POINT DE VUE
DOSSIER MALADIE DES YEUX16 17
N° 125 / 1er trimestre 2011 1er trimestre 2011 / N° 125
L
a dégénérescence macu-
laire liée à l’âge (DMLA)
concerne plus d’un million
de personnes en France. C’est la
première cause de malvoyance
après 50 ans. Elle atteint la partie
centrale de la rétine (la macula).
Sa fréquence augmente avec
l’âge : la moitié des plus de 80 ans
sont concernés. Quels sont les
facteurs en cause ? « Une prédis-
position génétique décrite en 2005,
répond le Dr Jean-François
Girmens, praticien hospitalier au
Centre national d’ophtalmologie
des Quinze-Vingts, à Paris. Le
tabagisme joue également un rôle
délétère. Le manque d’apport ali-
mentaire en antioxydants (vitamines
C, E…), en lutéine (une substance
présente dans le jaune d’œuf, le maïs,
les carottes, les épinards, par
exemple), ou encore l’exposition au
soleil sans protection favoriseraient
le développement de la DMLA. »
La DMLA se traduit par des ano-
malies de la rétine, visibles à
Le diabète se traduit par une
augmentation de la glycé-
mie, le taux de sucre dans
le sang. Lorsque le traitement
contre le diabète ne suffit pas à
baisser la glycémie, les vais-
seaux sanguins s’abîment, en
particulier ceux de la rétine. On
parle de rétinopathie diabé-
tique. « Les petits vaisseaux s’obs-
truent. La rétine est moins bien
vascularisée et des vaisseaux anor-
maux apparaissent à sa surface. Ils
peuvent saigner et se rétracter, don-
nant des hémorragies et des décol-
lements de rétine, explique le
Pr Pascale Massin, de l’hôpital
Lariboisière, à Paris. De plus, ces
vaisseaux deviennent anormale-
ment perméables, ce qui entraîne un
gonflement de la macula (œdème),
la partie centrale de la rétine. »
Sans traitement, la rétinopathie
diabétique conduit à une baisse
de la vision, voire une cécité,
d’où l’importance de son dépis-
tage. « Tout diabétique doit avoir
un examen du fond d’œil chaque
année, mais cette recommandation
est insuffisamment suivie »,
déplore le Pr Massin. Il vient de
créer Ophdiat, un réseau de télé-
médecine (soins de santé effec-
tués à distance) dédié à ce dépis-
tage qui couvre aujourd’hui
toute l’Ile-de-France. « Ce dispo-
sitif permet de sélectionner les 15 à
20 % de patients diabétiques ayant
Voir la rétine à l’échelle microsco-
pique au cours d’un examen simple,
sans dilatation préalable de la pupille
et sans injection, c’est désormais pos-
sible ! La tomographie en cohérence
optique (OCT) à haute résolution, déjà
présente dans de nombreux cabinets
d’ophtalmologie, utilise la lumière infra-
rouge (non éblouissante) et permet de
visualiser toutes les cellules de la rétine.
