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Express Septembre 2016
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« Lanceurs d’alerte » et protection du public
Mme Duval affirme :
« Les hygiénistes dentaires à 92 % sont dans le cadre
d’un cabinet dentaire et, forcément, s’ils dénoncent
une activité, un sur-traitement [sic] ou une activité
illégale, la plupart ne gardent pas leur emploi ou
sont stigmatisés dans leur région parce qu’ils
[note ACDQ : les dentistes] se parlent entre eux
pour ne pas réengager cet hygiéniste-là. On en a des
cas d’espèce comme ça.
Alors je pense qu’il faut garder son indépendance
professionnelle, puis le cadre de la modernisation
de la profession, on l’a mentionné, la situation dans
laquelle est plongée l’hygiéniste dentaire, à l’emploi
du dentiste, c’est quand même une situation
exceptionnelle d’un professionnel envers un
autre, ce qui nuit à cette protection du public, nuit
ou met l’emphase sur le droit de gérance et
positionne l’hygiéniste dentaire dans un contexte
extrêmement difficile à cet égard-là. Donc le lanceur
d’alerte, à moins d’être indépendant sur le plan
professionnel, dans le contexte actuel, je vais prendre
vos solutions, parce qu’ils sont très difficiles.
Vous comprendrez que, même s’ils [note ACDQ :
les dentistes] n’ont pas des noms, les soupçons que
ça pourrait être un de nos membres qui ait pu lancer
une alerte à l’intérieur du cabinet… la relation
professionnelle de confiance est presque terminée
en soi. Alors, il y a l’hygiéniste dentaire qui quitte,
rarement le contraire. »
Décryptage :
Mme Duval insinue que les pratiques frauduleuses
sont monnaie courante et qu’il n’existe aucun recours
pour qu’un employé qui voudrait dénoncer ces
pratiques puisse le faire sans représailles. Elle laisse
entendre que les dentistes du Québec font
des traitements non requis et mènent des activités
illégales d’une gravité telle que les hygiénistes
qui constatent ces gestes deviennent l’équivalent
de « lanceurs d’alerte ». On notera aussi
l’affirmation selon laquelle il existerait des cas
de collusion entre les dentistes d’une même région
pour mener des représailles contre ceux qui
oseraient « parler ». Nous assisterions donc
à de l’intimidation et à des représailles concertées
par une organisation qui impose « l’omerta »
à ceux qui tenteraient de dénoncer des pratiques
frauduleuses et illégales. Mme Duval soutient
également que le lien d’emploi entre l’hygiéniste
et le dentiste nuit à la protection du public. Cette
affirmation, très grave, ne s’appuie sur aucune
donnée ni aucun fait réel et équivaut, selon elle,
à un constat d’incapacité de l’Ordre des dentistes
du Québec (ODQ) à remplir son mandat.
Modernisation
Mme Duval affirme :
« Je veux dire aux gens de la commission qu’on
a mis beaucoup l’emphase sur certains problèmes
qui ont été relevés dans le cadre de la commission
Charbonneau qui nous laissent entendre que
ça prend des mécanismes de surveillance plus
importants sur les ordres professionnels. Moi,
je vous dirais que, quand on transporte un dossier
comme celui du domaine buccodentaire sur la place
publique — dossier de modernisation — qui, il y
a 20 ans, a causé un imbroglio au cégep où je
travaillais où on a été pris entre l’employeur et
les dentistes à contrat dans cette histoire-là pour
laquelle l’Office des professions s’est déplacé au
cégep pour nous rencontrer en disant que ça allait
se régler incessamment… et bien on est 20 ans
plus tard.
Ça, le public n’est pas dupe. Quand on parle de
réputation et qu’on transporte sur la place publique
des débats dans l’intérêt du public qui ne se font
pas et qui, indirectement… Pour le public, c’est
vu comme un monopole professionnel et
du corporatisme. Ça, ça entache le système
professionnel québécois; et ça, on n’en parle pas
assez de ça. Moi, je vous dirais que s’il y a un dossier
qui doit se régler, et je sais qu’il y a une volonté que
ça se règle… mais les gens sont pas fous, les
publicités, ils les voient. La crédibilité des
membres à l’effet de protéger l’intérêt de ses
membres, des ordres de protéger l’intérêt de ses
membres, y’en font des déductions, y’ont pas besoin
d’une commission Charbonneau pour en faire. »
Décryptage :
Ce que Mme Duval qualifie d’« imbroglio » dans
le cégep où elle travaillait et auquel elle fait
allusion dans son audition, concerne sans doute
les décisions du Comité de discipline de l’Ordre des
hygiénistes dentaires du Québec (causes nos 19-2001-
00001, 02 et 03), dans lesquelles elle a été déclarée
coupable de sept chefs d’accusation pour avoir
notamment, à diverses occasions, refusé l’examen
préalable d’un dentiste avant l’intervention d’une
hygiéniste étudiante, « […] posant ainsi un acte
dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession
d’hygiéniste dentaire et contrevenant au Code des
professions ». Ces déclarations de culpabilité par
le Comité de discipline et les condamnations qui
y sont rattachées ont été confirmées par le Tribunal
des professions auprès duquel il y a eu appel (décision
no 550-07-000025-063).2
On ne sait pas non plus sur quoi est basée l’affirmation
selon laquelle « le public » perçoit les dentistes
comme un « monopole professionnel » pratiquant
« le corporatisme ». On sait cependant que, sondage
après sondage, année après année, le taux de
confiance et d’appréciation de la population québécoise
envers les dentistes se situe systématiquement
à 85 %.
La publicité qu’elle évoque est celle de l’ACDQ
(hiver 2016) qui affirme une réalité reconnue
— prescrite de surcroît par les lois en vigueur —
à laquelle Mme Duval semble s’opposer depuis déjà
20 ans : seul le dentiste peut faire un examen et
poser un diagnostic, ces deux actes médicaux étant
le préalable à toute intervention. C’est ce qui garantit
la qualité des soins buccodentaires, car protéger
l’intérêt public, c’est s’assurer que le public reçoit
les meilleurs soins dans le respect des compétences
de chacun. Il est vrai par ailleurs que Mme Duval
semble avoir certaines difficultés, dans ses propos
comme dans ses actions, à faire la distinction
entre le rôle d’une association qui défend l’intérêt de
ses membres et celui d’un ordre professionnel dont
la mission est de défendre le public.
Enfin, on constatera l’allusion à la Commission
Charbonneau avec tout ce que cette seule
association d’idées implique comme sous-entendus.