CHAPITRE 7 : LA CONVERGENCE LITHOSPHÉRIQUE : LE CONTEXTE DE FORMATION DES CHAÎNES DE MONTAGNES Introduction Le modèle de la formation d’une chaîne de montagnes se fonde sur la tectonique des plaques lithosphériques. La subduction d’une plaque océanique s’accompagne de la création de reliefs (arcs volcaniques…) En cas de fermeture totale de l’océan, les continents qui le bordaient entrent en contact : un tel affrontement provoque la surrection d’une chaîne de montagnes dite de collision. L’Himalaya et les Alpes ont une telle origine. Ainsi les Alpes forment une frontière entre deux plaques : Européenne et Africaine qui autrefois séparées par un océan, sont entrées en collision. Problème : Peut-on retrouver dans cette chaîne de montagnes des traces des différentes étapes de son histoire ? 1. Les témoins d'une activité océanique passée. A. Des structures caractéristiques d'ancienne marge passive Actuellement, on observe en bordure continentale d'un océan une marge passive dont la structure est la suivante : On interprète ce profil sismique de la manière suivante : On observe des dépôts de sédiments post-rift qui se sont mis en place après que la fracturation de la lithosphère océanique ait eu lieu On observe des dépôts de sédiments syn-rift qui se sont mis en place lors de la fracturation, en même temps que les blocs de lithosphère continentale basculaient On observe des dépôts de sédiments pré-rift (ou anté-rift) découpés par des failles. Or, on trouve dans les Alpes des blocs basculés : les blocs basculés du lac Besson Les blocs basculés des lacs Besson ( - 200 Ma) ( près de l’Alpe d’Huez : Alpes occidentales) vue en direction sud D'après site : christian.nicollet.free.fr Reconstitution 3D Google Earth Sédiments Bloc basculés Schéma structural des Alpes franco-italiennes A B A Plan de coupe Sédiments postrift du Jurassique supérieur et Crétacé B Sédiments synrift du Jurassique inférieur et moyen plissés ( lors compression) Sédiments anté-rift du Trias D’après Bordas, Terminale S, 2002 Les sédiments des marges passives fossiles permettent de dater relativement certaines étapes de la chaîne alpine Ainsi, l'ouverture de l'océan qui a existé à la place des Alpes actuelles, a débuté au Trias (245 à -205 Ma) La fracturation de la lithosphère continentale par étirement est datée du Jurassique inférieur (- 205 à -145Ma) La marge passive est mis en place au Jurassique supérieur et au crétacé : - 154 à -96 Ma) On peut donc reconstituer l'histoire qui précède la formation de la chaîne alpine ainsi : Reconstitution de l’histoire des Alpes francoitaliennes sédiments anterift du Trias socle TRIAS Mer peu profonde: milieu lagunaire sédiments en éventail synrift blocs basculés JURASSIQUE inférieur et moyen Tectonique extensive: amincissement de la lithosphère continentale plaque européenne plaque africaine failles normales sédiments postrift CRETACE et JURASSIQUE supérieur Expansion océanique et formation de la croûte océanique B. Des sédiments d'origine marine Les sédiments constituants les dépôts pré, syn et post rift, nous renseigne sur l'état de l'océanisation Ces roches du trias, se forment dans des conditions de forte évaporation. Elles sont la preuve d'un début d'océanisation avec un rift parfois Gypse immergé. Dépôt de sel Ces restes d'ammonites datées du jurassique inférieur prouve un approfondissement de l'océan Ces restes de radiolarites datés du jurassique moyen, prouve que l'océan atteignait une profondeur importante (-4000 m) C. Des ophiolites, témoins d'une ancienne lithosphère océanique Correction TP 14 partie 1 1 2 3 3 : Basalte 1 : péridotite serpentinisée 2 : Gabbro Plagioclase Pyroxène altéré Cette association est inhabituelle au sein d’une croûte continentale car elle constitue la nature même de la lithosphère océanique. Ces roches sont les vestiges de l’ancien plancher de l’océan alpin daté du Jurassique inférieur qui ont échappé à la subduction et ont été obductées c’est-à-dire charriées sur le continent lors de la collision continentale des deux plaques. Ce vestige de plancher océanique s'est donc mis en place lors de la fermeture de l'océan par subduction. C'est l'objet de la 2ème partie. Plus de photos du massif du Chenaillet : https://www.ac-clermont.fr/disciplines/index.php?id=6826 2. Les marqueurs de la fermeture de l'océan alpin par subduction. A. Des transformations minéralogiques Correction TP 14 partie 2 Dans