ARTICLE DE REVUE Progrès en Urologie (1998), 8, 977-993
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Cancer de prostate de stade T3 clinique :
Histoire naturelle, les choix thérapeutiques et leurs résultats
Michel PENEAU (1), Thierry PIÉCHAUD (2), Gérard CARIOU (3), Evelyne RAGNI (4), Eric FONTAINE (5),
Georges FOURNIER (6) et les membres du sous-comité de cancer de prostate du C.C.A.F.U.
(1) Service d’Urologie, CHR Orléans, France, (2) Clinique Saint Augustin, Bordeaux, France,
(3) Service d’Urologie, Hôpital des Diaconesses, Paris, France, (4) Service d’Urologie, Hôpital Nord, Marseille, France,
(5) Service d’Urologie, Hôpital Ambroise Paré, Boulogne, France, (6) Service d’Urologie, CHU La Cavale Blanche, Brest, France
RESUME
Le stade T3 clinique du cancer prostatique est
ambigu tant dans sa définition que pour sa place
dans l’histoire naturelle de la maladie; il n’y a pas
de consensus sur son traitement. Sur une revue de
la littérature, 148 articles ont été retenus et analy-
sés, en interrogeant la base de données Medline sur
14 ans (1983-1997).
• Les monothérapies : Radiothérapie ou prostatec-
tomie radicale : Il est peu probable que ces traite-
ments puissent guérir un cancer prostatique T3 cli-
nique, sauf peut-être pour un sous groupe minori-
taire de patients en réalité pT2 surstadifiés ou une
partie des pT3 de faible grade. Il n’apparaît aucun
avantage d’un traitement par rapport à l’autre.
- Hormonothérapie : elle est discutée comme seul
traitement à ce stade. Peu d’études ont été rappor-
tées. Cependant, pour beaucoup d’auteurs ce choix
est légitime, car un patient sur deux a déjà une
atteinte ganglionnaire.
• Les associations thérapeutiques : radiothérapie et
hormonothérapie. Les études récentes comparant
radiothérapie externe exclusive et radiothérapie
avec hormonothérapie montrent un avantage en
faveur de l’association thérapeutique.
Prostatectomie radicale et hormonothérapie : l’hor-
monothérapie néoadjuvante n’apporte aucun avan-
tage. L’hormonothérapie adjuvante améliore le
contrôle local et la survie sans progression. La
radiothérapie adjuvante à la prostatectomie radi-
cale n’apporte aucun gain pour les T3.
Le choix d’un traitement au stade T3, N0, M0
dépend bien entendu de l’état général et de l’espé-
rance de vie du patient. Si l’option d’un traitement
curatif chez un sujet jeune peut être raisonnable-
ment envisagée, il semble que le choix d’une asso-
ciation thérapeutique s’impose.
Mots clés : Cancer de prostate, stade T3, radiothérapie, prosta -
tectomie radicale, chirurgie, hormonothérapie, traitement adju -
vant, traitement néo-adjuvant.
Progrès en Urologie (1998), 8, 977-993.
DEFINITION, HISTOIRE NATURELLE
Les cancers prostatiques de stade T3 clinique (T3 Nx
M0) représentent entre 12 à 28% des nouveaux cas
de cancers prostatiques lors du diagnostic (25% de
tumeurs de stade C dans l’enquête prospective réali-
sée en France en 1989 à partir de 1229 nouveaux cas
de cancer) (55) (119). Cette entité clinique, apparem-
ment bien individualisée par les données du toucher
rectal et de l'imagerie lors du bilan d'extension,
regroupe en réalité une grande diversité de stades
anatomopathologiques : pT2, pT3 ou N+, de pronos-
tic très diff é r e n t .
