurs). Concernant le glaucome évolué,
l’une des pistes thérapeutiques serait de régénérer
le nerf optique, mais il est encore trop tôt pour proposer
des traitements efficaces.
Pr José-Alain
Sahel,
INSTITUT DE LA VISION, CENTRE
HOSPITALIER NATIONAL
D’OPHTALMOLOGIE DES QUINZE-
VINGTS, FONDATION ROTHSCHILD,
UNIVERSITÉ PIERRE-ET-MARIE-CURIE
(PARIS VI), INSERM, CNRS
Jean Chiscaño
La DMLA
La zone de la rétine (macula)
dédiée à la vision précise
dégénère. Seule la vision
périphérique est conservée,
avec une zone aveugle au milieu.
Les rétinopathies
D’origines diverses,
ces maladies produisent
des zones aveugles
du champ visuel.
Le glaucome
est dû à une dégradation
du nerf optique. Le champ
de vision se réduit peu à
peu, de la périphérie vers
le centre.
Les maladies
de la cornée
ont des causes très nombreuses.
Outre des douleurs oculaires,
elles peuvent entraîner des troubles
visuels et parfois une cécité.
La presbytie, la myopie, l’hypermétropie, l’astigmatisme
sont des maladies touchant la souplesse du cristallin. Il ne se déforme pas assez
pour faire la mise au point correctement, à cause d’un dysfonctionnement
des muscles du corps ciliaire.
La cataracte
Avec l’âge, le cristallin s’opacifie : la vision
baisse progressivement jusqu’à la cécité en
l’absence de traitement.
Quand la vision disparaît
Quand la vision devient floue
Conjonctive
Humeur
aqueuse
Cornée
Iris
Pupille
Cristallin Muscles
du corps ciliaire
Rétine
Macula
Nerf optique
Les voies visuelles : de l’œil au cerveau
La vision fait intervenir l'œil,
organe récepteur de la vue,
mais aussi des processus
cognitifs complexes mis en
œuvre par des zones
spécialisées du cerveau, les
aires visuelles. C’est le nerf
optique qui achemine les
informations lumineuses
reçues par les cellules
photosensibles de la
rétine (cônes et
bâtonnets) jusqu’au
cortex visuel, à
l’arrière du cerveau.
Rétine
droite
Rétine
gauche
Cortex visuel
primaire
(aire visuelle du cerveau)
Champ
visuel
gauche Champ
visuel
droit
core, injection d’un médica-
ment contre la DMLA (voir
p. 16)… sans oublier la thérapie
génique pour certaines maladies
de la rétine ou l’utilisation de
rétine artificielle ! Davantage
basés sur une approche biolo-
gique plutôt que chirurgicale ou
médicamenteuse, ces nouveaux
traitements devraient permettre
de réparer la vision dans un ave-
nir proche.
Noublions pas, enfin, la prise en
charge du handicap visuel.
Centres de rééducation, aide aux
activités de la vie quotidienne,
conception de logements, aména-
gement urbain… Beaucoup de
progrès restent encore à faire
pour renforcer l’autonomie des
malvoyants.
Illustrations : Sylvie Dessert
POINT DE VUE
DOSSIER MALADIE DES YEUX16 17
N° 125 / 1er trimestre 2011 1er trimestre 2011 / 125
L
a dégénérescence macu-
laire liée à l’âge (DMLA)
concerne plus d’un million
de personnes en France. Cest la
première cause de malvoyance
après 50 ans. Elle atteint la partie
centrale de la rétine (la macula).
