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et la maladie générale, ce "Rubicon des cancers prosta-
tiques" est souvent franchi : 30 à 50% sont déjà N +
(26), 40% évoluent vers un stade métastatique à 5 ans,
65% à 10 ans [20] mais 8 à 17% sont en fait des T2
surstadifiées (alors que 30 à 40% des T2 sont des pT3)
[15]. Les modèles théoriques [26, 132] sont insuffi-
sants pour apprehender l’évolution naturelle de ce can-
cer, que seule l’analyse des séries rapportant une sur-
veillance clinique sans traitement rend possible.
L’analyse des séries de patients non traités [49, 86, 111 ]
les séries publiées avant 1980 ne sont pas analysables
[48]. En 1987, MO S K O V I T Z [86] retrouve pour les stades
C (et non pas T3) une survie globale de 42% à 5 ans. En
1988, GE O R G E [41] a rapporté l'expérience de la sur-
veillance de patients atteints de tumeurs T1-T4 sans
métastase initiale, avec un recul de 36 mois. Sur 123
patients, 84% présentent une progression dont 11% des
métastases osseuses. 23% des patients en progression
nécessitent un traitement local. La survie globale est de
5 6 % .
En 1993, ADOLFSSON [1] présente la seule série de
tumeurs T3 Nx Mo en simple surveillance actuellement
analysable. Cependant, l'étude est limitée aux tumeurs
bien ou moyennement différenciées. Parmi les 50
patients étudiés, la probabilité de développer des méta-
stases a été de 24% à 5 ans, et de 37% à 9 ans. 22% ont
présenté une progression nécessitant un traitement
local et 55% des patients ont reçu un traitement hor-
monal en cours d'évolution. La survie spécifique est de
88% à 5 ans et de 70% à 9 ans.
Dans toutes les séries il faut souligner que le score de
Gleason (ou le grade ou la différenciation tumorale)
est actuellement l'élément essentiel du pronostic. En
outre la progression est constante, même pour les
tumeurs diploïdes et bien différenciées (25% des
stades T3). Ces tumeurs ont le plus faible taux de pro-
gression clinique local ou systémique, mais toutes
deviennent aneuploïdes et peu différenciées en 7 ans
[74].
En conclusion, il semble que, plus encore que pour les
T1-T2, il existe une hétérogénéité dans l'évolution des
T3 [132], d'où l'importance de déterminer des signes
d'agressivité tumorale [26] (différenciation, ploïdie).
Le problème reste posé du caractère réellement local
de ce stade pouvant justifier un traitement encore cura-
tif.
STADIFICATION PRETHERAPEUTIQUE
Dans les cancers de stade T3 clinique, la corrélation
entre le stade clinique déterminé par le toucher rectal et
les moyens d'imagerie habituels est très imparfaite. La
sous-estimation est très fréquente puisque 30 à 50%
des patients ont des métastases ganglionnaires [26, 42,
75, 135]. La surestimation du stade réel (T3 pT2) varie
selon les études : 8% [42], 9% [135], 17% [73], 30%
[21] voire 56% dans l'étude de NARAYAN [88].
Stadification ganglionnaire
La fréquence des métastases ganglionnaires à ce stade
rend son évaluation essentielle pour déterminer la stra-
tégie thérapeutique. Les examens d'imagerie conven-
tionnels (tomodensitométrie, lymphographie, IRM)
sont insuffisants du fait de la fréquence des faux néga-
tifs (métastases ganglionnaires microscopiques) ou des
faux positifs [37]. Enfin le PSA initial, seul ou corrélé
au stade clinique et au grade tumoral ne permet pas de
préjuger de l'envahissement ganglionnaire pour un
patient donné [46, 116]. Seule la lymphadénectomie
pelvienne permet une évaluation précise du stade gan-
glionnaire, quelle que soit la procédure utilisée : cura-
ge chirurgical ou coelioscopique, pelvioscopie, minila-
parotomie.
Stadification locale
Devant un cancer de stade T3 clinique il peut être inté-
ressant de trouver des éléments dont la valeur prédicti-
ve positive est suffisante pour affirmer ou infirmer l'ex-
tension extracapsulaire et proposer un traitement adap-
té.
L'inexactitude des méthodes d'évaluation de l'extension
tumorale locale pour un patient donné est bien établie,
qu'il s'agisse du toucher rectal, de l'imagerie (échogra-
phie endorectale, tomodensitométrie, IRM) [34] ou du
PSA combiné au grade tumoral [63]. En effet 40 à 50%
des cancers cliniquement localisés ont un envahisse-
ment extracapsulaire ou des vésicules séminales lors de
l'analyse des pièces de prostatectomie [19].
Afin d'améliorer cette stadification, les biopsies de la
capsule prostatique et des vésicules séminales, l'IRM
avec antenne endorectale, voire le staging moléculaire
par RT-PCR, ont été proposés.
IRM avec antenne endorectale
L'utilisation d'une antenne endorectale améliore la
résolution de l'image pour la capsule prostatique et les
structures périprostatiques, avec un gain estimé à 16%
par rapport à l'IRM avec antenne corporelle [120].
Dans une première étude portant sur 22 patients,
SCHNALL [120] a rapporté pour la détection de l'exten-
sion extraprostatique une sensibilité de 63% et une spé-
cificité de 94% (exactitude 82%). Ces bons résultats
initiaux ont été tempérés par les études ultérieures qui
montraient une sensibilité de 58%, une spécificité de
78% et une exactitude de 51 à 70% [95, 108, 130]. Plus
récemment, CORNUD [24] a confirmé la faible sensibi-
lité de l'examen (53%) mais une spécificité de 96%
dans une étude portant sur 71 cancers de stade T1-T2
M. Péneau et coll., Progrès en Urologie (1998), 8, 977-993