FICHE PRATIQUE Réfraction #1 Avec la nouvelle loi autorisant les opticiens à adapter les prescriptions, la réfraction est en passe de (re)devenir une activité quotidienne. Varilux University, centre de formation d’Essilor International, vous propose d’en revisiter les techniques de base dans une série d’articles à paraître au fil des numéros de votre magazine Bien Vu. Ces articles sont des extraits du Cahier d’Optique Oculaire “Réfraction Pratique” que Varilux University s’apprête à publier. Le questionnement préliminaire Avant tout examen de la réfraction, il est nécessaire de procéder à l’historique de cas (ou anamnèse) détaillée du client afin de prendre connaissance des symptômes qui l’ont motivé à consulter. Le recueil de ces informations est très précieux et permettra d’orienter l’examen de vue de façon ordonnée. En premier lieu, cherchez à comprendre les raisons de sa visite, par quelques questions ouvertes, comme : Quelle est la raison de votre visite ? De quel problème visuel vous plaignez-vous ?… Faites lui préciser ensuite, le problème visuel et, en particulier : - la nature exacte : fatigue visuelle, vision floue, vision double ?... - la distance à laquelle il est géné : de loin, à mi-distance, de près, sur les côtés ?... - les circonstances : lecture, travail sur écran, conduite ?... - le moment et la fréquence d’apparition : le matin, le soir, par intermittence, en permanence ?... - les conditions d’éclairage : en lumière intense, sous faible éclairage, en vision de nuit, sensibilité à l’éblouissement ?... - la date et le mode d’apparition : quand est-ce arrivé, était-ce la première fois, est-il apparu brutalement, progressivement ?... - l’évolution du problème : le problème s’est-il amélioré, aggravé, quelle solution le patient a-t-il trouvées pour le soulager ? - etc. Au cours de cet entretien, vous pourrez reformuler les réponses de l’amétrope et, au besoin, utiliser quelques questions fermées ou demandez des exemples pour vous faire préciser ces réponses. Outre l’état civil, il est ensuite nécessaire de prendre connaissance de l’historique de correction et plus particulièrement des caractéristiques de l’équipement précédent : soit par son dossier ou une information donnée par le patient, soit par la mesure de la correction optique portée. L’historique de cas : un premier contact essentiel 64 BIEN VU N° 145 MAI 2007 Par ailleurs, il est indispensable de connaître l’usage qui sera fait de la correction optique, en particulier pour quelles activités. Il est possible de se les faire préciser par quelques questions : - Sur l’activité professionnelle : description de l’activité, distance de travail, station au travail, éclairage, ambiance, degré d’attention, durée de la tâche etc… - Sur les activités de loisirs : sport, lecture, bricolage, conduite, télévision, musique, peinture, couture etc… L’idéal pour les cas particuliers et d’être en mesure de simuler les conditions de vision de la situation la plus fréquente, celle du poste de travail ou de l’activité de loisir principale par exemple. Enfin, il est aussi important de s’enquérir de toute particularité qui pourrait affecter la vision du client, par quelques questions sur sa santé oculaire, comme : les antécédents visuels familiaux, maladies oculaires rencontrées, opérations chirurgicales subies, séances de rééducation suivies… ou sur sa santé générale : diabète, hypertension artérielle, allergies, traumatismes, etc. Recueillir l’historique de cas, est de première importance. La rigueur et le sérieux avec lesquels ce premier entretien sera mené, mettront le client en confiance pour la suite de l’examen. Analyse d’un cas Tout au long de cette série des Fiches Pratiques Réfraction nous suivrons le cas de Pierre, qui nous consulte aujourd’hui pour la première fois. Nous l’écoutons tout d’abord nous exprimer spontanément son problème visuel Pierre : “Depuis quelques temps, j’ai l’impression de ne plus bien voir avec mes lunettes, je fatigue en travaillant à l’écran, suis obligé de m’éloigner pour lire. Je crois que ma vue a encore baissé et que mes verres ne sont plus suffisants”. Puis nous lui posons quelques questions générales L’opticien : “Votre problème de vision semble être localisé en vision de près, mais que se passe t’il quand vous regardez de loin ?” Pierre : “Tout va bien j’ai toujours eu une assez bonne vue de loin, je peux même me passer de mes lunettes. C’est pour lire que ça ne va plus” Nous vérifions son équipement précédent L’opticien : “De puis quand avez-vous ces lunettes ?” Pierre : “A peu près 2 ans, je pense. Elles ne semblent plus être suffisantes” L’opticien : “Puis-je me permettre de vous demander votre âge ?” Pierre : “54 ans” L’opticien : “C’étaient vos premières lunettes ?” Pierre : “Oui, je n’en avais jamais eu besoin avant” Puis nous mesurons sa correction et trouvons Verres progressifs OD : +0.50 (-0,25) 85° OG : +0.75 (-0,50) 95° Addition 1.50 Nous nous intéressons ensuite à ses activités… L’opticien : “Quelle est votre profession ?” Pierre : “Je suis architecte” L’opticien : “Qu’avez-vous à lire ou à regarder dans votre activité ?” Pierre : “ Je travaille beaucoup sur écran, mais aussi sur des plans et je me déplace très régulièrement sur mes chantiers” L’opticien : “Pouvez-vous me décrire plus précisément votre travail sur écran ?” Pierre : “ J’ai un grand écran situé à peu près à cette distance (Pierre décrit un écran situé à bout de bras) avec beaucoup de petits détails à regarder. Ca va avec mes lunettes mais je dois tout le temps relever la tête maintenant” L’opticien : “Et dans vos loisirs, vous avez des besoins de vision particuliers ?” Pierre : “Ma passion c’est le golf et là pas de problème !” … puis à ses antécédents de santé oculaire L’opticien : “Avez-vous connu des problèmes oculaires particuliers ?” Pierre : “Non, rien de spécial” L’opticien : “Et dans votre famille, rien de particulier non plus ?” Pierre : “Non, pas que je connaisse au moins, juste des lunettes pour lire” Pour toute information sur Varilux University et ses stages de formation : www.varilux-university.org Le commentaire : Pierre est le cas typique d’un “emmétrope” devenu presbyte qui décompense une hypermétropie et dont l’astigmatisme est inverse (axe cylindre moins proche de 90°). Il a été équipé d’un premier progressif d’addition 1.50, relativement élevée pour une première correction, preuve qu’il est venu s’équiper tardivement, probablement vers l’âge de 50 ans (on peut généralement doubler la durée indiquée par le patient !). Son problème de vision est tout à fait classique, il faudra juste surveiller la bonne correction de son hypermétropie afin de ne pas sur-évaluer son addition, d’autant plus que son travail d’architecte sollicite beaucoup sa vision de près et sa vision intermédiaire (écran). A suivre… Prochain article : Mesures préliminaires FICHE PRATIQUE Réfraction #2 Nous poursuivons, en collaboration avec Varilux University, notre série d’articles sur les techniques de base de la réfraction. Après notre première fiche consacrée au “Questionnement préliminaire”, nous nous intéressons aux “Mesures préliminaires”. Les mesures préliminaires L a première étape de tout examen de vue consiste en quelques mesures préliminaires simples. Elles permettent d’identifier et d’objectiver le problème visuel du sujet mais aussi d’observer très attentivement son comportement. On y évalue la performance visuelle du sujet en vision de loin, ses capacités de lecture et son comportement en vision rapprochée puis on recherche son œil préféré et l’on procède enfin à un dépistage d’éventuelles anomalies de la vision binoculaire. La distance habituelle de lecture variant d’un sujet à l’autre, on mesure la distance œil-texte à laquelle le sujet se place spontanément. On la compare à la distance dite “de Harmon”, qui sépare l’extrémité du coude de la pince formée par le pouce et l’index (voir figure). Cette donnée morphologique correspond en général à la distance de lecture ; tout sujet doit pouvoir y lire confortablement. On observe si le patient lit naturellement en deçà ou au-delà de cette distance. On mesure l’acuité visuelle sur une échelle de lettres placée à 4 ou 5 m, œil par œil puis les deux yeux ouverts. Le sujet lit les lettres à haute voix. Il a souvent tendance à s’arrêter dès la première difficulté. Il est alors important de l’inciter à poursuivre en lui demandant, par exemple, “et sur la ligne suivante, que pouvez-vous lire ?”