La Monomorine I Romain Laverrière 1 août 2013 Professeur : H N Me Prof. Alexandre Alexakis Table des Matières : 1 Résumé .............................................................................................................................................. 3 2 Introduction ...................................................................................................................................... 3 3 Synthèse de la monomorine I ............................................................................................................ 4 3.1 Première synthèse de la monomorine I : P. E. Sonnet et J. E. Oliver2 ...................................... 4 3.2 Deuxième synthèse de la monomorine I : T. L. Macdonald5 ...................................................... 5 3.3 Synthèse totale de la (-)-monomorine I et détermination de la configuration absolue de l’isomère (+) : J. Royer et H. P. Husson8 .................................................................................. 6 3.4 Synthèse totale de la (+)-monomorine I : N. Yamazaki et C. Kibayashi11 ................................ 7 3.5 Synthèse totale de la (+)-monomorine I : Momose et al.15 ........................................................ 9 3.6 Synthèse totale de la (+)-monomorine I : Higashiyama et al18. ............................................... 10 3.7 Synthèse de la (±)-monomorin I : Kel’in et al.22 ..................................................................... 11 3.8 Synthèse totale de la (+) et (-)-monomorine I : Toyooka et al.24 ............................................ 12 3.8.1 Synthèse de la (-)-monomorine I : .................................................................................... 13 3.8.2 Synthèse de la (+)-monomorine I :................................................................................... 13 4 Conclusion ....................................................................................................................................... 14 5 References ........................................................................................................................................ 15 2 1 Résumé Cette bibliographie retrace la recherche d’une synthèse viable de la monomorine. Dans un premier temps, sa structure partiellement élucidée en 1973 par Ritter et al. sera le fruit de deux synthèses. La première, proposée en 1974 par P. E. Sonnet et J. E. Oliver couvre toutes les possibilités émanent du travail de Ritter, alors que la deuxième, réalisée en 1979 par T. L. Macdonald, ne se concentre que sur une des possibilités mais utilise dans sa voie de synthèse des mécanismes alors novateurs. L’avènement de la production de la monomorine I arrive en 1984 avec les recherches menées par J. Royer et H. P. Husson qui déterminent avec exactitude la structure des deux énantiomères de la monomorine I et propose de surcroit une synthèse asymétrique totale de l’isomère (-). Dès lors, les publications portant sur cette molécule apportent chacun leur tour de nouvelles méthodes de catalyse asymétrique au fur et à mesure des avancées en chimie organique, jusqu’à l’obtention d’une synthèse rapide et efficace au 21ème siècle. 2 Introduction La fourmi tropicale pharaon, de son vrai nom Monomorium http://en.wikipedia.org/wiki/Pharaoh_ant pharaonis L., est une véritable plaie dans la plupart des batiments des pays non-tropicaux, notamment dans les hopitaux. En effet, étant de petite taille, elle peut se faufiler dans de minuscules orifices et y construire sont nie, peu lui importe la modernité de l’isolation du bâtiment qu’elle compte envahir. Néanmoins, cela reste commun à la plupart des fourmis. Le réel problème est que ces fourmis domiciliées sur le long-terme à l’hôpital deviennent Fourmi Pharaon porteuses de bactéries pathogènes et peuvent ainsi transmettre des maladies, comme le révèle des investigations