la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 M. Cozic M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 0. qu’est-ce que la philosophie de la connaissance ? M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 la philosophie de la connaissance I philosophie de la connaissance (ΦC dans les notes, epistemology chez les anglo-saxons) = la définition, les fondements, les limites et les sources de la connaissance, etc. • Qu’est-ce que la connaissance ? • Sur quoi se fondent nos connaissances ? • Jusqu’où peuvent aller nos connaissances ? • D’où viennent nos connaissances ? I la ΦC est l’une des principales et des plus anciennes branches de la philosophie: de la philosophie antique à la philosophie analytique contemporaine en passant par la philosophie classique (Descartes, Hume, Kant) M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 la philosophie de la connaissance I pour être un peu plus précis, on peut suivre Williams (2000) qui distingue 5 grands problèmes philosophiques soulevés par la connaissance: (P1) le problème de la définition ou de l’analyse: quelle définition donner du concept de connaissance ? qu’est-ce qui le distingue du concept de croyance, par exemple ? (P2) le problème de la démarcation: (a) externe: quelle genre de domaines la connaissance peut-elle atteindre ? quelles sont ses limites ? (b) interne: quelles sont les frontières centrales à l’intérieur de la connaissance (ex: a posteriori vs a priori) ? M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 la philosophie de la connaissance (P3) problème de la méthode: (a) l’unité: existe-t-il une ou plusieurs façons d’acquérir des connaissances ; (b) l’amélioration: comment améliorer notre façon d’acquérir des connaissances ? (c) la raison: existe-t-il une façon rationnelle de former et changer ses croyances ? (P4) problème du scepticisme: est-il possible de connaître quoi que ce soit ? (P5) problème de la valeur : pourquoi connaître ? quelle est la place de la connaissance parmi nos aspirations ? M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 la philosophie de la connaissance I nous allons consacrer l’essentiel du semestre sur les problèmes (P1) (la définition) et (P4) (le scepticisme), ce qui inclus une thématique qui se situe à la frontière des deux problèmes: celle de la nature et de la structure de la justification I on verra en effet que la compréhension du rôle de la justification dans la connaissance est essentielle pour la définir de manière satisfaisante ; et que le défi sceptique naît du fait qu’il n’est pas aisé de justifier “suffisamment” ce que l’on considère spontanément comme nos connaissances M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 la philosophie de la connaissance I plan (provisoire) du semestre: (1) le problème de la définition de la connaissance (2) la nature et la structure de la justification (3) le scepticisme M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 1. la définition néo-classique (ou JTB) M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 savoirs et connaissances I Paul sait que - 2+2=4 - Paris est la capitale de la France - la Terre est ronde - les célibataires ne sont pas mariés I Paul sait - faire du vélo - parler anglais I Paul connaît - Roger Federer - un bon restaurant à proximité M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 savoir comme attitude propositionnelle I le savoir comme attitude propositionnelle i.e. relation à une proposition i.e. qchose susceptible d’être vrai ou faux, typiquement exprimé dans la langue naturelle par des phrases à l’indicatif Paul sait que Paris est la capitale de la France Paul sait que p autres attitudes prop.: - Paul croit que Paris est la capitale de la France - Paul s’attend à ce que Belle de Jour remporte la 5ème - Paul espère que Belle de Jour remportera la 5ème I I variété des contenus possibles: savoirs arithmétique, physique, géographico-administratif, linguistique, etc. M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 définir la connaissance I de l’Antiquité à aujourd’hui, l’un des défis principaux de la philo. de la connaissance est de définir la connaissance (propositionnelle) I comment définir: Paul sait que p ? I définir = donner un ensemble de conditions C1 , ..., Cn individuellement nécessaires et collectivement suffisantes - individuellement nécessaires : si l’une des conditions Ci n’est pas remplie, alors il est faux que Paul sache que p - collectivement suffisantes: si toutes les conditions C1 , ..., Cn sont remplies, alors Paul sait que p M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 définir la connaissance I comment procéder ? - on peut partir d’instances typiques de connaissances et chercher ce qu’elles ont en commun. Mais comment identifie-t-on ces instances sans définition de la connaissance ? - on peut partir de la notion abstraite de connaissance et l’explorer conceptuellement. Mais d’où vient cette notion si elle ne repose pas sur des instances de connaissance ? I Chilsholm appelle la première approche (qu’il défend) le particularisme, la seconde (qu’il rejette) le méthodisme M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 une première définition de la connaissance (K0 ) Paul sait que p ssi CC Paul croit que p (condition de croyance) CF p est vrai (condition de factivité) I ces conditions sont-elles nécessaires ? sont-elles collectivement suffisantes ? M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 condition de croyance I la croyances est également une attitude propositionnelle I une croyance peut être fausse I un individu peut croire que p / croire que p est faux / ni ne croire p ni ne croire que p est faux I croire que p n’est pas la même chose que considérer (consciemment) p: on peut croire que p sans considérer consciemment p, et on peut considérer p sans croire que p M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 condition de factivité I la première chose qui distingue la connaissance des croyances en général est que la connaissance est factive I une attitude propositionnelle A est factive ssi si Paul A que p, alors p I