TROUBLES AUTO-IMMUNS
Maladies au cours desquelles le système immunitaire produit des auto-Ac contre un Ag endogène,
entraînant des lésions tissulaires.
Nous envisagerons ici les mécanismes immunologiques physiopathologiques sous-jacents aux
maladies auto-immunes (v. aussi TAB. 148-4).
Les aspects cliniques des différentes maladies sont présentés aux chapitres correspondants du
MANUEL.
Développement de la réponse auto-immune
Bien que la compréhension des mécanismes intimes précis de la réponse auto-immune soit
incomplète, le résultat d'une stimulation antigénique, qu'il y ait formation d'Ac, activation de
lymphocytes T ou tolérance, semble dépendre des mêmes facteurs pour les auto-Ag que pour les Ag
exogènes. Quatre mécanismes possibles de développement d'une réponse immunitaire aux auto-Ag
ont été reconnus :
1. des Ag cachés ou séquestrés (p. ex. substances intracellulaires) peuvent ne pas être reconnus
comme « soi » ; leur libération dans la circulation peut induire une réponse immunitaire. Ceci survient
dans l'ophtalmie sympathique avec libération traumatique d'un Ag normalement séquestré dans l'oeil.
L'auto-Ac ne peut pas, à lui seul, provoquer la maladie, car il ne peut se combiner avec l'Ag séquestré.
Par exemple, les Ac dirigés contre les Ag des spermatozoïdes ou du myocarde sont bloqués par la
membrane basale des tubes séminifères et la membrane des cellules myocardiques, respectivement.
Les lymphocytes T immunocompétents peuvent ne pas avoir de telles restrictions et produire des
lésions de manière plus efficace.
2. Les Ag du « soi » peuvent devenir immunogènes par altération chimique, physique ou biologique.
Certaines substances chimiques se lient avec des protéines de l'organisme et les rendent
immunogènes (comme dans l'eczéma de contact). Les médicaments peuvent produire des réactions
auto-immunes (v. HYPERSENSIBILITE AUX MEDICAMENTS, plus loin). La photosensibilité est un exemple
d'autoallergie d'induction physique : les rayons ultraviolets altèrent les protéines de la peau,
auxquelles le sujet devient allergique. Des Ag altérés biologiquement se rencontrent chez les souris «
New Zealand » qui présentent une maladie auto-immune semblable au LED, lors d'infections
persistantes par un virus à ARN connu pour se lier avec les tissus de l'hôte, les modifiant
suffisamment pour induire la formation d'Ac.
3. Des Ag étrangers peuvent induire une réponse immunitaire qui réagit de façon croisée avec les Ag
normaux du « soi », p. ex. la réaction croisée survenant entre la protéine streptococcique M et le
myocarde humain.
4. La production d'auto-Ac peut résulter d'une mutation des cellules immunocompétentes. Cela peut
expliquer les auto-Ac monoclonaux rencontrés parfois chez les malades ayant un lymphome.
5. Le phénomène auto-immun peut être un épiphénomène et la maladie être en fait le résultat d'une
réponse immunitaire à l'égard d'un Ag non reconnu (p. ex. un virus).
Il est probable que la réaction auto-immune soit normalement inhibée par l'action d'une population de
cellules T suppressives spécifiques. Chacun des mécanismes précédents pourrait être la cause, ou
être associé à un déficit en lymphocytes T suppresseurs. Une perturbation de la régulation de l'activité
des Ac par des Ac anti-idiotypes (Ac contre le site de l'association antigénique d'autres Ac) joue
peutêtre un rôle.
La contribution d'autres mécanismes complexes expérimentalement démontrables doit encore être
clarifiée. Par exemple, des adjuvants comme l'alun ou l'endotoxine bactérienne, bien que non
antigéniques, augmentent l'antigénicité d'autres substances. L'adjuvant complet de Freund, émulsion
d'un Ag dans une huile minérale avec des mycobactéries tuées par la chaleur, est souvent utilisé pour
déclencher une auto-immunité chez les animaux de laboratoire.
Des facteurs génétiques sont impliqués. Les parents de patients porteurs de maladies auto-immunes
ont souvent une incidence élevée du même type d'auto-Ac, et l'incidence des maladies auto-immunes
est supérieure chez les jumeaux homozygotes par rapport aux hétérozygotes. Les femmes sont plus
souvent atteintes que les hommes. Les facteurs génétiques semblent agir comme facteurs
prédisposants. Dans une population prédisposée, un certain nombre de facteurs environnementaux
peuvent provoquer une maladie ; dans le LED p. ex. il pourrait s'agir d'une infection virale latente, de
médicaments, ou d'une lésion tissulaire telle que celle provoquée par l'exposition aux rayons
ultraviolets. Une situation analogue existe pour le développement de l'anémie hémolytique à la suite
de facteurs environnementaux chez les sujets atteints d'un déficit en G6PD (v. Ch. 127), qui constitue
une anomalie biochimique génétique prédisposante.