menées dans 9 établissements médicaux britanniques1. Le nie étant souvent hors d’atteinte et les moyens usuels d’extermination de fourmi ne marchant pas, un moyen alternatif de prévenir, détecter ou contrôler la présence de la fourmi pharaon a été exploré. L’idée est alors d’utiliser un signal chimique qui leur est propre. En effet, les fourmis pharaon ont la particularité de tracer leur chemin d’une odeur persistante. Réussir à isoler et synthétiser cette molécule odorante permettrait donc de contrôler et court-circuiter leurs routes. H N Me (+)-monomorine I H N Cette molécule que sécrètent ces fourmis, la (+)-monomorine I, est une phéromone naturelle dérivée de l’indolizidine qui a donc suscité beaucoup d’intérêt et donc été la source de plusieurs publications. Elle possède aussi un énantiomère synthétique, biologiquement inactif, qui se nomme (-)-monomorine I. Leur nom IUPAC est (3S,5R,8aR)-3-Butyl-5methyloctahydroindolizine pour l’énantiomère naturel (+) et (3R,5S,8aS)-3-Butyl-5-methyloctahydroindolizine pour l’énantiomère syntétique (-). Elle se présente sous la forme d’une amine bicyclique (indolizidine), ramifié en C-3 par un n-butyl et en C-5 par un groupe méthyle, tous les protons des C stéréogènes se trouvent du même coté. Me (-)-monomorine I 3 3 Synthèse de la monomorine I 3.1 Première synthèse de la monomorine I : P. E. Sonnet et J. E. Oliver2 La première synthèse totale de la monomorine-I a été réalisée par Philip E. Sonnet et James E. Oliver en 1974. Elle fait suite à la l’isolation et l’identification de cette phéromone par Ritter et al. en 19733. Cependant, ces derniers n’ayant pu déterminer que la structure brute, Sonnet et Oliver propose une synthèse de quatre isomères de la monomorine (1a-d), tous étant potentiellement la phéromone désirée : H H N Me N n-Bu Me 1a H n-Bu N N n-Bu Me Me 1c 1b H n-Bu 1d Cette synthèse utilise la réaction de Hofmann-Loffler4 qui permet d’obtenir des pyrrolidines mono et bicycliques. L’avantage de cette approche est qu’elle nécessite comme précurseur du 2,6-lutidine (2) facilement disponible. H2 PtO 1) n-BuLi N 2) C 6H13 Br N 2 5a 1) NCS 2) hv/H2SO 4 3) NaOH 1a + 1b 6a n-Bu 4a 1) NCS 2) hv/H2SO 4 Na EtO H 2 N H n-Bu 5a H N H n-Bu 5a 6a 1c + 1d 3) NaOH En effet, le sel lithien de 2 réagit avec du 1-bromohexane pour former le 2-heptyl-6-methylpyridine (4a). Une hydrogénation permet alors d’obtenir le produit 5a. La trans-dialkylpiperidine 6a est obtenue par une réduction de 4a au sodium/éthanol qui produit un mélange 5a:6a 4:1. La colonne de distillation à bande tounante permet alors d’en séparer 6a. La cyclisation de Hoffmann-Loffer se fait finalement dans les conditions suivantes : chloration par Nchloramine dans de l’acide sulfurique concentré et neutralisation de l’acide par hydroxyde de sodium. Le résultat est un mélange 1:1 de 1a et 1b en partant de 5a, et un mélange 1:1 de 1c et 1d en partant de 6a, bien que le rendement de chaque distillation soit de 25%. De plus, les produits sont contaminés par des produits secondaires et le faible rendement général pousse à trouver une autre voie de synthèse. 4 N 1) n-BuLi 2) O N 2 4b 1) Ph3P•Br2 2) Et3N 1) Ph3P•Br2 2) Et3N 4b H2 PtO2 N 7 5b n-Bu 1a + 1b OH H2 2 PtO Na EtO H N H n-Bu 5b H N H 6b OH n-Bu 5b OH 1a n-Bu 6b 1) Ph3P•Br2 2) Et3N 1c + 1d Ainsi, en remplaçant le 1-bromohexane par du 1,2-epoxyhexane lors de la première étape, on obtient l’alcool 4b avec un rendement de 60%. Puis, un traitement du sel hydrobromique de 4b par de la triphenylphosphine et de la bromine dans de l’acétonitrile, suivit d’un reflux, produit du dihydroindolizinium (7) avec un rendement de 55%. L’hydrogénation de ce composé donne enfin 1a avec un rendement quantitatif (~100%). L’alcool cis-piperidique (5b) est préparé par hydrogénation de l’alcool pyridique 4b, et s’obtient avec un rendement de 63%. Puis, un traitement au dibromotriphenylphosphorane