4 IGAS, RAPPORT N°RM2011-197P
¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯
[7] L’accès au traitement hormonal et à la chirurgie est en effet suspendu au résultat de cette
évaluation1. Or, les juridictions exigent d’une personne qu’elle ait suivi ces deux traitements pour
obtenir un changement d’état civil, même si on observe des différences significatives selon les
tribunaux. Cette étape de la transition est donc tout à fait spécifique puisque son aboutissement
permettra ou non à la personne d’exercer, son droit au changement d’état civil, reconnu par la Cour
de cassation en 1992 après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de
l’homme.
[8] Pour les personnes souhaitant aller jusqu’à la chirurgie de réassignation, et bénéficier de la
prise en charge par l’assurance maladie, cette évaluation ne peut actuellement être menée que par
les psychiatres de certaines équipes hospitalières. La non-reconnaissance par les équipes
hospitalières de l’évaluation menée par des psychiatres exerçant en libéral est justifiée, selon elles,
par l’expertise requise en la matière2, expertise acquise par l’expérience. La question de
l’élargissement, au-delà des cinq équipes psychiatriques hospitalières, du cercle des psychiatres
pouvant la mener est donc cruciale.
[9] Le contenu de cette évaluation est discuté au sein de la psychiatrie française : s’agit-il d’un
simple diagnostic différentiel en l’absence de définition positive du transsexualisme ou s’agit-il
d’identifier une indication au traitement hormonal et / ou à la chirurgie ? Les options retenues en
France apparaissent plus restrictives que celles retenues à l’échelle internationale ou dans d’autres
pays.
[10] Les modalités de cette évaluation sont très vivement critiquées, même par les acteurs qui
n’en contestent pas le principe : la durée trop longue de cette évaluation, l’absence d’informations
de la personne sur les délais, sur ses droits etc. Certaines pratiques peuvent légitimement interpeller
l’éthique médicale : ainsi de la convocation des parents de la personne, du recueil de témoignages
écrits de l’entourage etc. A cet égard, l’expérience en vie réelle (période pendant laquelle la
personne doit vivre dans le genre désiré) constitue une zone de risque sur laquelle la mission
appelle à la plus grande prudence.
[11] La mission ne conteste pas le principe même de cette évaluation, reconnue nécessaire par les
instances internationales et pratiquée dans de nombreux pays. Elle considère en revanche que ses
modalités actuelles ne permettent pas de garantir le respect des droits de la personne et propose par
conséquent d’en encadrer davantage certains aspects (délais, appel etc.). Les psychiatres rencontrés
par la mission accepteraient le principe d’un tel encadrement de leurs pratiques par le droit.
(ii) L’hormonothérapie, qui consiste en l’administration d’hormones du genre désiré,
relève en France de la liberté de prescription des praticiens, notamment
endocrinologues.
[12] La complexité de ces traitements et la nécessité de les adapter finement aux personnes
conduisent la plupart des interlocuteurs de la mission à regretter le manque de formation des
praticiens et d’informations médicales au long cours, en particulier sur leurs effets secondaires, leur
articulation avec d’autres traitements (notamment antirétroviraux), leur impact à long terme etc.
L’absence de référentiels de prescriptions, liée à l’insuffisance des connaissances constituent
aujourd’hui l’une des principales difficultés de cette partie de la transition.
[13] Les praticiens rencontrés insistent sur la nécessaire lenteur de ces traitements, alors que les
personnes concernées recherchent des effets rapides. Ainsi certains praticiens continuent de
recommander deux phases du traitement hormonal (une phase dite « douce » de dévirilisation ou de
déféminisation et une deuxième d’acquisition des caractères sexuels secondaires du genre désiré).
[14] De nombreuses personnes prennent des hormones en dehors de tout contrôle médical. La
question de l’interruption des traitements hormonaux pendant l’évaluation reste posée.
1 Sanctionnée par un certificat co-signé par le psychiatre, l’endocrinologue et le chirurgien. La mission
comprend cependant qu’en pratique elle relève bien essentiellement de l’appréciation du psychiatre.
2 La World Professional Association for Transgender Health (WPATH) a la même interprétation, même si,
en évoquant des « professionnels de santé mentale », elle élargit le cercle aux psychologues.