. On considère comme acuité obtenue toute ligne sur laquelle 3 lettres sur 5 sont reconnues. (© Essilor International) Performance visuelle en vision de loin : de petite taille, on mesure la distance à laquelle le sujet ne peut plus voir nettement puis, en reculant la cible, la distance à laquelle il peut à nouveau la voir nettement : leur position ne doit différer que de 1 à 2 cm. Cette mesure est faite séparément sur chaque œil et éventuellement en vision binoculaire. - le punctum proximum de convergence : à l’aide d’un stylo lampe que l’on fait fixer au sujet et rapproche progressivement, on mesure la distance à laquelle un œil lâche la fixation (bris) et lequel. Puis, en reculant le stylo lampe, on mesure la distance à laquelle l’œil reprend la fixation (recouvrement). La norme est : bris entre 5 et 10 cm, recouvrement entre 10 et 15 cm; si bris au-delà de 20 cm, il y a insuffisance de convergence. Œil préféré Tout comme il est droitier ou gaucher, tout sujet possède le plus souvent une préférence pour un œil ou l’autre ; il est Distance de lecture et distance de Harmon important de la connaître. Pour cela, on peut utiliser le Capacités de lecture CheckTest™ * : on demande au Capacités et distance : les 2 yeux ouverts, de d’accommodation et de sujet, Sur un test de lecture tenu en viser une cible située à distance mains par le sujet, on évalue ses convergence en vision et de la centrer dans l’ouverture capacités de lecture par les plus rapprochée : circulaire du test (figure). L’œil petits caractères qu’il puisse “préféré” est celui pour lequel Il est essentiel de les vérifier. deviner. On note le plus petit la cible reste la mieux centrée Pour cela on recherche : paragraphe lu sans oublier de lors du masquage d’un œil puis - le punctum proximum préciser à quelle distance. Par de l’autre ; il pourra d’accommodation : en exemple “lit Parinaud 2 à 40 cm”. correspondre ou non à la rapprochant une cible 88 BIEN VU N° 146 JUIN 2007 (© Essilor International) latéralisation manuelle du sujet. On débutera la réfraction par l’œil non préféré afin d’entrainer le sujet sur cet œil avant de procéder à la réfraction de l’œil préféré. Détermination de l’œil préféré avec le CheckTest™ * Dépistage d’anomalies de la vision binoculaire Pour cela, on procède aux tests suivants : - Vérification de la fusion à l’aide du filtre rouge : l’objectif est d’évaluer la solidité de la fusion du sujet en présence d’une dissociation partielle des images des 2 yeux. Le sujet regarde un point lumineux placé à distance et on intercale un filtre rouge devant l’un des yeux. Si la fusion est bonne, le sujet ne voit qu’un seul point de couleur rose. Si elle est faible, il voit soit 2 points, l’un blanc et l’autre rouge, soit un seul point, blanc ou rouge si l’un des 2 yeux neutralise. - Dépistage des hétérophories ou tropies par le test du masquage : l’objectif est de dépister si le sujet a une déviation latente dont la Nous mesurons son acuité visuelle de loin, en obturant un œil puis l’autre à l’aide d’un “masqueur” (de préférence translucide afin d’éviter de plonger l’œil dans l’obscurité et de pouvoir en observer le comportement). En insistant pour que Pierre devine les lettres, nous obtenons avec sa correction : OD : 10/10, OG : 8/10. Les deux yeux ouverts nous atteignons 12/10, confirmation que son acuité binoculaire est supérieure à la meilleure de ses acuités monoculaires. Ses capacités de lecture sont bonnes mais à une distance clairement inconfortable : il peut déchiffrer Parinaud 1,5 mais seulement à 45 cm et avec effort, confirmation que son acuité visuelle est bonne : nous pouvons l’évaluer à environ 12/10 par le rapport de la distance à laquelle il lit P1,5 (45 cm) et la distance pour laquelle ce paragraphe correspond à 10/10 (37 cm). Avec une cible de quelques petites lettres, nous vérifions ses capacités d’accommodation et trouvons, pour l’OD comme pour l’OG, son proximum d’accommodation à environ 40 cm soit 2,50 dpt. Ses capacités de convergence ne posent pas de problème : en rapprochant le stylo-lampe on note que l’œil gauche lâche la fixation à 8 cm et la reprend à 12 cm. Nous connaissons sa distance de travail sur écran (environ 65 cm) mais ignorons sa distance habituelle de lecture. Nous mesurons sa distance de Harmon et trouvons 42 cm. Sa correction de vision de près est La pratique de ces mesures préliminaires apporte généralement de nombreuses informations et permet, le plus souvent, de comprendre la plainte du sujet avant de passer à l’examen de la réfraction proprement dit. * disponible gratuitement auprès de Varilux University Analyse d’un cas Nous poursuivons l’analyse du cas de Pierre commencée dans notre article précédent. compensation peut lui poser problème. Le sujet fixe une cible, on place un “masqueur” devant un des 2 yeux et le retire rapidement : si l’œil démasqué se ré-aligne sur la cible, le sujet est eso ou exophore, en fonction du sens du mouvement de refixation. Si l’œil reste immobile, le sujet est orthophore, sauf si l’œil démasqué reste en position déviée et qu’il se ré-aligne sur la cible quand on place le masqueur sur l’autre œil (exo, eso, hypo ou hypertropie). insuffisante puisqu’elle ne lui permet pas de lire confortablement à cette distance. Pour déterminer son œil préféré nous lui tendons le CheckTest™ qu’il prend de la main droite (Pierre est droitier) et lui demandons les 2 yeux ouverts de centrer, dans l’ouverture circulaire, un optotype situé à distance. “Masqueur” placé sur l’OG, l’optotype reste quasiment centré ; “masqueur” sur l’OD, il s’excentre : l’œil préféré de Pierre est le droit, on débutera donc la réfraction par son œil gauche. Enfin, le dépistage d’anomalies de la vision binoculaire ne révèle rien de particulier : au filtre rouge, Pierre voit un seul point rose, plus rouge quand le filtre est placé sur l’œil droit (donc son œil dominant). Au test du masquage en VL, on observe un léger mouvement Pour toute information sur Varilux University et ses stages de formation : www.varilux-university.org du nez vers la tempe (=légère ésophorie) et un mouvement inverse en VP (=exophorie). Le commentaire : Les mesures préliminaires nous confirment ce que nous anticipions déjà lors du questionnement préliminaire : Pierre nous consulte essentiellement pour un problème de vision de près même si sa vision de loin ne semble pas parfaitement corrigée. Il ne présente pas, par ailleurs, de problème particulier comme nous le confirment les différents tests pratiqués. A suivre… Prochain article : Recherche de la sphère FICHE PRATIQUE Réfraction #3 Nous poursuivons notre série d’articles sur les bases de la réfraction en collaboration avec Varilux University. Nous nous intéressons cette fois à la “Recherche de la Sphère” et commençons ainsi la réfraction proprement dite. Recherche de la sphère Pour la recherche de la sphère, on utilise la méthode dite “du brouillard” : celle-ci consiste à myopiser le sujet - c’est dire à placer devant l’œil muni de la correction initiale, un verre de puissance positive de manière à déplacer l’image rétinienne en avant de la rétine – et à réduire progressivement la valeur de ce brouillard jusqu’à ramener l’image sur la rétine. Cette méthode plonge le patient dans le flou et, ce faisant, vise à lui faire relâcher son accommodation (qui si elle était mise en jeu provoquerait alors un flou plus important). La détermination de la sphère se fait œil par œil, en commençant par l’œil non préféré, de manière à entraîner le patient sur cet œil et s’assurer de sa parfaite compréhension et coopération pour la détermination de la réfraction de son œil préféré. On procède comme suit : 1) Placer la correction initiale (réfraction objective ou ancienne prescription) devant l’œil du patient et mesurer son acuité visuelle. 2) Brouiller le sujet en ajoutant +1.50 D à la correction de départ afin de faire chuter l’acuité visuelle à environ 1/6, c’est à dire en dessous de 2/10 (figure 1) : A. si l’acuité est supérieure à 1/6, la correction initiale était probablement insuffisamment convexe ; brouiller alors de +0.50 D supplémentaire (soit +2.00 D). B. si l’acuité est inférieure à 1/6, la correction initiale était probablement insuffisamment concave ; commencer à débrouiller. 100 BIEN VU N° 148 SEPTEMBRE 2007 Figure 1 (© Essilor International) L Principe de la méthode du brouillard Brouillard de +1.50 D : acuité de 1/6 Figure 2 (© Essilor International) a détermination de la réfraction subjective, ainsi dénommée car elle fait appel à l’intervention du sujet, est le plus souvent réalisée à partir d’une “correction initiale” : mesure objective à l’auto-réfractomètre ou ancienne prescription. Elle consiste à rechercher, dans un premier temps, la puissance de la sphère correctrice puis, dans un deuxième temps, l’axe et la puissance du cylindre correcteur. Brouillard de +0.75 D : acuité de 1/3 3) Débrouiller progressivement par pas de -0.25 D et vérifier que l’acuité progresse : en théorie, chaque débrouillage de -0.25 D doit faire progresser l’acuité d’un échelon sur l’échelle des acuités en inverses (règle dite “de Swaine”) selon la séquence idéale suivante : Sphère de Brouillage +1.50 D +1.25 D +1.00 D +0.75 D +0.50 D +0.25 D Acuité en inverses 1/6 1/5 1/4 1/3 1/2 1/1 Acuité décimale 0.16 =1.6/10 0.2 = 2/10 0.25 = 2.5/10 0.33 = 3.3/10 0.5 = 5/10 1.0 = 10/10 Relation entre brouillage et acuité visuelle Amétropie estimée Sph -1.50 D Sph -1.25 D Sph -1.00 D Sph -0.75 D Sph -0.50 D Sph -0.25 D Au cours du débrouillage : - Si l’acuité ne progresse pas lors d’un débrouillage de -0.25 D (voire même régresse), il est probable que le patient ait accommodé de 0.25 D (ou plus). Dans ce cas, attendre quelques secondes pour laisser la possibilité au patient de relâcher son accommodation - La valeur de l’acuité permet à tout moment d’estimer la sphère de brouillage en place et donc l’amétropie du sujet selon la règle simple : amétropie = valeur sphère – 0.25 D / Acuité (voir tableau). Par exemple, avec une acuité d’environ 1/3 soit 3.33/10, la sphère de brouillage est de +0.75 D et l’amétropie peut être estimée à la sphère en place -0.75 D (cas de la figure 2). 