L’ALLERGIE A L’IODE N’EXISTE PAS Actualités thérapeutiques 07/12/2013 Dr Gwenaëlle VEYRAC Centre Régional de Pharmacovigilance Un grand nombre de patients se déclarent « allergiques à l’iode » Expression quotidiennement utilisée dans la pratique médicale Allergie est un mot à la mode pour désigner tout type de réaction Le terme « allergie à l’iode » recouvre pour le public des réactions aux poissons ou crustacés, des réactions aux antiseptiques iodés et/ ou des réactions aux produits de contraste iodés Ceci aboutit à des prises de décisions arbitraires, injustifiées, souvent préjudiciables au malade lors d’actes chirurgicaux ou radiologiques. Anaphylaxie (Johansson, Allergy 2001) Ou réaction d’hypersensibilité allergique immédiate grave Ou réaction d’hypersensibilité allergique immédiate -IgE cellulaires et/ou sériques spécifiques Histaminolibération non spécifique Ou réaction d’hypersensibilité non allergique -absence IgE cellulaires et/ou sériques spécifiques -fonction du médicament et/ou du patient Qu’entend-on par « hypersensibilité » ? Hypersensibilité Hypersensibilité allergique Mécanisme « immunologique » Hypersensibilité non allergique Mécanisme « non immunologique » Effet toxique ou pharmacologique Allergie IgE médiée Allergie non IgE médiée Allergie aux PCI Epidémiologie 70 000 000 injections par an dans le monde Incidence globale des réactions immédiates plus basse avec les PCI non ioniques (0,7 à 3,1 %) qu’avec les ioniques (3,8 à 12,7%) Incidence des réactions graves et mortelles : identique ou moins élevée selon les études avec les PCI non ioniques Décès : 1 pour 100 000 injections à 1 décès pour 300 000 Nouveaux produits moins fréquemment en cause Rappel : atome d’iode permet l’absorption des rayons X en raison de sa masse atomique élevée Hypersensibilité non allergique relève des effets toxiques et pharmacologiques des PCI parmi lesquels figurent l’histaminolibération non spécifique modulée par la vitesse d’injection et la concentration du médicament et l’aptitude du patient à libérer de l’histamine. Possibilité de prémédication par anti-H1 Hypersensibilité allergique immédiate dans un délai en minutes ou secondes après injection IV Clinique : classification de Ring et Messmer avec les 4 stades Aucune prémédication n’est efficace pour prévenir l’anaphylaxie Pratiques courantes : Un traitement symptomatique Dosages histamines tryptases non faits Test cutanés non réalisés Médicaments iodés, aliments iodés : contre-indication Prescription d’une prémédication : fausse sécurité Patient étiqueté « allergique à l’iode » Mais l’allergie à l’iode n’existe pas ! Épitope impliqué et mécanisme de sensibilisation avec les PCI L’épitope ou déterminant antigénique est une séquence peptidique située à la surface d’une molécule d’antigène capable de se lier à la partie de l’anticorps correspondant ou paratope. L’épitope ne correspond pas à l’atome d’iode L’épitope pour les PCI n’a pas été identifié mais il ne correspond pas à la molécule d’iode Si c’était l’atome d’iode, il devrait exister une sensibilisation cutanée croisée entre tous les PCI ionique et non ionique, ce qui n’est pas le cas. Aucune réactivité croisée avec la povidone iodée type Bétadine® ou le lugol n’a été retrouvée alors qu’ils ont en commun un atome d’iode L’allergie de type immédiat à l’iode n’existe pas Tous les produits de contrastes ne contiennent pas d’iode (gadolinium, SONOVUE®), cependant , tous imputés dans des réactions d’anaphylaxie. Toutes réactions pendant un examen radiologique n’est pas une réaction allergique. Les réactions allergiques à un PCI sont potentiellement létales : nécessité de la signaler dans le dossier du patient si et seulement si elle est prouvée Parce qu’un examen radiologique non fait sur un simple principe de précaution est une perte de chance pour le patient Donc il faut faire une enquête allergologique pour infirmer ou affirmer l’allergie à un PCI pas à l’iode La pseudo-allergie à l’iode crée des difficultés de prise en charge pour les explorations radiologiques en urgence ou programmée. C’est au moment de l’accident que l’on gère : le diagnostic et le futur du patient Diagnostic : dosage histamine et tryptase, IgE technique non validée pour les PCI Bilan cutané : connaître impérativement le nom du PCI Prick-test, IDR Recherche