Changement climatique : problématique, manifestations et impacts sur le
secteur agricole au Nord-Ouest du Bénin
J. C. Hinvi
1
, R. C. Nonfon
2
et R. A. Dossou
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Résumé
L’étude vise à analyser les effets de changement climatique sur la production agricole et l'état
nutritionnel des femmes et des enfants de moins de cinq ans dans les départements de l'Atacora et de
la Donga. Le changement climatique est caractérisé par de profondes modifications du climat
regroupant l'accroissement des températures, la diminution des précipitations et les inondations. Les
pays en voie de développement en subissent plus les effets que les pays industrialisés, principaux
responsables du phénomène, en raison de leur faible capacid'adaptation. Dans les départements
de l'Atacora et de la Donga, le changement climatique se manifeste par le démarrage inattendu et
l'arrêt brutal des pluies, de longues poches de sécheresse, la variation spatio-temporelle des
précipitations et des inondations. Les projections à l'horizon 2050 indiquent un accroissement des
températures et une légère augmentation des précipitations. Le changement climatique affecte
négativement la production agricole et le revenu des agriculteurs. L'indice de production (base 100 en
2005), calcupour les céréales, l'igname et le coton montre une baisse généralisée de la production
agricole de 2004 à 2013 exception faite des années 2012 et 2013. Le disponible céréalier moyen est
de 173 kg/tête/an à l’échelle des deux départements contre une norme nationale de 205 kg/tête/an. Il
varie significativement (p = 0,000) d'une région à une autre. Il est de 170 kg/tête/an pour la région
Atacora-Ouest, de 118 kg/tête/an pour la Donga et de 259 kg/tête/an pour l’Atacora-Est. Il en résulte
un état de malnutrition aigue pour les femmes dont La proportion malnutrie est de 9% en période post-
récolte à 19% en période de soudure. Chez les enfants de moins de cinq ans, 27% sont malnutris,
42% en état de suralimentation et 31% en état nutritionnel normal en période post-récolte contre 26%
de malnutris, 22% en état de suralimentation et 52% en état nutritionnel normal en période de
soudure. Les stratégies d'adaptation et d'atténuation requièrent une batterie d'actions intégrées et
complémentaires relevant des domaines technique, institutionnel et organisationnel.
Mots clés: variabilité climatique, production agricole, disponible céréalier, agriculture
climato-intelligente, Bénin.
Introduction
Depuis 1990, le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat
(GIEC) attire l'attention de l'humanité sur les grands bouleversements climatiques qui
menacent la planète. Dans son troisième rapport, paru en 2001, il a montré que le
changement climatique est devenu une réalité incontournable et confirmé le rôle de
l’homme dans l'avènement des grandes modifications climatiques constatées au
1
Agro-économiste, Responsable Equipe Recherche-Développement Atacora Donga/INRAB, [email protected]
2
Agro-pédologue, Equipe Recherche-Développement Atacora Donga/INRAB, richardcnonfo[email protected]
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Agronome sélectionneur, Chef Service Animation Scientifique/INRAB, rado[email protected]
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cours de la seconde moitié du 20ème siècle. Qu'est-ce que le changement climatique?
Pourquoi le climat change-t-il? Quelles en sont les manifestations et les
conséquences sur le secteur agricole des départements de l'Atacora et de la Donga?
Quelles approches pour en minimiser les effets sur la production agricole au Nord-
Ouest du Bénin? C'est à une réflexion sur ces quelques questions de survie qu'invite
la présente communication. Elle présentera successivement la zone d'étude,
l'approche méthodologique, les résultats et quelques axes d'action pour optimiser les
performances des mesures d'adaptation.
1. Présentation de la zone d'étude
Les départements de l’Atacora et de la Donga sont situés au Nord-Ouest du Bénin
entre les parallèles 8°30’ et 11°30’ latitude Nord d’une part, les méridiens 0°45’ et
2°10’ longitude Est d’autre part. Ils étaient reconnus dans le passé comme une zone
de grande pauvreté (Floquet et Mongbo, 2009). L’Atacora est, au Bénin, le
département le plus affecté par la pauvreté d’existence (70,3 %) tandis que la Donga
(54,2%) pointe en quatrième position derrière l’Atacora, le Couffo (58,5%) et l’Alibori
(57,0%) (INSAE, 2003). Ces deux départements couvrent une superficie de 31625
km² (28 % du territoire national) dont 50 % de terres cultivables. Le relief à
dominance montagneuse est propice à la réalisation d’ouvrages hydrauliques à des
fins d’irrigation et d’abreuvement du bétail mais il est également le siège de grands
phénomènes d’érosion hydrique (CeRPA Atacora-Donga, 2010) et éolienne.
Le climat est de type soudano-guinéen avec deux saisons dont une sèche de mi-
octobre à mi-avril et une pluvieuse de mi-avril à mi-octobre. La normale des
précipitations se situe entre 1200 et 1300 mm dans la Donga contre 900 à 1000 mm
dans l’Atacora. Mais ces précipitations sont aujourd’hui soumises à d’importantes
variations qui soumettent parfois les productions végétales et animales à rudes
épreuves.
