ContactExpress SEPTEMBRE 2016 La présidente de l’Ordre des hygiénistes dentaires du Québec se déchaîne contre les dentistes à l’Assemblée nationale du Québec Le 13 septembre dernier, lors de son audition devant la Commission parlementaire sur le projet de loi 981, la présidente de l’Ordre des hygiénistes dentaires du Québec (OHDQ), Mme Diane Duval, a profité de cette tribune pour tenir solennellement à l’Assemblée nationale des propos diffamatoires sur les dentistes du Québec. Cette charge à fond de train — qui ne représente certainement pas l’opinion des hygiénistes dentaires, nos collaboratrices au quotidien, qui ne sauraient cautionner de telles outrances — est tellement lourde de conséquences qu’il importe que chaque dentiste ait accès à sa transcription fidèle. Nous reproduisons donc ici textuellement les propos de Mme Duval en laissant les lecteurs se faire une opinion à la fois sur leur contenu et sur les allusions aux contours douteux lancées sans la moindre preuve, sans la moindre illustration, sans le moindre exemple. Nous nous contenterons de mettre en exergue certains passages et de nous livrer à un court décryptage afin que tous soient en mesure d’apprécier ces propos à leur juste valeur et d’en évaluer la portée. « Lanceurs d’alerte » et protection du public Mme Duval affirme : « Les hygiénistes dentaires à 92 % sont dans le cadre d’un cabinet dentaire et, forcément, s’ils dénoncent une activité, un sur-traitement [sic] ou une activité illégale, la plupart ne gardent pas leur emploi ou sont stigmatisés dans leur région parce qu’ils [note ACDQ : les dentistes] se parlent entre eux pour ne pas réengager cet hygiéniste-là. On en a des cas d’espèce comme ça. Alors je pense qu’il faut garder son indépendance professionnelle, puis le cadre de la modernisation de la profession, on l’a mentionné, la situation dans laquelle est plongée l’hygiéniste dentaire, à l’emploi du dentiste, c’est quand même une situation exceptionnelle d’un professionnel envers un autre, ce qui nuit à cette protection du public, nuit ou met l’emphase sur le droit de gérance et positionne l’hygiéniste dentaire dans un contexte extrêmement difficile à cet égard-là. Donc le lanceur d’alerte, à moins d’être indépendant sur le plan 1 Projet de loi 98 — Loi modifiant diverses lois concernant principalement l’admission aux professions et la gouvernance du système professionnel. Le projet de loi vise également certaines questions relatives à l’admission aux professions. 1 ContactExpress professionnel, dans le contexte actuel, je vais prendre vos solutions, parce qu’ils sont très difficiles. Vous comprendrez que, même s’ils [note ACDQ : les dentistes] n’ont pas des noms, les soupçons que ça pourrait être un de nos membres qui ait pu lancer une alerte à l’intérieur du cabinet… la relation professionnelle de confiance est presque terminée en soi. Alors, il y a l’hygiéniste dentaire qui quitte, rarement le contraire. » Décryptage : Mme Duval insinue que les pratiques frauduleuses sont monnaie courante et qu’il n’existe aucun recours pour qu’un employé qui voudrait dénoncer ces pratiques puisse le faire sans représailles. Elle laisse entendre que les dentistes du Québec font des traitements non requis et mènent des activités Modernisation Mme Duval affirme : « Je veux dire aux gens de la commission qu’on a mis beaucoup l’emphase sur certains problèmes qui ont été relevés dans le cadre de la commission Charbonneau qui nous laissent entendre que ça prend des mécanismes de surveillance plus importants sur les ordres professionnels. Moi, je vous dirais que, quand on transporte un dossier comme celui du domaine buccodentaire sur la place publique — dossier de modernisation — qui, il y a 20 ans, a causé un imbroglio au cégep où je travaillais où on a été pris entre l’employeur et les dentistes à contrat dans cette histoire-là pour laquelle l’Office des professions s’est déplacé au cégep pour nous rencontrer en disant que ça allait se régler incessamment… et bien on est 20 ans plus tard. Ça, le public n’est pas dupe. Quand on parle de réputation et qu’on transporte sur la place publique 2 Septembre 2016 illégales d’une gravité telle que les hygiénistes qui constatent ces gestes deviennent l’équivalent de « lanceurs d’alerte ». On notera aussi l’affirmation selon laquelle il existerait des cas de collusion entre les dentistes d’une même région pour mener des représailles contre ceux qui oseraient « parler ». Nous assisterions donc à de l’intimidation et à des représailles concertées par une organisation qui impose « l’omerta » à ceux qui tenteraient de dénoncer des pratiques frauduleuses et illégales. Mme Duval soutient également que le lien d’emploi entre l’hygiéniste et le dentiste nuit à la protection du public. Cette affirmation, très grave, ne s’appuie sur aucune donnée ni aucun fait réel et équivaut, selon elle, à un constat d’incapacité de l’Ordre des dentistes du Québec (ODQ) à remplir son mandat. des débats dans l’intérêt du public qui ne se font pas et qui, indirectement… Pour le public, c’est vu comme un monopole professionnel et du corporatisme. Ça, ça entache le système professionnel québécois; et ça, on n’en parle pas assez de ça. Moi, je vous dirais que s’il y a un dossier qui doit se régler, et je sais qu’il y a une volonté que ça se règle… mais les gens sont pas fous, les publicités, ils les voient. La crédibilité des membres à l’effet de protéger l’intérêt de ses membres, des ordres de protéger l’intérêt de ses membres, y’en font des déductions, y’ont pas besoin d’une commission Charbonneau pour en faire. » Décryptage : Ce que Mme Duval qualifie d’« imbroglio » dans le cégep où elle travaillait et auquel elle fait allusion dans son audition, concerne