4) Continuer à débrouiller jusqu’à ce que l’acuité visuelle atteigne un maximum et y plafonne : l’acuité visuelle atteint un palier et la sphère une valeur dite de “sphère de palier ». Noter qu’à la fin du débrouillage, les 2 derniers pas ont un effet très significatif sur l’acuité visuelle puisque celle-ci passe de 5/10 à 10/10 en 2 pas de débrouillage de -0.25 D. 5) Retenir la sphère la plus convexe donnant l’acuité visuelle maximale, ce afin d’éviter que l’image rétinienne ne passe en arrière de la rétine et que la suite de l’examen puisse être perturbée par l’accommodation du sujet. Analyse d’un cas Nous poursuivons l’analyse du cas de Pierre commencée dans les articles précédents. Puisqu’il a une préférence pour son œil droit, nous commençons la réfraction par l’œil gauche. Nous masquons donc l’œil droit, plaçons son ancienne correction devant l’œil gauche - sur le réfracteur ou la lunette d’essai - soit : +0,75 (-0.50) 95° et mesurons son acuité visuelle : elle atteint juste 8/10. Nous introduisons un verre de puissance +1.50 D par-dessus sa correction, Pierre se plaint que tout est brouillé. Nous insistons pour qu’il essaye de deviner les “grosses lettres” et découvrons qu’il peut en fait déchiffrer plus de la moitié des optotypes de la ligne d’acuité 3/10 : son acuité est supérieure à 2/10, la sphère de brouillage est insuffisante. Nous ajoutons alors +0.50 D, en remplaçant la sphère de +1,50 D par +2.00 D, et parvenons cette fois à faire chuter l’acuité en dessous de 2/10. Nous pouvons alors commencer à débrouiller en réduisant, très progressivement, la sphère par pas de -0.25D. A chaque débrouillage, nous insistons en lui demandant “et sur la ligne suivant quelles lettres pouvezvous deviner ?”, pour vérifier que l’acuité progresse. Au premier pas de -0.25 D (soit +1.75 D de brouillage), l’acuité atteint de 2/10, avec -0.50 D (soit +1.50 D) elle monte à 2.5/10. Après 3 pas de débrouillage (soit +1.25 D), Pierre peut lire la ligne 3.33/10 soit 1/3: nous anticipons une “sphère de palier” de +1.25 – (3 x -0.25) = +0.50 D par rapport à sa correction initiale. Nous poursuivons le débrouillage : avec +1.00 D, Pierre atteint 5/10, puis 8/10 avec +0.75 D. Avec un pas de débrouillage supplémentaire (+0.50 D), c’est un peu mieux mais l’acuité ne s’améliore plus ensuite (avec +0.25 D) et plafonne à 8/10. Nous avons atteint la sphère de palier et retenons la sphère de +0.50 ajoutée à son ancienne correction, soit une sphère correctrice de +1.25 D. Etonnés que l’acuité visuelle ne dépasse pas 8/10, nous plaçons le trou sténopéïque (qui par son faible diamètre réduit le flou) : Pierre nous dit qu’il voit mieux et arrive à déchiffrer assez facilement la ligne d’acuité 10/10, preuve que son acuité pourra être améliorée par la correction de son astigmatisme. De la même manière, nous procédons à la recherche de la sphère de l’œil droit et trouvons une sphère de palier de +1.00 D - sa correction précé- Pour toute information sur Varilux University et ses stages de formation : www.varilux-university.org dente était +0.50 (-0.25) 85° avec une bonne acuité, supérieure à 10/10. Le commentaire : À l’examen de la vision de loin, il apparaît que Pierre a décompensé 0,50 D d’hypermétropie depuis sa dernière correction, il y a 2 ans. Cela peut expliquer, en tout ou partie, le problème de vision de près pour lequel il nous consulte. L’acuité visuelle de son œil droit est bonne ; en revanche, celle de l’œil gauche plafonne à 8/10 mais semble améliorable. A suivre… Prochain article : Recherche du cylindre FICHE PRATIQUE Réfraction #4 Dans ce 4e article de notre série, nous abordons la “Recherche du Cylindre”, étape clef de la réfraction à laquelle nous consacrerons également notre “Fiche Pratique Réfraction” # 5. Recherche de l’Axe du Cylindre A près avoir déterminé la valeur de sphère, on procède à la recherche du cylindre, soit par recherche complète, soit par vérification d’une correction initiale (mesure de l’auto-réfractomètre ou ancienne prescription). C’est ce dernier cas que nous envisagerons. On procède toujours en 2 temps : en recherchant d’abord l’axe du cylindre (objet de cette fiche # 4) et ensuite la puissance du cylindre (qui sera abordée dans la fiche # 5). La méthode retenue ici est celle des cylindres croisés par retournement et l’observation d’un test d’acuité visuelle ou d’un test de points. Pour la recherche de l’axe du cylindre, on utilise de préférence un cylindre croisé de ± 0.50 et on procède comme suit : a. Placer le manche du cylindre croisé dans la direction de l’axe du cylindre (négatif) de la correction initiale. Il s’ensuit une chute de l’acuité dont il est préférable d’avertir le sujet. b. Faire regarder une ligne de lettres de taille moyenne ou une cible de points, retourner rapidement le cylindre croisé et demander au sujet la position du cylindre croisé qu’il préfère. Pour cela, on pourra, par exemple, utiliser la question "Est-ce moins brouillé…" (cas du test d’acuité) ou "Les points vous apparaissent-ils plus noirs…" (cas du test des points) "… dans la position 1 ou dans la position 2 ? ou est-ce pareil ?". 80 BIEN VU N° 148 SEPTEMBRE 2007 c. Tourner l’axe du cylindre correcteur de 5° dans la direction de l’axe négatif du cylindre croisé préféré. Retourner à nouveau le cylindre croisé et demander au sujet la position qu’il préfère. d. Renouveler l’opération jusqu’à ce que le sujet n’ait plus ou quasiment plus de préférence. La position du manche du cylindre croisé indique l’orientation de l’axe du cylindre correcteur. En l’absence de correction initiale, il est nécessaire de procéder à une recherche complète de l’axe du cylindre. On y parvient par une méthode d’encadrement. Celle-ci consiste à déterminer le secteur de 0-90° ou 90°-180° dans lequel se trouve l’axe du cylindre correcteur puis, de la même manière, le secteur 45°-135° ou -45°+45°. Par déduction, on localise l’axe dans un secteur de 45° que l’on explore ensuite pour déterminer l’axe avec précision. Un chapitre particulier est consacré à cette recherche complète de l’axe du cylindre dans le nouveau Cahier d’Optique Oculaire "Réfraction Pratique" de Varilux University (*), dont ces "Fiches Pratiques Réfraction" sont des extraits. (*) Le Cahier d’Optique Oculaire “Réfraction Pratique” est présenté au Silmo sur le stand de Varilux University (Stand d’Essilor). Son sommaire détaillé est disponible sur le site www.varilux-university.org Figure 1 (© Essilor International) Figure 2 (© Essilor International) Figure 4 Figure 3 (© Essilor International) (© Essilor International) Figures 1 à 4 : Recherche de l’axe du cylindre par vérification d’une correction initiale Dans la séquence présentée, l’axe du cylindre de la correction initiale se trouve à 25°. On place le manche du cylindre dans cette direction (figure 1) et le retourne en demandant au sujet la position qu’il préfère (figure 2). Puisqu’il préfère la position 2, dans laquelle l’axe du cylindre négatif du cylindre croisé se trouve à 25° + 45° = 70°, on tourne l’axe du cylindre correcteur de 5° dans cette direction et le place donc à 30°. On positionne alors le manche du cylindre croisé à 30° (ce qui est automatiquement réalisé par le réfracteur) et on le retourne à nouveau. Le sujet n’ayant plus de préférence pour la position 1 ou 2, l’axe est trouvé et indiqué par la position du manche, soit 30°. Analyse d’un cas Nous poursuivons l’étude du cas de Pierre commencée dans les articles précédents. Puisque Pierre a une préférence pour son œil droit, le premier œil est étudié est le gauche. Nous avons trouvé, lors de la recherche de la sphère, une sphère de palier +0.50 D plus convexe que sa correction précédente qui était de +0,75 (-0.50) 95°. Nous la laissons en place avec sa correction d’astigmatisme précédente soit +1,25 (-0.50) 95°. Pour procéder à la vérification de l’axe du cylindre, nous plaçons le manche du cylindre croisé à 95° et le présentons, par retournement, en 2 positions. Puisque sa vision a été rendue floue par l’introduction du cylindre croisé et que nous avons omis de l’en avertir, Pierre nous dit bien sûr qu’"il préférait comme c’était avant" … Il ne voit tout d’abord pas de différence entre les 2 positions du cylindre croisé puis, après une 2e comparaison, exprime quand même une préférence pour la position où l’axe négatif du cylindre croisé est à 140° (95° + 45°). Nous tournons l’axe du cylindre correcteur de 5° dans cette direction et le positionnons donc à 100°. Nous renouvelons l’opération avec le manche du cylindre croisé selon ce nouvel axe de 100°. Même après plusieurs compa- raisons, Pierre n’arrive plus à faire de différence mais nous répète que "c’était mieux avant"... L’axe de son cylindre correcteur est donc à 100°, il a changé de 5°. A ce stade de la réfraction, la correction trouvée est OG : +1,25 (-0.50) 100°. Lors de la réfraction de l’œil droit qui suivra, nous procédons, de la même manière, à la vérification de l’axe du cylindre et trouvons