Fiche d`actualité scientifique n°245 ( PDF , 81 Ko)

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Fiche n°245 - Juin/juillet 2006
©IRD/Jean-François Trape
a borréliose, maladie
transmise à l’homme par
une tique, est responsable
de fièvres récurrentes dans
plusieurs régions d’Afrique.
Des chercheurs de l’IRD ont
suivi l’évolution de la maladie en Afrique de l’Ouest de
1990 à 2005 et ont mesuré
pour la première fois son
incidence dans une population rurale africaine. Sous
l’effet de la persistance de la
sècheresse, la tique s’est
propagée hors de la zone
sahélienne et a colonisé les
terriers de rongeurs dans la
plupart des villages du
Sénégal, du Mali et de
Mauritanie. L’incidence de la
maladie est particulièrement
élevée : selon les années, de
4% à 25% de la population
étudiée a présenté une borréliose. Sur une période de 14
ans, l’incidence annuelle
moyenne a été de 11%, ce qui
constitue le taux le plus élevé
observé en Afrique pour une
maladie bactérienne. Les
mêmes personnes peuvent
présenter de nombreuses
fois la maladie en raison de
la capacité de la bactérie à
déjouer le système immunitaire de l’homme. Malgré son
importance, la borréliose est
restée méconnue car cette
maladie est systématiquement confondue avec le
paludisme qui présente les
mêmes signes cliniques et
qui sévit dans les mêmes
populations.
L
En Afrique, morbidité record
pour une maladie émergente méconnue
Tique Ornithodoros sonrai, vecteur de la borréliose
La borréliose à tiques est une maladie
due à des bactéries du genre Borrelia
dont deux sont rencontrées en Afrique
tropicale : Borrelia crocidurae en zone
saharienne et sahélienne, Borrelia duttoni
en Afrique de l’Est. Cette affection provoque des fièvres récurrentes au long
cours pouvant entraîner des méningoencéphalites graves et parfois la mort des
patients. En Afrique de l’Ouest, le vecteur
de la transmission à l’homme de Borrelia
crocidurae est la tique Ornithodoros sonrai, qui vit en contact étroit avec les petits
rongeurs sauvages dont elle habite les
terriers. Cette maladie était considérée
comme rare jusqu’à la fin des années
1980 quand une équipe de chercheurs de
l’IRD à montré qu’en zone rurale dans la
région de Dakar la borréliose à tiques
était, après le paludisme, la cause la plus
fréquente de consultation des patients en
dispensaire.
Depuis 1990, l’IRD a débuté un vaste
programme de recherche sur cette maladie, d’abord au Sénégal, puis dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest. Au
Sénégal, ces travaux ont montré que la
tique avait colonisé les régions de savane
soudanienne et que l’extension de la maladie était étroitement associée au recul
de la pluviométrie moyenne depuis le
début de la sécheresse en 1970. La progression de la borréliose a alors incité l’équipe de recherche à approfondir les
recherches épidémiologiques et à étudier
les tendances sur le long terme de la maladie, en mesurant pendant 14 ans l’évolution de l’incidence de cette affection
dans une communauté rurale du Sénégal
qui était l’objet d’une surveillance démographique et de santé continue mené
conjointement par l’IRD, l’Institut Pasteur
et l’Université de Dakar.
>>
Institut de recherche pour le développement - 213, rue La Fayette - F-75480 Paris cedex 10 - France - www.ird.fr
Fiche n°245 - Juin/Juillet 2006
De 1990 à 2003, les chercheurs ont étudié la population de Dielmo, un village de
savane soudanienne dans la région du
Sine-Saloum au Sénégal, afin de mesurer
la fréquence et de décrire les manifestations cliniques du paludisme, de la borréliose à tiques et des fièvres non associées à ces maladies. L’équipe de recherche a résidé en permanence dans le village afin de rendre visite quotidiennement à
chaque villageois. Des examens médicaux et des tests biologiques ont été
effectués systématiquement en cas de
fièvre ou d’autres symptômes évoquant la
maladie. Chez les personnes sans symptômes, la présence de Borrelia crocidurae
était également recherchée au moins une
fois par an. Les chercheurs ont dénombré
tous les terriers présents dans les maisons et dans les cours des concessions.