sans doute les décisions du Comité de discipline de l’Ordre des hygiénistes dentaires du Québec (causes nos 19-200100001, 02 et 03), dans lesquelles elle a été déclarée coupable de sept chefs d’accusation pour avoir ContactExpress notamment, à diverses occasions, refusé l’examen préalable d’un dentiste avant l’intervention d’une hygiéniste étudiante, « […] posant ainsi un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession d’hygiéniste dentaire et contrevenant au Code des professions ». Ces déclarations de culpabilité par le Comité de discipline et les condamnations qui y sont rattachées ont été confirmées par le Tribunal des professions auprès duquel il y a eu appel (décision no 550-07-000025-063).2 On ne sait pas non plus sur quoi est basée l’affirmation selon laquelle « le public » perçoit les dentistes comme un « monopole professionnel » pratiquant « le corporatisme ». On sait cependant que, sondage après sondage, année après année, le taux de confiance et d’appréciation de la population québécoise envers les dentistes se situe systématiquement à 85 %. Examen et diagnostic superflus Mme Duval affirme : « On parle d’adéquation de compétences, ça fait une vingtaine d’années que les compétences n’ont pas été révisées. On a toujours eu comme réflexe de dire « attendons la modernisation », qui ne vient pas, qui ne vient pas et qui ne vient pas et nos membres sont rendus beaucoup plus loin finalement dans leur profession, qui, gardez-le à l’esprit, les hygiénistes dentaires initient leurs soins d’hygiène dentaire sans la nécessité d’un examen diagnostic préalable, et c’est dans la loi [sic]. Alors tout le monde le sait. Alors on tarde énormément à donner au Québec ce qu’il y a ailleurs au Canada et la population en souffre, et la population le voit ces monopoles-là s’exercer à leur détriment et contre leurs intérêts. » Décryptage : Mme Duval persiste et signe. Non seulement affirme-t-elle péremptoirement que l’examen et Septembre 2016 La publicité qu’elle évoque est celle de l’ACDQ (hiver 2016) qui affirme une réalité reconnue — prescrite de surcroît par les lois en vigueur — à laquelle Mme Duval semble s’opposer depuis déjà 20 ans : seul le dentiste peut faire un examen et poser un diagnostic, ces deux actes médicaux étant le préalable à toute intervention. C’est ce qui garantit la qualité des soins buccodentaires, car protéger l’intérêt public, c’est s’assurer que le public reçoit les meilleurs soins dans le respect des compétences de chacun. Il est vrai par ailleurs que Mme Duval semble avoir certaines difficultés, dans ses propos comme dans ses actions, à faire la distinction entre le rôle d’une association qui défend l’intérêt de ses membres et celui d’un ordre professionnel dont la mission est de défendre le public. Enfin, on constatera l’allusion à la Commission Charbonneau avec tout ce que cette seule association d’idées implique comme sous-entendus. le diagnostic du dentiste ne sont pas préalables à l’intervention buccodentaire mais, en plus, elle ajoute que les hygiénistes défient la loi avec, semble-t-il, l’aval inconditionnel de leur ordre. On se questionnera donc sérieusement ici sur la mission de l’OHDQ, sur la volonté de sa présidente de remplir son mandat de protection du public et sur son souci de l’intérêt des patients. Par ailleurs, sans soutenir ce qu’elle avance par des données ou des faits, Mme Duval affirme que la population « souffre » du fait que le dentiste doit examiner et poser un diagnostic avant tout traitement, comme si s’assurer de l’état du patient et déterminer les soins qu’il requiert allaient à l’encontre de sa santé buccodentaire. De plus, la présidente de l’OHDQ affirme que ces actes réservés aux dentistes les placent en situation de monopole, alors qu’il s’agit plutôt de la reconnaissance légale qu’ils sont les seuls à détenir la formation et l’expertise requises pour poser ces actes. Enfin, elle va jusqu’à prétendre que la pratique des dentistes va à l’encontre des intérêts de leurs patients. 2 L’ACDQ tient les deux jugements à la disposition de ceux qui souhaiteraient consulter le texte intégral. 3 ContactExpress Et pour la suite des choses En réitérant notre conviction que les hygiénistes dentaires du Québec, dont 92 % exercent aux côtés des dentistes en cabinet, ne s’associent pas aux accusations de la présidente de leur ordre, rappelons que l’ACDQ a contribué à la naissance de la profession d’hygiéniste dentaire au Québec, il y plus de 40 ans, et qu’elle est fière de la précieuse collaboration qui existe depuis lors entre les hygiénistes et les dentistes. Septembre 2016 Tous ces propos affirmés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale du Québec, le lieu le plus solennel de la vie publique québécoise, ne peuvent demeurer sans conséquences. L’ACDQ examine actuellement les différentes options qu’elle a pour mettre fin à cette campagne de dénigrement et pour rétablir la vérité dans ses droits. Nous vous tiendrons au courant dès que possible de la suite qui sera donnée à cette question. ! Exprimez-vous Nous vous remercions de nous soumettre vos suggestions sur le blogue de l’ACDQ afin de nourrir notre réflexion et de contribuer à l’élaboration de notre plan d’action pour la suite des choses. www.acdq.qc.ca/dentistes-et-etudiants/communaute-virtuelle/blogue/ Pour visionner l’audition de Mme Diane Duval en commission parlementaire : www.assnat.qc.ca/fr/video-audio/archives-parlementaires/travaux-commissions/AudioVideo-68759 Les extraits cités dans le Contact-Express se trouvent aux minutages indiqués ci-dessous : • « Lanceurs d’alerte » et protection du public : 36 : 14 – 37 : 46 • Modernisation : 38 : 48 – 40 : 26 • Examen et diagnostics superflus : 40 : 41 – 41 : 26 4