produit un mélange racémique de 1a et 1b. De la même manière qu’auparavant, l’alcool trand-pyperidique 6b est synthétisé par réduction de 4b dans un mélange sodium/éthanol, donnant lieu à un mélange non racémique 5b:6b de proportion 4:1. L’alcool 6b est enfin purifié par colonne de distillation à bande tournante. La cyclisation par dibromotriphenylphosphorane donne lieu à un mélange de 1c et 1d. Ainsi, les différents isomères de la monomorine I sont synthétisés en 5 étapes. Les faibles rendements tout comme les problèmes de purifications rencontrés lors de la première voix de synthèse ont aisément été contourné en fonctionnalisant la chaine latéral dès les premières étapes (groupement hyroxy sur 4b). De plus, les conditions expérimentales ne sont pas drastiques et les réactifs demeure peu couteux et facilement procurables. Finalement, bien que cette synthèse nécessite beaucoup de purifications en raison d’étapes non énantiosélectives, il est très intéressant de voir que la (-)-monomorine I (1a) est synthétisée avec un rendement tout-à-fait acceptable (33%) et surtout de manière sélective (sans nécessité d’isolement) en passant par le dihydroindolizinium. 3.2 Deuxième synthèse de la monomorine I : T. L. Macdonald5 En 1979, la stéréochimie exacte de la monomorine I n’est alors toujours pas élucidée. Néanmoins, les recherches menées en 1977 par Seebach et al. portant sur l’annélation cyclique de pyrrolydine en indolizidine6 permettent à T. L. Macdonald d’explorer une autre voie de synthèse pour deux phéromones, notamment la monomorine I. En outre, la même année paraît une publication de U. K. Pandit qui traite du 1-(methoxycarbonyl)-3-pyrroline (2)7. Ce dernier composé à en effet la faculté d’être facilement décarbomethoxydable et surtout d’engendrer par bis-alkylation un produit de très haute régio et stéréoselectivité (>95%). 5 Br n-BuBr LDA, THF n-Bu N CO 2Me 3 N CO 2Me 2 1) Me2SiI, CHCl 3 2) MeOH, Na2CO 3 n-Bu H Me N Br LDA, THF Br n-Bu H N CO 2Me 4 PtO2, AcOH N n-Bu H 5 1 Me H La synthèse s’initie donc avec l’alkylation de la pyrroline urethane 2 par du n-butyl bromide pour donner le 2-butylpyrroline 3 assorti d’un rendement de 65%. L’alkylation de ce dernier par réaction avec du 1,4-dibromopentane se produit exclusivement sur le site carboné primaire du dibromure et procure un mélange racémique du trans-2,5-dialkylpyrroline 4 avec un rendement de 71%. Puis, une N-decarbomethoxylation suivie d’une cyclisation via bromo-amine permet d’obtenir un mélange racémique de stéréoisomères (méthyl C-5) du dehydroindolizidine 5 avec un rendement de 76%. Pour finir, l’hydrogénation catalytique au platine provoque une isomérisation d’un des stéréoisomères et génère ainsi la monomorine 1, isolable et stéréochimiquement pur, avec un rendement de 43%. Ce comportement semble être par ailleurs général, notamment avec les alcaloïdes 3,5-dialkyl-∆3,4dehydroindolizidine et indépendamment de la source catalytique d’hydrogène. En résumé, cette approche a l’avantage d’être directe dans sa manipulation synthétique et produit un composé stéréochimiquement pur. De plus, la voie de synthèse choisie est générale et donc applicable à d’autres structures portant le même squelette. Même si le rendement global est deux fois inférieur à la synthèse précédente (15%), les étapes régio et stéréoselectives permettent d’éviter beaucoup de purification, en comparaison avec la première synthèse, ce qui rend la synthèse plus rapide et donc peut-être mieux adaptée à la snythèse en laboratoire. Malheureusement, la molécule obtenue n’est en réalité n’est par la monomorine (- ou +) mais un diastéréoisomère. 