Définition
Plusieurs classifications ont été propoes :
W
H I T M O R E
et J
E W E T T
, TNM 78/82 [49], TNM 87,
TNM 92 [121]. C'est la classification TNM 92 qui est
actuellement la plus utilisée dans la littérature. Ce
sont des tumeurs qui comportent un envahissement
de la capsule ou des vésicules minales avec trois
sous-groupes : T3 a - extension capsulaire unilara-
le, T3 b - extension capsulaire bilarale, T3 c -
extension aux vésicules séminales. Il faut noter que
les tumeurs atteignant la capsule sans la dépasser et
les tumeurs de l'apex sont classées T2 (C1 de la clas-
sification de Whitmore) pour des raisons dquiva-
lence pronostique [20]. La dernière modification de
cette classification (TNM 97) simplifie le stade T3
qui n’est plus subdiviquen 2 cagories : T3- a
franchissement capsulaire, T3 b- envahissement des
vésicules minales. Cette définition du stade T3 est
donc purement clinique et reste subjective. L'apport
des biopsies prostatiques dans un but de stadification,
permettrait, lorsque l'envahissement des vésicules
séminales ou de la capsule est objectivé (envahisse-
ment de la graisse périprostatique), de confirmer qu'il
s'agit d'un stade T3a, b ou c.
Histoire naturelle
Si le stade T3 est à la frontière entre la maladie locale
Travail du Comité de Cancérologie de l’AFU.
Manuscrit reçu : mars 1998, accepté : juin 1998.
Adresse pour correspondance : Dr.M. Péneau, Service d’Urologie-Andrologie,
Hôpital de la Source, BP 6709, 45067 Orléans Cedex 2.
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et la maladie générale, ce "Rubicon des cancers prosta-
tiques" est souvent franchi : 30 à 50% sont déjà N +
(26), 40% évoluent vers un stade métastatique à 5 ans,
65% à 10 ans [20] mais 8 à 17% sont en fait des T2
surstadifiées (alors que 30 à 40% des T2 sont des pT3)
[15]. Les modèles théoriques [26, 132] sont insuffi-
sants pour apprehender l’évolution naturelle de ce can-
cer, que seule l’analyse des séries rapportant une sur-
veillance clinique sans traitement rend possible.
Lanalyse des ries de patients non traités [49, 86, 111 ]
les ries publiées avant 1980 ne sont pas analysables
[48]. En 1987, MO S K O V I T Z [86] retrouve pour les stades
C (et non pas T3) une survie globale de 42% à 5 ans. En
1988, GE O R G E [41] a rapporté l'expérience de la sur-
veillance de patients atteints de tumeurs T1-T4 sans
métastase initiale, avec un recul de 36 mois. Sur 123
patients, 84% présentent une progression dont 11% des
métastases osseuses. 23% des patients en progression
nécessitent un traitement local. La survie globale est de
5 6 % .
En 1993, ADOLFSSON [1] présente la seule série de
tumeurs T3 Nx Mo en simple surveillance actuellement
analysable. Cependant, l'étude est limitée aux tumeurs
bien ou moyennement différenciées. Parmi les 50
patients étudiés, la probabilité de développer des méta-
stases a été de 24% à 5 ans, et de 37% à 9 ans. 22% ont
présenté une progression nécessitant un traitement
local et 55% des patients ont reçu un traitement hor-
monal en cours d'évolution. La survie spécifique est de
88% à 5 ans et de 70% à 9 ans.
Dans toutes les séries il faut souligner que le score de
Gleason (ou le grade ou la différenciation tumorale)
est actuellement l'élément essentiel du pronostic. En
outre la progression est constante, même pour les
tumeurs diploïdes et bien différenciées (25% des
stades T3). Ces tumeurs ont le plus faible taux de pro-
gression clinique local ou systémique, mais toutes
deviennent aneuploïdes et peu différenciées en 7 ans
[74].
En conclusion, il semble que, plus encore que pour les
T1-T2, il existe une hétérogénéité dans l'évolution des
T3 [132], d'où l'importance de déterminer des signes
d'agressivité tumorale [26] (différenciation, ploïdie).
Le problème reste posé du caractère réellement local
de ce stade pouvant justifier un traitement encore cura-
tif.