Sa fréquence augmente avec
l’âge : la moitié des plus de 80 ans
sont concernés. Quels sont les
facteurs en cause ? « Une prédis-
positiongénétique décrite en 2005, 
répond le Dr Jean-François
Girmens, praticien hospitalier au
Centre national d’ophtalmologie
des Quinze-Vingts, à Paris. Le 
tabagisme joue également un rôle 
délétère. Le manque d’apport ali-
mentaireenantioxydants(vitamines 
C, E…), en lutéine (une substance 
présente dansle jaunedœuf, lemaïs, 
les  carottes,  les  épinards,  par 
exemple), ou encore l’expositionau 
soleil sans protection favoriseraient 
le développement de la DMLA. » 
La DMLA se traduit par des ano-
malies de la rétine, visibles à
Le diabète se traduit par une
augmentation de la glycé-
mie, le taux de sucre dans
le sang. Lorsque le traitement
contre le diabète ne suffit pas à
baisser la glycémie, les vais-
seaux sanguins s’abîment, en
particulier ceux de la rétine. On
parle de rétinopathie diabé-
tique. « Les petits vaisseaux s’obs-
truent.  La  rétine  est  moins  bien 
vascularisée et des vaisseaux anor-
maux apparaissent à sa surface. Ils 
peuvent saigner et se rétracter, don-
nant des hémorragies et des décol-
lements  de  rétine, explique le
Pr Pascale Massin, de l’hôpital
Lariboisière, à Paris. De plus, ces 
vaisseaux  deviennent  anormale-
mentperméables,cequientraîneun 
gonflement de la macula (œdème), 
la  partie  centrale  de  la  rétine. »
Sans traitement, la rétinopathie
diabétique conduit à une baisse
de la vision, voire une cécité,
d’l’importance de son dépis-
tage. « Tout diabétique doit avoir 
un examen du fond  d’œil chaque 
année, mais cette recommandation 
est  insuffisamment  suivie»,
déplore le Pr Massin. Il vient de
créer Ophdiat, un réseau de télé-
médecine (soins de santé effec-
tués à distance) d à ce dépis-
tage qui couvre aujourdhui
toute l’Ile-de-France. « Ce dispo-
sitif permet de sélectionner les 15 à 
20 % de patients diabétiques ayant 
Voir la rétine à léchelle microsco-
pique au cours d’un examen simple,
sans dilatation préalable de la pupille
et sans injection, c’est désormais pos-
sible ! La tomographie en corence
optique (OCT) à haute résolution, déjà
présente dans de nombreux cabinets
d’ophtalmologie, utilise la lumière infra-
rouge (non éblouissante) et permet de
visualiser toutes les cellules de la rétine.
Loptique adaptative, plus rare, donne
quant à elle une image des photoré-
cepteurs si précise que l’on distingue
chacun d’entre eux ! « Ces deux tech-
niques complémentaires ont déjà pro-
fondément  modifié  nos  pratiques»,
signale le Pr Michel Paques, du Centre
d’investigation clinique de l’hôpital des
Quinze-Vingts. Elles permettent un dia-
gnostic plus fiable, plus précoce et plus
précis de la rétinopathie diabétique
(voir p. 17), de la DMLA (voir plus
haut) et du glaucome (voir p. 19). Elles
affinent également le pronostic et amé-
liorent le suivi du traitement. Bientôt,
ces techniques permettront de dia-
gnostiquer la maladie encore plus tôt,
de mieux prédire son évolution et de
mieux comprendre le fonctionnement et
les pathologies de la rétine. « Nous utilisons des virus comme un cheval de Troie, pour introduire un gène médica-
ment dans des cellules cible », explique Elsa Lheriteau, chercheuse au laboratoire de
thérapie génique du CHU de Nantes. Ces virus, rendus inoffensifs, apportent un gène
normal qui remplace le gène muté. Cette solution pourrait sappliquer à des maladies
non génétiques comme la générescence maculaire liée à l’âge. Il sagirait d’injecter,
dans les cellules de la rétine, des virus inactivés contenant un gène qui commande la
production d’un dicament. « Lœil est un bon modèle de thérapie génique, souligne
Elsa Lheriteau. Il est facile d’accès, et c’est un organe de très petite taille. Il y a donc peu 
de virus inactivés à produire. » Plusieurs essais cliniques sont en cours dans le monde
pour traiter une maladie génétique de la rétine, lamaurose congénitale de Leber (voir
p. 18). C’est le cas du laboratoire d’Elsa Lheriteau, qui précise : « Il faut être certain de 
linnocuité du virus injecté car le gène médicament reste actifde nombreuses années. »
Limagerie
progresse à pas
de géant Des « gènes médicaments » pour nos yeux
droites ou lapparition d’une tache 
au  centre  du  champ  visuel  sont 
évocatrices  d’une  DMLA,sou-
ligne le Dr Girmens. Les  per-
sonnesqui  psententcessignes 
doiventconsulter, car des traite-
ments existent pour lutter contre la 
prolifération  de  ces  vaisseaux 
anormaux. »
Des médicaments qui bloquent
le VEGF existent depuis 2006.
Injectés dans l’œil tous les mois,
ils aliorent la vision dans
40 % des cas de DMLA humides.