3.3 Synthèse totale de la (-)-monomorine I et détermination de la configuration absolue de l’isomère (+) : J. Royer et H. P. Husson8 J. Royer et H. P. Husson décrive pour la première fois en 1984 une synthèse énantiosélective totale et ciblée de la (-)-monomorine I (1), permettant ainsi d’établir la configuration absolue de l’énantiomère naturel (+). La synthèse fait suite à un papier publié par les mêmes auteurs9 reportant une procédure simple permettant la synthèse du composé chiral 2-cyano-6-oxazolopiperidine (2) avec un rendement totale de 55%. Cette molécule est un point de départ intéressant car elle est facilement synthétisable à partir de phenylglycol, de glutaraldehyde et de KCN, et donne lieu à des réactions sélectives sur le C-2 (αamino nitrile) ou C-6 (α-amino ether). De plus, une hydrogénation produit un centre azoté secondaire capable de générer une réaction de cyclisation intramoléculaire. 6 CN N O O O Ph CN Ph O 1) LDA, THF, -78 °C 2) I N O O 2 3 CH 3MgI O H2, Pd/C 5 O Ph O N N OH OH 6 MeOH, 1% HCl 1M N O Ph ether, -70 °C 6 Ph O 2) Zn(BH 4)2, -50°C O 4 O 1) AgBF 4, THF 7 N N Cl 8 1 Ainsi, 2 réagit avec du LDA pour donner une forme anionique qui s’alkyle avec l’iodo-cétal 3 pour former le seul produit 4 avec un rendement de 65% après une isolation par chromatographie flash sur silicagel. Ensuite, un traitement de 4 au AgBF4 complexe le groupement nitrile et permet de le réduire sélectivement par réaction avec du Zn(BH4)2. Le produit 5 est donc obtenu comme un mélange 3:2 d’épimères en C-6 d’oxazolidines avec un rendement de 84%.9 En le faisant réagir avec du CH3MgI, on obtient un mélange 4:1 de l’alcool cis 6 et trans 7. À noter qu’un mécanisme analogue impliquant un ion iminium pseudoaxial en C-2 avait été cité afin de rationaliser la stéréosélectivité de cette réaction10. Après séparation par colonne chromatographique, l’isomère 6 (55% à partir de 4) subit une hydrogénation catalytique ce qui provoque l’hydrogénolyse de l’auxiliaire chiral (-CH(Ph)CH2OH) ainsi que la libération d’un groupement cétone. On constate alors la formation de l’intermédiaire iminium 8 qui poursuit doucement sa réduction pour former la (-)-monomorine I (1) avec un rendement de 70% après isolation. La configuration absolue des centres C-5 et C-9 étant connues sur la base de travaux précédents9, la configuration absolue de la (-)-monomorine I (1) est déterminée comme 3S,5R,9R. L’énantiomère naturel (+) devant être dextrogyre, il possède donc la configuration absolue 3R,5S,9S. L’intérêt dans cette voie de synthèse, outre la détermination de la configuration absolue de la (+)monomorine I, réside dans son caractère asymétrique. En effet, c’est la première synthèse de ce type parue pour la monomorine et bien que le rendement global soit faible (13%), le nombre d’étape reste assez proche des synthèses précédentes et l’utilisation d’un auxiliaire chiral en fait une synthèse particulièrement intéressante. 3.4 Synthèse totale de la (+)-monomorine I : N. Yamazaki et C. Kibayashi11 Remarquant qu’aucune synthèse de l’énantiomère naturel de la monomorine I (ie. (+)-monomorine I) n’a été publiée, N. Yamazaki et C. Kibayashi décident d’en reporter en 1988 la première synthèse asymétrique totale. Elle utilise notamment l’induction 1,2-asymmetrique basée sur l’addition d’hydrure aux α,β-dialkoxycétones acycliques de façon contrôlée et prévisible12. 7 H HO COOEt OH H COOEt 2 PhCH2O MOMO OMOM H O n-BuMgBr ether PhCH2O MOMO OMOM n-Bu OH PhCH2O MOMO 4a 3 Oxydation de Swern PhCH2O MOMO OMOM n-Bu O O H MOMO 2) H2, Pd/C, MeOH 3) Oxydation de Swern Zn(BH 4)2 PhCH2O MOMO Et2O OH OMOM n-Bu THF MOMO 9 OMOM n-Bu NPhth MgBr 1) 2) Oxydation de Swern 1) MsCl, Et3N, CH 2Cl 2 2) PhCH2OCOCl, Na2CO 3, CH 2Cl 2 N Cbz 2) t-BuOK, THF 3) conc. HCl, MeOH O N Cbz toluène NPhth MOMO NHCbz 10 O Imidazole, triiodoimidazole N Cbz Ph3P, toluène 11 Ph3P, Zn OMOM n-Bu MOMO 8 OH HO OH OH OMOM n-Bu 1) (NH 2)2, EtOH NPhth OMOM n-Bu 6 7 LiBH(sec-Bu)3 OH 4b 5 1) Ph3P, Phtalamide, DEAD, THF OMOM n-Bu 12 (procédé de Wacker) O 2, PdCl2, CuCl 2, DMF-H2O O N Cbz 13 H H2, Pd/C MeOH N H Me H 1 Ainsi, la cétone 5 portant le groupe