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CHAPITRE 1
LES CANCERS IMPUTABLES AUX DROGUES
INTRODUCTION
Chaque année, quelques 240000 nouveaux cas de cancers sont déclarés en France, si l'on se réfère
aux dernières statistiques disponibles de 1995. Néanmoins, on peut estimer qu'en 2000, ce nombre a
été plus proche de 250000 que de 240000. La répartition « hommes femmes » de ces nouveaux cas
est globalement de « 56% 44% ».
En France, l'incidence 1 comparée des principaux cancers est donnée dans le tableau I.1.1. 2
Tableau I.1.1 Incidence des cancers en France en 1995 selon la localisation et le sexe
Types de cancers Homme % Femme % Total %
Sein - - 34000
32,38%
34000
14,17%
Colo-rectaux 18000
13,33%
15000
14,29%
33000
13,75%
Prostate 26000
19,26%
- - 26000
10,83%
Poumon 19000
14,07%
3000
2,86%
22000
9,17%
Voies aéro-digestives 19250
14,26%
2750
2,62%
22000
9,17%
dont : - bouche et pharynx 11000
8,15%
1750
1,67%
12750
5,31%
- larynx 4000
2,96%
250
0,24%
4250
1,77%
- œsophage 4250
3,15%
750
0,71%
5000
2,08%
Vessie 8000
5,93%
2000
1,90%
10000
4,17%
Estomac 4500
3,33%
3000
2,86%
7500
3,13%
Lymphome non hodgkin 4000
2,96%
3000
2,86%
7000
2,92%
Rein 3500
2,59%
1500
1,43%
5000
2,08%
Cerveau et système nerveux 2500
1,85%
2000
1,90%
4500
1,88%
Endomètre - - 4500
4,29%
4500
1,88%
Mélanome 1500
1,11%
2500
2,38%
4000
1,67%
Leucémie 2250
1,67%
1750
1,67%
4000
1,67%
Foie 3000
2,22%
600
0,57%
3600
1,50%
Col de l'utérus - - 3000
2,86%
3000
1,25%
Pancréas 1750
1,30%
1250
1,19%
3000
1,25%
Ovaire - - 3000
2,86%
3000
1,25%
Thyroïde 750
0,56%
1750
1,67%
2500
1,04%
Myélome 900
0,67%
900
0,86%
1800
0,75%
Testicule 1800
1,33%
- - 1800
0,75%
Hodgkin 700
0,52%
400
0,38%
1100
0,46%
Autres 3 17600
13,04%
19100
18,19%
36700
15,29%
Total 135000
100,00
105000
100,00
240.000
100,00
D’un autre côté, les cancers ont été à l'origine de 143000 décès en 1995, dont 61% chez l'homme. La
mortalité par cancers est, en effet, plus importante chez l'homme que chez la femme. Ils sont la
deuxième cause de mortalité en France, après les maladies cardio-vasculaires - encore que des avis
de décès pour « arrêt cardio-pulmonaire » ont parfois, encore aujourd'hui, pour origine la volonté de la
famille de ne pas évoquer le mot cancer. Le tableau I.1.2 ci-dessous donne une répartition de la
mortalité par cancer.
1 L'incidence est la fréquence d'apparition des nouveaux cas de cancers par an et par pays. La prévalence signale le
développement de la maladie par rapport à l'incidence.
2 Données de 1995, dernières statistiques consolidées disponibles.
3 La catégorie « Autres » est construite par différence entre la ligne « Total » et la somme de l'ensemble des cancers (exceptée
la ligne « Autres »)
2
Tableau I.1.2 Mortalité par cancer dans les 5 ans
Types de cancers %
Pancréas 96%
Foie 95%
Œsophage 92%
Poumon 91%
Cerveau et système nerveux 82%
Estomac 79%
Myélome 72%
Ovaires 68%
Leucémie 66%
Bouche et pharynx 64%
Colo-rectaux 54%
Lymphome non hodgkin 53%
Rein 52%
Prostate 44%
Col de l'utérus 38%
Larynx 38%
Vessie 36%
Hodgkin 28%
Sein 27%
Endomètre 27%
Thyroïde 25%
Mélanome 24%
Testicule 10%
Tous cancers 59%
En terme de prévalence, en 2000, 620000 personnes (310000 hommes et 310000 femmes) étaient
suivies pour un cancer diagnostiqué moins de 5 ans auparavant (tableau I.1.3).