Les chercheurs tentent d’en
améliorer encore l’efficacité.
Mais il nexiste encore aucun
traitement pour la DMLA sèche.
Certains traitements, ciblant à
la fois les formes sèches et
humides de la maladie, sont
actuellement à lessai chez
lhomme. Dautres équipes
espèrent enfin restaurer la
vision à un stade tardif, en utili-
sant des cellules souches ou une
rétine artificielle (voir p. 18).
Une patiente atteinte d’un glaucome subit
un examen à l’aide d’une tomographie OCT.
unerétinopathiediabétique mécon-
nue et de les adresser à un ophtal-
mologiste  pour  un  bilan  appro-
fondi», souligne le Pr Gilles
Chaine, ophtalmologiste à l’hô-
pital Avicenne (Bobigny). La
création de réseaux similaires en
province constitue un défi
majeur pour demain, tout
comme le développement de
nouveaux traitements. « Lœdème 
de la macula répond mal au traite-
ment de férence par laser. Nous 
utilisons doncdepuis peu les mêmes 
médicaments que pour la DMLA, 
mais avec des résultats moins spec-
taculaires. » D’où la nécessité de
trouver de nouvelles pistes pour
restaurer la perabilité des
vaisseaux rétiniens. Lenjeu est
colossal : le nombre de diabé-
tiques va doubler d’ici à 2030, et
la rétinopathie touche 35 %
d’entre eux.
Avec le vieillissement de la population, de plus en plus de Fraais sont atteints d’une
dégénérescence maculaire liée à l’âge. Des progrès ont été accomplis en matière de traitement,
mais beaucoup reste à faire.
Des pistes pour soigner la DMLA
Près d’un million de personnes seraient
atteintes dune rétinopathie diabétique en
France. Cette complication à long terme du
diabète entraîne souvent la perte de la vue.
Elle impose une surveillance rapprochée
pour la dépister et des traitements pour
éviter la cécité.
Des avancées majeures
pour la rétinopathie diabétique
Cordelia Molloy/SPL/Phanie
La recommandation
d’un fond d’œil
par an pour les
diabétiques est
insuffisamment
suivie.
Lapparition
d’une tache au
centre du champ
visuel est un
des symptômes
évocateurs
d’une DMLA.
Maladies de la rétine Maladies de la rétine
Burger/Phanie
lexamen du fond d’œil. Elle
existe sous deux formes.
• La DMLA sèche (deux cas sur
trois) se manifeste par une dis-
parition progressive des cellules
de la macula (voir infographie
p. 15).
La DMLA humide est due à une
hyperction de la protéine
VEGF (Vascular Endothelial
Growth Factor) qui entraîne la
formation de vaisseaux sanguins
anormaux sur la rétine.
« Après55 ans,des difficultés à voir 
la nuit, une déformation des lignes 
BSIP/B. Boissonnet
DOSSIER MALADIE DES YEUX 18 19
N° 125 / 1er trimestre 2011 1er trimestre 2011 / 125
La rétinite pigmentaire est
un ensemble de maladies
qui débutent, souvent
avant 30 ans, par une diminution
de la vision lorsque l’éclairage
est faible. Le champ visuel se
rétrécit peu à peu, en commen-
çant par sa périphérie. Latteinte
de la vision centrale est plus tar-
dive mais peut rendre aveugle.
Pourquoi ? La cause, une dégéné-
rescence progressive des photo-
récepteurs de la rétine (cellules
sensibles à la lumière) d’origine
nétique : près de 70 gènes sont
impliqués dans les rétinites pig-
mentaires. Les solutions consis-
tent aujour-d’hui à supprimer
les facteurs aggravants (soleil,
tabac, ficit d’apport en lutéine
et en acides gras oméga 3) et à
prendre, sauf contre-indication,
de la vitamine A.
D’origine génétique, la rétinite pigmentaire touche près de 20 000 Français.
Aucun traitement n’existe. Elle constitue donc un champ de recherche
important, qui pourrait bénéficier à d’autres maladies de l’œil.