protecteur methoxymethyl ether en α et β est préalablement préparée à partir du diethyl L-tartrate selon une méthode publiée13. Cette méthode présente une synthèse en 6 étapes durant lesquelles du 4-O-benzyl-2,3-O-bis(methoxymethyl)-L-threose (3), disponible à partir du diethyl L-tartrate (2), subit une addition du réactif de grignard n-butyl. Le résultat est un mélange d’alcool xylo (4a) et lyxo (4b) Zn séparable par chromatographie. Finalement, une oxydation de Swern14 est appliquée au mélange, ce qui a pour effet d’oxyder MOMO O OHOMOM l’alcool secondaire 4 en cétone 5 avec un rendement de 83H R 99%. Ce dernier est alors réduit par Zn(BH4)2 pour obtenir H n-Bu R H n-Bu l’alcool 6 avec un rendement de 95% et une très grande sélectivité anti (>99 :1) du à l’intermédiaire chelaté par le 5 6 H zinc (cf. image ci-contre). Puis une conversion en aldéhyde (7) 8 est engendrée par la réaction de Mitsunobu avec des phtalamides suivie d’une débenzylation par hydrogénation catalytique et finalement d’une oxydation de Swern pour un rendement totale de 41%. Ensuite, une réaction de Grignard puis une nouvelle oxydation de Swern permettent d’obtenir la cétone 8 avec un rendement de 78%. Subséquemment, une réduction avec du L-Selectride réduit sélectivement le groupe carbonyle par attaque du coté le moins encombré, produisant ainsi l’alcool syn 9 (syn:anti = 98:2) avec un rendement de 83%. Puis, le groupement phtalique est retiré avant qu’un N-benzyloxycarbonylation ne soit appliquée pour donner 10 avec un rendement de 80%. Après quoi, une mésylation suivie d’une cyclisation induite par une base produit exclusivement la (2S,5R)pyrrolidine (11) avec un rendement de 83% après clivage du groupement protecteur MOM. A noté l’inversion de configuration de C-6 (R en S). Alors, en pratiquant un traitement au triiodoimidazole et triphénylphosphine, nous obtenons l’époxyde 12 avec un rendement de 82%. Ce dernier est alors désoxygéné par mélange de zinc et de triphénylphosphine, ce qui produit le dérivé 3-pyrroline 13 avec un rendement de 93%. Finalement, par le procédé de Wacker, une oxydation sélective de l’oléfine terminale suivie d’une hydrogénation catalytique donne exclusivement la (+)-monomorine I (1) avec un rendement de 62%. Bien qu’elle comporte des étapes très diastéréosélectives, cette synthèse est relativement longue et possède par conséquent un rendement global très faible. Elle a cependant le mérite d’utiliser certains procédés novateurs comme le procédé de Wacker, qui utilise avec habileté la chimie d’organopalladium encore très utilisée aujourd’hui, notamment à l’échelle industrielle. 3.5 Synthèse totale de la (+)-monomorine I : Momose et al.15 En 1990, Momose et al. proposent une synthèse asymétrique de la (+)-monomorine I basée sur la méthode de Koga16. Cette dernière porte sur la déprotonation asymétrique de cétones bicycliques σsymétriques avec un très fort excès énantiomérique. N N O N Cbz t Bu Ph NH 1) O 3, CH 2Cl 2 -MeOH (10:1) 3 n-BuLi, TMSCl-HMPA 2 MOMO H 1) MOMCl, iPr2EtN 2) Super-Hydrure, THF 3) TsCl, pyridine H N Cbz HO H 3) CH 2N2 X Chlorure d'allylmagnésium, CuI THF MOMO H 6a X = OH 6b X = OTs 6c X = I 4) NaI, acétone H 1) conc. HCl, MeOH 2) (COCl) 2, DMSO, Et3N H N Cbz 8 3) CH 3CH 2CH=PPh 3 H Bu n 5% Pd/C, MeOH N Cbz 4 OTMS 2) NaBH 4 Me H O 2, PdCl2, CuCl H N Cbz 5 H CO Me 2 H N Cbz 7 O N Cbz 9 H N H 1 9 Ainsi, la 8-azabicyclo[3.2.1]octan-3-one N-protégée (2) réagit tout d’abords avec une base chirale (3) en présence de n-BuLi pour subir une déprotonation cinétique selon la méthode de Koga16, et produit l’alcool protégé 4 en présence de chlorure de triméthylsilicium avec un excès énantiomérique de 90% et un rendement de 89%. L’asymétrie de la réaction est due à la présence du lithium qui chélate la base (par ses atomes d’azotes) ainsi que l’oxygène de la cétone17. Cela a pour effet d’orienter la base et donc, à