STADIFICATION PRETHERAPEUTIQUE
Dans les cancers de stade T3 clinique, la corrélation
entre le stade clinique déterminé par le toucher rectal et
les moyens d'imagerie habituels est très imparfaite. La
sous-estimation est très fréquente puisque 30 à 50%
des patients ont des métastases ganglionnaires [26, 42,
75, 135]. La surestimation du stade réel (T3 pT2) varie
selon les études : 8% [42], 9% [135], 17% [73], 30%
[21] voire 56% dans l'étude de NARAYAN [88].
Stadification ganglionnaire
La fréquence des métastases ganglionnaires à ce stade
rend son évaluation essentielle pour déterminer la stra-
tégie thérapeutique. Les examens d'imagerie conven-
tionnels (tomodensitométrie, lymphographie, IRM)
sont insuffisants du fait de la fréquence des faux néga-
tifs (métastases ganglionnaires microscopiques) ou des
faux positifs [37]. Enfin le PSA initial, seul ou corrélé
au stade clinique et au grade tumoral ne permet pas de
préjuger de l'envahissement ganglionnaire pour un
patient donné [46, 116]. Seule la lymphadénectomie
pelvienne permet une évaluation précise du stade gan-
glionnaire, quelle que soit la procédure utilisée : cura-
ge chirurgical ou coelioscopique, pelvioscopie, minila-
parotomie.
Stadification locale
Devant un cancer de stade T3 clinique il peut être inté-
ressant de trouver des éléments dont la valeur prédicti-
ve positive est suffisante pour affirmer ou infirmer l'ex-
tension extracapsulaire et proposer un traitement adap-
té.
L'inexactitude des méthodes d'évaluation de l'extension
tumorale locale pour un patient donné est bien établie,
qu'il s'agisse du toucher rectal, de l'imagerie (échogra-
phie endorectale, tomodensitométrie, IRM) [34] ou du
PSA combiné au grade tumoral [63]. En effet 40 à 50%
des cancers cliniquement localisés ont un envahisse-
ment extracapsulaire ou des vésicules séminales lors de
l'analyse des pièces de prostatectomie [19].
Afin d'améliorer cette stadification, les biopsies de la
capsule prostatique et des vésicules séminales, l'IRM
avec antenne endorectale, voire le staging moléculaire
par RT-PCR, ont été proposés.
IRM avec antenne endorectale
L'utilisation d'une antenne endorectale améliore la
résolution de l'image pour la capsule prostatique et les
structures périprostatiques, avec un gain estimé à 16%
par rapport à l'IRM avec antenne corporelle [120].
Dans une première étude portant sur 22 patients,
SCHNALL [120] a rapporté pour la détection de l'exten-
sion extraprostatique une sensibilité de 63% et une spé-
cificité de 94% (exactitude 82%). Ces bons résultats
initiaux ont été tempérés par les études ultérieures qui
montraient une sensibilité de 58%, une spécificité de
78% et une exactitude de 51 à 70% [95, 108, 130]. Plus
récemment, CORNUD [24] a confirmé la faible sensibi-
lité de l'examen (53%) mais une spécificité de 96%
dans une étude portant sur 71 cancers de stade T1-T2
M. Péneau et coll., Progrès en Urologie (1998), 8, 977-993
explorés par une antenne endorectale avec séquence en
écho de spin rapide. Pour les auteurs, la qualité des
résultats est opérateur dépendante et l'utilisation de cri-
tères de lecture plus stricts explique la meilleure spéci-
ficité que dans les études précédentes, au prix d'une
sensibilité plus basse. Cet équipement n'est cependant
pas encore accessible en routine.
Biopsies de la capsule et des vésicules séminales
La prostate n'ayant pas de capsule distincte, l'envahis-
sement capsulaire est caractérisé sur le plan anatomo-
pathologique par la présence de tumeur dans le tissu
fibroadipeux. L'envahissement des vésicules séminales
peut se faire selon 3 modalités différentes : envahisse-
ment intraluminal par le canal éjaculateur, envahisse-
ment de la paroi de la vésicule séminale par contiguïté,
envahissement séminal hématogène. Le prélèvement de
la capsule est relativement facile à condition d'utiliser
un échoguidage endorectal; selon les auteurs entre 71 et
84% de biopsies sont évaluables dans cette indication.