La végétation quant à elle est dominée par la forêt arborée, avec des essences
économiques comme le karité et le néré rencontrés un peu partout puis le baobab et
le rônier dans les zones érodés et arides de Matéri, Boukombé (dans l’Atacora) et
Ouaké (dans la Donga). L’agriculture y est la principale activité économique et
s’articule autour des céréales (maïs, riz, sorgho, mil, fonio), des légumineuses
(arachide, voandzou, niébé, soja), des racines et tubercules (igname, manioc,
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patate) et des cultures maraîchères (tomate, piment oignon, pomme de terre, gombo,
etc.).
2. Approche méthodologique
D'abord, une revue documentaire a consisté en la consultation des documents
disponibles sur le changement climatique, ses manifestations et leurs projections à
l'horizon 2100 dans le monde et au Bénin. Ensuite, à partir des statistiques de
production agricole du CARDER Atacora Donga, la production des céréales, de
l'igname et du coton au cours des dix dernières années a été analysée et leurs
impacts sur l'état nutritionnel des femmes et des enfants de moins de cinq ans ont
été évalués. Les données exploitées pour évaluer le disponible céréalier moyen par
ménage agricole proviennent de l'étude de férence du Projet d’Appui à la Sécurité
Alimentaire dans les Départements de l’Atacora et de la Donga, conduite en 2009,
auprès de 250 chefs d’exploitation agricoles dont 4,4 % de femmes dans 26 villages
dont 17 dans l'Atacora et 9 dans la Donga. L'état nutritionnel des femmes et des
enfants de moins de cinq ans a été évalué en exploitant les données
anthropométriques collectées sur 421 femmes et 690 enfants de moins de cinq ans
appartenant aux ménages enquêtés et ce en deux phases. La première phase, qui
correspond à la période d'abondance alimentaire, s'est déroulée du 25 mars au 10
avril. La seconde correspond à la période de soudure et a été exécuté en août. Les
données quantitatives et qualitatives collectées concernaient la santé des mères et
des enfants, les maladies fréquemment enregistrées chez les femmes et les enfants
du ménage au cours du mois précédent la période de l’enquête, le périmètre
brachial, l'âge, le poids et la taille des femmes et des enfants de moins de cinq (5)
ans du ménage enquêté.
Les paramètres évalués étaient :
le disponible céréalier, exprimé en kilogrammes de céréale disponible par tête
et par an, évalue la capacité de couverture des besoins céréaliers par
ménage. Il est constitué de la production domestique , des stocks initiaux, des
flux commerciaux (achats ventes) et des flux provenant des mécanismes de
solidarité (cadeaux reçus dons effectués).
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l'indice de masse corporelle calculé pour les femmes est le rapport
poids/taille²
l’émaciation évalué pour les enfants de 0 à 59 mois est le rapport poids/taille
enfants.
L'indice de masse corporelle et l'émaciation, exprimés en z-score, ont été comparés
aux valeurs de la norme de croissance d'une population de référence du Centre
National des statistiques de santé (NCHS) (OMS, 2006; de Onis et al., 2006; de Onis
et Yang, 2008).
Le tableur Excel et le logiciel SPSS ont été utilisés pour les différentes analyses.
3. Résultats et discussion
3.1 Le changement climatique à l'échelle planétaire
Problématique
La chaleur qui s'élève de la surface est en partie absorbée par les gaz et la vapeur
d'eau présents dans l'atmosphère. En l'absence de gaz à effet de serre que sont le
dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et l'oxyde nitreux (N2O), la plus grande
partie de la chaleur pénétrant dans l'atmosphère terrestre serait directement réémise
dans l'espace et la température moyenne de la Terre serait de -18 °C au lieu de 15
°C (Bourque, 2000). Au cours des 10 000 dernières années, la quantité de ces gaz à
effet de serre est demeurée relativement constante et a permis à la Terre de
conserver un climat relativement stable. La concentration de ces gaz a commencé à
grimper avec l'avènement de l'industrialisation, la hausse de la demande en énergie,
la croissance démographique et les changements dans l'utilisation du territoire
(Bourque, 2000). L'accroissement des concentrations de gaz à effet de serre
accentue l'effet de serre naturel et fait monter la température moyenne de la surface
du globe. Ce réchauffement de la planète (figure 1) induit des changements pour
l’ensemble des paramètres du climat car il déclenche une modification des
circulations atmosphériques et des autres sous-systèmes du système climatique
(GIEC, 2007).
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Figure 1 : Variations de températures dans le monde de 1906 à 2005 (ligne noire)
Le GIEC prévoit une aggravation du phénomène conduisant à un réchauffement
moyen global compris entre 1,4 et 5,8 °C, entre 1990 et 2100, en fonction
notamment des politiques mises en œuvre durant cette période.
Le réchauffement des températures ou toute modification des paramètres
climatiques engendre des impacts sur l’environnement et les activités socio-
économiques. En effet, l’agriculture, la foresterie, les écosystèmes, les
infrastructures, les pêches, la gestion de l’eau, le tourisme, la production et la
demande d’énergie en sont tous impactés. C'est pour cela qu'il faut s'en inquiéter
(MEPN, 2008) et donc s'ajuster. L’adaptation aux effets du changement climatique
s’est imposée ces dernières années comme une thématique politique et scientifique
importante (Boko et al., 2012). Basée sur des mécanismes d’anticipation et de
résilience, l’adaptation cherche à «gérer l’inévitable tandis que l’atténuation cherche
à éviter l’ingérable » (Tubiana et al. 2010).
Importance des sources des gaz à effet de serre
Les gaz à effet de serre proviennent de plusieurs origines (figure 2).
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