Tableau I.1.3 Prévalence des cancers en France en 2000
selon l’année de traitement ou de suivi
Année de traitement ou de suivi Nombre
Dans la 1° année 192000
Dans la 2° année 132240
Dans la 3° année 110640
Dans la 4° année 96409
Dans la 5° année 88009
Total en 2000 619298
Le tableau I.1.4 montre, quant à lui, que les cancers les plus prévalents à 5 ans sont le cancer du sein
(136000 cas), le cancer colo-rectal (91000 cas) et le cancer de la prostate (83000 cas).
Tableau I.1.4 Prévalence des cancers en France en 2000 selon le type de cancer
Types de cancers Homme % Femme % Total %
Sein - - 136000
47,21%
136000
21,74%
Colo-rectaux 49000
14,52%
42000
14,58%
91000
14,55%
Prostate 83000
24,59%
- - 83000
13,27%
Poumon 23000
6,81%
4000
1,39%
27000
4,32%
Voies aéro-digestives 46000
13,63%
6800
2,36%
52800
8,44%
dont : - bouche et pharynx 27000
8,00%
5000
1,74%
32000
5,12%
- larynx 14000
4,15%
1000
0,35%
15000
2,40%
- œsophage 5000
1,48%
800
0,28%
5800
0,93%
Vessie 27000
8,00%
7000
2,43%
34000
5,43%
Estomac 7000
2,07%
5000
1,74%
12000
1,92%
Lymphome non hodgkin 11000
3,26%
9000
3,12%
20000
3,20%
Rein 9000
2,67%
5000
1,74%
14000
2,24%
Cerveau et système nerveux 4000
1,19%
3000
1,04%
7000
1,12%
Endomètre - - 18000
6,25%
18000
2,88%
Mélanome 7000
2,07%
10500
3,64%
17500
2,80%
Leucémie 5000
1,48%
4000
1,39%
9000
1,44%
Foie 2750
0,81%
500
0,17%
3250
0,52%
Col de l'utérus - - 12000
4,17%
12000
1,92%
Pancréas 1500
0,44%
1000
0,35%
2500
0,40%
Ovaire - - 7000
2,43%
7000
1,12%
Thyroïde 3000
0,89%
7000
2,43%
10000
1,60%
Myélome 2250
0,67%
2000
0,69%
4250
0,68%
3
Testicule 8250
2,44%
- - 8250
1,32%
Hodgkin 2750
0,81%
1500
0,52%
4250
0,68%
Total 310000
100,00
309800
100,00
619800
100,00
1 Qu'est ce qu'un cancer ?
Un organisme humain est composé d'environ 60000 milliards de cellules. La juxtaposition de cellules
du même type forme un tissu qui a une fonction spécifique (e.g., le muscle, le foie, ...). Il existe 200
types de cellules différentes qui sont chacune capable de fonctions très diverses. Malgré ce nombre
exorbitant de cellules, un ordre rigoureux règne dans l'organisme humain. Les cellules sont soumises
à un renouvellement constant : régulièrement, une partie d'entre elles meurent, remplacées par de
nouvelles. Ainsi, au cours du temps, les tissus conservent leur forme et leur fonction respectives.
Le cancer provient d'un déséquilibre de ce renouvellement. Il est dû à la prolifération anarchique d'une
cellule « transformée », « anormale ». Cette prolifération échappe à l'homéostasie. Il faut noter que
cet événement reste rare : chez un homme de 50 ans, il est né environ 100 millions de cellules et ce
n'est que chez 1 individu sur 3 que l'une de ces cellules provoquera un cancer.
Ainsi, pour comprendre la maladie cancéreuse, il faut d'abord étudier la cellule et les mécanismes qui
président au contrôle de la division cellulaire. Le processus de cancérisation est dû à l'accumulation
d'événements génétiques (altérations du génome) qui induisent des modifications qualitatives
(mutation) ou quantitatives (amplification, i.e. augmentation du nombre de copies) de certains gènes
et donc des protéines qu'ils codent.
Le cancer résulte d'altérations géniques qui perturbent l'équilibre entre stimulation (accélérateur) et
inhibition (frein) de la prolifération cellulaire.