Traitements de pointe
pour les rétinites pigmentaires
Le 8 décembre 2010, la Fondation a rendu visite
aux Pr Sahel et Serge Picaud, chercheurs à l’Institut
de la vision à Paris. Leur projet de rétine artificielle
a été soutenu par la Fondation (358 800 ). De
quoi sagit-il ? Lœil fonctionne comme une caméra
numérique dont les capteurs sont les cellules de
la rétine, les photocepteurs (sensibles à la
lumière). « La rétinite pigmentaire provoque la 
perte des  photorécepteurs.La rétine  artificielle 
vise justement à les remplacer », explique Serge
Picaud. L’implant actuel, composé de 60 élec-
trodes, donne déjà des résultats spectaculaires,
mais il reste notamment à améliorer sa résolution.
D
euxième cause de cité en France, le glaucome
touche près d’un million et demi de Français, prin-
cipalement après 40 ans. Faute de symptômes, près
du tiers des patients ignore cette maladie qui détruit pro-
gressivement les fibres du nerf optique, jusqu’à dégrader
irrémédiablement la vue. En cause ? Lhérédité, l’âge, une
forte myopie, l’ethnie (quatre fois plus de cas chez les per-
sonnes de peau noire) et enfin, une pression intraoculaire
élevée. Cette pression est au cœur du dépistage. « En cas 
d’antécédent familial, un contrôle régulier s’impose à tous les 
âges, sinon, à partir de 45 ans », explique le Pr Alain Bron,
ophtalmologiste au CHU de Dijon. En cas danomalie,
divers paramètres orientent le diagnostic : état du nerf
optique, champ visuel, épaisseur de la cornéeLes traite-
ments visent à faire baisser la pression intraoculaire.
Comment ? Par des collyres, prescrits en première inten-
tion, par un traitement au laser pour les patients résistant
aux collyres, ou par une chirurgie, en dernier recours.
Parmi les pistes de recherche : protéger le nerf optique avec
des molécules jouant un rôle dans sa croissance.
« D’origine génétique, la maladie de Stargardt bute dans
l’enfance ou ladolescence. Dans sa forme la plus fréquente,
l’atteinte progressive de la partie centrale de la rétine cause
une baisse de l’acuivisuelle, des difficultés à voir quand
l’éclairage est fort, et des troubles de la vision des couleurs
et des contrastes. Dans la plupart des cas, le champ visuel
périphérique est conser. Le diagnostic est souvent tardif
car lexamen du fond d’œil est quasi normal au début. Une
baisse de l’acuité visuelle non expliquée implique donc des
examens spécialisés (électrorétinogramme, autofluorescence
et tomographie OCT voir p. 16). Il nexiste pas de trai-
tement curatif à ce jour. Les pistes de recherche sont les
mêmes que pour la rétinite pigmentaire, en particulier la
thérapie génique. Sy ajoute une voie thérapeutique consis-
tant à empêcher un corollaire fréquent dans cette maladie :
l’accumulation anormale dans la rétine de vitamine A. »
La rétine artificielle
nest plus de
la science-fiction !
Dépister le glaucome à temps
Maladie de Stargardt :
espoir pour une maladie rare
Parmi les pistes de recherche
figure la rétine artificielle (voir
p. 19). Son expérimentation dans
la tinite pigmentaire donne des
résultats encourageants. Autre
piste, moins avane, la greffe de
cellules souches, à partir des-
quelles se développent des cel-
lules de tine saines pour rem-
placer celles qui sont faillantes.
Ce traitement permettrait aux
personnes atteintes de récupérer
partiellement la vue. Plus aboutis,
les travaux de trapie nique
consistent à introduire un ne
normal dans les cellules photoré-
ceptrices pour remplacer le gène
muté (voir p. 17). Des essais
Dr Isabelle
Audo,
CHERCHEUSE
CLINICIENNE AU CENTRE
DES MALADIES RARES
ET AU DÉPARTEMENT
DE GÉNÉTIQUE DE
L’INSTITUT DE LA VISION,
À PARIS.
Maladies du nerf optique
menés chez le chien dans une
forme sévère de tinite pigmen-
taire (amaurose congénitale de
Leber) ont donné des résultats
spectaculaires. Cinq essais sur
l’homme sont en cours, dans le
monde.
Une autre voie de recherche vise
à ralentir ou arrêter la dégéres-
cence des photorécepteurs grâce
à des facteurs protecteurs. Ce
traitement pourrait s’appliquer à
toutes les formes de tinite pig-
mentaire.
« Je suis très
heureux davoir
retrouvé des
sensations visuelles.