les Alpes (ex. vallée du Guil – Queyras), on trouve des massifs constitués de roches ayant la composition chimique globale des basaltes ou des gabbros mais qui ont une composition minéralogique différente : ce sont des métagabbros (ou des métabasaltes). Ils renferment des minéraux qui sont de bons thermobaromètres car ils témoignent des conditions P/T auxquelles ces roches ont été soumises. En effet, comme dans le chapitre précédent, des minéraux sont stables dans certaines conditions de P et T, ces conditions sont regroupées sous le terme de faciès (faciès schiste vert, faciès schiste bleue…). Lorsque les conditions changent, les minéraux deviennent instables et par réaction chimique, donnent naissance à d’autres minéraux. C’est encore une transformation à l’état solide, c’est donc du métamorphisme. Ainsi, dans le TP, l'étude minéralogique permet de placer les roches dans les différentes conditions de P et T auxquelles elles ont été soumises, et donc de reconstituer l'évolution de la pression et de la température au cours du temps. Ainsi, on observe : Du métagabbro à glaucophane Cette roche se caractérise par l'association des minéraux : plagioclase (feldspaths) et pyroxène. Ces derniers ont été modifiés et présentent une auréole de métamorphisme constituée de glaucophane. Des éclogites Grenat Jadéite Mais aussi : Si on place les différentes roches étudiées précédemment dans le diagramme P et T G4 G3 G1 : métagabbro à glaucophane et plagioclase G1 G2 G2 : Eclogite à jadéite et grenat On peut aller plus loin et placer également le métagabbro à hornblende (G3) et le métagabbro à chlorite et actinote (G4) Les minéraux contenus dans ces roches (schiste vert, schiste bleue, éclogite) sont donc caractéristique d’une zone de pression et de température : un faciès (faciès schiste vert, faciès schiste bleu, faciès éclogite), ils permettent de retracer l’histoire de la lithosphère océanique. En effet, depuis sa création au niveau de la dorsale, le gabbro s'est refroidi (sous l'action de l'eau entre autre), sa température en diminuant a permis une réaction chimique formant un minéral particulier : la hornblende. Ce refroidissement se poursuit et forme d'autres minéraux : la chlorite et l'actinote (faciès schiste vert). C'est bien une transformation minéralogique à l'état solide, c'est donc du métamorphisme de Basse température. Ce métagabbro subit ensuite une subduction. Dans ce cas, les minéraux se transforment également, en glaucophane dans un premier temps (faciès schiste bleu) puis à une certaine pression et température en grenat et jadéite (faciès éclogite). Dans ce cas, la température se modifie peu par contre la pression augmente beaucoup, c'est un métamorphisme Basse Température et Haute Pression Les faciès et donc les températures et les pressions durant une subduction se succèdent dans cet ordre : schiste vert, puis schiste bleu si l'enfouissement débute puis, éclogite si l'enfouissement se poursuit. Dans ce cas, les faciès schiste vert, schiste bleu et éclogite se rencontre de la plaque européenne vers la plaque africaine, la subduction avait donc lieu dans cette direction. C'est donc bien la plaque européenne qui entrait en subduction sous la plaque africaine. B. Le moteur de la subduction Age de la lithosphère (en 106 ans) Distance à l’axe de la dorsale (exprimée en km et calculée pour une dorsale rapide avec une ½ vitesse d’écartement voisine de 8 cm/an) Epaisseur de la croûte océanique (en km) Epaisseur du manteau lithosphérique (en km) Epaisseur de la lithosphère océanique (en km) Masse d’une colonne de lithosphère océanique de surface égale à 1 m2 (en 103t) Masse d’une colonne d’asthénosphère océanique de même surface et de même épaisseur (en 103t) 2 10 15 25 30 40 60 80 100 160 800 5 5 5 5 5 5 5 5 5 8 24 31 41 45 53 66 77 87 13 29 36 46 50 58 71 82 92 40.65 93.45 116.55 149.55 162.75 189.15 232.05 268.35 301.35 42,25 94,25 117 149,5 162,5 188,5 230,75 266,5 1200 2000 2400 3200 4800 6400 8000 Détail d'un calcul : 5 km sur 1m2 soit 5 x 103 m3 donc 5 x 103 x 106 cm3 5 x 103 x 106 x 2.85 x 10-6 pour avoir le résultat en tonne. 