cause de la gêne stérique due au groupe phényle, de déprotoner préférentiellement un proton par rapport à l’autre. Ensuite, l’ozonolyse de 4 suivie d’une réduction procure un acide carboxylique qui, après estérification au diazométhane, donne le dérivé pyrrolidine cis-2,5-disubstitué 5. L’hydroxyle de ce dernier est alors protégé par du chlorure de méthoxymethyle avant de subir une réduction au triéthylborohydrure de lithium (Super-Hydrure) pour former l’alcool 6a avec un rendement de 84%. Il est convertit un tosylate (6b), puis en iodure (6c) pour finalement être soumis à une réaction de couplage croisé Grignard en présence de cuivre(I) afin de former l’oléfine 7 avec un rendement de 70%. Ensuite, l’oléfine 7 est transformée en dioléfine 8 par la déprotection de l’alcool suivie d’une oxydation de Swern14 et enfin d’une réaction de Wittig (bromure de propyltriphenylphosphine et n-BuLi). Le rendement de cette transformation est de 77%. Une oxydation sélective selon le procédé de Wacker, mettant en jeu la chimie des complexes organométalliques, permet d’obtenir doucement la cétone 9 avec un rendement de 84%. Finalement, une hydrogénation catalytique dans le méthanol produit la (+)-monomorine I (1) selon un rendement de 70% après recristallisation. On retrouve dans cette synthèse des similitudes avec la synthèse proposée par N. Yamazaki et C. Kibayashi, notamment lors des dernières étapes. Toutefois, l’utilisation de la méthode de Koga16 permet d’obtenir le dérivé pyrrolidine 5 bien plus rapidement et plus efficacement que lors de la synthèse précédente (ie. N. Yamazaki et C. Kibayashi – composé 11). De plus, l’utilisation de la cétone bicyclique 2 comme composé de départ permet d’obtenir un produit fonctionnalisé sur lequel il est relativement aisé de travailler. Ainsi, non seulement le rendement global de cette voie de synthèse (24%) est supérieur à la synthèse précédente mais le nombre d’étape est aussi grandement diminué. 3.6 Synthèse totale de la (+)-monomorine I : Higashiyama et al18. En 1992, Higashiyama et al. travaillent sur une synthèse asymétrique utilisant la réaction fortement diastéréosélective d’un réactif de Grignard et d’une 1,3-oxazolidine19. Ils reportent la même année une application très prometteuse de cette réaction à la synthèse de deux alcaloïdes dérivés de la pipéridine20. La monomorine faisant partie elle aussi de la même famille, ils tentent de réaliser en 1994 une synthèse énantiosélective totale de la (+)-monomorine I (1) basée sur cette réaction. Ainsi, à partir de méthyl levulinate 2, une procédure connue21 permet d’obtenir facilement le méthyl4,4-(ethylenedioxy)octa-2,7-dienoate 3 qui subit alors une hydrogénation catalytique afin d’obtenir l’ester 4. Ce dernier est réduit par LiAlH4 en acide carboxylique 5 puis oxydé en aldéhyde 6 par pyridinium chlorochromate pour un rendement totale de 57%. Puis, une condensation avec le Nbenzylphenylglycol 7 dans du dichlorométane en présence de sulfate de magnésium produit la 1,3oxazolidine 8 avec un rendement quantitatif. En raison de la faible quantité du produit mineur (< 7%), aucune purification n’a été effectuée. Arrive alors l’étape clé de cette synthèse. En effet, la réaction de 8 avec du bromure de pent-4-enylmagnesium fourni l’alcool 9 dans un mélange diastéréoisomérique inséparable d’un ratio 91.5:8.5 en faveur du produit escompté et avec un rendement de 73%. Le procédé de Wacker fourni les méthylcétones 10a et 10b dans un mélange 4:96 avec un rendement de 78%. Les deux isomère sont finalement séparés par colonne chromatographique et la méthylcétone 10b est sujette à une hydrogénation catalytique ce qui produit la (+)-monomorine I (1) avec une rendement de 78% ainsi que son épimère en C-3, la (+)-indolizidine 195B (11) avec un rendement de 8%. 