qu’il a également changé de 5°, ce qui lui donne pour correction OD : +1.00 (-0.25) 80° à ce stade de la réfraction. A suivre…. Pour toute information sur Varilux University et ses stages de formation : www.varilux-university.org Prochain article : Recherche de la Puissance du Cylindre FICHE PRATIQUE Réfraction #5 Dans ce 5e article de notre série de Fiches Pratiques Réfraction, nous terminons la “Recherche du Cylindre” en abordant cette fois la recherche de sa puissance. Recherche de la Puissance du Cylindre U ne fois déterminé l’axe du cylindre, il nous faut rechercher sa puissance. Utilisant toujours la méthode des cylindres croisés, on procède le plus souvent par vérification d’un cylindre correcteur initial : soit celui de l’ancienne correction, soit la mesure donnée par l’auto-réfractomètre. On utilise, de préférence, un cylindre croisé de ± 0.25 et on procède comme suit : a. Placer l’axe négatif du cylindre croisé dans la direction du cylindre négatif correcteur (figure 1) d. Renouveler l’opération jusqu’à ce que le patient n’ait plus ou quasiment plus de préférence ou que celle-ci s’inverse (figure 4). e. Contrôler la valeur de la sphère. Pour cela rajouter +0.25 D à la sphère par (-0.50) D de cylindre ajouté et vérifier que l’acuité visuelle maximale est conservée f. Retenir pour correction astigmate la valeur du cylindre le plus faible donnant l’acuité visuelle maximale. En l’absence de correction initiale, on b. Faire regarder une ligne de petits caractères, introduit progressivement un cylindre de retourner le cylindre croisé et demander au (-0.25) D, (-0.50) D… à l’axe trouvé (précédemment) en vérifiant l’augmentation sujet la position qu’il préfère (figure 2) c. Ajouter (-0.25) D au cylindre correcteur si le patient préfère la position avec l’axe négatif du cylindre croisé selon l’axe négatif de la correction (figure 3) ; ou retirer (-0.25) D (ou ajouter (+0.25) D) dans le cas contraire. correspondante de l’acuité visuelle et, ce, jusqu’à ce que le sujet ne perçoive plus d’amélioration. On procède alors à la vérification de la puissance du cylindre par la méthode des cylindres croisés présentée ci-dessus. Figure 1 (© Essilor International) Figure 2 (© Essilor International) Le Cahier d’Optique Oculaire "Réfraction Pratique", dont ces Fiches Pratiques Réfraction sont des extraits, sera disponible prochainement. Vous pouvez d’ores et déjà le commander auprès de Varilux University. Pour cela rendezvous sur www.varilux-university.org. 110 BIEN VU N° 150 NOVEMBRE 2007 Figure 4 Figure 3 (© Essilor International) (© Essilor International) Figure 1 à 4 : Recherche de la puissance du cylindre Dans la séquence présentée, l’axe du cylindre correcteur se trouve à 30°. On place le cylindre croisé axe négatif à 30° (le manche se trouve donc à 30°+45°=75°) puis on le retourne : dans la position 1 (figure 1) l’axe négatif du cylindre croisé est en correspondance avec l’axe du cylindre correcteur ; dans la position 2 (figure 2) c’est l’axe positif. Le sujet préfère la position 1 et "demande plus de cylindre négatif" selon l’axe de sa correction. On ajoute donc (-0.25) D au cylindre correcteur et renouvelle l’opération. Cette fois le sujet n’a plus de préférence entre les deux positions du cylindre croisé (figure 3 et 4). La valeur de la puissance du cylindre est trouvée : c’est celle de sa correction initiale augmentée de (-0.25) D. Analyse d’un cas Nous poursuivons l’étude du cas de Pierre commencée dans les articles précédents Puisque Pierre a une préférence pour son œil droit, nous nous intéressons en premier lieu à la réfraction de son œil gauche. Nous avons trouvé jusque là une correction de +1.25 (-0.50) 100°. Afin de vérifier la puissance du cylindre, nous plaçons le cylindre croisé de ± 0.25 axe négatif à 100° et le retournons. Pierre préfère nettement la position dans laquelle l’axe négatif est à 100°. Nous ajoutons (-0.25) D à la valeur du cylindre, soit (-0.75) D et renouvelons l’opération. Pierre préfère toujours la position de l’axe négatif selon l’axe du cylindre de sa correction. Nous ajoutons encore (-0.25) D et atteignons (-1.00) D de cylindre. Pierre ne voit plus de différence entre les deux positions du cylindre croisé : nous avons donc trouvé la nouvelle valeur de son cylindre : (-1.00) D. Juste afin de le confirmer, nous ajoutons encore (-0.25) D supplémentaire, soit une valeur de cylindre de (-1.25) D et proposons à nouveau le cylindre croisé dans ses deux positions. Cette fois Pierre préfère la position dans laquelle l’axe négatif du cylindre croisé est perpendiculaire à l’axe de la correction (qui est également celle où l’axe positif du cylindre croisé se trouve selon l’axe de la correction). Nous avons donc bien confirmation que son cylindre est de (-1.00) D. Nous vérifions alors l’acuité visuelle : elle a progressé de 8/10 à 12/10. Puisque nous avons ajouté (-0.50) D de cylindre, nous procédons à une vérification de la sphère : avec +0.25 D supplémentaire, Pierre ne perçoit pas vraiment de changement, preuve que la sphère peut être ajustée de +0.25 D. Nous conservons donc cette valeur de sphère et aboutissons à la nouvelle prescription de l’OG : +1.50 (-1.00) 100°. Lors de la réfraction de l’œil droit qui suivra celle de l’œil gauche, nous procédons, de la même manière à la vérification de la puissance du cylindre et trouvons que celui-ci a augmenté de (-0.25) D, ce qui donne pour correction de l’OD : +1.00 (-0.50) 80° à ce stade de la réfraction et une acuité visuelle qui atteint 12/10. Le commentaire : Dans le cas de Pierre, la recherche de la correction d’astigmatisme, par vérification de sa correction initiale, aboutit à une rotation de 5° de l’axe du cylindre sur chaque oeil et à une augmentation de la puissance du cylindre de (-0.25) D sur l’OD et de (-0.50) D sur l’OG. Sur ce dernier oeil, le changement significatif de cylindre explique le plafonnement de l’acuité à 8/10 observé dans l'article précédent, après la recherche de la sphère. Le trou sténopéïque nous avait montré que l’acuité était améliorable, la détermination du cylindre nous l’a ensuite Pour toute information sur Varilux University et ses stages de formation : www.varilux-university.org confirmé. Sur l’OD, l’ajout de (-0.25) D donne à Pierre une vision un peu plus contrastée et confortable même s’il n’apporte pas de réel gain d’acuité visuelle ; il pourra donc être conservé. Les axes des cylindres correcteurs sont symétriques et proches de la verticale : l’astigmatisme est de type inverse, le plus couramment rencontré chez les sujets presbytes. A suivre…. Prochain article : Equilibre bi-oculaire FICHE PRATIQUE Réfraction #6 Dans ce 6e article de notre série Fiches Pratiques Réfraction, nous abordons une étape clef de la réfraction, celle de l’équilibrage des corrections entre l’œil droit et l’œil gauche. Equilibre bi-oculaire es réfractions de l’œil droit et de l’œil gauche ayant été déterminées en conditions de vision monoculaire et à des moments différents, il est nécessaire de s’assurer de leur bonne correspondance. L’équilibre bi-oculaire a pour but de vérifier la netteté simultanée des images rétiniennes pour un même état d’accommodation. Il nécessite de placer le sujet en condition de vision bi-oculaire c’est à dire de proposer au couple oculaire la vision simultanée, mais séparée, d’un même test. Chaque œil voyant séparément la même image, il est possible de comparer la vision de l’œil droit et de l’œil gauche et de rechercher la meilleure correspondance des réfractions. L 1) Dissocier la vision du patient Diverses méthodes peuvent être utilisées pour dissocier la vision des deux yeux du patient : - Par masquage alterné : méthode la plus simple, elle consiste à masquer rapidement un œil puis l’autre et à demander au patient de comparer la netteté de vision de ses deux yeux. On s’assure, pendant ce test, que le patient ne se trouve jamais en conditions de vision binoculaire (les deux yeux ouverts), en particulier au tout début du test en commençant par masquer l’œil encore ouvert avant de découvrir l’œil resté fermé. - Par prisme vertical : consiste à introduire un prisme vertical de 3 D base inférieure sur un œil et 3 D base supérieure sur l’autre pour provoquer la vision de deux images : l’une vers le haut vue par un œil, l’autre vers le bas vue par l’autre œil. L’inconvénient de cette méthode est de proposer des conditions de vision assez artificielles, de demander une comparaison sur des images distantes l’une de l’autre et de nécessiter une explication détaillée. - Par filtres polarisés : nécessite l’utilisation de tests d’acuité visuelle ou duochrome polarisés associés aux filtres correspondants à polarisations croisées entre elles. Bien que la vision du patient soit légèrement moins nette, ce test est celui qui se rapproche le plus des conditions naturelles de vision, le patient ne s’apercevant généralement pas de son état de vision bi-oculaire. 72 BIEN VU N° 151 DÉCEMBRE 2007 2) Brouiller binoculairement de +0,50 D et faire comparer le flou introduit sur l’OD et l’OG. L’acuité visuelle chute alors de quelques dixièmes et les conditions de léger flou permettent au sujet une comparaison plus aisée (figure 1). 