Le prélèvement biopsique au niveau de la vésicule
séminale se fera à la jonction du tiers proximal et du
tiers moyen de la vésicule en veillant à ce que l'aiguille
ne "carotte "pas le tissu prostatique de la base pendant
le prélèvement.
La comparaison de l'extension capsulaire ou séminale
sur la biopsie avec l'étude anatomopathologique de la
pièce de prostatectomie a montré sa grande spécificité.
Dans la série de NARAYAN [88], les biopsies en sextant
associées à celles de la capsule et des vésicules sémi-
nales ont été utilisées pour améliorer la stadification
locale avant prostatectomie. Chez les 83 patients clas-
sés T3 par les biopsies avant la prostatectomie, l'exten-
sion capsulaire ou des vésicules séminales a été confir-
mée dans tous les cas, sans faux positifs.
RAVERY[110] a montré que la présence de cancer dans
la graisse périprostatique a une valeur prédictive positi-
ve de 93% pour l'extension extracapsulaire ou la pro-
gression biologique après prostatectomie.
Dans la série de VALLANCIEN [134], la biopsie des vési-
cules séminales a une spécificité de 100% et une sensi-
bilité de 61% (nombreux faux négatifs) pour la détec-
tion de l'envahissement des vésicules séminales. Ces
données confirment la grande spécificité montrée par
TERRIS [131]. Enfin PANDEY [96] a biopsié les vésicules
séminales de 60 patients porteurs de cancer T3 clinique
et a relevé une atteinte séminale uni ou bilatérale dans
27 cas soit 45% (cependant sans contrôle sur pièce
d'exérèse puisque les patients n'ont pas été opérés).
En conclusion, la preuve de l'extension capsulaire ou
séminale du cancer T3 clinique est faisable par biopsie
de la capsule et/ou des vésicules séminales. Sa grande
spécificité permet, quand il existe un envahissement
détecté, d'affirmer qu'il s'agit d'un pT3. En outre la rare-
té des faux positifs permet de ne pas récuser des
patients pour un traitement à visée curatrice. En
revanche, la faible sensibilité ne permet pas un classe-
ment en pT2 en cas de négativité.
Stadification moculaire par RT-PCR (Reverse
Transcriptase Polymerase Chain Reaction)
La détection des cellules circulantes sécrétantes des
marqueurs prostatiques par RT-PCR a été proposée
pour la stadification locale du cancer de la prostate
sous le terme de « stadification moléculaire » [59].
La correspondance entre stade anatomo-pathologique
et détection de cellules circulantes PSA ou PSMA posi-
tives est largement débattue.
La plupart des études font état d’une proportionnalité
entre l’augmentation du taux de positivité de cette
détection et la progression tumorale, cependant pour la
grande majorité des institutions soit la sensibilité du
test est insuffisante, soit au contraire trop élevée géné-
rant une forte proportion de faux positifs, ce qui ne per-
met pas l’utilisation de cette « stadification moléculai-
re » en pratique courante [31, 35, 94].
Seule l’équipe de l’Université de Columbia [34] accor-
de à la « stadification moléculaire » une valeur prédic-
tive pour la stadification.
Ainsi KATZ [60] en 1995 sur 94 patients dont 36
patients pT3, a montré que la RT-PCR PSA permet de
prédire une extension extra-glandulaire de la tumeur
avec une sensibilité de 72% et une spécificité de 88%.
DEVRIES [29] en 1996, de la même institution, sur 160
patients, retrouve une valeur prédictive positive pour la
prédiction de l’extension extra-glandulaire de 80%, le
test RT -PCR PSA est le critère le plus fortement cor-
rélé à la prédiction anatomo-pathologique par rapport
aux autres données pronostiques pré-opératoires; ainsi
pour la pénétration capsulaire la sensibilité est de 74%,
la spécificité de 89%; en cas de test positif le risque de
marges positives et/ou d’atteinte des vésicules sémi-
nales est multiplié par un facteur 10 valeur prédictive
positive : 74%, valeur prédictive négative : 87% [93].