d’une sensibilisation croisée Les tests permettent : identification du PCI, éviction avec carte d’allergique, sensibilisation croisée et PCI autorisés pour un éventuel examen ultérieur. Prémédication systématique devrait être abandonnée Conseils utiles Quand un patient prend RDV pour un examen avec injection Ø Ne pas demander s’il est allergique Ø Ne pas demander s’il supporte l’iode Ø Lui demander s’il a subi un examen avec injection ? Ø Et si l’examen s’est bien déroulé ? è A éviter : est-il survenu un incident ? Conclusion : l’allergie à l’iode n’existe pas l’allergie aux produits de contraste iodés existe Aucun bilan prédictif ne doit être réalisé Seule une réaction de grade I à IV doit conduire à demander une exploration allergologique Patients allergiques aux produits de la mer Une allergie aux produits de la mer ne contre-indique pas la prise d’un médicament iodé. Les allergènes des poissons appartiennent à la famille des parvalbulmines qui sont des protéines musculaires. L’allergène majeur des crustacés et des mollusques est la tropomyosine Il existe des allergies croisées entre crustacés et mollusque mais pas avec les poissons Il est nécessaire de pratiquer une enquête allergologique avant de noter dans le dossier « allergique à tel poisson ou fruit de mer » Même si 40% des médecins contre-indiquent un PCI chez un patient présentant une allergie documentée à un produit de la mer, elle n’est pas fondée car il n’y a aucune communauté antigénique entre les produits de la mer et les PCI Allergie aux antiseptiques iodés, pas une allergie à l’iode Cette classe est largement utilisée Principal produit : polyvinylpyrrolidone iodée ou polyvidone iodée (Bétadine®, Povydone iodée Mylan) L’iode est retenu à 99% par un complexe, polyvidone (PVP), polymère de haut poids moléculaire. La PVP-I entraîne différents types d’effets cutanés. Allergie aux antiseptiques iodés, pas une allergie à l’iode • Dermites d’irritation: pouvant être confondues à tort avec des réactions allergiques Conseils : il faut seulement les utiliser en les diluant davantage ou en les rinçant mieux • Eczémas de contact : hypersensibilité retardée • Urticaires de contact : signes cutanés et respiratoires. Epitope semble être la povidone Molécule qui supporte l’atome d’iode qui est en cause La plupart des réactions allergiques à ces antiseptiques sont de type retardé Elles sont attribuées aux nonoxynols (conservateur) ou à la povidone Cas exceptionnels de réaction immédiate à la povidone iodée ont été décrits. La réaction doit être attribuée à l’antiseptique responsable et des allergies croisées doivent être dépistées A noter que le TELEBRIX HYSTERO® contient de la povidone. PAS DE REACTIONS CROISEES !! Poisson, fruits de mer Antiseptiques iodés PAS DE REACTIONS CROISEES Produits de contraste iodés L’iode est un élément indispensable à la vie : poissons, crevettes, brocoli L’iode est un oligoélément que nous consommons quotidiennement dans le sel. L’iode est indispensable à la synthèse des hormones thyroïdiennes. On doit en absorber au moins 150 µg par jour Cet halogène est présent en très grande quantité dans certains additifs alimentaires provenant des algues marines utilisés comme épaississants et gélifiants. La plupart des malades qui ont présenté un accident de type « allergique » à un PCI ont ultérieurement absorbé de l’iode à leur insu : en mangeant une crème glacée, non contre-indiquée chez ces patients ! Il n’y a pas de cas publiés d’anaphylaxie à l’iode 131 ou au lugol pour les explorations de thyroïde ni de cas décrits d’urticaire aéroportée en bords de mer, réputées pour leur atmosphère iodée. Médecine : PCI, antiseptiques iodés, amiodarone, solution de lugol, iode radioactif en cas de catastrophes nucléaires Conclusion En pratique Allergie à l’iode â non-sens médical Impact potentiel sur la prise en charge du patient avec perte de chance, prises de décisions médicales arbitraires et inappropriées Analyser toute déclaration d’allergie faite par le patient Ne pas globaliser : pas d’allergie aux PCI mais à un produit précis Préciser la nature allergique par enquête, si prouvée, donner une carte et produits de substitutions à tests négatifs à déterminer En cas d’accident nucléaire : pas d’allergie à l’iode Take Home Message L’allergie à l’iode n’existe pas