3) Egaliser la vision de l’OD et l’OG dans le flou en rebrouillant de +0,25 D l’œil voyant le moins flou, voire +0,50 D si nécessaire (figure 2). On obtient alors soit l’équilibre entre l’OD et l’OG, soit une inversion de la préférence d’un œil par rapport à l’autre. La connaissance de l’œil préféré est alors primordiale : elle permet de s’assurer, si l’équilibre parfait entre OD et OG ne peut être obtenu, que l’œil préféré reste favorisé et d’éviter ainsi que la correction ne vienne inverser la préférence naturelle d’un œil par rapport à l’autre. 4) Débrouiller binoculairement par pas de -0,25 D jusqu’à obtenir l’acuité binoculaire maximale (figure 3). 5) Vérifier les acuités OD et OG afin de s’assurer de leur équilibre ou que, s’il subsiste un léger déséquilibre, il soit bien en faveur de l’œil préféré. Notons que la réalisation de l’équilibre bi-oculaire nécessite que le patient ait une vision simultanée stable et que l’utilisation d’un test d’acuité suppose que les acuités visuelles des deux yeux soient sensiblement identiques. En cas d’instabilité de la vision simultanée, on préférera dissocier la vision par masquage alterné et, en cas d’acuités visuelles OD/OG différentes, on réalisera l’équilibre à l’aide d’un test duochrome ou d’un test des cylindres croisés dissociés sur une cible en forme de croix. Figure 1 (© Essilor International) (© Essilor International) Figure 2 Figure 1 : brouillage de +0,50 D Figure 2 : équilibrage dans le flou (© Essilor International) Figure 3 Figure 3 : débrouillage binoculaire Analyse d’un cas Nous poursuivons l’étude du cas de Pierre commencée dans les articles précédents Rappelons que, lors de la détermination monoculaire de la réfraction, nous avions trouvé : OD +1,00 (-0,50) 80° et OG +1,50 (-1,00) 100°. Pour réaliser l’équilibre des corrections, nous utilisons la technique la plus simple : celle du rebrouillage sur test d’acuité et de la comparaison par masquage alterné. Tout d’abord, à la fin de la réfraction du deuxième œil, le droit en l’occurrence, nous masquons celui-ci avant de découvrir l’œil (gauche) resté caché et faisons procéder immédiatement à une comparaison : Pierre nous dit mieux voir de l’œil droit, ce qui constitue une première information. Nous introduisons alors + 0,50 D devant chacun des deux yeux et lui faisons à nouveau procéder à une comparaison : Pierre nous dit que « c’est moins net qu’avant » mais confirme qu’il voit mieux de l’œil droit. Nous ajoutons alors +0.25 D sur cet œil afin d’équilibrer la vision des deux yeux dans le flou. Pierre estime alors que sa vision est "à peu près pareille" de l’OD et de l’OG. Nous réduisons ensuite les sphères des deux yeux de -0,25, puis -0,50 D jusqu’à obtenir l’acuité visuelle binoculaire maximale : Pierre peut lire aisément la ligne d’acuité de 12/10 et même déchiffrer certaines lettres de la ligne des 15/10. A la suite de cet équilibre, nous ajoutons donc +0,25 D sur l’œil droit et aboutissons aux réfractions : OD +1,25 (-0,50) 80° et OG +1,50 (-1,00) 100°. On remarquera que l’équilibre bioculaire trouvé réduit la différence entre les deux yeux obtenue lors de la réfraction monoculaire et aboutit à des sphères équivalentes (= sphère + cylindre / 2) égales (à +1,00) pour les deux yeux. Enfin, on notera que, puisque l’œil préféré de Pierre est le droit, il est essentiel de s’assurer ici que l’introduction de +0,25 D sur cet œil n’induit pas une préférence pour l’œil gauche. Comme ce n’est pas le cas, on peut conserver le nouvel équilibre trouvé. Le Cahier d’Optique Oculaire “Réfraction Pratique”, dont ces Fiches Pratiques Réfraction sont des extraits, est désormais disponible. Vous pouvez le commander auprès de Varilux University en vous rendant sur www.varilux-university.org. Le commentaire : Le cas de Pierre est un cas classique dans lequel les corrections de l’œil droit et de l’oeil gauche, déterminées en vision monoculaire, ont ensuite besoin d’être équilibrées entre elles de 0,25 D. Cet équilibrage, réalisé en condition de vision bi-oculaire, est une étape importante de la réfraction car il permet d’assurer un fonctionnement harmonieux des deux yeux simultanément. A suivre…. Prochain article : Vérification Binoculaire FICHE PRATIQUE Réfraction #7 A la suite de nos articles précédents consacrés à la détermination de la réfraction monoculaire et à l’équilibre bi-oculaire, nous poursuivons et terminons, avec cette 7ème "Fiche Pratique Réfraction", l’examen de réfraction en vision de loin en abordant la vérification binoculaire. Vérification Binoculaire E 2) Introduire +0.25 D devant les deux yeux, à lle consiste, en fin de réfraction, à réaliser un contrôle binoculaire de la sphère des deux yeux et à procéder à un dépistage de la vision binoculaire du sujet muni de sa nouvelle correction. A) Contrôle binoculaire de la sphère Les réfractions de l’œil droit et de l’œil gauche ayant été déterminées puis équilibrées entre elles, il s’agit, à ce stade de l’examen, de confirmer binoculairement la valeur de la sphère à retenir. Contrairement aux mesures réalisées précédemment, on cherche ici, non seulement à vérifier l’acuité visuelle maximale du sujet en conditions de vision binoculaire mais aussi, au-delà, à vérifier l’acceptation de la prescription par un test d’appréciation du confort de vision. l’aide d’un face binoculaire, et demander au sujet “s’il voit mieux, moins bien ou si c’est pareil” avec les verres introduits. Le patient doit signaler l’apparition de flou ou un moindre confort (fig. 1). a. S’il voit moins bien, la réfraction est juste (ou éventuellement trop convexe) : c’est la réponse recherchée, on passera au test suivant. b. S’il ne perçoit pas de changement, la réfraction est trop concave : ajouter +0.25 D sur les deux yeux et recommencer le test. c. S’il voit mieux, la réfraction est trop concave : ajouter +0.25 D et recommencer le test ou reprendre la réfraction. 3) De la même manière, introduire -0.25 D devant les deux yeux. Le patient ne doit pas percevoir de différence (figure 2). On réalisera cette vérification binoculaire de a. S’il voit mieux, la réfraction est trop convexe : préférence lors de l’essai final de la prescription, sur ajouter -0.25 D et recommencer le test. une lunette d’essai, en situation normale de vision et b. S’il ne perçoit pas de changement, la non derrière le réfracteur. On préfèrera aussi faire réfraction est juste (ou éventuellement trop regarder le sujet à l’infini (si nécessaire au travers concave). d’une fenêtre) et non à la distance conventionnelle c. S’il voit moins bien, la réfraction est trop du tableau d’optotypes. En effet, la position de ce concave : ajouter +0.25 D et recommencer le dernier ne correspond pas au réel infini mais à une test, ou reprendre la réfraction. proximité de l’ordre de 0.25 D (1/4 m = 0.25 D, 1/5 m = 0.20 D) qui peut nécessiter un ajustement En résumé, la réponse recherchée lors de la final de la sphère de -0.25 D sur les 2 yeux. vérification binoculaire de la prescription est une baisse de netteté et de confort avec +0.25 D et On procède comme suit : une absence de réel changement observé avec 1) Placer la réfraction trouvée sur la lunette -0.25 D. On ajuste binoculairement la valeur de la d’essai et faire regarder le sujet à l’infini. sphère afin d’obtenir ce résultat. Contrôle Binoculaire de la sphère Figure 1 Figure 2 Figure 1 : avec +0.25 D : vision moins nette 76 BIEN VU N° 152 JANVIER 2008 Figure 2 : avec -0.25 D : vision inchangée B) Dépistage de la vision binoculaire 2) qu’il n’y a pas de déviation potentielle ou phorie importante : par le sensible alignement des images dissociées perçues par les deux yeux (fusion) ; A ce stade de l’examen, il est important de procéder, pour chaque sujet, à une vérification de la vision binoculaire. Il s’agit, plus 3) qu’il y a bonne perception du relief : par précisément, de confirmer qu’avec sa nouvelle l’impression de rapprochement ou éloignement correction, le patient possède une bonne vision lors de la fusion de deux images disparates simultanée, qu’il réalise sans difficultés la fusion (stéréoscopie) . des images perçues par ses deux yeux et possède aussi une bonne vision stéréoscopique. Différents tests peuvent être pratiqués. L’objet de cette fiche pratique n’est pas de les présenter en Quelques tests simples permettent d’y procéder détail ; on pourra pour cela se reporter à la rapidement. Ils consistent à dissocier la vision présentation qui en est faite dans le Cahier binoculaire du sujet – au moyen de prismes, de d’Optique Oculaire "Réfraction Pratique" (*). filtres rouge et vert ou de filtres polarisés - afin L’objectif de la pratique de ces tests est de de vérifier : détecter une éventuelle anomalie de la vision 1) qu’il n’y a pas de suppression/neutralisation binoculaire afin d’en assurer la prise en charge totale ou partielle de la vision d’un oeil : par la ou référer le sujet à un spécialiste de la question. présence et permanence de deux images (vision simultanée) ; Analyse d’un cas Nous poursuivons l’étude du cas de Pierre discutée dans les articles précédents A la suite de l’équilibre bi-oculaire, les corrections trouvées ont été : OD +1,25 (-0,50) 80° et OG +1,50 (-1,00) 100°. Afin de