Une tumeur maligne provient d'une cellule qui a subi une altération de son génome et qui, par
divisions successives, donne naissance à un clone cellulaire (toutes les cellules possèdent cette
même altération) qui prolifère. Mais, au cours du développement de la tumeur, d'autres altérations
géniques s'accumulent. Ce phénomène est bien décrit dans le cancer du côlon où plusieurs étapes,
faisant intervenir différents gènes, ont été identifiées dans le processus qui fait évoluer un polype
bénin vers un cancer.
2 Le processus de cancérisation
Toutes les formes de cancer présentent la même caractéristique : la croissance anarchique et
ininterrompue de cellules anormales. En envahissant le tissu dans lequel elles se développent, les
cellules cancéreuses prennent l'apparence d'une excroissance locale : une tumeur primitive qui, dans
un premier temps, grossit et dissocie les tissus voisins. Dans un deuxième temps, les cellules
tumorales se répandent dans le sang et la lymphe, et vont former dans différentes parties du corps
des tumeurs secondaires ou métastases.
La cancérisation d'une cellule résulte du dérèglement des contrôles génétiques de la division
cellulaire. Elle est caractérisée par une grande instabilité génétique. Deux propriétés sont
responsables du développement d'une tumeur maligne :
§ multiplication intense et non contrôlée aboutissant à une tumeur qui envahit l'organe où elle
grossit,
§ capacité d'évasion pour aller coloniser d'autres sites et produire des métastases.
Une tumeur maligne est caractérisée par son hétérogénéité cellulaire et son évolutivité au cours du
temps :
§ des cellules sont engagées dans un cycle cellulaire (phase M, G1, S, G2) et se divisent,
§ d'autres ne se reproduisent pas et sont hors du cycle cellulaire (G0),
§ certaines cellules meurent.
4
On décrit différents compartiments cellulaires au sein de la tumeur :
§ la fraction proliférative : c'est le pourcentage de cellules qui sont dans le cycle cellulaire par
rapport à l'ensemble des cellules de la tumeur,
§ la fraction de cellules au repos : elle semble très variable d'une tumeur à l'autre (20 à 70%). Les
cellules au repos peuvent poser un problème thérapeutique car elles ne sont pas accessibles à
la grande majorité des médicaments cytotoxiques,
§ les pertes cellulaires : elles sont inévitables, soit par différenciation cellulaire au sein de la
tumeur (la cellule maligne va mourir), soit par insuffisance nutritionnelle (la plupart des tumeurs
ont une vascularisation insuffisante), soit par dissémination à partir de la tumeur.
L'ensemble de ces éléments détermine le temps de doublement de la tumeur. En fait, la courbe de
croissance tumorale est une courbe exponentielle (courbe de Gompertz) qui s'infléchit
progressivement en raison des pertes cellulaires imputables à 3 mécanismes :
§ apoptose,
§ insuffisance d'apport nutritionnel,
§ migration des cellules à l'origine des métastases.
D’un autre côté, une tumeur devient cliniquement décelable lorsque :
elle mesure 1 cm de diamètre environ,
elle contient 109 cellules soit 1 gramme,
elle est environ à son trentième doublement.
Toutes les tumeurs sont définies par une prolifération cellulaire anormale. Mais toutes les tumeurs ne
sont pas cancéreuses. C'est l'étude histologique et l'évolution qui permettent de différencier les deux
types de tumeurs.
Tableau I.1.5 Caractéristiques des tumeurs en fonction de leur dangerosité
Caractéristiques d'une tumeur bénigne Caractéristiques d'une tumeur maligne
Croissance lente et progressive Croissance rapide
Ne s'étend pas à d'autres parties de l'organisme Peut s'étendre au reste de l'organisme (elle métastase)
Ne récidive généralement pas après exérèse complète Peut récidiver après exérèse complète
Les noms des différents types de cancers se rapportent au type de la cellule dont ils dérivent. Par
exemple :
§ les cancers issus des épithéliums sont appelés carcinomes,
§ les cancers issus des tissus conjonctifs sont appelés sarcomes.
En hématologie les tumeurs sont parfois qualifiées de « liquides » par opposition aux tumeurs
« solides ». Elles se classent, pour l'essentiel en lymphomes, myélomes, leucémies.