10 O O Référence 21 CO 2Me 2 O THF N H Ph H MgSO 4, CH 2Cl 2 N O O CH 2Cl 2 CHO 6 O H O THF 9 Ph O O MeOH Ph H N O O H O H2, 10% Pd/C H Bu N n 1 H Me H Bu Ph H N OH H 10b H H MeOH Ph OH 10a 10b OH H 8 O 2, PdCl2(MeCN) 2, CuCl 2 Ph H N O CH 2=CH(CH 2) 3MgBr CO 2Me O Ph O O 4 Ph H Ph OH 7 CO 2Me MeOH PCC CH 2OH 5 O H2, 10% Pd/C 3 O LiAlH 4 Ph O O N n 11 H Me Cette synthèse montre dans un premier temps la synthèse de l’intermédiaire clé, l’oxalozidine 8. Il est synthétisé avec un rendement proche de 50% et selon un schéma réactionnel relativement simple, à l’exception de la dernière étape, un peu plus subtile. La deuxième partie de la synthèse s’ouvre avec l’étape clé. En effet, le grignard ouvre habillement le cycle dans une réaction très diastéréosélective. Les étapes suivantes sont de nouveau communes et permettes d’obtenir un rendement total d’environ 20%. Ainsi, cette voie de synthèse a l’avantage de comporter assez peu d’étapes et d’être facilement réalisable en laboratoire, à l’exception peu être du procédé de Wacker qui nécessite un montage et des réactifs moins accessibles. 3.7 Synthèse de la (±)-monomorin I : Kel’in et al.22 En 2000, Alexander V. Kel’in, Anna W. Sromek et Vladimir Gevorgyan propose une nouvelle voie de synthèse pour la monomorine. En effet, durant leurs recherches sur la synthèse de pyrroles, ils remarquent que les synthèses efficaces parues jusqu’alors procédaient à plusieurs types de cycloadditions ou cycloisomérisations à partir de précurseurs acycliques, et étaient efficaces surtout pour former des pyroles 2,5-di ou polysubstituées. Cependant, aucune méthode ne traite de la formation de pyrrole monosubstituée. Ils décident alors d’explorer cette voie et trouvent une nouvelle méthode générale et efficace pour la synthèse de pyrroles 2-monosubstituées et 2,5-disubstituées, ainsi que pour la construction d’hétérocycles contenant un noyau pyrrole, via une cycloisomérisation catalysée au cuivre et à partir d’imines disponibles. 11 Br N n-Bu Pd(PPh3)2Cl 2 (1 mol %) NEt3, 1-heptyne 2 CuCl (2 eq.) N N NEt3-DMA (1:7) 3 4 n-Bu H CuCl (2 eq.) N NEt3-DMA (1:7) n-Bu 1 Ainsi, à partir de la bormopyridine 2, disponible dans le commerce, on obtient quantitativement l’alkynylpyridine 3 par la réaction de Sonogashira23 qui fait intervenir une réaction de couplage-croisé utilisant simultanément le palladium et le cuivre comme catalyseur. L’étape clé et novatrice intervient dans la cycloisomérisation qui produit l’indolizine 4 avec un rendement de 63%. Le mécanisme se déroule comme suit : Tout d’abord, la pyridine 3 subit une isomérisation sur l’effet d’une base pour former 5. Ce dernier est coordiné au cuivre par sa liaison allélique terminale (6) ce qui le rend sujet à une attaque nucléophile intramoléculaire pour produire le zwitterion 7 qui s’isomérise en intermédiaire plus stable 8 pour finalement se transformer en indolizine (4). La monomorine (1) est alors obtenue par hydrogénation catalytique avec un rendement de 74%. n-Bu n-Bu H Base N Cu(I) N Cu n-Bu N 5 3 6 H Cu Cu(I) H C H n-Bu N 7 Cu N n-Bu 4 8 On constate alors que, même si cette synthèse procure un mélange de (+) et (-)-monomorine I, elle est de loin la plus efficace. D’une part car elle affiche un rendement total de 47%, et d’autre part car elle ne comporte seulement 3 étapes, faisant d’elle la plus rentable et la expéditive. Ainsi, Kel’in et al. ont mis au point une voie de synthèse non seulement efficiente pour la monomorine, mais aussi applicable pour la synthèse de nombreuses pyrroles et d’autres composés hétéroaromatiques résultants d’une fusion. 3.8 Synthèse totale de la (+) et (-)-monomorine I : Toyooka et al.24 En 2008, N. Toyooka, qui faisait partie de l’équipe de T. Momose en 1990 alors qu’il synthétisait la (+)-monomorine I15, présente ici avec son groupe de recherche une synthèse asymétrique et concise de la (-)-monomorine 1 ((-)-1) ainsi que son adaptation à la synthèse de la (+)-monomorine 1 ((+)-1). 