procéder au contrôle binoculaire des sphères, nous plaçons cette nouvelle correction sur une lunette d’essai et demandons à Pierre de regarder à l’infini à travers la fenêtre de notre salle d’examen. - Nous introduisons un face binoculaire de +0.25D et lui demandons si “c’est plus confortable, moins confortable, ou pareil” avec ces verres ; il nous répond que “c’est moins bien”. - De la même manière, nous introduisons ensuite une face binoculaire de -0.25 D ; il nous répond alors que "c’est mieux avec" ces nouveaux verres. - En conséquence, nous modifions la sphère de -0.25 D sur les deux yeux et renouvelons l’opération : cette fois avec +0.25 D “c’est moins bien” et avec -0.25 D “c’est pareil”, réponse que nous recherchions. Pierre étant hypermétrope et donc particulièrement sensible à une éventuelle sur-correction de sa vision de loin, nous conservons pour correction finale : OD +1,00 (-0,50) 80° et OG +1,25 (-1,00) 100°. Nous procédons ensuite à différents tests de dépistage de la vision binoculaire (dont la description détaillée est donnée dans le cahier “Réfraction Pratique*”) : - Si nous dissocions sa vision binoculaire par un prisme vertical, Pierre perçoit bien 2 images : il possède donc bien le 1er degré de la vision binoculaire qu’est la “vision simultanée”, ce que nous avions d’ailleurs déjà pu vérifier lors de l’équilibre bi-oculaire. - Au test de Schober, Pierre présente une légère exophorie : la croix rouge est légèrement décalée du côté opposé à l’œil portant le filtre rouge mais elle reste localisée à l’intérieur des cercles verts ; nous faisons une observation similaire avec le test de la croix polarisée. Pierre réalise sans difficulté la “fusion” des images de ses yeux droit et gauche et possède donc bien le 2e degré de la vision binoculaire. - Enfin, au test des anneaux de Brock ou des baguettes polarisés, Pierre voit bien s’avancer vers lui ou s’éloigner de lui une partie du test, preuve qu’il possède une bonne “vision stéréoscopique”, 3e degré de la vision binoculaire. * Le Cahier d’Optique Oculaire "Réfraction Pratique", dont ces Fiches Pratiques Réfraction sont des extraits, est disponible auprès de Varilux University. Vous pouvez le commander sur www.varilux-university.org. A la suite de ces quelques tests nous pouvons conclure que Pierre ne présente pas d’anomalie particulière de sa vision binoculaire. Le commentaire : Le cas de Pierre est un cas classique dans lequel les corrections de l’œil droit et de l’oeil gauche, déterminées en vision monoculaire à la distance de 5 m ont besoin d’être modifiées de -0.25 D pour assurer une bonne vision à l’infini et un bon confort en vision de loin. Le dépistage de sa vision binoculaire montre, par ailleurs, qu’il possède une vision binoculaire tout à fait normale et qu’il pourra porter confortablement sa nouvelle correction. A suivre…. Prochain article : Détermination de l’addition du presbyte FICHE PRATIQUE Réfraction #8 A la suite des Fiches Pratiques Réfraction précédentes consacrées à la réfraction en vision de loin, nous abordons la réfraction en vision de près et, plus particulièrement, la détermination de l’addition presbyte. Parmi les diverses méthodes possibles, nous en retiendrons deux : la méthode de “l’addition minimale” détaillée dans cette fiche #8 et la méthode de la “réserve d’accommodation” qui fera l’objet de la Fiche Pratique Réfraction #9. Addition du presbyte (1) 1- Méthode de l’addition minimale Méthode la plus simple et la plus rapide, elle consiste à chercher à redonner à tout sujet presbyte une amplitude d’accommodation apparente de 3,50 D c’est à dire l’accommodation nécessaire pour des activités habituelles de la vie quotidienne. En pratique, on détermine d’abord l’addition minimale nécessaire au presbyte pour lire tout juste à 40 cm (proximité de 2,50 D), on y ajoute +0.75 D à +1,00 D (pour atteindre la proximité d’environ 3,50 D) et on vérifie ensuite le confort de vision du sujet en vision de près et la bonne adéquation de l’addition trouvée avec sa distance habituelle de lecture ou de travail. © Essilor International Abordons dans le détail les différentes étapes de cette méthode : Figure 1 : détermination de l’addition minimale 1) Bien corriger la vision de loin Toute bonne correction de la vision de près commence par une bonne correction de la vision de loin. On corrigera l’amétropie au maximum convexe donnant au sujet la meilleure acuité : on évitera en particulier toute sous-correction de l’hypermétropie 56 BIEN VU N° 153 FÉVRIER 2008 ou sur-correction de la myopie qui se traduirait par une addition plus élevée en vision de près. 2) Déterminer l’addition minimale à 40 cm Pour cela, placer un test de lecture à 40 cm et demander au sujet, les deux yeux ouverts, de lire les plus petits caractères possibles. L’alternative suivante se présente alors : - soit le sujet est un "presbyte confirmé" et ne peut pas lire les plus petits caractères ; on ajoute alors binoculairement +0,25 D, +0,50 D etc… à la correction de vision de loin jusqu’à ce qu’il puisse tout juste deviner les plus petits caractères du test, la valeur ajoutée (positive) est l’addition minimale. - soit le sujet est un "jeune presbyte" et peut encore lire les petits caractères. On ajoute binoculairement -0,25 D, -0,50 D etc… jusqu’à ce que le patient ne puisse tout juste plus lire ces petits caractères : la valeur ajoutée (négative) est l’addition minimale 3) Ajouter +0,75 D à +1,00 D à l’addition minimale pour trouver l’addition à proposer : on préfèrera +0,75 D pour le “jeune presbyte” et +1,00 D pour le “presbyte confirmé”. 4) Vérifier le confort de vision du patient - Placer la correction de vision de loin et l’addition trouvée sur la lunette d’essais et, à l’aide d’un test de lecture tenu en mains par le sujet, lui faire évaluer son confort de vision. - Moduler la valeur de l’addition (de 0,25 à 0,50 D) en fonction de la distance habituelle de travail ou de lecture : la réduire pour une distance plus éloignée que la distance d’examen (de 40 cm), l’augmenter pour une distance de lecture plus rapprochée. - Vérifier la position de son proximum corrigé de vision de près : pour cela lui faire rapprocher le test jusqu’à rendre impossible la lecture des plus petits caractères et vérifier que cela se produit à une distance d’environ 25 cm (si < 20 cm l’addition est trop forte, si > 30 cm elle est trop faible). © Essilor International Cette méthode permet de déterminer aisément l’addition du presbyte pour des activités habituelles de vision de près. Si le sujet travaille ou lit à une distance inhabituelle, particulièrement rapprochée ou éloignée, il faudra alors déterminer l’addition pour cette distance. On verra, dans la Fiche Réfraction # 9 comment y procéder avec précision, en fonction de son amplitude d’accommodation restante. Figure 2 : principe de la méthode de l’addition minimale Analyse d’un cas Nous poursuivons l’étude du cas de Pierre discutée dans les articles précédents A la suite de la réfraction de vision de loin, les corrections trouvées sont : OD +1,00 (-0,50) 80° et OG +1,25 (-1,00) 100°. Notons que nous avons ajouté du convexe à la correction de vision de loin qui était précédemment : OD +0,50 (-0,25) 85° et OG +0,75 (-0,50) 95°, soit en sphérique équivalent soit +0,37 D sur l’OD et +0,25 D sur l’OG. Nous savons aussi, d’après ses lunettes précédentes, qu’il portait jusque là une addition de 1,50 D. Pour déterminer son addition, nous plaçons le test de lecture (Parinaud) à 40 cm et demandons à Pierre de lire le plus petit paragraphe possible. Avec sa correction de vision de loin, il arrive à lire le Parinaud 5 mais ne peut pas déchiffrer le Parinaud 4. Pour aider Pierre à lire, nous introduisons +0.25 D : il peut alors lire le Parinaud 4 et commence à deviner le Parinaud 3. Avec +0,50 D, il peut lire le Parinaud 3 mais hésite encore sur le Parinaud 2, même en forçant. Avec +0,75 D, il peut tout juste lire les plus petits caractères de notre test : nous avons trouvé l’addition minimale, c’est +0,75 D. A cette valeur nous ajoutons +1,00 D, par 4 pas de 0,25 D sur le réfracteur ou en plaçant deux verres de +1.00 D sur la lunette d’essais. Là, Pierre nous dit que "c’est très clair, qu’il voit très bien". Nous avons donc trouvé son addition : c’est +1,75 D ; reste à l’essayer et la vérifier, en conditions naturelles de vision (lunette d’essais) et à sa distance spontanée de lecture (test tenu en mains). Lors de cet essai Pierre nous confirme qu’il "lit parfaitement les plus petites lettres" (Parinaud 2). Nous lui demandons alors de fixer ce paragraphe et de rapprocher le test de lecture jusqu’à ce qu’il ne puisse plus lire, ce qui se produit à environ 22-23 cm, ce qui est tout à fait suffisant (car compris entre 20 et 25 cm). Nous le questionnons alors sur ses activités : il nous précise qu’en dehors de sa profession d’architecte et de sa passion pour le golf, il a souvent du bricolage très fin à réaliser à une distance plus rapprochée et qu’à ses heures de loisirs il est aussi musicien ! Cela va nécessiter une étude plus précise de son addition ; nous l’aborderons dans notre prochain article. * Le Cahier d’Optique Oculaire “Réfraction Pratique”, dont ces