5 x 103 x 106 x 2.85 x 10-6 x 10-3 pour avoir le résultat en 103 tonnes soit 5 x 2.85 = 14.25 ( en 103 tonnes) 299 En s'éloignant de la dorsale, la lithosphère se refroidit et devient plus dense. Ainsi dès 30 Ma la densité de la lithosphère devient supérieure à celle de l'asthénosphère. Epaisseur de la lithosphère océanique (en km) Masse d’une colonne de lithosphère océanique de surface égale à 1 m2 (en 103t) Densité (Masse / Volume) 13 29 36 46 50 58 71 82 92 40.65 93.45 116.55 149.55 162.75 189.15 232.05 268.35 301.35 3.13 3.22 3.24 3.25 3.26 3.26 3.27 3.27 3.28 L'équilibre isostatique est donc rompu. Néanmoins, du fait de la résistance mécanique à l'enfoncement, l'état de déséquilibre peut être maintenu avant l'entrée en subduction. Cependant, une fois la subduction enclenchée, il se fabrique une force de traction exercée par le poids de la lithosphère en cours de subduction. C’est d’ailleurs cette force, associée aux mouvements de convection du manteau qui constituent le moteur du déplacement des plaques. Au niveau d’une marge passive, la lithosphère océanique formée au début du rifting est en continuité avec de la lithosphère continentale. Cette lithosphère océanique se refroidie et s’alourdit, sa densité dépasse alors celle de l’asthénosphère ; elle a tendance alors à plonger dans l’asthénosphère tandis que la lithosphère continentale reste en surface du fait de sa densité plus légère. Dans ce cas, il peut y avoir un découplage dans la zone de transition des 2 lithosphères, et la lithosphère océanique entre en subduction sous la lithosphère continentale. La marge passive se transforme en marge active. Les géophysiciens ont calculé que cet évènement peut se produire lorsque l’âge de la marge dépasse 180 à 200 Ma, ce qui explique l’absence de vieux océans sur le globe. Pour information Continuons l'histoire de la chaine alpine…. Reconstitution de l’histoire des Alpes francoitaliennes sédiments anterift du Trias socle TRIAS Mer peu profonde: milieu lagunaire sédiments en éventail synrift blocs basculés JURASSIQUE inférieur et moyen Tectonique extensive: amincissement de la lithosphère continentale plaque européenne plaque africaine failles normales sédiments postrift CRETACE et JURASSIQUE supérieur Expansion océanique et formation de la croûte océanique Tectonique compressive: disparition du fond océanique par subduction Compression: TERTIAIRE la plaque africaine remonte vers le Nord, la lithosphère océanique entre en subduction, elle est âgée, plus dense et s’enfonce dans le manteau à cause des forces compressives exercées par le continent africain sue le continent européen. Témoins de la subduction: Ophiolites du Mont Viso Tectonique compressive: collision des deux masses continentales Ecailles en profondeur Sédiments plissés Lors de la compression, la lithosphère océanique non subduite est charriée sur la marge continentale européenne: Ophiolites du Chenaillet: métamorphisme BT-BP Une partie de la lithosphère océanique subducté se retrouve en surface grâce aux mouvements tectoniques : Massif du Queyras, Mont Viso Métamorphisme BT-HP Racine crustale: environ 50 km de profondeur De manière plus schématique…. La reconstitution de l’histoire géologique des alpes Evènements géologiques majeurs Coupes schématiques 0 Nord Asthénosphère Manteau lithosphérique 20 Sédiments du Trias 40 Croûte continentale Profondeur (en km) Européenne Africaine A -245 Ma, tous les continents sont réunis en un seul, la Pangée. A noter le dépôt de sédiment antérift datant du Trias. Evènements géologiques majeurs Coupes schématiques Sédiments du Jurassique inférieur et moyen 0 20 40 0 20 40 Sédiments du Jurassique supérieur et du Crétacé Croûte océanique A -180 Ma, la remontée de l’asthénosphère cause un début d’extension. Apparaît alors des failles normales et des blocs basculés. Naissance de l’océan alpin dans lequel se dépose des sédiments synrift du Jurassique inférieur et moyen. A -140 Ma, l’océanisation est complète car il apparaît de la croûte océanique. Se dépose alors les sédiments postrift datant du Jurassique supérieur et du Crétacé. Evènements géologiques majeurs Coupes schématiques A -80 Ma, l’Afrique, repoussée vers l’Europe de par la naissance de l’océan Atlantique, cause la compression. Ceci est à l’origine de la subduction de la croûte océanique sous la plaque africaine. 0 20 40 0 20 40 Sédiments récents post-collision Depuis -30 Ma, la subduction a fait place à une collision. De cette collision il y a différents marqueurs : le relief et la racine crustale des plis, des failles et des nappes de charriage Il subsiste tout de même des marqueurs océaniques : différentes ophiolites des blocs basculés des sédiments de type marin