ÉDITORIAL
Changements climatiques, entre résilience et résistance
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Il y a quelques années, le débat sur les
changements climatiques était limité
à un groupe de scientiques dont les
théories étaient souvent qualiées de
«surréalistes ». Aujourd’hui, tout le monde en
parle car il existe des preuves indiscutables
qui conrment que la concentration élevée
de gaz à effet de serre dans l’atmosphère
entraîne le réchauffement de la planète.
D’ici la n du siècle, il est prévu que la
température moyenne au sol augmente de
1,5°C à 6°C. Ce réchauffement sera plus
important à l’intérieur et dans les franges
semi-arides du Sahara ainsi qu’au cœur de
l’Afrique australe avec, entre autres, un
allongement des périodes de sécheresse,
et une diminution des périodes de grandes
précipitations.
Ces changements climatiques ont une
forte incidence pour l’agriculture, surtout
en Afrique et particulièrement dans
les régions sahéliennes qui subissent
régulièrement des crises alimentaires du
fait de la grande fragilité des éco-systèmes.
Pourtant l’agriculture est le moyen de
subsistance dominant de ceux qui y vivent.
En effet, environ 70 % de la population
en Afrique vit de l’agriculture, et 40 % des
revenus de la totalité des exportations
proviennent des produits agricoles (WRI,
1996). La production agricole et l’élevage
forment environ la moitié du revenu des
familles qui, pour la grande majorité, sont
de petits exploitants pratiquant l’agriculture
familiale. Mais les variabilités climatiques
sont devenues de plus en plus fréquentes
et mettent en mal toutes leurs certitudes.
Pourtant, les agriculteurs ont toujours
pu faire face aux changements et à la
variabilité climatiques, générant au l des
ans des connaissances et un savoir-faire
leur permettant de gérer leurs cultures. En
effet, pour des milliers de petits paysans,
l’adaptation à ces changements n’est pas
seulement une question de dés mais une
réelle volonté de survie.
Ce numéro d’AGRIDAPE donne quelques
exemples de stratégies d’adaptation mises
en œuvre. Il montre également que la
pratique d’une agriculture plus durable
peut jouer un grand rôle pour inverser
les tendances face au double dé de la
réduction des émissions de gaz à effet
de serre et l’adaptation des paysans
aux conséquences des changements
climatiques.
L’agriculture inue-t-elle sur
les changements climatiques ?
La recherche a montré que certains modes
de production agricoles sont à l’origine d’une
destruction massive de l’environnement.
L’agriculture est en effet responsable de
9% du total des émissions de gaz à effet
de serre, notamment l’oxyde nitreux et le
méthane.
Quelques 25% des émissions de dioxyde
de carbone sont dues aux changements
intervenus dans l’utilisation des terres et
les engrais constituant l’une des principales
sources d’oxydes nitreux d’origine humaine.
Les mutations profondes des pratiques
agricoles au cours du 20
e
siècle avec
notamment l’adoption des engrais de
synthèse, la mise au point de nouvelles
variétés de cultures et les grandes
exploitations agricoles ont accru ces
émissions de gaz. De nos jours, la durabilité
de l’agro business ou agriculture industrielle
est fortement remise en question.
L’élevage a aussi de nombreuses consé-
quences telles que des émissions directes
provenant des ruminants, de la gestion des
fumiers, de l’utilisation des produits agro-
chimiques, des changements de modes
d'utilisation des terres et du recours aux
combustibles fossiles. Aussi, ce secteur
est-il celui qui utilise le plus de terres; on
constate d’ailleurs une transformation des
pratiques, les agriculteurs préférant de plus
en plus produire des cultures fourragères
destinées au bétail plutôt que de faire paî-
tre leurs animaux comme autrefois.
De même qu’elle produit des gaz à effet
de serre, l’agriculture offre plusieurs
possibilités d’atténuation des changements
climatiques parmi lesquelles on note :
La préservation des forêts : elles présen-
tent un potentiel considérable d’absorp-
tion du CO2. La forêt de l’Himalaya, par
exemple, stocke environ 200 à 300 tonnes
de carbone par hectare ; les exploitations
peuvent mettre 40 à 50 ans pour accumu-
ler de telles quantités. Un projet a d’ailleurs
été mis en place dans l’Etat d’Uttarakhand
dans le but d’explorer la capacité de stoc-
kage de carbone des forêts communau-
taires et de développer des méthodes de
mesure simples mais ables et applica-
bles par les communautés (Ashish Tewari
et al., page 28). La population locale peut
ainsi obtenir des réductions certiées
d’émission de gaz en échange des efforts
qu'elle déploie pour conserver la forêt et
obtenir en même temps des ressources
de subsistance durables.
Une meilleure gestion des terres agricoles :
la réduction des jachères nues et du
labourage peut aider à la séquestration du
carbone dans le sol. La modication de la
gestion des pâturages, l’amélioration de la
riziculture par inondation sont aussi des
solutions possibles.
Petits exploitants et pas-
teurs mis à l’épreuve
Les changements climatiques ont des
effets sur les ressources aquatiques,
l’agriculture, les écosystèmes naturels et la
santé. Cependant, plus ces changements
sont importants, plus les effets devraient
être néfastes.
Dans le domaine de l’agriculture, les plus
« touchés » sont les paysans pauvres
dont la survie dépend essentiellement de
l’exploitation des ressources naturelles.
Selon la FAO, à long terme, les change-
ments climatiques affecteraient l’agricul-
ture de plusieurs façons :
• La prévisibilité générale du temps et du
climat diminuerait, rendant plus difcile
la planication des opérations agricoles.
• La variabilité climatique pourrait augmenter,
exerçant une pression supplémentaire
sur des systèmes agricoles fragiles.
• Les conditions climatiques extrêmes - qu'il
est pratiquement impossible de prévoir -
pourraient devenir plus fréquentes.
• Les zones climatiques et agro-écolo-
giques se déplaceraient, obligeant les
agriculteurs à s'adapter et menaçant la
végétation naturelle et la faune.
• Les ravageurs et les maladies vectorielles
se diffuseraient dans des zones où ils
étaient inconnus auparavant.
Le Groupe d'analyse des systèmes
climatiques (CSAG) de l'Université du Cap
(UCT) s’est montré encore plus précis en
afrmant qu’il existe un lien direct entre
la baisse prévue des productions de maïs
et les changements climatiques. Selon un
membre du groupe, Sepo Hachigonta, les
productions de maïs au Zimbabwe et dans
la province de Limpopo en Afrique du Sud,
par exemple, baisseront d'environ 9% d'ici
à 2045.
L’extrême nord de l’Afrique du Sud a connu
une sécheresse exceptionnelle durant
les étés de la période 2003-2006. Cette