Fiches Pratiques Réfraction sont des extraits, est disponible auprès de Varilux University. Vous pouvez le commander sur www.varilux-university.org. Le commentaire : Le cas de Pierre est a priori un cas classique où la détermination de l’addition ne pose pas de problème particulier. L’utilisation de la méthode de "l’addition minimale" permet de déterminer rapidement la valeur de l’addition à proposer, celle qui répond aux besoins habituels de vision rapprochée. A suivre… Prochain article : Addition du presbyte (2) Méthode de la “Réserve d’Accommodation” FICHE PRATIQUE Réfraction #9 Après avoir décrit, dans la Fiche Pratique Réfraction # 8, comment déterminer l’addition du presbyte par la méthode de “l’addition minimale”, nous abordons, dans cette 2e fiche presbytie, la détermination de l’addition par la méthode de la “réserve d’accommodation”. Détermination de l’addition du presbyte (2) Méthode de la “réserve d’accommodation” Méthode la plus classique et la plus universelle, elle consiste à mesurer l’amplitude maximale d’accommodation du sujet et à en déduire la valeur de l’addition à prescrire en fonction de la distance habituelle de lecture ou de travail du sujet et de la réserve d’accommodation que l’on souhaite lui donner. Tout comme pour toute détermination d’addition, cette méthode se pratique, en vision binoculaire, avec la correction de vision de loin du sujet et à l’aide d’un test de lecture, de préférence fixe et placé à une distance fixe de 40 cm. On procède selon les différentes étapes suivantes : 1) Mesurer l’amplitude d’accommodation restante Tout comme dans la méthode de “l’addition minimale”, on place le test de lecture à 40 cm et on demande au sujet, les deux yeux ouverts, de lire les plus petits caractères possibles. Deux cas se présentent alors : • le sujet est un “presbyte confirmé” et ne peut pas lire les plus petits caractères du test : on ajoute des verres convexes par + 0,25 D jusqu’à rendre tout juste possible la lecture des plus petits caractères ; on note la valeur de puissance convexe ajoutée. • le sujet est un “jeune presbyte” et peut encore lire les plus petits caractères, on ajoute des verres concaves par -0,25 D jusqu’à ce que le patient ne puisse plus lire les petits caractères ; on retient l’avant dernière valeur de puissance concave ajoutée. 78 BIEN VU N° 154 MARS 2008 Par exemple, avec un test placé à 40 cm : • si le sujet a besoin d’une addition minimale de +1,00 D pour deviner Parinaud 2 à 40 cm, son amplitude d’accommodation est de 2,50 D – (+1,00 D) = 1,50 D • si le sujet ne peut plus déchiffrer Parinaud 2 avec -0,75 D, on retient -0,50 D ; son amplitude d’accommodation est de 2,50 D - (-0,50 D) = 3,00 D 2) Déterminer la valeur de l’addition © Essilor International Figure 1 : détermination de l’amplitude d’accommodation restante L’amplitude d’accommodation est donnée par la formule : Amplitude d’accommodation = 2,50 D – puissance ajoutée C’est celle qui permet au patient de n’utiliser que les 2/3 de son amplitude maximale d'accommodation restante à sa distance habituelle de vision de près et donc de conserver une réserve d’accommodation d’au moins 1/3 de son amplitude maximale (critère de Percival). Elle est donnée par la formule : Addition = 1 / distance de lecture – 2/3 amplitude maximale d’accommodation En reprenant les 2 exemples précédents avec une distance de lecture de 40 cm : - amplitude d’accommodation = 1,50 D ; addition = 2,50 - (2/3) X 1,50 = 2,50 – 1,00 = 1,50 D - amplitude d’accommodation = 3,00 D ; addition = 2,50 – (2/3) X 3,00 = 2,50 – 2,00 = 0,50 D Dans le cas d’une distance de lecture particulière c'est-à-dire plus rapprochée ou plus éloignée que la moyenne - on pourra soit faire le calcul pour la distance considérée, soit se référer au tableau cidessous qui donne l’addition à proposer en fonction de l’amplitude maximale de l’accommodation restante, pour des distances respectives de 50, 40, 33 et 25 cm. On y voit, par exemple, que pour une même amplitude d’accommodation restante de 2,00 D, la valeur de l’addition est de 1,25 D pour la distance de lecture habituelle de 40 cm et peut varier de 0,75 D pour 50 cm à 2,75 D pour 25 cm. Amplitude Maximale d’accommodation 3.00 2.75 2.50 2.25 2.00 1.75 1.50 1.25 1.00 0.75 0.50 Addition pour 50 cm (=2.00D-2/3acc) Addition pour 40 cm (=2.50D-2/3acc) Addition pour 33 cm (=3.00D-2/3acc) Addition pour 25 cm (= 4.00D-2/3acc) 0.50 0.50 0.75 1.00 1.00 1.25 1.50 1.50 1.75 0.50 0.75 1.00 1.00 1.25 1.50 1.50 1.75 2.00 2.00 2.25 1.00 1.25 1.50 1.50 1.75 2.00 2.00 2.25 2.50 2.50 2.75 2.00 2.25 2.50 2.50 2.75 3.00 3.00 3.25 3.50 3.50 3.75 3) Vérifier le confort de vision du patient Dans tous les cas, on procédera à un essai en situation de l’addition, afin de confirmer le confort de patient en vision rapprochée et la bonne adéquation de la valeur de son addition avec ses activités On pourra suivre la séquence suivante : • Placer la correction de vision de loin et l’addition sur la lunette d’essai. • Faire évaluer par le sujet, sur un test de lecture, son confort en vision de près. • Vérifier le parcours d’accommodation du sujet en lui faisant rapprocher et éloigner le test de lecture : rechercher le point le plus rapproché mais aussi point le plus éloigné qu’il puisse voir avec son addition et s’assurer de sa compatibilité avec son activité habituelle de vision rapprochée. • Moduler au besoin la valeur de l’addition trouvée en fonction de la distance habituelle de lecture et selon les besoins visuels du sujet. Parmi les deux méthodes proposées pour la détermination de l’addition du presbyte présentées dans ces fiches # 8 et # 9, on pourra utiliser pour méthode de base la méthode de "l’addition minimale" et, pour les cas particuliers, utiliser la méthode de la "réserve d’accommodation". Dans les deux cas, l’addition est déterminée à partir de la mesure implicite ou explicite de l’amplitude d’accommodation restante du sujet, donnée fondamentale qui caractérise son état de presbytie. Notons qu’il est impératif de connaître cette donnée, faute de quoi la détermination de l’addition ne saurait être qu’approximative, sa valeur pouvant varier considérablement d’un sujet à l’autre. Analyse d’un cas Nous reprenons l’étude du cas de Pierre discutée dans les articles précédents Les corrections trouvées en vision de loin sont : OD +1,00 (-0,50) 80° et OG +1,25 (-1,00) 100°. L’addition obtenue par la méthode de "l’addition minimale" est de 1,75 D. Pour déterminer l’addition par la méthode de la "réserve d’accommodation", nous plaçons le test de lecture (Parinaud) à 40 cm et demandons à Pierre de lire le plus petit paragraphe possible. Comme décrit dans la fiche # 8, Pierre ne peut lire que Parinaud 5 avec sa correction VL et a besoin d’une addition minimale de +0,75 D pour tout juste déchiffrer Parinaud 2. Son amplitude maximale d’accommodation restante est donc de 2,50 D – 0,75 D soit 1,75 D. Pour respecter le critère de Percival, nous recherchons l’addition nécessaire pour que Pierre n’utilise que les 2/3 de cette amplitude maximale, soit (2/3) * 1,75 = 1,16 D arrondi à 0,25 D inférieur soit 1,00 D. Pour lire à sa distance habituelle de 40 cm, son addition est de (1 / 0,40 m) – 1,00 = 1,50 D. C’est cette addition que nous pouvons lui proposer pour son équipement en verres progressifs. En discutant avec Pierre nous découvrons qu’il aime, à ses heures de loisirs, réaliser des travaux de bricolage très minutieux (à une distance de 30 à 35 cm) et jouer de la flûte traversière (déchiffrage de partitions situées vers le bas à une distance variant entre 50 et 70 cm). Il nous faut vérifier si l’addition trouvée peut convenir à ces activités. - Pour ses travaux minutieux à 30-35 cm, Pierre a besoin de mettre en jeu une accommodation d’environ 3,00 D. Avec son addition de 1,50 D, il lui faudrait accommoder de 1,50 D, quasiment sa capacité maximale (de 1,75 D) qu’il ne peut soutenir longtemps. Pour n’utiliser à cette distance que 2/3 de son amplitude maximale, il lui faut une addition de (1 / 0,33 m) - (2/3 amplitude maximale de 1,50 D) = 2,00 D, soit 0,50 D de plus que l’addition trouvée précédemment. Nous lui proposons donc un équipement complémentaire avec les puissances adaptées OD +3,00 (-0,50) 80° et OG +3,25 (-1,00) 100° et réalisé, de préférence, avec des verres dégressifs offrant une profondeur de champ plus grande. - Pour ses activités musicales à distance de 5070 cm, il nous faut vérifier que le remotum de vision de près à travers l’addition n’est pas trop rapproché et ne le gêne pas pour la lecture des partitions. Son addition étant de 1,50 D, ce remotum se trouve en théorie à 67 cm ce qui correspond sensiblement à la distance maximale de lecture de ses partitions. Il ne sera donc * Le Cahier d’Optique Oculaire « Réfraction Pratique », dont ces Fiches Pratiques Réfraction sont des extraits, est disponible auprès de Varilux University. Vous pouvez le commander sur www.varilux-university.org. pas gêné d’autant plus qu’avec son verre progressif il pourra utiliser la zone de vision intermédiaire, de moindre puissance. En fin d’examen, nous procédons à un essai en situation afin de valider l’ajustement de la prescription de l’équipement de vision de près - mais aussi pour en démontrer les bénéfices - et pour vérifier la netteté de vision à la distance des partitions. Pierre nous confirme que sa vision est parfaitement nette à ces différentes distances. Le commentaire : Le cas de Pierre est un cas classique dans lequel une activité particulière de vision de près peut nécessiter une addition sensiblement différente de celle prescrite, en verres progressifs, pour les activités courantes de la vie quotidienne. Il peut être avantageusement résolu en proposant un équipement complémentaire spécifique de vision de près, avec une valeur d’addition ajustée, et réalisé avec des verres unifocaux ou, mieux, avec des verres dégressifs. A suivre… Prochain article : choix final de la correction FICHE PRATIQUE Réfraction #10 Avec cette 10e et dernière fiche pratique nous abordons le “Choix Final de la Correction” et apportons ainsi une conclusion à notre série sur la réfraction. Choix Final de la Correction En fin d’examen vient le moment de la décision et du choix final de la correction. Le résultat brut de la réfraction peut rarement être prescrit en l’état. Il convient d’en faire une interprétation et de doser la prescription sur la base des données recueillies au cours de l’examen. Pour le choix de la prescription, il n’existe pas de règles universelles. Cela dit, quelques principes généraux peuvent être dégagés : • D’une manière générale, on cherche à privilégier le confort de vision à l’acuité visuelle. Rappelons que l’acuité n’est qu’un élément de la vision mais le seul considéré lors de la réfraction. C’est la raison pour laquelle on soumettra toujours la prescription à l’“appréciation perceptuelle” du patient en lui faisant essayer sa correction sur lunette d’essais afin, au-delà de la pure acuité visuelle, de lui faire évaluer son confort de vision. On pourra alors préférer une légère sous-correction à la correction totale. • Un des premiers éléments à considérer est le changement de correction occasionné par la nouvelle prescription. On évitera les modifications de correction trop importantes et, au besoin, on parviendra à la correction totale en plusieurs étapes. Si une modification importante est nécessaire (par exemple, supérieure à 0,75 D sur la sphère, 0.50 D sur le cylindre, 10° sur l’axe ou 0.75 D sur l’addition), on ne manquera pas d’en avertir le patient et de le prévenir de l’ “apprentissage” qu’il aura à faire de sa nouvelle correction. 96 BIEN VU N° 155 AVRIL 2008 Selon le type d’amétropie, quelques principes généraux peuvent aussi être dégagés : • Le myope a la nécessité d’être bien corrigé pour bénéficier d’une vision nette à distance. Quand il est jeune et dispose encore d’une amplitude d’accommodation conséquente, il apprécie souvent d’être sur-corrigé afin de bénéficier d’une plus grande "noirceur" de vision. On évitera cependant de trop le surcorriger. A l’opposé, certains myopes ont pris l’habitude d’une vision floue et l’apprécient : on pourra les sous-corriger légèrement en fonction de leur correction précédente. • La correction de l’hypermétrope est souvent délicate car celui-ci a pris l’habitude d’accommoder et révèle rarement la totalité de son amétropie lors de la réfraction. A l’inverse, il est aussi très sensible à tout excès de correction. On lui proposera donc la puissance convexe maximale qu’il puisse accepter sans prendre le risque de le pénaliser en vision de loin. • Dans le dosage de la prescription sphérique, deux facteurs particuliers sont aussi à considérer : le fait que la réfraction n’est pas effectuée à l’infini (mais à la distance conventionnelle du tableau d’acuité) et le phénomène de la myopisation nocturne. Ils pourront faire préférer une prescription légèrement plus concave (de -0,25 à -0,50 D par exemple). • Par ailleurs, on s’assurera du bon équilibre des corrections entre l’œil droit et l’œil gauche en laissant persister, si l’égalité parfaite ne peut être obtenue, un léger déséquilibre en faveur de l’œil préféré. • Chez l’astigmate, on ne prescrira de cylindre que tant qu’il apporte un gain d’acuité visuelle perçu par le patient et ce, en raison des effets secondaires de déformations des images produits par la correction, en particulier si l’axe est oblique. Plus particulièrement, on ne corrigera les faibles astigmatismes (inférieurs à 0.50 D) que s’ils apportent un net gain de confort au patient. Enfin, toute sous-correction éventuelle s’accompagnera d’un ajustement de la sphère. • Pour le presbyte, on dosera parfaitement la correction de vision de loin, en évitant toute surcorrection du myope ou sous-correction de l’hypermétrope pouvant se traduire par une augmentation de l’addition. On veillera en particulier à bien saturer les hypermétropies mais sans excès. En verres progressifs, on évitera les prescriptions de vision de loin trop convexes pouvant engendrer une perception de flou latéral en vision de loin et les sous-corrections de l’astigmatisme se combinant avec les cylindres de surface du verre. Par ailleurs, on veillera, tout particulièrement chez le presbyte, au bon équilibre entre les prescriptions de l’œil droit et de l’œil gauche : au besoin, on vérifiera en vision de près l’équilibre bi-oculaire réalisé en vision de loin. Pour la vision de près, on prescrira l’addition juste nécessaire et suffisante, en évitant l’excès souvent demandé par les patients : celui-ci réduit le confort de vision par limitation du champ de vision et, ce, malgré la meilleure acuité visuelle apportée par le grossissement. Le myope nécessitera souvent une addition plus faible et l’hypermétrope une addition plus forte. L’astigmate fort pourra parfois demander une correction d’astigmatisme différente entre vision de près et vision de loin. Sauf cas très particuliers, les additions seront toujours identiques. Enfin, on ne sur-corrigera jamais l’addition en verres progressifs, source de réduction du champ de vision et d’augmentation des déformations périphériques. En fin d’examen, on procédera toujours à l’essai de la correction “en situation réelle d’utilisation” et sur lunette d’essai. On fera évaluer son confort de vision par le patient, tant en vision de loin que pour la lecture mais aussi lors de l’exploration de l’environnement. Son avis, souvent éclairé et pertinent, pourra s’avérer précieux pour le choix final de la correction. Analyse d’un cas Nous reprenons et terminons l’étude du cas de Pierre discutée dans nos articles précédents. Les corrections trouvées en vision de loin sont : OD +1,00 (-0,50) 80° et OG +1,25 (-1,00) 100° avec une addition de 1,50 D. Avant de venir nous consulter, Pierre portait : OD +0.50 (-0,25) 85° ; OG : +0.75 (-0,50) 95° addition 1.50. La variation de la correction de vision de loin, bien que significative, reste limitée (elle n’excède pas 0,75 D sur la sphère, 0,50 D sur le cylindre et 10° sur l’axe). L’addition peut rester inchangée à 1.50 D car elle avait été sur-évaluée précédemment : Pierre décompense son hypermétropie plus qu’il ne voit sa presbytie augmenter. C’est cette prescription que nous pouvons lui proposer pour son équipement en verres progressifs. Pour ses travaux de bricolage minutieux, une correction de vision de près avec une addition augmentée de 0,50 D constituera un complément utile à sa paire de verres progressifs. Nous lui proposons donc les puissances de vision de près de OD +3,00 (-0,50) 80° et OG +3,25 (-1,00) 100° en verres unifocaux ou dégressifs (à faible dégression car l’addition reste faible et pour maximiser la largeur du champ de vision). Nous procédons alors à un “essai en situation” : nous plaçons la prescription de vision de loin sur la lunette d’essais et demandons à Pierre d’évaluer son confort de vision de loin à l’infini (à travers une fenêtre) et lui demandons même de se lever et se déplacer pour évaluer son confort en situation dynamique. Nous ajoutons ensuite l’addition de 1,50 D pour démontrer à Pierre, sur un test de lecture, la performance de la nouvelle correction de vision de près dont il bénéficiera ses verres progressifs. Nous y ajoutons ensuite +0,50 D pour lui présenter la correction qu’offrira sa lunette spécifique de vision de près. Cet essai final de la correction est primordial pour finaliser le choix de la prescription et doit être systématiquement proposé en fin d’examen. Il est une ultime vérification pour le praticien mais aussi une ultime confirmation pour le sujet. Le commentaire : Le cas de Pierre est un cas classique d’un presbyte en cours de décompensation de son hypermétropie. Son addition n’a pas besoin d’être augmentée mais sa vision de loin simplement besoin d’être plus complètement corrigée. Pour ses besoins spécifiques de vision rapprochée, lui proposer une paire de lunettes complémentaire de vision de près avec correction renforcée est le moyen de pleinement le satisfaire et d’éviter l’usage d’une addition plus élevée en verres progressifs qui réduirait inévitablement son confort de vision au quotidien. (*) Le Cahier d’Optique Oculaire “Réfraction Pratique”, dont ces Fiches Pratiques Réfraction sont des extraits, est disponible auprès de Varilux University. Vous pouvez le commander sur www.varilux-university.org. AVRIL 2008 BIEN VU N° 155 97