exemples (putatifs): “voir”, “entendre”, “se souvenir”, “réaliser” I selon Williamson, “savoir” est la plus générale des attitudes prop. factives au sens où, si A est factive, alors si Paul A que p, alors Paul sait que p I distinguer Je crois que p mais p est faux (“paradoxe de Moore”) Je sais que p mais p est faux M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 objections I contre-exemple: • Jacques prend un médicament dont les effets secondaires sont un état anxiogène extrême. Il devient persuadé, sans aucune raison, qu’il souffre d’un cancer. Il se trouve que Jacques, de fait, souffre d’un cancer qui n’est pas encore diagnostiqué. I des croyances peuvent être vraies par hasard (ou par chance !) I on parle de chance épistémique M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 I Platon, Ménon, 98a “Les opinions vraies, aussi longtemps qu’elles demeurent en place, sont une belle chose et tous les ouvrages qu’elles produisent sont bons. Mais ces opinions ne consentent pas à rester longtemps en place, plutôt cherchent-elles à s’enfuir de l’âme humaine: elles ne valent donc pas grand-chose tant qu’on ne les a pas reliées par un raisonnement qui en donne l’explication (aitias logismos)” M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 la définition néo-classique (ou JTB) I (K) CC CF CJ que faut-il ajouter à (CC) et (CF) ? Existe-t-il une condition X telle que Paul sait que p ssi X +(CC)+(CF) est le cas ? Paul sait que p ssi Paul croit que p (condition de croyance) p est vrai (condition de factivité) p est justifié pour Paul (condition de justification) cette définition soulève deux questions (étroitement liées l’une à l’autre): (Q1) qu’est-ce que la justification ? (Q2) la connaissance est-elle effectivement une croyance vraie justifiée ? I I deux contre-exemples de Gettier (1963), l’un des plus célèbres articles de toute la philosophie analytique, favorisent une réponse négative à (Q2) M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 la justification I on reviendra amplement sur la nature de la justification... (i) il s’agit de justification épistémique: de raisons de croire que p est vrai non pas parce qu’il serait bon ou utile de croire que p est vraie (justification pratique) ...mais parce ces raisons suggèrent que p est vraie I le Pari de Pascal donne une justification pratique à la croyance que Dieu existe, pas une justification épistémique (ii) une proposition peut être vraie sans qu’elle soit justifiée I exemple: il peut y avoir de la vie sur Mars, mais nous n’avons pas de justification pour cela M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 la justification (iii) une proposition peut être justifiée sans être vraie I exemple: je peux être justifié à croire que le CAC40 a progressé de 2 points hier (j’ai lu Les échos), mais cela peut être faux (une faute d’inattention dans la rédaction de l’article) (iv) la justification peut varier d’une personne à l’autre: Paul peut être justifié à croire que p tandis que Pierre ne l’est pas. Paul peut par exemple avoir des informations que Paul n’a pas et qui indiquent que p. (v) la justification peut varier, chez une même personne, d’un moment à l’autre (pour le même genre de raison) M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 la justification (vi) la justification est affaire de degrés: on peut être plus ou moins justifié à croire que p I exemple: • Paul se demande si tous les oeufs de la boîte qu’il vient d’acheter sont en bon état. Il ouvre la boîte et les inspecte un par un. Après avoir inspecté un oeuf, il est (assez) peu justifié à croire que tous les oeufs sont en bon état. Après en avoir inspecté 5, il est bien plus justifié. Après les avoir tous inspectés, Paul est maximalement justifié. I la définition (K) est silencieuse sur la “quantité” de justification nécessaire. On suppose en général un degré élevé mais pas nécessairement maximal de justification M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 2. le problème de Gettier M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 Edmund Gettier (1927-) M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 cas 1: le candidat I Smith et Jones sont candidats à un certain emploi. Smith est justifié à croire que (a) Jones sera recruté et Jones a dix pièces dans la poche I (a) implique (logiquement) (b) celui qui sera recruté a dix pièces dans la poche I Smith semble donc justifé à croire que (b). I mais en réalité c’est (a’) Smith qui sera recruté et il a dix pièces dans la poche ! Par conséquent (b) est vraie. I les conditions (CC), (CF) et (CJ) sont donc satisfaites... M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 cas 2: la Ford de Jones I Smith est justifié à croire que (c) Jones possède une Ford I Smith ignore complètement où se trouve son autre ami Brown. Il semble malgré tout justifié à croire que (d) Jones possède une Ford ou Brown est à Boston (e) Jones possède une Ford ou Brown est à Barcelone (f) Jones possède une Ford ou Brown est à Brest-Litovsk I mais en réalité Jones ne possède pas de Ford et il se trouve que Brown est à Barcelone. Par conséquent (c), (d) et (f) sont fausses mais (e) est vraie ! I les conditions (CC), (CF) et (CJ) sont satisfaites... M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 commentaires sur le problème de Gettier I les cas de Gettier reposent sur deux principes fondamentaux: (i) faillibilisme justificationnel: je peux être justifié à croire que p alors que p est faux (ii) clôture déductive de la justification: si Paul est justifié à croire que p, si p a pour conséquence logique q, si Paul infère q de p et croit que q pour cette raison, alors Paul est justifié à croire que q M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1 réactions au problème de Gettier I 2 grandes stratégies possibles pour répondre au problème de Gettier: (S1) abandonner la définition JTB (S2) ajouter une (ou plusieurs) condition(s) à la définition JTB = stratégies J+Y TB ; dans ce cas, X =(CJ)+Y I nous allons désormais étudier différentes réactions M. Cozic la définition, 1 Philosophie de la connaissance séance 1