12 3.8.1 Synthèse de la (-)-monomorine I : La lactam 2 est transformée en Cbz-imine 3, avec un rendement de 93%, puis en cétone acyclique 4 selon la procédure de Martin25 avec un rendement de 73%. Ensuite, une réduction stéréosélective par la face β la moins encombrée du sel iminium (dérivé de 4) mène à la pyrrolidine 2,5-cis-disubstituée 5 selon un rendement de 96%, toujours selon la procédure proposée par Martin25. Finalement, une métathèse-croisé catalysée par Grubbs de seconde génération26 (Grubbs II) fourni la cétone insaturée 6 (95%) qui, après hydrogénation catalytique, produit la (-)-monomorine (-)-1 avec un rendement de 88%. H O N H H LiHMDS, CbzCl THF O N Cbz 3 2 H Ph3SiH, BF3 •Et 2O H N Cbz 5 CH 2Cl 2 n-BuMgBr, TMEDA THF methyl vynil cétone O H NH O Cbz 4 H H N Cbz 6 Grubbs II cat. Ch 2Cl 2 H Pd(OH)2, H2 N EtOH n-Bu (-)-1 3.8.2 Synthèse de la (+)-monomorine I : Pour la synthèse de l’énantiomère (+), la molécule de départ change et devient la lactame 7. Comme précédemment, elle est convertie en Cbz-imine puis en cétone 8 selon un rendement de 55%. Une cyclisation via un ion iminium intermédiaire produit la pyrrolidine 9 (90%) qui est alors soumise à une oxydation de Wacker afin d’obtenir la méthyl cétone 10 avec un rendement de 86%. Finalement, la (+)-monomorine I ((+)-1) est obtenue après une hydrogénation catalytique affichant un rendement de 84%. H N H 7 H n-Bu H N Cbz 9 O H 1) H2, 10% Pd/C, EtOAc n-Bu 2) LiHMDS, Cbz, THF 3) 5-pentylMgBr, TMEDA, THF PdCl2, CuCl, O 2 H2O-DMF H n-Bu H N Cbz 10 Ph3SiH, BF3 •Et 2O NH O Cbz 8 CH 2Cl 2 O H Pd(OH)2, H2 EtOH N n-Bu (+)-1 Les deux synthèses ci-dessus proposées par Toyooka et al. apparaissent comme étant les plus efficaces présentées ici. En effet, les rendements sont plutôt bons, voir très bons en ce qui concerne la (-)monomorine (54% pour la (-), 36% pour la (+)), et le nombre d’étape ne dépasse pas 6. De plus, ces synthèses utilisent des précurseurs commercialement disponibles et les produits obtenus semblent 13 énantiopurs. Ces prouesses ne sont pas anodines, et l’utilisation de la métathèse de Grubbs II, du moins pour l’énantionère (-), y est pour quelque chose. Il faut dire que cette dernière a révolutionné la chimie organique moderne et a ouvert de nouvelles voies de synthèses pour bien des composés, pas seulement la monomorine I. 4 Conclusion Pour conclure, on distingue une nette progression au fil des années, tant au niveau des rendements qu’au niveau de la simplicité. Le développement à partir des années 90 des réactions catalysées par les métaux de transition permet de développer de nouvelles stratégies et de produire alors plus simplement, plus rapidement et surtout plus efficacement tant au niveau de la pureté qu’au niveau du rendement total. Cependant, même si le travail de Tayooka et al. semble être le plus abouti en ce qui concerne ces points, certaines étapes peuvent toujours être améliorées. En effet, la chimie organique a fait de telles avancées pendant les quarante dernières années que couvre cette bibliographie, qu’il n’est pas impossible que la meilleure synthèse actuelle de la monomorine soit largement optimisée dans un futur proche. 14 5 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. References S. Beatson, The Lancet, 1972, 299, 425–427. P. E. Sonnet and J. E. Oliver, J. Heterocycl. Chem., 1975, 12, 289–294. F. J. Ritter, I. E. M. Rotgans, E. Talman, P. E. J. Verwiel, and F. Stein, Experientia, 1973, 29, 530–531. E. J. Corey and W. R. Hertler, J. Am. Chem. Soc., 1960, 82, 1657–1668. T. L. Macdonald, J. Org. Chem., 1980, 45, 193–194. D. Seebach, D. Enders, and B. Renger, Chem. Ber., 1977, 110, 1852–1865. J. C. L. Armande and U. K. Pandit, Tetrahedron Lett., 1977, 18, 897–898. J. Royer and H. P. Husson, J. Org. Chem., 1985, 50, 670–673. L. Guerrier, J. Royer, D. S. Grierson, and H. P. Husson, J. Am. Chem. 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