Questions à Jean-Philippe Paul, chargé de mission à la Ligue de Protection des Oiseaux
Q. : Les oiseaux sont-ils un indicateur de l’évolution du climat en Franche-Comté ?
Jean-Philippe Paul : Oui ils sont un bon indicateur naturel. Ils réagissent assez rapidement à
la fois aux phénomènes ponctuels et extrêmes dits météorologiques comme aux phénomènes à
moyen terme dits climatiques.
Q. : Quelles influences a l’augmentation des températures sur leur comportement ?
J-P.P. : Rien qu’avec une augmentation de 0,6° que l’on note depuis les dernières décennies,
les évolutions dans l’avifaune sont plus rapides qu’on ne le pensait : certaines espèces migrent
vers le nord, d’autres moins loin ou plus tôt ou encore qui progressent en plus haute altitude.
Q. :Est-ce qu’il y a de nouvelles espèces d’oiseaux et sont-elles liées au réchauffement
climatique ?
J-P.P. : Il n’y a en fait pas d’image figée d’une avifaune donnée dans une région ; ça change
en permanence avec d’autres facteurs comme l’évolution de l’habitat ou d’autres raisons mais
effectivement le climat est un nouveau facteur qui les influence. Par exemple, dans les zones
humides de Franche-Comté, l’hivernage de certains hérons est rendu possible par la
diminution du jour de gel et on voit aujourd’hui de nombreuses grandes aigrettes que les
bressans connaissent bien, de petits hérons garde-bœuf qu’on a l’habitude de voir sur les
taureaux en Camargue, des guêpiers d’Europe, une espèce méditerranéenne voire tropicale.
C’est une tendance qui rend possible l’apparition chez nous de nouvelles espèces.
Q. : Y a-t-il des espèces qui ont arrêté de migrer de Franche-Comté ?
J-P.P. : Non, pas dans un temps aussi court mais au sein d’une espèce, quelques individus
peuvent tenter ce genre d’expérience car à force d’attendre les mauvaises conditions météo,
ils se rendent comptent qu’ils peuvent rester. On a constaté ça avec le héron bihoreau qui vit
dans les arbres et qui est nocturne ; il était réputé jusqu’à depuis peu migrateur total et on s’est
aperçu qu’un petit groupe réussissait à passer l’hiver à Dole depuis quelques années. Le
phénomène pourrait devenir durable et ce héron pourrait passer de migrateur à sédentaire.
Néanmoins c’est un phénomène long.
Q. : Quels seraient les dangers pour un oiseau devenu sédentaire face à un refroidissement
brutal des températures ? Reprendrait-il son instinct de migration ?
J-P.P. :C’est en effet potentiellement dangereux, on l’a déjà observé : l’arrivée d’un hiver très
rigoureux dans une période plus clémente est un coup brutal qui prend par surprise des
populations qui s’étaient habituées à un autre contexte. On se rappelle de l’hiver 84-85 qui
avait gelé toute la France ; des populations presque entières avaient été anéanties, notamment
le héron Garde-bœuf et une espèce de passereaux, la bouscarle, qui avaient commencé à
progresser vers le nord et restaient en Franche-Comté tout l’hiver. Avec ce gel les compteurs
ont été remis à zéro et ces deux espèces se sont retrouvées à nouveau confinées au bassin
méditerranéen.
Q. : Migrent-ils aussi moins car la « chaleur » favorise la présence d’insectes qui sont leurs
repas ?
J-P.P. : C’est un phénomène complexe. L’exemple du merle noir nous montre encore que
certains individus restent. A Besançon l’un de ceux-ci a d’ailleurs chanté tout l’hiver. Plus
souples, ils s’adaptent plus facilement au climat local ; ils n’ont pas ce fort instinct migrateur
comme les grands oiseaux qui partent vers le sud, en Afrique. Ces derniers ne se rendent
même pas compte des hivers moins rigoureux en Europe. Donc selon les espèces, les réponses
sont plus ou moins rapides.
Q. : Est-ce qu’on voit des espèces appréciant plus les hauteurs comme le massif du Jura du
fait d’un réchauffement de l’air en altitude ?
J-P.P. : On n’a pas de chiffres précis pour les oiseaux comme il peut y en avoir pour les
plantes mais comme les oiseaux ainsi que les insectes et toute la faune vertébrée sont liés au
type d’habitat qu’ils fréquentent et que ce dernier se modifie, on peut en déduire que les
oiseaux aussi. Néanmoins on observe d’autres raisons à la disparition du grand tétras que