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1. L’organisation sectorielle historique de la psychiatrie, qui porte les
objectifs des réseaux de santé, peut s’avérer un frein à leur mise en oeuvre
Si les dispensaires dédiés à la prise en charge des patients présentant une tuberculose sont
considérés comme l’expérience initiale d’un travail en réseau dans le champ de la santé et les
réseaux dédiés aux patients atteints du SIDA comme leur successeurs, la psychiatrie a à son
actif la politique de sectorisation comme modèle d’organisation de l’offre de soins ayant
cherché à développer, dès les années 50-60 les principes fondamentaux d’un travail en réseau,
au premier rang desquels :
- faciliter l’accès aux soins par la définition de territoires pertinents comme le promeut
la circulaire du 15 mars 1960 (2) : « Éviter la désadaptation qu'entraîne l'éloignement
du malade de son milieu naturel. Il est donc nécessaire que les établissements, qu'il
s'agisse de l'hôpital psychiatrique, de l'hôpital de jour ou du foyer de postcure, soient
facilement accessibles pour la population qu'ils desservent. » La psychiatrie est ainsi la
première discipline à avoir adopté l’approche territoriale de l’organisation des soins
pour laquelle opte aujourd’hui toute la santé.
- Assurer la continuité des prises en charge qu’elle soit sanitaire, sociale ou médico-
sociale : « Ce dispositif consiste essentiellement à diviser le département en un certain
nombre de secteurs géographiques, à l'intérieur de chacun desquels la même équipe
médico-sociale devra assurer pour tous les malades, hommes et femmes, la continuité
indispensable entre le dépistage, le traitement sans hospitalisation quand il est
possible, les soins avec hospitalisation et, enfin, la surveillance de postcure » (2).
La similitude avec les principes qui sont à l’origine de la promotion des réseaux de santé
est frappante, que l’on se réfère aux ordonnances dites « Juppé » de 1996, à la circulaire
plus récente de 2007 (3) ou au texte fondateur de 2002 (4), qui indique « les réseaux de
santé répondent à un besoin de santé de la population dans une aire géographique définie,
prenant en compte l’environnement sanitaire et social. En fonction de leur objet, les
réseaux mettent en œuvre des actions de prévention, d’éducation, de soin et de suivi
sanitaire et social ».
C’est sans doute ce qui explique que la psychiatrie se soit sentie peu concernée par cette
réforme de l’organisation des soins, qui ne faisait que reprendre des principes mis en
oeuvre par elle depuis plus de 40 ans. Mais cette lecture, trop superficielle, a privé la
psychiatrie d’une évolution importante, à un moment où son organisation connaissait elle-
même des difficultés comme en témoignent les nombreux colloques et écrits qui au début
des années 2000 soulignent la crise de la psychiatrie française. C’est peut-être d’ailleurs
ces difficultés elles-mêmes qui expliquent que la psychiatrie a préféré justifier son
organisation historique, plutôt que de se saisir des opportunités offertes par les réseaux
pour la faire évoluer. De fait, le nombre de réseaux développés par la psychiatrie est resté
limité même si les années 2000 ont vu l’émergence de plusieurs réseaux, essentiellement
thématiques (réseaux dépression en régions Ile de France et Provence - Côte d’Azur,
réseaux adolescents dans plusieurs régions, réseaux orientés vers l’insertion des patients
en région Rhône-Alpes…).
En effet, la méthode de travail promue par les textes sur les réseaux de santé est aussi
importante que les objectifs poursuivis, car elle tient compte du fait que les formes de
coopération et de coordination attendues se structurent différemment en fonction des époques,
et en fonction des politiques de santé qui se succèdent. Sans cet accrochage fort aux