Physiopathologie
Les mécanismes pathogéniques des réactions auto-immunes sont, bien souvent, mieux compris que
la façon dont se développent les auto-Ac. Dans certaines anémies hémolytiques auto-immunes, des
GR sont recouverts d'auto-Ac cytotoxiques (type II) ; le système du complément réagit avec ces
cellules recouvertes d'Ac comme il le fait pour des particules étrangères ainsi recouvertes, et
l'interaction du complément avec les Ac liés aux Ag de surface cellulaire aboutit à la phagocytose ou à
la lyse du GR.
Une affection rénale auto-immune peut résulter d'une réaction à médiation Ac (type II) ou d'une réaction à
complexes immuns (type III). Une réaction à médiation Ac de type II survient dans le syndrome de
Goodpasture, où l'atteinte rénale et pulmonaire est associée à la présence d'Ac anti-membrane basale
(v. Ch. 77). L'exemple le mieux connu de lésion auto-immune associée aux complexes solubles AgAc
(complexes immuns) est la néphropathie lupique (v. LUPUS ERYTHEMATEUX SYSTEMIQUE, Ch. 50 et plus
loin). Un autre exemple est la glomérulonéphrite membraneuse associée à des complexes immuns
contenant un Ag tubulaire rénal. Il n'a pas encore été prouvé que la glomérulonéphrite post-
streptococcique soit due, même en partie, à des Ac induits par le streptocoque et réagissant de façon
croisée.
Divers auto-Ac ainsi que d'autres maladies auto-immunes systémiques sont produits dans le LED (par
opposition aux maladies spécifiques d'organes). La présence d'Ac contre des éléments figurés du
sang rend compte de l'anémie hémolytique auto-immune (v. Ch. 127), de la thrombopénie et peutêtre
de la leucopénie ; les Ac anti-coagulants peuvent provoquer des troubles hémorragiques. Les Ac
antinucléaires concourent à la formation de dépôts de complexes AgAc non seulement dans les
glomérules, mais également dans les vaisseaux et la peau à la jonction dermo-épidermique. Des
dépôts synoviaux de complexes complémentfacteurs rhumatoïdes (FR)IgG agrégés se rencontrent
dans la PR. Le FR est habituellement une IgM (occasionnellement IgG ou IgA) avec une spécificité
pour un récepteur de la partie constante de la chaîne lourde d'une IgG autologue. Des complexes
complémentIgGFR peuvent également être trouvés dans les neutrophiles, où ils entraînent la
libération d'enzymes lysosomiales contribuant à la action inflammatoire articulaire. De nombreux
plasmocytes sont aussi présents dans l'articulation et peuvent synthétiser des Ac anti-IgG, de même
que des cellules T et des lymphokines dans les articulations atteintes, celles-ci pouvant contribuer au
processus inflammatoire. Le processus déclenchant les perturbations immunitaires est inconnu ; il
pourrait s'agir d'une infection bactérienne ou virale. Dans le LED, le faible taux sérique de complément
témoigne de l'extension des réactions immunologiques en cours ; à l'inverse de la PR, où le
complément sérique est normal, mais le complément intrasynovial abaissé.
Dans l'anémie de Biermer, des auto-Ac capables de neutraliser le facteur intrinsèque se trouvent dans la
lumière intestinale. Les auto-Ac contre la fraction microsomiale des cellules muqueuses de l'estomac
sont encore plus fréquemment retrouvés. Il est prouvé qu'une réaction auto-immune à médiation
cellulaire contre les cellules pariétales entraîne une gastrite atrophique qui, à son tour, diminue la
production de facteur intrinsèque mais permet encore l'absorption d'une quantité suffisante de
vitamine B12 pour éviter une anémie mégaloblastique. Cependant, si des auto-Ac contre le facteur
intrinsèque se développaient également dans la lumière intestinale, l'absorption de B12 cesserait et
une anémie de Biermer apparaîtrait.
La thyroïdite d'Hashimoto est associée à des auto-Ac contre la thyroglobuline, les microsomes des
cellules épithéliales thyroïdiennes, un Ag de la surface cellulaire thyroïdienne, et un deuxième Ag
colloïde. Les lésions tissulaires et finalement le myxoedème peuvent résulter de la cytotoxicité des Ac
antimicrosomes et de l'activité des lymphocytes T spécifiques. De faibles titres d'Ac sont également
retrouvés chez des malades ayant un myxoedème primitif, suggérant qu'il est l'aboutissement d'une
thyroïdite auto-immune méconnue. Une réaction auto-immune est également impliquée dans la
thyrotoxicose (maladie de Graves-Basedow), et environ 10 % des malades finissent par présenter un
myxoedème spontanément, dans un bien plus grand nombre de cas après thyroïdectomie. D'autres
Ac, spécifiques de la maladie de Graves-Basedow, sont appelés Ac thyréostimulants. Ils réagissent
avec les récepteurs de l'hormone thyréostimulante (TSH) de la thyroïde et ont le même effet sur la
fonction thyroïdienne que la TSH normale.
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