La valeur prédictive positive de cette «stadification
moléculaire» est en quelque sorte «sensibilisée» et aug-
mente lorsque le PSA préthérapeutique est supérieur à
10 ng/ml [29] ou s’il existe sur les biopsies prostatiques
préopératoires une invasion périneurale [94].
Les performances observées avec la même méthode
que pour le PSA mais pour le PSMA (Prostatic
Specific Membran Antigen) ont été étudiées de façon
comparative.
KATZ [60] retrouvait en 1995 pour la RT-PCR PSMA
une spécificité équivalente mais une moindre sensibili-
té que pour la RT-PCR PSA (17%versus 33%) avec une
valeur prédictive positive pour la pénétration capsulai-
re de 77% pour la RT-PCR PSA contre 30% pour la RT-
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M. Péneau et coll., Progrès en Urologie (1998), 8, 977-993
PCR PSMA. Cependant, l’utilisation d’une RT-PCR
dite «nichée» pour détecter le PSMA apparaît comme
une méthode plus sensible pour certains [92] par rap-
port au RT-PCR PSA, voire même trop sensible et suc-
ceptible d’entraîner une amplification illégitime de cer-
tains transcripts [31].
TRAITEMENT
Il n'existe pas actuellement de consensus sur le traite-
ment du cancer de la prostate de stade T3 clinique.
Une enqte de l'"American College of Surg e o n s
Commission on Cancer" publiée en 1993 [84] compa-
rant les habitudes de traitement des urologues améri-
cains proposées à ce stade de la maladie, entre 1974 et
1990, retrouve une disparité des traitements, avec une
tendance manifeste en faveur de la chirurgie et des trai-
tements associés.
Afin de faire une mise au point sur les résultats des
diverses options thérapeutiques, notre comité a fait une
revue de la littérature. La base de données Medline a
été interrogée avec une antériorité de 13 ans (1983-
1996) avec les mots clés suivants : Adénocarcinome
prostatique stade C, C1, C2, C3, T3, PT3 / traitement
chirurgical / hormonothérapie / radiothérapie. Un com-
plément de bibliographie a été obtenu en recherchant
dans les références des différents articles sélectionnés
les études ayant échappé à la sélection Medline.
La comparaison des résultats des différentes options
thérapeutiques est difficile pour plusieurs raisons :
• La sélection des patients : la stadification utilisée n'est
pas la même dans toutes les séries (classification TNM,
classification de Whitmore); l'atteinte ganglionnaire est
irrégulièrement et insuffisamment appréciée notam-
ment dans les séries non chirurg i c a l e s .
L'hormonothérapie est souvent associée lors de la pro-
gression des séries chirurgicales et radiothérapiques,
ce qui obscurcit les résultats en termes de survies pour
le traitement initial.
• Les critères d'expression des résultats sont hétéro-
gènes et variables d'une série à l'autre.
• Les études comparatives prospectives, voire randomi-
sées sont minoritaires.
Nous avons passé en revue les diverses options théra-
peutiques qui comportent deux groupes :
• Les traitements à visée curative : monothérapie (chi-
rurgie, radiothérapie) ou combinaison à un traitement
adjuvant ou néoadjuvant.
• Les traitements palliatifs : surveillance et traitement
hormonal différé lors de l'apparition des symptômes ou
hormonothérapie d'emblée, combinés aux traitements
locaux le cas échéant (résection endoscopique...).
Les traitements à visée curative
Monothérapies
Radiothérapie externe
Quarante-quatre séries de radiothérapie externe ont été
sélectionnées et seulement vingt-quatre retenues. Il
faut souligner l'inhomogénéité des séries avec des pro-
tocoles d'irradiation variables, l'inclusion dans cer-
taines séries non chirurgicales de patients de stade T2
ou T4, ou dont le stade ganglionnaire est le plus sou-
vent méconnu. Contrairement aux séries chirurgicales,
ou les patients sont mieux sélectionnés, il est vraisem-
blable que de nombreux patients irradiés ont des méta-
stases ganglionnaires.