Aujourdhui, jarrive
à suivre une ligne
blanche au sol,
à deviner des
silhouettes ou à
éviter des poteaux
lorsque je marche
dans la rue. Je suis
conscient que ce
nest que le début
dun processus qui
reste à améliorer.
Mon rêve serait
de pouvoir de
nouveau me
déplacer de façon
autonome. »
UN DES QUATRE PATIENTS
GREFFÉS D’UNE RÉTINE
ARTIFICIELLE, EN FRANCE.
Maladies de la rétine
Quatre personnes atteintes de tinite pigmentaire
néficient d’une rétine artificielle en France (une
trentaine dans le monde). Thierry Lhermitte, parrain
de la Fondation, ici aux côtés du P
r
Sahel, a rencontré
l’un d’entre eux en décembre dernier.
L’implant tient sur un doigt : une puce de quelques
millimètres carrés plae sur la tine et composée de
microélectrodes stimulant les cellules de la tine.
En pratique, une mini-cara plae sur des lunettes
(portées par le patient) capte les images et les transmet
à limplant fisur la rétine.
Jean Chiscano
DR
DOSSIER MALADIE DES YEUX 20
N° 125 / 1er trimestre 2011 1er trimestre 2011 / 125
L
es maladies de la cornée sont la
quatrième cause de cécité au
monde. Quels en sont les
signes ? La vision devient moins nette
et, sans traitement, peut disparaître.
On distingue des centaines de mala-
dies de la core. Pour chacune, le
dépistage est essentiel. Dans le cas du
kératocône (amincissement de la cor-
née), un dépistage précoce évite par
exemple l’aggravation de la maladie.
Comment traiter les maladies de la
cornée ? Collyres contre les infec-
tions, chirurgie laser pour soigner les
opacités superficielles… « Dans 10 à 
25%  des  kératocônes,  les  patients 
devront recevoir une greffe de cornée »,
ajoute le Dr Éric Gabison, ophtalmo-
logiste à la Fondation Rothschild, à
Paris. Ce type de greffe peut être pro-
posé en cas d’œdème de la cornée, ou
dopacification profonde. Près de
4 500 Français subissent chaque
ane une telle oration. Elle est
efficace dans 80 % des cas à cinq ans,
combie à un traitement di-
camenteux. Cest une opération
délicate, parfois infructueuse. La thé-
rapie cellulaire constitue donc un
véritable espoir. Il sagit, lorsque les
cellules de la cornée ne peuvent plus
se renouveler correctement, de lui
apporter de nouvelles cellules issues
du deuxme œil ou d’un donneur
apparenté. Autre piste, greffer des
cellules souches (prélevées dans la
bouche du patient pour éviter les
risques de rejet). Dans la cornée, elles
acquièrent une certaine transparence
et améliorent la vue ! Par ailleurs,
lorsque certaines cellules de la cor-
née ne se renouvellent plus, un col-
lyre (actuellement à lessai chez
l’homme au Japon) pourrait activer
leur cycle de division…
L
a cataracte est liée au vieillis-
sement. Plus d’une personne
sur cinq est atteinte à partir de
65 ans, et près d’une sur deux après
75 ans. Les fibres du cristallin, nor-
malement transparentes, vieillissent
et le cristallin s’opacifie. Résultat : la
vision de loin devient floue, avec des
éblouissements à la lumière vive et
une sensation de brouillard de plus
en plus dense au fil des ans. Le
pistage a souvent lieu lorsque la
vision baisse. Pourtant, même tardif,
il permet de recourir à un traitement
chirurgical efficace. Chaque ane,
600 000 opérations de la cataracte ont
lieu en France. «C’est  la  première 
chirurgiepratiquée, toutes disciplines 
confondues, pourtantla cataractereste 
la  première  cause  de  cécité  dans  le 
monde.Cestunparadoxelàl’accès 
aux  soins  dans  les  pays  pauvres»,
explique le Pr Christophe Baudouin,
chef du service dophtalmologie III
de lpital des Quinze-Vingts, à
Paris.
Indiquée à tout âge, l’intervention
sous anesthésie locale – vise à
remplacer le cristallin altéré par
une lentille artificielle souple
(implant). Ces implants sont de plus
en plus sophistiqués (matériaux
ultra-souples, bien tolérés par l’œil,
excellentes qualités visuelles).
Mieux encore, les dernres généra-
tions peuvent dans certains cas éga-
lement corriger des anomalies
comme la myopie.