L’optique adaptative, plus rare, donne
quant à elle une image des photoré-
cepteurs si précise que l’on distingue
chacun d’entre eux ! « Ces deux tech-
niques complémentaires ont déjà pro-
fondément modifié nos pratiques »,
signale le Pr Michel Paques, du Centre
d’investigation clinique de l’hôpital des
Quinze-Vingts. Elles permettent un dia-
gnostic plus fiable, plus précoce et plus
précis de la rétinopathie diabétique
(voir p. 17), de la DMLA (voir plus
haut) et du glaucome (voir p. 19). Elles
affinent également le pronostic et amé-
liorent le suivi du traitement. Bientôt,
ces techniques permettront de dia-
gnostiquer la maladie encore plus tôt,
de mieux prédire son évolution et de
mieux comprendre le fonctionnement et
les pathologies de la rétine. « Nous utilisons des virus comme un cheval de Troie, pour introduire un gène médica-
ment dans des cellules cible », explique Elsa Lheriteau, chercheuse au laboratoire de
thérapie génique du CHU de Nantes. Ces virus, rendus inoffensifs, apportent un gène
normal qui remplace le gène muté. Cette solution pourrait s’appliquer à des maladies
non génétiques comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge. Il s’agirait d’injecter,
dans les cellules de la rétine, des virus inactivés contenant un gène qui commande la
production d’un médicament. « L’œil est un bon modèle de thérapie génique, souligne
Elsa Lheriteau. Il est facile d’accès, et c’est un organe de très petite taille. Il y a donc peu
de virus inactivés à produire. » Plusieurs essais cliniques sont en cours dans le monde
pour traiter une maladie génétique de la rétine, l’amaurose congénitale de Leber (voir
p. 18). C’est le cas du laboratoire d’Elsa Lheriteau, qui précise : « Il faut être certain de
l’innocuité du virus injecté car le gène médicament reste actif de nombreuses années. »
L’imagerie
progresse à pas
de géant Des « gènes médicaments » pour nos yeux
droites ou l’apparition d’une tache
au centre du champ visuel sont
évocatrices d’une DMLA, sou-
ligne le Dr Girmens. Les per-
sonnes qui présentent ces signes
doivent consulter, car des traite-
ments existent pour lutter contre la
prolifération de ces vaisseaux
anormaux. »
Des médicaments qui bloquent
le VEGF existent depuis 2006.
Injectés dans l’œil tous les mois,
ils améliorent la vision dans
40 % des cas de DMLA humides.
Les chercheurs tentent d’en
améliorer encore l’efficacité.
Mais il n’existe encore aucun
traitement pour la DMLA sèche.
Certains traitements, ciblant à
la fois les formes sèches et
humides de la maladie, sont
actuellement à l’essai chez
l’homme. D’autres équipes
espèrent enfin restaurer la
vision à un stade tardif, en utili-
sant des cellules souches ou une
rétine artificielle (voir p. 18). ■
Une patiente atteinte d’un glaucome subit
un examen à l’aide d’une tomographie OCT.
une rétinopathie diabétique mécon-
nue et de les adresser à un ophtal-
mologiste pour un bilan appro-
fondi », souligne le Pr Gilles
Chaine, ophtalmologiste à l’hô-
pital Avicenne (Bobigny). La
création de réseaux similaires en
province constitue un défi
majeur pour demain, tout
comme le développement de
nouveaux traitements. « L’œdème
de la macula répond mal au traite-
ment de référence par laser. Nous
utilisons donc depuis peu les mêmes
médicaments que pour la DMLA,
mais avec des résultats moins spec-
taculaires. » D’où la nécessité de
trouver de nouvelles pistes pour
restaurer la perméabilité des
vaisseaux rétiniens. L’enjeu est
colossal : le nombre de diabé-
tiques va doubler d’ici à 2030, et
la rétinopathie touche 35 %
d’entre eux. ■
Avec le vieillissement de la population, de plus en plus de Français sont atteints d’une
dégénérescence maculaire liée à l’âge. Des progrès ont été accomplis en matière de traitement,
mais beaucoup reste à faire.
Des pistes pour soigner la DMLA
Près d’un million de personnes seraient
atteintes d’une rétinopathie diabétique en
France. Cette complication à long terme du
diabète entraîne souvent la perte de la vue.
Elle impose une surveillance rapprochée
pour la dépister et des traitements pour
éviter la cécité.
Des avancées majeures
pour la rétinopathie diabétique
Cordelia Molloy/SPL/Phanie
La recommandation
d’un fond d’œil
par an pour les
diabétiques est
insuffisamment
suivie.
L’apparition
d’une tache au
centre du champ
visuel est un
des symptômes
évocateurs
d’une DMLA.
Maladies de la rétine Maladies de la rétine
Burger/Phanie
l’examen du fond d’œil. Elle
existe sous deux formes.
• La DMLA sèche (deux cas sur
trois) se manifeste par une dis-
parition progressive des cellules
de la macula (voir infographie
p. 15).
• La DMLA humide est due à une
hypersécrétion de la protéine
VEGF (Vascular Endothelial
Growth Factor) qui entraîne la
formation de vaisseaux sanguins
anormaux sur la rétine.
« Après 55 ans, des difficultés à voir
la nuit, une déformation des lignes
BSIP/B. Boissonnet