Pour une lecture plus claire des résultats, nous avons
établi pour chaque critère de jugement utilisé dans les
études une moyenne et noté les écarts.
Survie globale et spécifique
Les taux moyens de survie globale sont de 65% (51-
71%), 38% (21-47%), 22% (17-27%) à 5, 10 et 15 ans
[9, 11, 32, 36, 51, 70, 99, 144]. Les chiffres de survie
globale rapportés à l'espérance de vie d'une population
d'hommes sains, d’âge comparable, permettent de
connaître la réduction de survie en rapport avec la
maladie : 15 à 19% à 5 ans, 15 à 29% à 10 ans, 18 à
39% à 15 ans [8, 51, 99, 144]. Les taux moyens de sur-
vie spécifique sont de 76% (71-87%), 55% (50-82%),
et 32% à cinq, dix et quinze ans [9, 32, 36]. On consta-
te des écarts importants à 10 ans : ils sont essentielle-
ment liés à la série de ENNIS [36] qui associe à dix ans
un taux de survie globale faible (21%) et un taux de
survie spécifique élevé (82%). Il s'agit d'un groupe de
population âgé dont beaucoup sont décédés d'une autre
cause que leur cancer prostatique. Cette série est par
ailleurs assez faible numériquement (121 patients) et
interfère peu sur la moyenne.
Survie sans progression
Les taux moyens de survie sans progression locale
et/ou métastatique sont respectivement de 49% (45-
52%), 31% (28-38%), et 19% (17-22%), à cinq, dix et
quinze ans, dans 4 séries regroupant 1515 patients irra-
diés [9, 51, 70, 144].
Depuis 1993, les auteurs précisent la survie sans pro-
gression biologique avec le PSA. Ce paramètre est
moins aléatoire que la survie sans progression clinique
qui dépend du type et de la fréquence des examens réa-
lisés dans le suivi selon les séries (TR, radiographies
osseuses, scintigraphie...). Pour le PSA c'est l'augmen-
tation progressive de sa valeur et/ou le niveau minimal
après traitement qui sont utilisés. Il est admis générale-
ment qu'un taux supérieur à 1 ng/ml (Hybritech) est le
seuil au dessus duquel la probabilité d'échec est la plus
élevée [61, 138, 142].
980
M. Péneau et coll., Progrès en Urologie (1998), 8, 977-993
Les taux moyens à cinq et dix ans sont respective-
ment de 37% et 16%. Sur les 7 séries retenues, cinq
donnent des résultats à cinq ans assez comparables et
relativement faibles de 15 à 21% [50, 57, 127, 145,
146]. Seules les séries de K
U B A N
[68] et Z
A G A R S
[142] donnent des taux plus élevés de respectivement
34% et 53%. Ces deux séries sont les plus fortes
numériquement, cependant K
U B A N
prend en compte
des patients traités avant 1987 (début du suivi biolo-
gique) et introduit ainsi un biais; Z
A G A R S
[142] a la
série la plus homogène avec des patients traités de
1987 à 1993 excluant à priori les patient N+ (lym-
phographie, scanner) dont seulement 13% ont eu une
lymphadénectomie. Ces études diffèrent par ailleurs
sur les critères biologiques utilisés et sur le suivi
moyen des patients.
L'écart entre survie sans progression locale et/ou méta-
statique et survie sans progression biologique est en
moyenne de 23% (7-46%). Ces chiffres montrent dans
l'ensemble l'inefficacité de la radiothérapie pour guérir
la majorité des patients.
Contrôle local
-Contrôle local clinique
Ce paramètre, comme la survie sans progression cli-
nique est critiquable car leur définition varie d'une
étude à l'autre et n'a de valeur que dans une étude com-
parative prospective [129]. En outre le toucher rectal,
principal élément d'appréciation du contrôle local est
très subjectif et sous-estime fortement la présence de
tissu tumoral résiduel (91% de faux négatif - toucher
rectal normal et biopsie positive - dans la série de
KABALIN [56]). Aucun auteur n'utilise clairement les
critères de régression, stabilisation ou progression défi-
nis par l'EORTC et le NPCP.