Lespoir des greffes
Cataracte bien soignée
dans les pays velops
ENTRETIEN 21
Marina Carrère d’Encausse,
DECIN-JOURNALISTE, COPSENTATRICE DU MAGAZINE DE LA SAN
SUR FRANCE 5, PRÉSIDENTE DE LA MISSION ANNÉE 2011.
Lauréate en 2009 du prix
Claudine Escoffier-Lambiotte
de la Fondation pour la
Recherche dicale, qui a
récompensé son talent pour
rendre linformation dicale
accessible au plus grand
nombre, Marina Carrère
dEncausse, médecin et
journaliste, coprésentatrice du
Magazine de la santé sur
France 5, sera la présidente
de l« Ane 2011 des
patients et de leurs droits ».
« Les patients sont devenus
plus exigeants »
Le ministre de la Santé a pla
l’année 2011 sous le signe des
patients et de leurs droits.
Pourquoi avoir accepté d’être
la présidente cette année ?
Marina Carrère d’Encausse : Le
droit des patients est un sujet qui me
tient à cœur en tant que decin et
journaliste, pour des raisons évidentes,
mais aussi en tant que citoyenne.
Durant mes études de decine, j’ai de
plus séjourné comme patiente dans
plusieurs services hospitaliers à Paris
et en province. Cette expérience m’a
permis de prendre conscience de
lenvers du décor. Jai réalisé que les
patients nétaient pas soignés partout
de la même manière, et surtout que les
soignants nétaient pas tous très au fait
des notions de pudeur et de respect
auxquels les patients ont droit. Ceux-ci
ne sont pas uniquement des maladies
ou des organes malades. Je pense donc
avoir une légitimité à présider cette
Année 2011.
Est-ce que l« Ane des patients
et de leurs droits » pourra
vraiment faire évoluer les
relations entre soignants et
patients ?
M. C. d’E. : On n’est pas dans leffet
d’annonce ! Cette année doit permettre
de mener trois chantiers concrets, qui
ont é confiés à un collège de
diagnostic avec plus de tact et surtout
avec plus d’explications. Un groupe de
travail va se pencher sur cette
thématique : l’usage dinternet par les
patients.
Que recouvre la notion de
bientraitance ?
M. C. dE. : C’est le respect de la
personne malade dans sa globalité.
Cela commence par la désigner par son
nom et non plus par la pathologie qui
la amenée à l’pital : « le sein de la
15 » comme on entend encore. Cest
aussi améliorer laccueil du patient et de
ses proches, ainsi que certains actes
relatifs à ses besoins fondamentaux tels
que la toilette, le repas, ou un soin.
spécialistes, que je vais chapeauter.
Il sagit de la promotion des droits des
patients, de la bientraitance à l’hôpital
et des nouvelles attentes des citoyens
acteurs de santé. Ces trois missions
vont rendre des rapports et établir des
propositions qui seront soumises à
discussion lors de six débats en gion,
au premier semestre 2011. Mon
objectif est de faire progresser les
choses et non d’ajouter de nouveaux
textes. Mon souci est aussi de ne pas
opposer les soignants et les usagers.
Parmi les nouvelles attentes des
citoyens, il y a celle dêtre mieux
informés sur leur santé. Les
usagers sont-ils trop exigeants ?
M. C. dE. : Je trouve très positif que
les citoyens deviennent acteurs de leur
san. En ce sens, internet les a aidés.
Ils y glanent des informations qui leur
permettent ensuite d’interpeller les
médecins. Voire de demander un
deuxième avis. Cela oblige les
médecins qui avaient tendance à être
dans une tour d’ivoire à livrer leur
VOTRE AVIS NOUS INRESSE
Envoyez vos réactions par courrier
à On se dit tout, Fondation pour
la Recherche dicale,
54, rue de Varenne, 75335 Paris
Cedex 07 ou par e-mail
à onseditou@frm.org
Christophe Fillieule
Maladies de la cornée
Maladie du cristallin
La cornée peut s’opacifier ou être détruite. En cause :
infections, accidents, inflammations, affections d’ori-
gine génétique... De nombreux traitements existent
allant du collyre à la greffe de cornée.
Chirurgien suturant
une nouvelle cornée.
Manipulation d’un implant utilisé dans
la chirurgie de la cataracte.
BSIP/Michelle del Guercio
BSIP/A. Benoist
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