D’autre part, un autre élément histologique est pris en compte dans l'étude des tumeurs malignes : la
plus ou moins grande ressemblance des cellules avec celles du tissu sain. Trois catégories sont ainsi
définies :
§ bien différenciée, si ces cellules ressemblent à celles du tissu d'origine,
§ peu différenciée, si la ressemblance avec le tissu d'origine est moins importante,
§ indifférenciée ou anaplasique, si elle ne présente aucun caractère permettant de reconnaître le
tissu d'origine.
Le développement d'un cancer comprend une extension locale (invasion) et une extension à distance
(métastase). L'extension locale est due à plusieurs propriétés des cellules cancéreuses :
§ leur capacité à se multiplier de façon anarchique (échappement aux contrôles de la prolifération
des cellules normales au sein des tissus ou organes),
5
§ leur capacité à infiltrer l'organe où elles se développent ; elles s'insinuent entre les cellules
saines du tissu, grâce à des enzymes protéolytiques qui digèrent le tissu de soutien qui donne à
l'organe son architecture normale.
La vitesse de croissance d'une tumeur est appréciée par son temps de doublement. Les tumeurs à
doublement rapide s'expriment de façon explosive et mettent rapidement la vie du patient en danger
(certains lymphomes et certaines leucémies). Elles sont volontiers plus sensibles à la chimiothérapie
et à la radiothérapie que les tumeurs à développement lent car il y a un plus grand nombre de cellules
engagées dans le cycle cellulaire. Ce développement rapide n'est donc pas nécessairement un signe
péjoratif.
Les cellules malignes essaiment dans l'organisme par les vaisseaux lymphatiques et/ou les vaisseaux
sanguins formant ainsi les métastases. En fait, les cellules cancéreuses détachées de la tumeur
primitive traversent la paroi des vaisseaux lymphatiques, se retrouvent dans les vaisseaux et vont être
véhiculées par la lymphe. Le courant lymphatique les conduit d'abord à des ganglions lymphatiques.
Ceux ci se conduisent comme un filtre mécanique et comme un organe immunitaire qui peut détruire
certaines cellules. Les cellules peuvent donc :
§ être détruites,
§ s'arrêter dans le ganglion et s'y développer pour donner un foyer tumoral secondaire qui pourra
à son tour libérer de nouvelles cellules pour aller plus loin,
§ traverser le ganglion sans s'y arrêter et aller plus loin.
Néanmoins, avec ou sans étape ganglionnaire, les cellules suivent le courant lymphatique et vont
ainsi rejoindre le courant sanguin. Après le relais lymphatique, ou directement à la périphérie de la
tumeur (après pénétration dans de petites veines), les cellules cancéreuses se retrouvent dans le
courant sanguin et envahissent les organes qu'elles vont rencontrer : ce sont les métastases
viscérales (ex : métastases hépatiques, etc.). L'existence de métastases est le critère absolu de
malignité en présence d'une tumeur primitive. Les métastases peuvent être occultes, i.e. non
décelables par le bilan d'extension. Un des objectifs de la chimiothérapie sera de les détruire. Dans
certains cas, ce sont les métastases qui révèlent la maladie, et parfois la tumeur primitive n'est pas
retrouvée.
3 Les facteurs de la cancérogénèse
Plusieurs types de facteurs cancérogenèse ont été mis en évidence. On recense principalement, les
(i) facteurs chimiques, (ii) les radiations, (iii) les facteurs viraux, (iv) les facteurs génétiques et (v) les
autre facteurs.
Parmi les produits chimiques, qui peuvent être initiateurs ou promoteurs, on retrouve :
§ le tabac : il provoque l'apparition de cancers du poumon (le taux de mortalité dû au cancer du
poumon est dix fois plus élevé chez les fumeurs), de la sphère ORL, de la vessie, du rein, du
pancréas, du col de l'utérus, etc.,
§ l'alcool : les grands buveurs, qui de plus fument, courent un danger bien plus grand de
contracter un cancer de la gorge que les gens sobres,
§ certains aliments : les nitrosamines et les nitrites de la viande et certains colorants sont
cancérigènes,
§ la pollution industrielle : les substances bitumeuses, les plastiques bruts, l'amiante sont
responsables de cancers de la plèvre et du poumon. Le chlorure de vinyle est responsable de
cancers du foie chez les travailleurs exposés.
Concernant les radiations, on retrouve principalement :
§ les radiations atomiques : elles peuvent causer des cancers, notamment des leucémies
(Hiroshima, Tchernobyl,...),
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