De même, ils ont recherché la présence
de tiques ainsi que leur taux d’infection
par la bactérie et ont capturé des rongeurs et des insectivores afin d’étudier le
réservoir de la bactérie.
Pour en savoir plus
CONTACTS :
JEAN-FRANÇOIS TRAPE :
IRD 77 Paludologie
Afrotropicale, Sénégal,
Tél. : +221 849 35 82 ;
[email protected]
RELATIONS AVEC LES MÉDIAS :
01 48 03 75 19 ;
[email protected]
INDIGO, PHOTOTHÈQUE DE L’IRD
01 48 03 78 99 ;
[email protected]
RÉFÉRENCES :
LAURENCE VIAL, GEORGES
DIATTA, ADAMA TALL, EL HADJ
BA, HILAIRE BOUGANALI,
PATRICK DURAND, CHEIKH
SOKHNA, CHRISTOPHE ROGIER,
FRANÇOIS RENAUD,
JEAN-FRANÇOIS TRAPE,
"Incidence of tick-borne relapsing fever in west Africa :
longitudinal study", 2006.
The Lancet, 368 : 37-43.
Sur l’ensemble de la période d’étude,
11 % de la population en moyenne a souffert chaque année de la borréliose, ce qui
représente un niveau d’incidence exceptionnel pour une maladie quelle qu’en soit
la cause. Seul le paludisme, pour les maladies parasitaires et dans une moindre
mesure, la grippe pour les maladies virales, sont connus dans le monde pour pouvoir présenter des niveaux d’incidence
comparables sur une aussi longue période. Dans la population étudiée, la borréliose, principale cause de maladie après
le paludisme, a atteint tous les groupes
d’âge.
Les chercheurs de l’IRD ont alors entrepris des prospections systématiques au
Sénégal, au Mali et en Mauritanie afin de
préciser la répartition géographique de la
tique, mesurer le taux d’infection sur l’ensemble de son aire de répartition et établir
la proportion de villages concernés par la
maladie. Les résultats montrent que le
vecteur est massivement présent dans
ces trois pays partout où la pluviométrie
moyenne est inférieure à 750 mm. Sur 30
villages étudiés, 26 (87 %) étaient colonisés par la tique qui se trouvait en moyenne dans 31 % des terriers présents dans
les villages avec un taux d’infection par
Borrelia crocidurae de 21 %. Dans les
deux tiers des villages étudiés, le niveau
d’exposition des habitants à la borréliose
était même supérieur à celui des villageois de Dielmo. C’est dans la plupart
des régions rurales du Sénégal et du Mali
et dans l’ensemble de la Mauritanie que
la borréliose constitue un problème
majeur de santé publique.
Paradoxalement, cette maladie émergente, bien qu’elle soit devenue la plus
fréquente des affections bactériennes,
reste totalement méconnue des personnels de santé. En Afrique tropicale, particulièrement en zone rurale, les examens
de laboratoire sont rarement possibles
pour rechercher la cause d’une maladie.
Borrelia crocidurae est détectable dans
les prélèvements de sang uniquement
pendant les pics de fièvre, sa densité est
généralement très faible et son diagnostic
nécessite un microscopiste expérimenté.
Les symptômes de la maladie sont exactement similaires à ceux du paludisme qui
est très fréquent dans les mêmes populations. Ainsi, la maladie est systématiquement confondue avec le paludisme, et l’échec du traitement est attribué à une
résistance aux médicaments antipaludiques. Du fait de l’existence d’un réservoir animal et de l’omniprésence des rongeurs en zone rurale, la prévention de la
maladie n’est guère envisageable. Mais
un traitement bon marché et efficace est
possible en utilisant des antibiotiques de
la famille des tétracyclines que l’on trouve
dans la plupart des dispensaires de
brousse.
Rédaction IRD : Aude Sonneville
Marie Signoret, coordinatrice
Délégation à l’information et à la communication
Tél. : +33(0)1 48 03 76 07 - fax : +33(0)1 40 36 24 55 - [email protected]
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