Les taux moyens sont respectivement de 79%, 68%,
61%, à cinq, dix et quinze ans [9, 32, 36, 51, 114, 141,
144], mais il existe des écarts importants constatés à 10
et 15 ans.
Les auteurs accordent en général une importance capi-
tale au contrôle local. ZAGARS [144] constate un impact
manifeste du contrôle local sur le risque métastatique et
selon PEREZ [100] et KAPLAN [58] un impact sur les sur-
vies globale et spécifique. On est cependant frappé par
la discordance entre les taux de contrôle local à cinq et
dix ans et les taux de survie.
En outre, si la majorité des auteurs s'accordent sur la
qualité du "contrôle" local, en revanche l'étude à long
terme de la survenue de symptômes locaux est peu rap-
portée. Les résultats de la série de HOLZMAN [52] tem-
pèrent ces résultats optimistes, montrant en fait que
53% des patients ont des symptômes en rapport avec la
progression locale au cours de l'évolution, dont la
majorité nécessite une intervention chirurgicale secon-
daire (résection transuréthrale, dérivation supravésica-
le...). Enfin, il est établi que la fréquence de l'inconti-
nence urinaire après RTU chez les patients irradiés est
plus élevée (37%) que chez les patients non irradiés
[52, 109].
Contrôle biopsique
Le contrôle local biopsique est peu utilisé (306 patients
sur 7 séries) et sujet à de nombreuses polémiques ; il
constitue néanmoins un excellent indicateur pronos-
tique, hautement corrélé au risque de récidive locale
[118], d'apparition de métastases [67, 69, 117] ainsi
qu'aux survies globale et spécifique [106].
Le taux moyen de biopsies positives à 18 mois après
radiothérapie pour les tumeurs T2-T3 confondues, est
de 59 % avec des écarts importants (24%-93%). KURTH
[69] a la série la plus ancienne avec 57% de biopsies
positives. Trois séries donnent des taux relativement
similaires [25, 28, 117], de 21 à 25%. Les trois séries
de Stanford [40, 56, 107] rapportent des taux de positi-
vité plus élevés de 61 à 93%. En cas de positivité selon
KUBAN [67], trois patients sur quatre vont progresser
localement à dix ans.
Facteurs pronostiques
Trois sont importants :
-Degré de différenciation tumorale :
Pour PEREZ [99] la survie sans progression clinique à
10 ans diminue avec la dédifférenciation (survies res-
pectives pour les tumeurs bien, moyennement ou peu
différenciés de 50%, 38% et 20%). Ces données sont
retrouvées par ENNIS [36] pour la survie sans progres-
sion clinique (62%, 58% et 14%) et pour le contrôle
local à 10 ans (respectivement 91%, 87% et
71%).Enfin, selon ZIETMAN [145] les chiffres de survie
sans progression biologique à 10 ans sont respective-
ment de 33% (grade de Gleason 1-2), 20% (grade 3), et
10% (grade 4-5).
-Taux de PSA initial :
Il a une valeur pronostique indépendante du grade et il
est corrélé à la survie sans progression biologique à 4
ans (tumeurs T3 - T4): PSA < 15 - 39%, PSA > 15 - 0%
[146].
-Envahissement ganglionnaire et des
vésicules séminales :
L'atteinte des ganglions est corrélée à la survie à 10 ans
dans l'étude de PEREZ [99], où un sous-groupe de
patients a eu un curage avant irradiation : 85% de sur-
vie si N0, 17% si N+. ALLAIN [2] a montré l'influence
d'une atteinte des vésicules séminales sur le contrôle
local et la survie avec une différence significative entre
C1 et C2. Les taux de survie globale à 5 et 10 ans sont
de 32 et 22% en cas d'atteinte des vésicules séminales,
contre 63 et 31% pour les tumeurs C1.
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M. Péneau et coll., Progrès en Urologie (1998), 8, 977-993
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